Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/1908/2016

DCSO/251/2016 du 11.08.2016 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : NOTIFI
Normes : LP.64.2; LP.66.4.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1908/2016-CS DCSO/251/16

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU jeudi 11 aoÛt 2016

Plainte 17 LP (A/1908/2016-CS) formée en date du 9 juin 2016 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 12 août 2016 à :

- A______

- B______ SA

- Office des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______, domicilié à Genève, fait l'objet de la poursuite ordinaire n° 15 xxxx61 E, introduite à son encontre par B______ SA pour les montants de 4'084 fr. 60 avec intérêts au taux de 5% l'an à compter du 17 août 2013 et de 320 fr.

b. Le commandement de payer a été établi par l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) le 9 octobre 2015 et remis à la Poste le même jour en vue de sa notification. Le 12 octobre 2015, un agent postal s'est présenté au domicile de A______ pour lui notifier le commandement de payer, mais ce dernier n'était pas présent. L'agent postal a alors laissé dans la boîte aux lettres du débiteur un avis l'invitant à venir retirer cet acte auprès de l'Office de poste de Vessy. A______ n'a pas donné suite à cet avis.

Le commandement de payer a alors été remis à Post-Logistics, dont un employé s'est présenté au domicile du débiteur, en vain, les 28 octobre à 11h10, 29 octobre à 13h15, 30 octobre à 9h05 et 2 novembre à 12h50. A l'occasion de cette dernière tentative de notification, un nouvel avis invitant le débiteur à retirer l'acte qui lui était destiné aux guichets de l'Office a été laissé dans sa boîte aux lettres. Il n'y a toutefois pas donné suite.

L'Office a alors adressé à A______, par pli recommandé du 17 novembre 2015, une sommation de se présenter d'ici au 27 novembre 2015 dans ses locaux pour y retirer le commandement de payer, faute de quoi il serait recouru à la force publique "et/ou" à une notification par voie de publication. Cette sommation a été dûment reçue par A______, lequel ne s'est toutefois pas présenté aux guichets de l'Office dans le délai imparti. Selon ses explications, il aurait appelé l'Office le 25 novembre 2015 pour lui indiquer qu'il serait absent de Genève jusqu'au 10 décembre 2015 et viendrait retirer le commandement de payer à son retour. Il a produit dans le cadre de la présente procédure un courrier – selon lui adressé par courrier ordinaire le 25 novembre 2015 également à l'Office, qui n'en a toutefois pas retrouvé trace dans son dossier – par lequel il confirme la teneur de cet entretien téléphonique et ajoute d'ores et déjà former opposition au commandement de payer, sachant que la poursuite avait été introduite sur requête de B______ SA.

Le 1er décembre 2015, un agent notificateur s'est présenté au domicile de A______ et, ne l'y trouvant pas, y a déposé un avis de passage l'invitant à venir retirer un acte de poursuite dans les locaux de l'Office. Le débiteur a indiqué ne jamais avoir reçu cet avis.

Le même agent notificateur a effectué un nouveau passage au domicile du débiteur le 17 décembre 2015. Ne l'y trouvant toujours pas, il y a laissé un nouvel avis indiquant que, faute pour A______ de retirer auprès de l'Office l'acte de poursuite qui lui était destiné, celui-ci serait notifié par voie de publication. Là encore, le débiteur a indiqué ne jamais avoir reçu cet avis.

c. Selon ses indications, A______ se serait présenté à deux reprises dans les locaux de l'Office entre les 11 décembre 2015 et 31 janvier 2016. Il lui aurait été répondu à chaque fois que le commandement de payer qui lui était destiné était introuvable.

Aucune trace de ces passages ne figure dans le dossier de l'Office.

d. Considérant que le débiteur se soustrayait manifestement à la notification, l'Office a alors procédé, en date du 29 janvier 2016, à la notification par publication du commandement de payer, poursuite n° 15 xxxx61 E.

Aucune opposition n'a été formée en temps utile.

e. La créancière ayant sollicité la continuation de la poursuite, l'Office a adressé au débiteur, le 25 mai 2016, un avis de saisie pour le 15 juin 2016. La date de réception de cet avis par le débiteur n'a pas été établie.

B. a. Par acte déposé le 9 juin 2016 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'avis de saisie du 25 mai 2016, expliquant en substance qu'aucun commandement de payer ne lui avait jamais été notifié et qu'en tout état il avait formé opposition dans le cadre de la poursuite n° 15 xxxx61 E. Il a par ailleurs sollicité l'octroi de l'effet suspensif.

b. Par ordonnance du 14 juin 2016, la Chambre de surveillance a accordé l'effet suspensif à la plainte.

c. Dans ses observations datées du 13 juin 2016, l'Office a conclu au rejet de la plainte, considérant que les conditions d'application de l'art. 66 al. 4 ch. 2 LP étaient réalisées.

d. Une audience d'instruction s'est déroulée le 5 juillet 2016, à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.                1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'envoi d'un avis de saisie.

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Pauline Erard, in CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 25 et 26 ad art. 17 LP; Markus Dieth/Georg J. Wohl, in Kurzkommentar SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 11 et 12 ad art. 17 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 En l'occurrence, la plainte respecte les conditions de forme posées par la loi, est dirigée contre une mesure de l'Office (l'avis de saisie) susceptible d'être contestée par cette voie et émane d'une personne touchée dans ses intérêts juridiquement protégés.

La date de réception de l'avis de saisie par le plaignant – dont la preuve incombe à l'Office – n'ayant pu être établie, il y a pour le surplus lieu d'admettre que la plainte a été formée en temps utile, soit dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP.

Elle est donc recevable.

Le plaignant doit également être admis à contester par la voie de la plainte le mode de notification du commandement de payer et le fait que l'opposition qu'il affirme avoir formée n'a pas été enregistrée (ATF 75 III 81 consid. 2): il s'agit là, en effet, de mesures de l'Office pouvant être contestées par la voie de la plainte et dont il n'est pas établi que le plaignant aurait eu connaissance avant la réception de l'avis de saisie.

2. Le plaignant fait valoir que le commandement de payer ne lui a pas été valablement notifié.

2.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP).

Lorsque le débiteur se soustrait obstinément à la notification, la notification d'un commandement de payer se fait par publication (art. 66 al. 4 ch. 2 LP). L'application de cette disposition suppose un comportement intentionnel de la part du débiteur (Gehri in Hunkeler, Kurzkommentar SchKG, 2ème éd. 2014, n° 14 ad art. 66 LP).

Toutefois, en raison du risque élevé que le débiteur ne prenne pas effectivement connaissance de la publication qui est par ailleurs susceptible de porter atteinte à sa bonne réputation, il n'est possible de recourir à la notification par voie édictale qu'en ultima ratio, lorsqu'en dépit des recherches et des efforts raisonnablement exigibles de la part du créancier et de l'office, une notification effective au débiteur par l'une des voies prévues aux art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP s'avère impossible (Jeanneret/Lembo, op. cit., n° 19 ad art. 66 et les réf. citées).

Cette stricte subsidiarité est une condition générale applicable aux trois hypothèses dans lesquelles l'art. 66 al. 4 LP autorise une notification par voie de publication (Jeanneret/Lembo, op. cit., n° 19 ad art. 66 LP).

Or, lorsque la notification par la poste ou par l'Office des poursuites en mains du poursuivi ou d'un substitut a échoué, la loi prévoit que l'acte à notifier doit être remis, à titre subsidiaire, à un fonctionnaire communal ou à un agent de la police, à charge de le notifier au débiteur (art. 64 al. 2 LP).

La notification par voie édictale, pour cause de soustraction à la notification
(art. 66 al. 4 ch. 2 LP), présuppose donc que ce mode de notification subsidiaire ait également été tenté vainement (Gehri, op. cit., n° 14 ad art. 66 LP; Jaques, De la notification des actes de poursuites, BlSchK 2011 p. 177 ss, 186; Angst in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs I, 2ème éd. 2010, n° 22 ad art. 66 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Articles 1-88, 1999, n° 66 ad art. 66 LP).

2.2 Il est constant en l'espèce que l'Office n'a pas recouru, avant de procéder à la notification du commandement de payer par voie de publication, au mode de notification prévu par l'art. 64 al. 2 LP. Il a ce faisant violé le principe de la subsidiarité de la notification par voie édictale, ce qui entraîne, en application des principes rappelés ci-dessus, l'annulation du commandement de payer sans qu'il y ait lieu d'examiner si l'Office pouvait ou non admettre que le débiteur se soustrayait intentionnellement à la notification au sens de l'art. 66 al. 4 ch. 2 LP. Il sera pour le surplus relevé que les précédentes démarches de l'Office lui avaient permis de vérifier que le débiteur habitait bien au domicile indiqué par la poursuivante, de telle sorte qu'une tentative de notification par un fonctionnaire communal ou par la police ne pouvait être d'emblée considérée comme dénuée de toutes perspectives de succès.

L'annulation du commandement de payer entraîne celle de l'avis de saisie, ce dernier supposant l'existence d'un commandement de payer passé en force. La plainte doit donc être admise.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'argumentation subsidiaire du plaignant, fondée sur l'opposition qu'il aurait formée avant même que le commandement de payer lui fût notifié. Tout au plus se justifie-t-il de constater, afin d'éviter un éventuel malentendu futur, qu'il n'a pas été établi dans le cadre de la présente procédure que le plaignant ait effectivement adressé à l'Office le courrier sur lequel il fonde son argumentation subsidiaire ni que ce courrier ait effectivement été reçu par l'Office. Il sera donc bien inspiré, s'il entend contester la créance en poursuite, de former opposition dans les règles au commandement de payer qui lui sera notifié.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 9 juin 2016 par A______ contre l'avis de saisie daté du 25 mai 2016 dans la poursuite n° 15 xxxx61 E.

Au fond :

L'admet.

Annule le commandement de payer, poursuite n° 15 xxxx61 E, notifié le 29 janvier 2016 par voie de publication.

Annule l'avis de saisie du 25 mai 2016 dans la poursuite n° 15 xxxx61 E.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.