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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2189/2017

DCSO/595/2017 du 09.11.2017 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : LP.46; LP.67.1; LP.64.1; LP.64.2 LP.66.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2189/2017-CS DCSO/595/17

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2017

Plainte 17 LP (A/2189/2017-CS) formée en date du 19 mai 2017 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 14 novembre 2017
à :

- A______

- Office des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 4 mai 2016, A______ a requis la poursuite de B______ [recte B______] pour un montant de 15'803 fr. avec intérêts à 5 % dès le 23 décembre 2015 et mentionné que le domicile de la débitrice se situait au C______, 1______ D______.

b. Cette adresse correspond à celle figurant dans les registres de l'Office cantonal de la population (OCP).

c. Le 29 septembre 2016, l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a édité un commandement de payer, poursuite 16 xxxx10 B.

La notification par voie postale a échoué, la poste ayant retourné le commandement de payer avec la mention "en poste restante".

d. Les 18 octobre et 5 décembre 2016, A______ s'est enquis de la suite donnée à sa réquisition de poursuite et a demandé la notification du commandement de payer par voie édictale.

e. Par courriers expédiés les 21 février, puis 16 mars 2017, l'Office a convoqué la poursuivie en ses bureaux afin de lui remettre le commandement de payer, respectivement l'a sommée de se présenter.

Elle n'a donné aucune suite à ces courriers. L'envoi recommandé contenant la sommation n'a pas été retiré.

f. L'Office a dépêché un agent notificateur au C______ à D______ le 10 mai 2017.

Le rapport contient le nom de la régie et la case "non-lieux" est cochée, l'heure de passage indiquée est 10h56. Le document est vierge pour le surplus, aucune des cases correspondant, entre autres, à la présence du nom sur la boîte aux lettres ou à la porte n'étant cochée.

g. À teneur de son courrier du 11 mai 2017 adressé à A______, l'Office a considéré que la poursuivie était introuvable à l'adresse mentionnée sur la réquisition de poursuite, selon le constat de l'agent notificateur, ce qui était confirmé par la régie. Il a en conséquence rendu une décision de non-lieu de notification.

B.            a. Par plainte expédiée le 19 mai 2017, A______ a conclu à l'annulation de la décision du 11 mai 2017 et à ce que la Chambre de surveillance ordonne à l'Office de procéder à la notification du commandement de payer par voie édictale. Il fait grief à l'Office d'avoir tardé à notifier le commandement de payer. La notification par voie édictale s'imposait au regard de l'attitude de la débitrice qui avait déjà par le passé l'objet de telles notifications.

b. L'Office conclut au rejet de la plainte en estimant qu'un for de la poursuite à Genève n'était plus donné.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, puis elles ont été informées par la Chambre de céans le 6 juillet 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP, 126 al. 2 let. c LOJ, 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), tel le non-lieu de notification d'un commandement de payer.

Par ailleurs, la plainte, déposée dans les dix jours dès réception de la décision litigieuse (art. 17 al. 2 LP), répond aux exigences de forme (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP); elle est donc recevable.

2. L'Office fonde sa décision de non-lieu de notification du commandement de payer – qui correspond à un refus de procéder à cette notification et donc de donner suite à la réquisition de poursuite – sur l'absence d'un for de poursuite à Genève.

2.1 L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent l'existence d'un for de la poursuite, lequel désigne l'organe de poursuite territorialement compétent à qui le créancier doit s'adresser pour introduire la poursuite. La LP définit le for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP) ainsi qu'un nombre très limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP).

Contrairement à l'envoi d'un avis de saisie (art. 53 LP), le simple dépôt d'une réquisition de poursuite auprès d'un office des poursuites territorialement compétent ne fige pas la situation à cet égard : cette compétence initiale doit au contraire perdurer lors de l'accomplissement des actes de poursuite subséquents. C'est donc au moment de la notification du commandement de payer que l'existence d'un for de poursuite, ordinaire ou spécial, doit être vérifiée (DCSO/294/2017 du 8 juin 2017 consid. 2.1; DCSO/39/14 du 6 février 2014 consid. 2.1).

L'office doit vérifier les indications données par le créancier au sujet du domicile du débiteur, dès lors que sa compétence en dépend. En cas de changement de domicile du débiteur en cours de poursuite, il doit examiner d'office si ce changement est intervenu avant ou après le moment déterminant selon l'art. 53 LP. Quant aux autorités de surveillance, elles doivent veiller à chaque stade de la procédure au respect des règles de compétence; elles interviennent d'office si l'intérêt public ou les intérêts des tiers sont en jeu (ATF 120 III 110 consid. 1a;
80 III 99 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_757/2015 du 15 janvier 2016 consid. 2.2.1 et 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.2).

Si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus momentanément, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile; il appartient au débiteur de rapporter la preuve de l'existence de son nouveau domicile (ATF 120 III 110 consid. 1b; 35 I 867 consid. 1; 26 I 48 consid. 4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2010 du 8 septembre 2010 consid. 2.2; 7B.192/2006 du 19 janvier 2007 consid. 2.1, 3ème § in fine; 7B.207/2003 du 25 septembre 2003 consid. 3.3; 5P.205/1991 du 25 novembre 1991 consid. 2c). Ainsi, lorsqu'aucune circonstance ne permet d'exclure que le débiteur a conservé son domicile en Suisse, l'office peut continuer à lui notifier valablement les actes de poursuite audit domicile (arrêts du Tribunal fédéral 5A_757/2015 du 15 janvier 2016 consid. 2.2.1 et 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.2).

2.2 L'art. 66 al. 4 LP autorise la notification par publication officielle dans différentes hypothèses. Celle-ci a lieu conformément à l'art. 35 LP. Cette manière de procéder constitue un ultime moyen (ATF 136 III 571 consid. 5; 129 III 556 consid. 4; 112 III 6 consid. 4; arrêt 7B.164/2002 du 22 octobre 2002 consid. 2.1, non publié in ATF 128 III 465). Selon le chiffre 2 de l'art. 66 al. 4 LP, elle est possible lorsque le débiteur se soustrait obstinément à la notification. Ce motif suppose premièrement l'impossibilité réitérée de remettre l'acte au débiteur ou à une personne autorisée; l'office doit donc avoir tenté sans succès de notifier l'acte de poursuite par tous les moyens prévus aux art. 64 ss LP, notamment en recourant au service de la police. Il suppose secondement que le débiteur se soustrait intentionnellement à la notification; l'office doit donc s'assurer que les échecs de notification ne résultent pas d'un cas fortuit ou d'une négligence (arrêt du Tribunal fédéral 5A_757/2015 du 15 janvier 2016 consid. 5.1.2 et les références citées).

2.3 Il résulte en l'espèce des registres de l'OCP que la poursuivie serait – depuis une période antérieure au dépôt de la réquisition de poursuite et aujourd'hui encore – domiciliée à Genève. Bien qu'elle n'ait qu'une valeur d'indice, cette inscription atteste du fait qu'à un moment donné la poursuivie a manifesté à l'égard des autorités sa volonté de se domicilier à Genève. En l'absence de tout autre élément objectif résultant du dossier, elle conduit à admettre la création d'un domicile dans le canton et donc, sous réserve d'un départ ultérieur, l'existence d'un for de poursuite au sens de l'art. 46 LP.

Comme relevé ci-dessus, c'est avant tout au débiteur qui prétend s'être constitué un domicile à l'étranger d'établir ce fait. En l'absence d'une telle preuve, ou d'autres éléments dont l'Office aurait connaissance et dont il ressortirait que le poursuivi aurait quitté son domicile suisse pour s'installer à l'étranger, la permanence du domicile suisse (en l'espèce genevois) doit être présumée, et avec elle la compétence de l'Office.

Ce dernier déduit en l'occurrence du fait que la poursuivie n'a plus d'adresse connue à Genève qu'elle n'y serait plus domiciliée. Ce raisonnement ne peut toutefois être suivi : ni le fait que la poursuivie n'habite plus à l'adresse indiquée à l'époque à l'OCP, ni celui qu'elle n'ait pas communiqué de nouvelle adresse à cette autorité ne permettent en effet de retenir, avec un degré de certitude suffisant, qu'elle aurait renoncé à faire de Genève le centre de ses intérêts personnels et professionnels. Il ne résulte en particulier pas du dossier que la poursuivie se serait installée à l'étranger ou dans un autre canton, ou que le but de sa venue à Genève se serait accompli. Dans ces circonstances, et au vu des maigres éléments de fait dont il disposait, l'Office ne pouvait conclure à la disparition du for de poursuite ayant existé à Genève.

La plainte est donc bien fondée dans la mesure où il est reproché à l'Office d'avoir prématurément dénié l'existence d'un for de poursuite. La décision de non-lieu du 7 février 2017 sera donc annulée.

2.4 Le plaignant conclut à ce que la notification par publication du commandement de payer soit ordonnée.

Il résulte toutefois de la jurisprudence constante qu'une telle notification par publication ne peut intervenir qu'après que le poursuivant et l'Office ont procédé à toutes les démarches raisonnablement exigibles au regard des circonstances afin de déterminer une adresse de notification.

Or, il ressort du dossier que les recherches du poursuivant et celles de l'Office se sont avérées trop limitées. En particulier, les informations lacunaires obtenues auprès de la régie, qui n'a pas communiqué la date de départ, ni une éventuelle nouvelle adresse, ainsi que le caractère pour le moins laconique du rapport de l'agent notificateur dénotent qu'il existe encore des possibilités d'approfondir les recherches avant de procéder à une notification par voie de publication.

Il ne saurait donc être donné une suite favorable en l'état à la demande de notification par la voie édictale formulée par le poursuivant.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 mai 2017 par A______ contre la décision de non-lieu rendue le 11 mai 2017 par l'Office des poursuites dans la poursuite n° 16 xxxx10 B.

Au fond :

L'admet partiellement.

Annule la décision de non-lieu du 11 mai 2017.

Invite l'Office des poursuites à continuer la procédure de poursuite dans le sens des considérants.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Michel BERTSCHY et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Marie NIERMARECHAL, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Marie NIERMARECHAL

 


Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.