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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1767/2021

DCSO/3/2023 du 17.01.2023 ( DEM ) , ADMIS

Descripteurs : Taxation; honoraires administration spéciale
Normes : oaof.84; oelp.47
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1767/2021-CS DCSO/3/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 17 JANVIER 2023

 

Requête de taxation des honoraires des membres de l'Administration spéciale (A/1767/2021-CS) formée en date du 20 mai 2021 par ADMINISTRATION SPECIALE DE A______ SA EN FAILLITE, élisant domicile en l'étude de Me B______, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-         ADMINISTRATION SPECIALE DE A______ SA EN FAILLITE

c/o Me B______

Administrateur spécial

______

______

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 15 janvier 2015, le Tribunal de première instance a déclaré la faillite de A______ SA, laquelle a été liquidée en la forme ordinaire.

b. La première assemblée des créanciers, convoquée par l'Office cantonal des faillites (ci-après: l'Office) le 27 avril 2015, n'a pas réuni le quorum pour siéger valablement.

Interpellés ensuite par voie de circulaire, en date du 30 avril 2015, les créanciers ont accepté la proposition de l'Office d'instaurer une administration spéciale.

Après que le premier administrateur spécial pressenti a décliné le mandat et que le second a été récusé, l'assemblée des créanciers a désigné, par circulaire du 15 janvier 2016, Me B______, avocat, aux fonctions d'administrateur spécial de la faillite de A______ SA.

c. Par courrier du 3 mars 2016, l’administrateur spécial a demandé à la Chambre de surveillance de fixer la rémunération horaire des membres de l'administration spéciale, en application de l'art. 47 OELP.

Par décision du 22 mars 2016 (DCSO/105/2016), la Chambre de surveillance a considéré que la procédure de liquidation revêtait une certaine complexité justifiant une adaptation des tarifs prévus par l'OELP. Elle a fixé à 350 fr. le tarif horaire applicable aux activités déployées par l'administrateur spécial et par les deux avocats associés de celui-ci, à savoir Me C______ et Me D______.

d. L’inventaire des biens de la faillie a été établi par l’Office entre le 21 janvier 2015 et le 7 avril 2015, faisait état d'actifs estimés à 317'068 fr., dont 315'539 fr. en actifs mobiliers, soit essentiellement un stock de bouteilles de vins.

L'administration spéciale a admis à l'état de collocation des prétentions à concurrence de 4'708'543 fr., dont 4'634'739 fr. en troisième classe.

e. Le stock de vins a été réalisé de gré à gré pour un montant de 315'000 fr. Un montant de 206'000 fr. a été versé au bailleur, qui avait fait valoir un droit de rétention.

f. Selon le décompte final, corrigé en dernier lieu à la date du 31 octobre 2022, les recettes de liquidation se sont élevées à 464'084 fr. 47 et les "frais et dettes de masse" à 458'887 fr. 06 (comprenant les 206'000 fr. versés au bailleur), soit un excédent de 5'197 fr. 41, après déduction des honoraires à taxer à hauteur de 183'242 fr. 67.

g. Selon les pièces du dossier, le premier administrateur spécial qui avait décliné le mandat n'a facturé aucune prestation. Quant au second administrateur spécial, ses honoraires ont été pris en charge par l'un des créanciers.

h. Au cours de sa mission, l'administration spéciale a dû notamment réaliser des vins qui avaient été achetés et payés par la faillie mais qui ne lui avaient pas été livrés et qui se trouvaient en France. Elle a aussi dû régler divers problèmes liés aux débiteurs français, aux droits de rétention sur les actifs de la faillie et aux nombreuses prétentions en revendication.

B. a. Par courrier adressé le 20 mai 2021 à la Chambre de surveillance, auquel étaient annexées trois notes de frais et honoraires et des tableaux comptables, l'administrateur spécial a sollicité la taxation de ses honoraires ainsi que de ceux de ses auxiliaires.

Le montant total des honoraires, frais et débours compris, s'élevait à 200'113 fr. 49, à savoir 42'933 fr. pour la période du 8 février au 30 septembre 2016, 151'640 fr. 89 du 20 juillet 2016 au 31 mai 2020 et 5'515 fr. 70 du 1er juin 2020 au 4 mars 2021.

L'administrateur spécial a prélevé une provision à hauteur de 35'000 fr.

b. Par courrier du 4 août 2021, la Chambre de surveillance a invité l'administrateur spécial à fournir des précisions supplémentaires et à produire un certain nombre de pièces, notamment en relation avec les qualifications des auxiliaires, dont les honoraires n'avaient pas fait l'objet d'une décision de taxation.

c. Aux termes de sa réponse du 13 août 2021, l'administrateur spécial a communiqué à la Chambre de surveillance un calcul rectifié de ses honoraires pour l'activité déployée du 20 juillet 2016 au 31 mai 2020, lesquels s'étaient montés à 118'726 fr. 44 (au lieu de 151'640 fr. 89), frais forfaitaires et débours inclus.

L'administrateur spécial, ainsi que ses associés et auxiliaires, avaient consacré au total 643.61 heures d'activité à l'administration spéciale de la faillite, à savoir :

- 83.38 heures pour Me B______, 107.90 heures pour Me C______ et 79 heures pour Me D______, au taux de 350 fr. de l'heure;

- 290.34 heures pour M. E______ et 65.80 heures pour F______ au taux horaire de 225 fr.;

- 16.08 heures pour Me G______, au taux horaire de 150 fr. et 1.10 heures pour Me H______, au taux horaire de 250 fr.

L'administrateur spécial a précisé qu'il avait fait appel à E______, employé retraité de l'Office où il avait déployé une activité d'administrateur de faillite pendant 14 ans, afin de limiter les coûts. Celui-ci avait un statut d'employé "ad hoc" de l'Etude d'avocat de Me B______, rémunéré à hauteur de 150 fr. de l'heure. La différence entre 150 fr. et la facturation de 225 fr. de l'heure correspondait à la marge dévolue à l'employeur pour l'instruction, la surveillance et le contrôle du collaborateur.

Quant à Me G______, il s'agissait d'une ancienne avocate-stagiaire de l'Etude.

d. Invité par courriers des 10 décembre 2021 et 13 juin 2022 à compléter le dossier, l'administrateur spécial a communiqué, en date des 9 août et 31 octobre 2022, des renseignements complémentaires, notamment sur les qualifications de F______, lequel était titulaire d'une licence en droit et avait travaillé de nombreuses années comme juriste pour divers employeurs.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 84 OAOF, applicable aux administrations spéciales par renvoi de l'art. 97 OAOF, si l'administration de la faillite ou la commission de surveillance estime avoir droit à des honoraires spéciaux à teneur de l'art. 48 (recte : 47) OELP, elle doit, avant de procéder à l'établissement du tableau de distribution définitif, soumettre à l'autorité de surveillance compétente, pour en faire fixer le montant, une liste détaillée de toutes ses vacations au sujet desquelles l'OELP ne prévoit pas d'émolument spécial.

Soumise à l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 7 al. 2 let. c LaLP), et accompagnée d'une liste des prestations pour lesquelles des honoraires spéciaux sont sollicités, la requête de fixation de ses honoraires formée par l'administration spéciale pour son compte est donc recevable.

1.2 La Chambre de surveillance, siégeant dans la composition de trois juges, est compétente pour fixer le montant de la rémunération des membres de l'administration spéciale et de la commission de surveillance (art. 13 LP; 125 et 126 LOJ; 6 al. 1 et 7 al. 2 let. c LaLP). Elle jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 130 III 176 consid. 1.2, JdT 2005 II 19).

La Chambre de céans, siégeant dans la même composition, a admis sa compétence pour fixer le tarif horaire des collaborateurs ou auxiliaires des membres de l'administration spéciale lorsque, comme en l'espèce, la rémunération horaire de ceux-ci a déjà fait antérieurement l'objet d'une décision rendue par l'autorité de surveillance compétente (DCSO/240/2022 du 10 juin 2022; DCSO/110/2019 du 11 mars 2019 consid. 1.2; DCSO/8/2013 du 15 janvier 2013 consid. 1).

2. 2.1. L'art. 47 OELP n'impose pas une méthode particulière pour fixer la rémunération de l'administration d'une faillite complexe; il prescrit cependant de tenir compte, notamment, de la difficulté et de l'importance de l'affaire, du volume de travail fourni et du temps consacré. L'autorité de surveillance jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 130 III 611 consid 1.2; 130 III 176 consid. 1.2 = JdT 2005 II 19; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2).

En l'absence de liste détaillée conforme aux exigences légales des opérations auxquelles l'administration spéciale a procédé, l'autorité de surveillance peut, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, refuser d'approuver les honoraires demandés et ne prendre que partiellement en compte les opérations effectuées (cf. ATF
130 III 176 consid. 2 = JdT 2005 II 19; arrêts du Tribunal fédéral 5A_321/2021 du 24 août 2021, consid. 4.1, 7B_22/2006 du 2 juin 2006 consid. 3).

A l'instar des organes ordinaires de l'exécution forcée, comme l'Office des faillites, les administrateurs spéciaux et les membres des commissions de surveillance exercent des charges publiques, au bénéfice de prérogatives de puissance publique. S'il est légitime qu'ils le fassent contre rémunération, leurs activités ne présentent pas un caractère commercial et ne sont pas orientées vers l'obtention d'un profit (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 23 ad art. 241 LP).

Le tarif à fixer dans le cadre de procédures complexes doit rester dans un rapport raisonnable avec celui que fixe l'OELP, vu le caractère social de ce dernier. L'autorité de surveillance peut s'inspirer de tarifs professionnels édictés par une association professionnelle, qui ne la lient toutefois pas. Il se justifie en effet, eu égard au but social du tarif des frais, de rester en-dessous de ces tarifs (ATF
130 III 611 consid. 3.1; 120 III 97 consid. 2; 114 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.2).

Dans ses précédentes décisions, la Chambre de surveillance a admis une rémunération entre 100 fr. et 275 fr. de l'heure pour des avocats-stagiaires, avocats collaborateurs et juristes (cf. DCSO/122/2022 du 23 mars 2022, consid. 2.1.4 et les références).

2.2.1 Dans le cas d'espèce, la Chambre de surveillance, par décision du 22 mars 2016, a fixé en application de l'art. 47 OELP le tarif horaire applicable aux diligences de l'administrateur spécial et de ses associés (soit 350 fr. pour B______, C______ et D______), sur lequel il n'y a pas lieu de revenir. Le caractère complexe de la liquidation doit par ailleurs être confirmé, au vu des nombreuses démarches engagées en Suisse et à l'étranger par les liquidateurs, des difficultés rencontrées en vue de réaliser des actifs en France et de recouvrer certaines créances ainsi que des connaissances juridiques nécessaires notamment pour le traitement des prétentions du bailleur et l'exercice de son droit de rétention.

2.2.2 Dans le cadre des activités en vue de la liquidation, l'administrateur spécial a confié certaines tâches à d'autres auxiliaires, juristes, avocats, avocats-stagiaires ou gestionnaires, pour lesquels le tarif horaire applicable n'a pas été précédemment annoncé et donc fixé. Il convient donc d'y procéder.

Pour l'auxiliaire F______, juriste de formation, le tarif facturé de 225 fr. de l'heure sera confirmé, dans la mesure où il entre dans le cadre de ceux fixés dans de précédentes décisions de la Chambre de céans et demeure inférieur à celui fixé pour l'administrateur spécial et ses associés. Il en va de même du tarif horaire en 150 fr. pour G______, avocate-stagiaire, et en 250 fr. pour H______, avocate brevetée (elle a obtenu son brevet d'avocate en 2016 selon le site Internet de l'Ordre des avocats de Genève).

S'agissant du collaborateur E______, la Chambre de céans a considéré, dans une décision récente, qu'il n'était pas justifié d'ajouter à sa rémunération horaire, en 150 fr., un supplément pour l'activité d'encadrement effectuée par l'administrateur spécial et son associée (cf. DCSO/122/2022 du 23 mars 2022, consid. 2.2.1), ce qui sera confirmé en l'espèce, pour les mêmes motifs, ce d'autant qu'il résulte des time-sheets produits avec la requête de taxation que B______ et C______ ont facturé le temps passé à échanger avec E______.

2.3 Concernant l'ampleur de l'activité déployée par l'administrateur spécial et ses auxiliaires, l'examen de la Chambre de surveillance repose en premier lieu sur les décomptes établis, qui sont présumés correspondre à la réalité. Elle vérifiera en revanche que, globalement, l'activité déployée est demeurée adéquate et proportionnée aux problèmes concrètement posés par la liquidation ainsi qu'aux démarches effectuées en vue de les résoudre.

A cet égard, il résulte du dossier que l'administrateur spécial et ses auxiliaires ont consacré un total de 643.61 heures à leurs tâches. Ce chiffre paraît raisonnable et justifié au regard des activités décrites dans les notes d'honoraires établies par l'administrateur spécial, après corrections, et les divers rapports adressés à l'autorité de surveillance.

Les heures d'activité facturées seront ainsi admises et les honoraires de l'administrateur spécial et de ses auxiliaires seront arrêtés comme suit, pour un total de 155'643 fr. 34 :

-          29'184 fr. 17 pour B______.

-          37'766 fr. 17 pour C______.

-          27'650 fr. pour D______.

-          43'551 fr. pour E______ (290.34 x 150 fr.).

-          14'805 fr. pour F______.

-          2'412 fr. pour G______.

-          275 fr. pour H______.

Les frais forfaitaires, facturés à hauteur de 2% (3'112 fr. 90), et les débours en 2'330 fr. 50, sont admis en sus, pour un montant total arrondi de 160'000 fr. Dans la mesure où l'administrateur spécial a réservé la facturation d'un solde d'honoraires pour les dernières opérations de clôture de l'ordre de 16'000 fr., il conviendra qu'il applique dans le cadre de ces dernières activités la rémunération fixée ci-dessus (supra 2.2.2), si les auxiliaires susmentionnés devaient encore intervenir.

3. La procédure de taxation ne donne pas lieu à la perception d'un émolument, ni à l'allocation de dépens (art. 61 al. 2 et 62 OELP par analogie; DCSO/35/2020 du 6 février 2020 consid. 3).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la requête de taxation des honoraires de l'administration spéciale de A______ SA formée le 20 mai 2021 par Me B______.

Au fond :

Arrête le tarif horaire de la rémunération de E______ à 150 fr.

Arrête le tarif horaire de la rémunération de F______ à 225 fr.

Arrête le tarif horaire de la rémunération de G______ à 150 fr.

Arrête le tarif horaire de la rémunération de H______ à 250 fr.

Arrête la rémunération de l'administrateur spécial et de ses auxiliaires, pour la période du 8 février 2016 au 4 mars 2021, à 160'000 fr.

Arrête à 16'000 fr., le montant des provisions sur honoraires pouvant être conservés par l'administration spéciale aux fins de couvrir son activité résiduelle jusqu'à la clôture de la faillite.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président:

Patrick CHENAUX

 


La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 


 

 

Voie de recours :

 

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.