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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/279/2023

DCSO/152/2023 du 06.04.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.64.al2; lp.66.al4.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/279/2023-CS DCSO/152/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 AVRIL 2023

 

Plainte 17 LP (A/279/2023-CS) formée en date du 27 janvier 2023 par A______, comparant en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Selon les Registres de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), A______ est domiciliée à Genève, au chemin 1______ no. ______ à C______. L'intéressée confirme cette information, indiquant vivre seule et ajoutant que son emploi au service d'une société multinationale l'amène à effectuer de fréquents déplacements à l'étranger.

b. Par réquisition du 6 juillet 2022, [l'assurance maladie] B______ a engagé à l'encontre de A______ une poursuite ordinaire en recouvrement de divers montants allégués être dus au titre de primes de l'assurance maladie obligatoire, de participations aux coûts, de frais administratifs, de frais de notification et d'intérêts échus.

Malgré de nombreuses tentatives, le commandement de payer, poursuite n° 2______, établi le 14 juillet 2022 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) n'a pu être notifié par la Poste à la poursuivie à son domicile de C______. Par "sommation" adressée le 6 septembre 2022 à A______ sous pli A+, l'Office l'a alors invitée à se présenter dans les dix jours dans ses locaux afin de s'y faire remettre cet acte de poursuite, sans plus de succès.

c. Par réquisition du 6 septembre 2022, B______ a engagé à l'encontre de A______ une autre poursuite ordinaire en recouvrement de divers montants allégués être dus au titre de primes de l'assurance maladie obligatoire, de participations aux coûts, de frais administratifs et d'intérêts échus.

Là encore, le commandement de payer, poursuite n° 3______, établi le 9 septembre 2022 par l'Office, n'a pu être notifié par la Poste à la poursuivie à son domicile de C______ malgré de nombreuses tentatives à cet effet. Un collaborateur de l'Office s'est alors rendu au domicile de A______, alors absente, puis, après avoir constaté que son nom figurait sur la boîte aux lettres et sur la porte, a tenté en vain de prendre contact avec elle par téléphone, laissant finalement sur place un avis "bleu" l'informant d'une prochaine notification par publication.

d. Le ______ novembre 2022, l'Office a procédé à la notification par publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) et la Feuille d'avis officielle (FAO) des commandements de payer, poursuites n° 2______ et 3______.

Aucune opposition n'a été formée dans les dix jours de ces notifications.

e. La poursuivante ayant requis la continuation desdites poursuites au début du mois de décembre 2022, l'Office, le 16 janvier 2023, a adressé à A______ deux avis de saisie pour le 30 janvier 2023.

B. a. Par acte adressé le 27 janvier 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les commandements de payer, poursuites n° 2______ et 3______, concluant à ce qu'ils soient "suspendus" jusqu'à la fin des procédures l'opposant devant les instances administratives à B______, puis à ce qu'ils lui soient à nouveau notifiés. A l'appui de ces conclusions, elle a fait valoir en substance qu'elle avait appris l'existence des poursuites litigieuses à réception des avis de saisie du 16 janvier 2023 et avait donc été privée de la possibilité de former opposition aux commandements de payer, qui ne lui avaient jamais été valablement notifiés.

b. Par ordonnance du 30 janvier 2023, la Chambre de surveillance, faisant droit aux conclusions préalables de la plaignante, a octroyé l'effet suspensif à la plainte.

c. Dans ses observations du 9 février 2023, l'Office, sans prendre de conclusions formelles, a estimé avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour prendre contact avec la poursuivie, dont on comprenait mal qu'elle n'ait pas réagi aux multiples avis et courriers qui lui avaient été adressés.

B______ ne s'est pour sa part pas déterminée.

d. Par courriers adressés les 13 et 17 février 2023 à la Chambre de surveillance, A______, indiquant avoir reçu de l'Office, le 7 février 2023, les duplicata des commandements de payer, poursuites n° 2______ et 3______, a demandé à pouvoir y former opposition.

Elle a par ailleurs émis divers griefs à l'égard de la créancière et sollicité des mesures d'instruction relatives au fond des créances invoquées en poursuites.

e. Par réplique du 6 mars 2023, A______ a par ailleurs pris position sur les observations de l'Office, relevant que celui-ci était parvenu à lui notifier des actes de poursuite le 3 novembre 2022 sur son lieu de travail et persistant pour le surplus dans ses conclusions.

f. En l'absence de duplique spontanée, la cause a été gardée à juger le 21 mars 2023.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Il n'appartient en revanche ni aux offices des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non; l'examen du bien-fondé de la prétention faisant l'objet de la poursuite relève en effet exclusivement de la compétence du juge ordinaire (ATF 113 III 2 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1); le débiteur qui entend contester l'existence, l'exigibilité ou la quotité de la créance en poursuite doit ainsi former opposition au commandement de payer puis faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure de mainlevée et, le cas échéant, dans celui d'une action en reconnaissance ou en libération de dette.

1.2 La plainte est en l'espèce dirigée contre des mesures de l'Office (notification d'un commandement de payer par voie de publication et envoi d'un avis de saisie) pouvant être contestées par cette voie et émane d'une partie à la procédure d'exécution forcée exposée à être lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle respecte la forme écrite, comporte une motivation suffisante et l'on comprend de ses explications que la plaignante souhaitait que les commandements de payer litigieux lui soient à nouveau notifiés.

Dans la mesure où il ne résulte pas du dossier que la plaignante aurait eu connaissance de l'existence des poursuites litigieuses – et donc du fait que des commandements de payer avaient été établis et notifiés – avant la réception, au plus tôt le 17 janvier 2023, des avis de saisie du 16 janvier 2023, il faut par ailleurs retenir que la plainte a été formée en temps utile.

Elle est donc recevable.

Il ne sera en revanche pas entré en matière sur les griefs soulevés par la plaignante en relation avec le fond des prétentions invoquées en poursuite, ni sur les mesures d'instruction sollicitées à cet égard, ces questions relevant de la compétence du seul juge ordinaire, en l'espèce administratif.

2. 2.1.1 La notification, qui est une forme qualifiée de communication (art. 72 LP), consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP).

Pour les personnes physiques dont le domicile - connu - se trouve au for suisse de la poursuite, les divers modes de notification et l'ordre dans lequel l'Office doit y avoir recours sont régis par les art. 64 et 66 al. 4 LP. Il résulte en particulier de l'art. 64 al. 1 LP que l'Office doit dans un premier temps tenter de notifier lui-même - directement ou par l'intermédiaire d'un auxiliaire, tel la Poste ou POSTLOGISTICS - l'acte en mains du poursuivi ou d'une personne habilitée à le recevoir pour lui, et ce en sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession. Lorsque la notification par la voie postale a échoué, il est fréquent en pratique que l'Office, afin de procéder à cette remise en mains propres du commandement de payer, convoque le débiteur en ses locaux ou le somme de s'y présenter. Sous l'angle du droit de l'exécution forcée, il ne s'agit toutefois là que d'une simple information au débiteur selon laquelle cet acte est à sa disposition dans les locaux de l'Office, sans que sa situation ne s'en trouve modifiée (ATF 138 III 25 consid. 2.1). En particulier, il n'a aucune obligation de venir retirer cet acte (ATF 136 III 155 consid. 3.1).

Lorsque ni le débiteur ni l'une des personnes de remplacement prévues par l'art. 64 al. 1 LP ne peut être atteinte, l'acte de poursuite doit être remis à un fonctionnaire communal ou à un agent de la police, à charge de le notifier au débiteur (art. 64 al. 2 LP).

2.1.2 Selon l'art. 66 al. 4 LP, la notification peut intervenir par publication lorsque le débiteur n'a pas de domicile connu (ch. 1), lorsqu'il se soustrait obstinément à la notification (ch. 2) et lorsque, cumulativement, son domicile se trouve à l’étranger et que la notification au sens de l'art. 66 al. 3 LP ne peut être obtenue dans un délai convenable (ch. 3).

En raison du risque élevé que le débiteur ne prenne pas effectivement connaissance de la publication et parce qu'elle est susceptible de porter atteinte à la bonne réputation du débiteur, il n'est possible de recourir à la notification par voie édictale qu'en ultima ratio, lorsqu'il n'y a pas d'autres moyens d'atteindre le débiteur. Cette stricte subsidiarité est une condition générale applicable aux trois hypothèses dans lesquelles l'art. 66 al. 4 LP autorise une notification par voie de publication (Jeanneret/Lembo, in CR LP, 2005, N 19 ad art. 66 LP et les références citées).

La notification par voie édictale pour cause de soustraction à la notification (art. 66 al. 4 ch. 2 LP) présuppose ainsi en particulier que les modes de notification principal et subsidiaire prévus par l'art. 64 al. 1 et 2 LP aient été tentés vainement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_542/2014, consid. 5.1.2; Penon/Wohlgemuth, in Kommentar SchKG, 2017, 4ème édition, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], N 24 ad art. 66 LP; Gehri, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 14 ad art. 66 LP; Jaques, De la notification des actes de poursuite, BlSchK 2011 p. 177 ss, 186; Angst/Rodriguez, in BAK SchKG I, 3ème éd., 2021, n° 22 ad art. 66 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Articles 1-88, 1999, n° 66 ad art. 66 LP; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/191/2020 du 12 juin 2020 consid. 2.1; DCSO/583/2017 du 9 novembre 2017 consid. 2.1; DCSO/595/2017 du 9 novembre 2017 consid. 2.2; DCSO/251/2016 du 11 août 2016 consid. 2.1).

2.1.3 Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101consid. 2).

2.2.1 L'Office n'a en l'occurrence pas indiqué dans ses observations sur quel chiffre de l'art. 66 al. 4 LP il s'était fondé pour procéder à la notification par voie de publication. Dans la mesure toutefois où il n'est pas contesté que la plaignante dispose en Suisse d'un domicile connu, ce qui exclut d'emblée l'application des ch. 1 et 3, seule l'hypothèse du chiffre 2, soit celle du débiteur se soustrayant obstinément à la notification, peut entrer en considération.

La question de savoir si les conditions d'application de cette disposition, notamment l'exigence d'un comportement intentionnel de la part du débiteur, sont réalisées en l'espèce n'a cela étant pas à être examinée : il ne ressort en effet pas du dossier que l'Office aurait, avant de recourir à la notification par voie de publication, vainement tenté de notifier le commandement de payer par l'intermédiaire d'un fonctionnaire communal ou d'un agent de police conformément à l'art. 64 al. 2 LP. Il n'a donc pas épuisé les modes de notification (principal et subsidiaire) prévus par la loi pour notifier les commandements de payer litigieux en mains de la plaignante elle-même avant d'avoir recours à la notification par voie de publication.

Les notifications intervenues le ______ 2022 sont donc viciées.

2.2.2 Alors qu'elle concluait dans sa plainte à ce qu'il soit ordonné à l'Office de répéter les notifications, la plaignante a par la suite sollicité de la Chambre de céans, par courriers des 13 et 17 février 2023, de pouvoir former opposition aux commandements de payer, dont elle expliquait avoir eu connaissance le 7 février 2023.

Ces courriers doivent être interprétés comme comportant une déclaration d'opposition au sens de l'art. 74 al. 1 LP. Dans la mesure où l'Office, auquel incombait la charge de la preuve à cet égard, n'a pas établi que la plaignante aurait eu connaissance du contenu des commandements de payer litigieux avant le 7 février 2023, ces déclarations respectent le délai de dix jours prévu par cette disposition. Le fait qu'elles aient été adressées à la Chambre de céans plutôt qu'à l'Office ne porte par ailleurs pas préjudice à la plaignante au vu de la teneur de l'art. 32 al. 1 LP, selon lequel un délai est réputé observé lorsqu'une autorité d'exécution incompétente est saisie en temps utile.

L'Office, auquel les courriers de la plaignante des 13 et 17 février 2023 ont d'ores et déjà été transmis, sera donc invité à enregistrer les oppositions formées dans les poursuites litigieuses. Les intérêts de la plaignante étant ainsi sauvegardés, il n'y a pas lieu d'annuler les commandements de payer, ce à quoi elle n'a du reste pas conclu.

Les avis de saisie du 16 janvier 2023 seront pour leur part annulés, les poursuites ne pouvant être continuées aussi longtemps que les oppositions formées par la plaignante n'auront pas été retirées ou écartées.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée par A______ contre les commandements de payer, poursuites n° 2______ et 3______, notifiés le ______ 2022.

Au fond :

L'admet.

Invite l'Office cantonal des poursuites à enregistrer les oppositions aux commandements de payer formées par A______ dans les poursuites n° 2______ et 3______.

Annule les avis de saisie établis le 16 janvier 2023 dans les poursuites n° 2______ et 3______.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.