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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/560/2024

DCSO/252/2024 du 07.06.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/560/2024-CS DCSO/252/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUIN 2024

 

Plainte 17 LP (A/560/2024-CS) formée en date du 19 février 2024 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 10 juin 2024
à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet d'une poursuite, n° 1______, de [l'assurance-maladie] B______ pour une créance de 4'712 fr. 25 (sans intérêts ni frais de poursuite).

b. B______ a requis la continuation de la poursuite le 3 juillet 2023 et participe seule aux opérations de saisie dans la série n° 2______.

c. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a avisé la débitrice de la saisie et l'a convoquée à une audition fixée le 19 octobre 2023, au cours de laquelle l'Office a établi ses revenus et ses charges. Il a retenu que la débitrice, retraitée, était au bénéfice d'une rente de prévoyance professionnelle de 2'580 fr. 10 et d'une rente AVS de 1'983 fr., soit un total de ressources de 4'563 fr. 10. Pour la période du 9 novembre 2023 au 29 février 2024, l'Office a admis les charges suivantes dans le minimum vital de la débitrice : montant de base mensuel pour un débiteur vivant seul de 1'200 fr., prime d'assurance-maladie mensuelle de 631 fr. 40, acompte mensuel de paiement d'un traitement dentaire de 500 fr., forfait mensuel pour les autres frais médicaux non pris en charge par l'assurance de 50 fr. et loyer de 1'568 fr., soit un total 3'949 fr. 40. Le paiement des acomptes pour les frais dentaires était établi jusqu’en février 2024 uniquement, les charges de la débitrice ont été réduites de 500 fr. dès le mois de mars 2024, jusqu'à la fin de la saisie, le 9 novembre 2024, soit un total mensuel de 3'349 fr. 40. La quotité saisissable des revenus de la débitrice a ainsi été arrêtée à 613 fr. 70 par mois de novembre 2023 à février 2024 et à 1'113 fr. 70 de mars à novembre 2024.

d. L'Office a établi le 12 janvier 2024 un procès-verbal de saisie faisant état d'une retenue, sur les revenus de la débitrice, à concurrence de 610 fr. par mois du 9 novembre 2023 au 29 février 2024 et de 1'110 fr. par mois du 1er mars 2023 (recte 2024) au 9 novembre 2024. Le procès-verbal de saisie précisait que : "Toutes modifications relatives à la situation économique du débiteur, a compris de ses charges, doivent être annoncées immédiatement à l'huissier soussigné pour une nouvelle décision. Les demandes devront être justifiées par pièces".

e. Dans le cadre d'un échange de courriels de janvier et février 2024, l'Office a confirmé à la débitrice qu'il tiendrait compte de la modification de ses primes d'assurance-maladie et de son loyer dès le 1er janvier 2024 si les pièces en prouvant le paiement lui étaient communiquées. Il en irait de même des acomptes pour honoraires de dentiste dont le paiement devrait se poursuivre au-delà du 29 février 2024, si un document formalisant l'accord convenu entre la débitrice et son médecin sur le montant des acomptes et la facture totale à régler était produit.

f. Si les preuves du montant modifié des primes d'assurance-maladie et du loyer, ainsi que les preuves de leur paiement ont été transmises à l'Office, ce dernier a continué à réclamer à la débitrice, par courriel du 14 février 2024, la production d'un document énonçant clairement le montant total des frais de traitement dentaire, les acomptes convenus et l'échéance de l'arrangement. L'Office avertissait la débitrice qu'à défaut de production d'un tel document, il la rembourserait chaque mois du montant versé à son dentiste, sur présentation de la facture acquittée.

B. a. Par acte expédié le 19 février 2024, A______ a formé une plainte auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) et exposait qu'elle n'entendait pas expliquer à son dentiste qu'elle faisait l'objet d'une poursuite et lui demander un document formalisant leur accord sur le paiement de ses honoraires par acompte. Elle s'interrogeait sur la légitimité des exigences de l'Office en la matière. Elle concluait à ce que ses acomptes d'honoraires de dentiste en 500 fr. par mois soient inclus dans son minimum vital à tout le moins du 29 février au 30 juin 2024.

b. Dans ses observations du 11 mars 2024, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte pour tardiveté puisqu'elle intervenait plus de dix jours après la notification du procès-verbal de saisie, le 18 janvier 2024. Sur le fond, à teneur formelle de ses conclusions, il s'en rapportait à justice, même si, à teneur de l'argumentation développée, il concluait en réalité à son rejet. Il considérait qu'il était en droit de demander des justificatifs des frais à introduire dans les charges de la débitrice, notamment s'agissant de frais futurs qui devaient être certains.

c. Les parties ont été informées par avis de la Chambre de surveillance du 19 mars 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Contrairement à ce que soutient l'Office, la plainte ne vise pas directement le procès-verbal de saisie du 12 janvier 2024, reçu le 18 du même mois par la plaignante, ce qui aurait entraîné l'irrecevabilité de la plainte pour tardiveté. Elle vise la décision contenue dans le courriel du 14 février 2024 par lequel l'Office refusait de modifier le procès-verbal de saisie en l'absence de production du document requis et ne rembourserait les montants saisis que sur le vu de factures acquittées d'acomptes d'honoraires de dentiste.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 121 III 20 consid. 3; 115 III 103 consid. 1c; 112 III 79 consid. 2) – l'Office tient compte de toutes les ressources du débiteur; puis, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, p. 128).

D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les frais médicaux nécessaires non pris en charge par une assurance, à l'exception des thérapies de confort (Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, p. 141), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

Les besoins futurs incertains ne doivent pas être retenus et ne pourront l'être, s'ils interviennent réellement en cours de saisie, que par le biais de la révision prévue à l'art. 93 al. 3 LP (Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 81 ad art. 93 LP).

Le débiteur peut demander une révision de la saisie à partir du moment où il établit qu’il paie effectivement de nouvelles charges admissibles dans le calcul du minimum vital (art. 93 al. 3 LP; ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; 112 III 19, JdT 1988 II p. 118).

2.1.3 Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP;
ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP).

2.2 En l'espèce, la plaignante souhaite voir introduits dans son minimum vital les acomptes mensuels de 500 fr. qu'elle allègue devoir payer à son dentiste, sans toutefois fournir à l'Office les preuves qu'il exige de l'accord conclu avec son dentiste en vue d'un règlement de ses honoraires par acomptes, de leur montant et de l'échéance de cet accord. En l'état, l'Office a tenu compte du versement de cet acompte dans les charges de la débitrice jusqu'à la fin du mois de février 2024 car elle lui avait fourni les pièces permettant d'en établir le paiement jusqu'à cette date. En revanche, il a refusé de l'introduire dans les charges mensuelles de la plaignante pour le futur sans preuve de l'existence d'un accord entre elle et son dentiste sur un tel mode de règlement des honoraires et de l'échéance de cet accord compte tenu du montant total d'honoraires à verser sous cette forme. Si une telle preuve n'était pas disponible, l'Office était disposé à rembourser à la débitrice les saisies de salaire opérées à concurrence des acomptes d'honoraires qu'elle aurait effectivement versés, sur présentation des preuves de paiement. L'Office a ainsi proposé à la plaignante deux modalités de prise en compte dans le calcul de son minimum vital du paiement effectif des acomptes d'honoraires pour son traitement dentaire. Ces modalités sont conformes à la marge d'appréciation dont dispose l'Office dans l'exécution de la saisie de gains. Elles tiennent en outre suffisamment compte des intérêts de la plaignante, qui ne saurait imposer une troisième voie qui ne fournit pas suffisamment de garanties que des charges futures incertaines retenues dans le minimum vital seront effectivement acquittées. La manière de procéder de l'Office ne prête par conséquent pas le flanc à la critique.

La plainte sera en conséquence rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 19 février 2024 de A______ contre la décision de l'Office du 14 février 2024 refusant de modifier la saisie dans la série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.