Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/1297/2021

DCSO/122/2022 du 23.03.2022 ( DEM ) , ADMIS

Descripteurs : Administration spéciale; honoraires
Normes : oelp.43; lp.13; lalp.7.al3.letc; oelp.47
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1297/2021-CS DCSO/122/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 MARS 2022

 

Plainte 17 LP (A/1297/2021-CS) formée en date du 15 avril 2021 par l'ADMINISTRATION SPÉCIALE DE LA FAILLITE DE A______ SA, élisant domicile en l'étude de Me B______, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- ADMINISTRATION SPÉCIALE DE LA FAILLITE DE A______ SA

c/o Me B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 6 octobre 2014, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) a prononcé la faillite de A______ SA.

L'Office a établi un premier inventaire de la faillite le 13 octobre 2014 présentant des actifs pour un montant de 9'335 fr. 20. Le Tribunal a invité l'Office cantonal des faillites (ci-après l'Office) de compléter cet inventaire par ordonnance du 6 janvier 2015, le faisant passer à 675'282 fr. 54, puis à 935'357 fr. 13. Par jugement du 29 janvier 2015, le Tribunal a refusé la liquidation sommaire requise par l'Office et ordonné la liquidation ordinaire de la faillite le 29 janvier 2015.

b. La première assemblée des créanciers, convoquée par l'Office le 11 mars 2015 n'a pas réuni le quorum pour siéger valablement. L'Office s'est par conséquent adressé à eux par voie de circulaire pour leur proposer l'instauration d'une administration spéciale, confiée à Me B______, avocat. Les créanciers ont accepté cette désignation dans le délai qui leur avait été fixé au 6 avril 2015 pour se déterminer.

c. Sur requête de l'administrateur spécial du 23 avril 2015, la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) a rendu une décision le 16 mai 2015 fixant un tarif horaire de la rémunération de l'administrateur spécial et de ses auxiliaires à 350 fr. pour lui-même et les avocats de son étude et à 150 fr. pour les avocats-stagiaires, compte tenu de la complexité de la liquidation à venir en raison d'actes illicites reprochés à l'ancien administrateur, des actifs importants inventoriés, du déplacement d'actifs à l'étranger et de nombreuses prétentions de tiers fondées sur des droits de rétention.

Cette décision ayant été prise dans une composition incorrecte de la Chambre de surveillance, elle a été confirmée par décision du 11 février 2016, rendue dans la composition compétente pour statuer sur un tel objet.

d. L'état de collocation établi par l'administration spéciale fait état de créances à concurrence de 1'992'409 fr. 74. La réalisation des actifs a permis de générer des liquidités à hauteur de 1'037'839 fr. 49. Compte tenu de charges de 487'954 fr. 27, le solde à distribuer aux créanciers s'élève à 549'885 fr. 22, répartis à concurrence de 122'336 fr. 49 aux bénéficiaires de droits de rétention, de 36'012 fr. 50 aux six créanciers de première classe, de 60'210 fr. 05 aux trois créanciers de deuxième classe, 331'326 fr. 18 pourront être distribués aux créanciers de troisième classe qui bénéficieront ainsi d'un dividende de 18.6784 % de leurs créances. Le découvert des créanciers de troisième classe conduira à la délivrance d'actes de défaut de biens à raison de 1'442'524 fr. 52.

e. L'administrateur spécial a déposé le 15 avril 2021 auprès de la Chambre de surveillance, pour approbation, trois notes de frais et honoraires, accompagnées de time-sheets, de 42'383 fr. pour la période du 12 mars 2015 au 31 mai 2016, de 155'942 fr. 82 pour la période du 31 septembre 2015 au 31 mai 2020 et de 6'257 fr. 40 pour la période du 1er juin 2020 au 4 mars 2021, soit un total de frais et honoraires de 204'583 fr. 22. Des débours en 1'125 fr. 90 ont été facturés en sus.

Ce montant peut être ventilé comme suit sur la base des time-sheets déposés :

Intervenant

Heures

%

Tarif

Facturé

Me B______ (avt)

164.38

19.6

350.-

54'734.17

Me C______ (avt)

107.65

12.8

350.-

29'009.18

Me D______ (avt)

3.80

0.5

350.-

1'330.00

M. E______

515.92

61.4

225.-

107'138.25

Me F______ (avt-stg)

45.40

5.4

150.-

6'810.00

Me G______ (avt-stg)

2.29

0.3

150.-

343.93

Me H______ (avt-stg)

0.88

0.1

150.-

132.14

SOUS-TOTAL

 

 

 

199'497.67

Frais forfaitaires

 

2.5

 

4'932.10

SOUS-TOTAL

 

 

 

204'429.77

Débours

 

 

 

1'125.90

TOTAL

840.32

 

 

205'555.67

 

L'administrateur spécial a exposé à l'appui de cette facturation que les actifs inventoriés (1366) et les créanciers (57) étaient nombreux. La réalisation des actifs avait impliqué plusieurs opérations de ventes, dont des ventes aux enchères, afin de cibler les meilleurs acheteurs pour les bijoux, l'outillage et les matières premières, nonobstant un marché difficile. Une distribution provisoire a été effectuée en faveur des créanciers gagistes et de ceux de première et de deuxième classe.

f. L'administrateur spécial a prélevé des provisions de sorte que le solde encore dû s'élève à 76'074 fr. 10.

g. Il a annoncé des frais (1'727 fr. 60; circulaires, publications, cartons d'archivages, transport des archives, émoluments judiciaires de clôture, copies, etc.) et honoraires (20'412 fr. 08) liés à la clôture de la liquidation de la faillite non encore facturés, mais dont il avait été tenu compte dans le projet de tableau de distribution, à hauteur de 22'139 fr. 68.

h. Par courrier du 9 août 2021, la Chambre de surveillance a demandé à l'administrateur spécial d'indiquer quelles étaient les qualifications professionnelles, le statut et la rémunération de M. E______ qui apparaissait dans la facturation, en précisant que les décisions de fixation de la rémunération horaire des 23 avril 2015 et 11 février 2016 n'avaient pas prévu de tarif pour son intervention, qui n'avait pas été annoncée à l'époque.

i. L'administration spéciale de la faillite a répondu qu'elle avait fait appel à M. E______, employé retraité de l'Office des faillites où il avait déployé une activité d'administrateur de faillite pendant 14 ans, afin de réduire les coûts de liquidation et améliorer la réalisation des actifs. Cette personne avait été engagée en qualité de collaborateur auxiliaire à l'Etude d'avocat de Me B______ et le coût de sa rémunération s'élevait à 150 fr. de l'heure. La différence entre 150 fr. et la facturation de 225 fr. de l'heure correspondait à la marge dévolue à l'employeur pour l'instruction, la surveillance et le contrôle du collaborateur.

EN DROIT

1. La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur le tarif de la rémunération des membres de l'administration spéciale et de la commission des créanciers (art. 13 LP; art. 125 et 126 LOJ; art. 6 al. 1 et 7 al. 2 let. c et 3 let. c LALP; art. 47 OELP; art. 97 OAOF). Elle a admis sa compétence pour fixer la rémunération des collaborateurs ou auxiliaires des membres de l'administration spéciale (DCSO/110/2019 du 11 mars 2019 consid. 1.2; DCSO/8/2013 du 15 janvier 2013 consid. 1; DCSO/27/12 du 19 janvier 2012 consid. 2.2.1). En revanche, la Chambre de surveillance n'est pas compétente pour fixer la rémunération des mandataires externes auxquels l'administration spéciale confie des tâches (avocats, conseils, recherches juridiques, comptables), pour lesquels des honoraires sont dus sur la base de la relation contractuelle liée entre la masse et le prestataire externe (DCSO/35/2020 du 6 février 2020 consid. 2.2.2; DCSO/432/2011 du 9 novembre 2011 consid. 5).

La Chambre de surveillance siège dans sa composition plénière prévue par l’art. 7 al. 3 let. c LaLP lorsqu'elle détermine, préalablement à la liquidation, les tarifs horaires applicables à la rémunération des membres de l'administration spéciale, de la commission des créanciers, ainsi que de leurs auxiliaires. Elle siège dans la composition à trois juges prévue par l’art. 7 al. 2 let. c LaLP pour fixer leur rémunération finale à l'issue de la liquidation.

2. 2.1.1 En application de l'art. 16 LP, le Conseil fédéral a arrêté le tarif des émoluments prévus par la LP (OELP). Les émoluments en matière de faillite sont fixés aux art. 44 à 46 OELP et prévoient notamment la rémunération des actes d'administration de la faillite. Ces tarifs s'appliquent aussi bien à l'administration ordinaire qu'à l'administration spéciale de la faillite (art. 43 OELP).

Une modification de cette tarification peut intervenir, sur décision de l'autorité de surveillance, en application de l'art. 47 al. 1 OELP, en présence d'une procédure de faillite complexe qui nécessite des connaissances spécifiques techniques ou juridiques et qui requièrent des enquêtes particulières aux fins d'établir les faits ou le droit. L'appréciation de la complexité s'effectue selon des critères qualitatifs et non quantitatifs, sur la base du dossier, des documents qui le composent et des renseignements obtenus des intéressés (ATF 138 III 443 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.1).

2.1.2 Aux termes de l'art. 84 OAOF – applicable aux administrations spéciales par renvoi de l'art. 97 OAOF –, si l'administration de la faillite estime avoir droit à des honoraires spéciaux à teneur de l'art. 48 (recte : 47) OELP, elle doit, avant de procéder à l'établissement du tableau de distribution définitif, soumettre à l'autorité de surveillance, pour en faire fixer le montant, une liste détaillée de toutes ses vacations au sujet desquelles l'ordonnance sur les frais ne prévoit pas d'émolument spécial. En l'absence de liste détaillée conforme aux exigences légales des opérations auxquelles l'administration spéciale a procédé, l'autorité de surveillance peut, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, refuser d'approuver les honoraires demandés et ne prendre que partiellement en compte les opérations effectuées (cf. ATF 130 III 176 consid. 2 = JdT 2005 II 19; arrêts du Tribunal fédéral 5A_321/2021 du 24 août 2021, consid. 4.1, 7B.22/2006 du 2 juin 2006 consid. 3).

2.1.3 La taxation des administrateurs spéciaux intervient en deux étapes. Dans une première décision, rendue au début de la procédure de liquidation, l'autorité de surveillance détermine le tarif horaire applicable à leurs activités en fonction de leurs qualifications et de la complexité de la liquidation; elle arrête les divers tarifs horaires, étant précisé que l'autorité peut alors fixer un tarif selon les différentes activités et leur répartition en diverses catégories, par exemple travaux de pure routine, tâches simples et activités exigeantes. Dans une seconde décision, prononcée à la fin de la liquidation, elle arrête définitivement la rémunération des intéressés au vu de l’activité effectivement déployée et conformément au tarif horaire initialement arrêté, selon un décompte détaillé des activités de l'administration (ATF 130 III 611 consid. 3.1 et 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 4.1, 5A_321/2021 du 24 août 2021 consid. 4.2).

L'administration de la faillite ne peut appliquer, lorsqu'elle requiert la taxation définitive de sa rémunération à la fin de la liquidation, un autre tarif horaire que celui fixé dans la première décision et ainsi en demander la validation a posteriori (arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 4.1).

Tout prélèvement d'acompte doit être approuvé par l'autorité de surveillance par une taxation intermédiaire (ATF 130 III 176; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid 4.1).

2.1.4 L'art. 47 OELP n'impose pas une méthode particulière pour fixer la rémunération de l'administration d'une faillite complexe; il prescrit cependant de tenir compte, notamment, de la difficulté et de l'importance de l'affaire, du volume de travail fourni et du temps consacré. L'autorité de surveillance jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 130 III 611 consid 1.2; 130 III 176 consid. 1.2 = JdT 2005 II 19; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2).

A l'instar des organes ordinaires de l'exécution forcée, comme l'Office des faillites, les administrateurs spéciaux et les membres des commissions de surveillance exercent des charges publiques, au bénéfice de prérogatives de puissance publique. S'il est légitime qu'ils le fassent contre rémunération, leurs activités ne présentent pas un caractère commercial et ne sont pas orientées vers l'obtention d'un profit (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 23 ad art. 241 LP).

Le tarif à fixer dans le cadre de procédures complexes doit rester dans un rapport raisonnable avec celui que fixe l'OELP, vu le caractère social de ce dernier. L'autorité de surveillance peut s'inspirer de tarifs professionnels édictés par une association professionnelle, mais ils ne la lient pas. Il se justifie, eu égard au but social du tarif des frais, de rester en-dessous des tarifs de la Chambre suisse des sociétés fiduciaires et des experts comptables ou du tarif maximal admis par le tarif cantonal des avocats d'office (ATF 130 III 611 consid. 3.1; 120 III 97 consid. 2; 114 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral a considéré que des tarifs horaires compris entre 120 fr. et
220 fr. étaient de pratique courante en 2004 pour un avocat et que pour un praticien actif à Neuchâtel des tarifs de 200 fr. pour les activités essentielles, de 140 fr. pour les activités spécialisées et de 90 fr. pour les activités d'exécution était admissible (ATF 130 III 611 consid. 4.1). Il a également validé une décision zurichoise de 2004 fixant des tarifs horaires de 280 fr. pour l'administrateur spécial avocat et ses associés, 220 fr. pour les avocats collaborateurs et 90 fr. pour le secrétariat (arrêt du Tribunal fédéral 7B./862005 du 18 juillet 2005). Pour un avocat tessinois, en 2012, le Tribunal fédéral a confirmé les tarifs pratiqués par les autorités de surveillance depuis 2010, soit 150 à 180 fr. pour les indépendants titulaires d'un titre universitaire, 130 à 160 fr. pour les dépendants titulaires d'un titre universitaire, 120 à 150 fr. pour les indépendants sans titre universitaire, 110 à 140 fr. pour les dépendants sans titre universitaire, 60 à 90 fr. pour les dépendants avec fonction de comptable et 40 à 60 fr. pour les dépendants avec fonction de secrétariat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2012 du 12 novembre 2012).

Il ressort de la jurisprudence de la Chambre de surveillance que, depuis plusieurs années, les tarifs horaires fixés pour les administrateurs spéciaux de faillites complexes se situent entre 300 et 400 fr. (décisions de la Chambre de surveillance DCSO/403/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/432/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/8/13 du 15 janvier 2013; DCSO/173/2015 du 6 mai 2015; DCSO/176/2017 du 30 mars 2017; DCSO/377/2017 du 2 août 2017; DCSO/110/2019 du 11 mars 2019). Le tarif moyen de 350 fr. a été appliqué à des liquidations complexes ordinaires (DCSO/176/2017 du 30 mars 2017, DCSO/173/2015 du 6 mai 2015). En 2019, un tarif horaire de 275 fr. de l'heure a été appliqué dans une décision de taxation à l'issue d'une liquidation particulièrement complexe et de longue haleine, mais il est peu représentatif car il avait été fixé en 1998, soit il y a plus de vingt ans (DCSO/110/2019 du 11 mars 2019). Un tarif de 400 fr. de l'heure a été retenu dans deux causes exceptionnelles (DCSO/8/13 du 15 janvier 2013 : liquidation de la faillite de I______; DCSO/332/2007 du 12 juillet 2007 : liquidation de la faillite de J______). Finalement, un tarif de 450 fr. de l'heure a été retenu à une reprise pour un avocat, lequel est toutefois atypique et incomparable car il comprenait forfaitairement la rémunération des auxiliaires qui n'était pas facturée séparément (DCSO/377/2017 du 2 août 2017).

Dans la plupart des cas qui lui ont été soumis, la Chambre de surveillance a également fixé séparément une rémunération pour les auxiliaires de l'administration spéciale (secrétaires, secrétaires de direction et aides de bureau – entre 60 et 220 fr. de l'heure –, avocats collaborateurs, avocats stagiaires et juristes – entre 100 et 275 fr. de l'heure –, fiscalistes – entre 280 et 350 fr. de l'heure –, comptables et experts-comptables – entre 100 et 400 fr. de l'heure –, économistes – 200 fr. de l'heure –, managers et auxiliaires logistiques – entre 70 et 200 fr. de l'heure –; cf. DCSO/35/2020 du 6 février 2020; DCSO/110/2019 du 11 mars 2019; DCSO/8/2013 du 15 janvier 2013, DCSO/27/2012 du 19 janvier 2012; CSO/432/2011 du 9 novembre 2011; DCSO/423/2009 du 1er octobre 2009; DCSO/495/2007 du 25 octobre 2007; DCSO/507/2006 du 17 août 2006).

2.1.5 Concernant l'ampleur de l'activité déployée, l'examen de la Chambre de surveillance se fonde en premier lieu sur les décomptes établis par les membres de l'administration spéciale, qui sont présumés correspondre à la réalité. Elle ne s'en écartera qu'en présence d'éléments conduisant à douter de leur exactitude, telles des incohérences entre les pièces du dossier ou entre ces pièces et d'autres informations, ou encore en raison d'une disproportion entre l'activité supposée avoir été déployée et celle raisonnablement nécessaire à son accomplissement. La Chambre de céans n'examine qu'avec réserve si une ou plusieurs opérations individuelles étaient ou non utiles en vue de la liquidation de la faillite, un tel jugement a posteriori étant notoirement délicat. En revanche, il faut veiller à ce que, globalement, l'activité déployée soit demeurée adéquate et proportionnée aux problèmes concrètement posés par la liquidation ainsi qu'aux démarches effectuées en vue de les résoudre.

2.1.6 Les prestations et les actes effectués par les offices des poursuites et les offices des faillites ne sont pas soumis à la TVA, car l'activité de ces offices relève de l'exercice de la puissance publique (activité souveraine; art. 3 let. G LTVA, en relation avec les art. 12 al. 4 LTVA et 14 OTVA). De même, les prestations fournies par des entreprises privées (telles que des fiduciaires ou des avocats) auxquelles ont été confiées des activités de puissance publique en relation avec des procédures d'exécution forcée (administration spéciale de la faillite et commission de surveillance des créanciers), ne sont pas non plus soumises à la TVA (Infos TVA concernant les secteurs, n° 26 – Offices des poursuites et des faillites).

2.2.1 En l'espèce, la Chambre de surveillance a statué au début des opérations de liquidation, les 16 mai 2015 et 11 février 2016, sur l'admission du caractère complexe de la liquidation de la faillite et la fixation du tarif horaire applicable à l'administrateur spécial et à ses auxiliaires annoncés. En revanche, elle n'a pas statué sur le tarif horaire de M. E______, n'ayant été informée de son intervention dans la liquidation qu'à l'issue de celle-ci. Il y a lieu de le faire.

L'administrateur spécial explique que le tarif horaire appliqué pour ce collaborateur était de 225 fr., composé de la rémunération reversée au collaborateur en 150 fr. (2/3) et de la marge perçue par l'employeur pour l'encadrement et la surveillance du collaborateur en 75 fr. (1/3). Dans la mesure où c'est un total de 107'138 fr. 70 qui a été facturé pour l'activité de M. E______ et que ce dernier en a touché les deux tiers selon la clé de répartition 2/3 – 1/3 annoncée par l'administrateur spécial, la marge d'encadrement revenant à l'employeur s'élève à 35'712 fr. Un tel montant ne peut correspondre à la rémunération du temps consacré à l'engagement, la gestion administrative et l'encadrement d'un collaborateur, mais représente une marge bénéficiaire de l'employeur sur la mise à disposition d'un collaborateur. Par ailleurs, il ressort des time-sheets produits que Me B______ et Me C______ ont facturé de nombreuses heures pour des conférences, des courriers, des mails et des entretiens téléphoniques avec M. E______. Il s'agit des heures passées à l'instruire et à le contrôler ainsi qu'à prendre connaissance du fruit de son travail. Il découle de ce qui précède que l'activité d'encadrement de M. E______ a ainsi été rémunérée doublement, d'une part par le biais de la majoration de la rémunération horaire de ce collaborateur et par la facturation des heures consacrées par Me B______ et Me C______ aux interactions avec lui. Une telle facturation est injustifiée en l'occurrence : d'une part, les tarifs horaires pratiqués à Genève sont relativement élevés en comparaison avec la jurisprudence du Tribunal fédéral et la majoration appliquée par l'administrateur spécial les éloigne encore plus de ce standard; d'autre part la majoration de la rémunération de M. E______ constitue une marge bénéficiaire additionnelle pour l'administrateur spécial, ajoutée à celle déjà comprise dans le tarif horaire fixé pour lui, et n'est pas compatible avec le principe selon lequel l'activité d'administration spéciale ne saurait être orientée vers le profit, compte tenu de sa nature sociale. Il convient par conséquent de fixer le tarif horaire de M. E______ à 150 fr., correspondant à sa rémunération. Ce montant est en phase avec les tarifs pratiqués jusqu'ici pour des économistes, managers et auxiliaires logistiques. Cette réduction tarifaire implique la réduction des notes d'honoraires déposées par l'administrateur spécial d'un montant de 35'712 fr.

2.2.2 Pour le surplus, la quantité d'heures dévolue au traitement de la liquidation de la faillite de A______ SA par l'administrateur spécial et ses auxiliaires n'appelle pas de remarque particulière et peut être avalisée, s'agissant d'une liquidation particulièrement complexe.

2.2.3 La Chambre de surveillance réduira par conséquent d'un montant de 35'712 fr. les notes d'honoraires déposées par l'administrateur spécial à ce jour et les arrêtera au montant total arrondi de 170'000 fr. (205'555 fr. 67 – 35'712 fr.).

Dans la mesure où l'administrateur spécial a réservé la facturation d'un solde d'honoraires pour les dernières opérations de clôture de l'ordre de 20'000 fr., il convient qu'il applique dans le cadre de ces dernières activités la rémunération fixée ci-dessus si M. E______ devait encore intervenir.

3. La procédure de taxation ne donne pas lieu à la perception d'un émolument, ni à l'allocation de dépens (art. 61 al. 2 et 62 OELP par analogie; DCSO/35/20 du 6 février 2020 consid. 3).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la requête de taxation formée le 14 avril 2021 par Me B______, administrateur spécial de la faillite de A______ SA.

Au fond :

Arrête le tarif horaire de la rémunération de M. E______ à 150 fr.

Arrête la rémunération de l'administrateur spécial et de ses auxiliaires, pour la période du 12 mars 2015 au 4 mars 2021, à 175'000 fr.

Réserve la facturation des dernières opérations de liquidation à hauteur d'un montant de l'ordre de 20'000 fr.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI-RIZZI, présidente; Messieurs Patrick CHENAUX et Jean REYMOND, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI-RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.