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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2583/2021

DCSO/406/2021 du 21.10.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Poursuite abusive; fond de la créance
Normes : CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2583/2021-CS DCSO/406/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 OCTOBRE 2021

Plainte 17 LP (A/2583/2021-CS) formée en date du 4 août 2021 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du
à :

-A______
______
______ [GE].

-B______
______
______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A.           a. Le 15 octobre 2019, B______ a adressé à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) deux réquisitions de poursuite ordinaires dirigées contre A______ en vue du recouvrement de deux montants de 3'500 fr. et 5'000 fr., plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 2 octobre 2019, allégués être dus au titre de "Honoraires concernant les dossiers C______, Ministère public, D______ [régie]", respectivement de "Honoraires concernant la remise du bar "E______" selon contrat de vente du 12 juin 2018".

b. Les commandements de payer, poursuites n° 1______ et 2______, établis le 15 octobre 2019 par l'Office conformément à ces réquisitions, ont été notifiés le
18 octobre 2019 à A______, qui a formé opposition totale.

c. Par jugement du 9 mars 2020, le Tribunal de première instance a déboutéB______ de ses conclusions en mainlevée provisoire dans la poursuite
n° 1______.

d. Le 26 octobre 2020, B______ a adressé à l'Office une réquisition de poursuite ordinaire dirigée contre A______, portant sur un montant 5'000 fr., plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 2 octobre 2019, allégué dû au titre "d'honoraires concernant le dossier E______".

e. Le commandement de payer, poursuite n° 3______, établi le 3 novembre 2020 par l'Office conformément à cette réquisition, a été notifié le 9 novembre 2020 à A______, qui a formé opposition totale.

f. Par jugement du 27 avril 2021, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite, n° 1______, et ce à hauteur de 400 fr., avec intérêts à 5% dès le 2 octobre 2019.

A______ a été condamnée à verser 90 fr. à B______ au titre de frais de la procédure, tandis que ce dernier a été condamné à verser à A______ 750 fr. au titre de dépens.

g. Le 24 juin 2021, B______ a requis la continuation de la poursuite n° 1______, à hauteur de 400 fr.

h. Le même jour, B______ a requis une nouvelle poursuite ordinaire contre A______, portant sur les sommes de 90 fr., plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 27 avril 2021, 50 fr. et 150 fr., alléguées dues "selon jugement du Tribunal de première instance du 27 avril 2021", "frais de rappel" et "frais administratifs".

Le commandement de payer correspondant, poursuite n° 4______, établi le
1er juillet 2021 par l'Office, a été notifié à A______ le 7 juillet 2021, laquelle a formé opposition totale à la poursuite.

i. Le 5 juillet 2021, l'Office a envoyé à A______ un avis de saisie pour le
10 août 2021, dans la poursuite n° 1______.

B. a. Par acte adressé le 4 août 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les quatre poursuites précitées, lesquelles étaient selon elle abusives.

Elle avait sollicité les services de B______ dans le cadre de la reprise d'un commerce. Alors qu'elle attendait une réponse concernant le bail à loyer de l'établissement, elle avait été victime d'un grave accident, qui avait provoqué son hospitalisation et un arrêt de travail. Elle n'avait ainsi pas été en mesure de reprendre cette activité.

B______ l'avait insultée et menacée d'engager des poursuites, menaces qu'il avait mises à exécution en lui faisant notifier les deux commandements de payer de 5'000 fr. et 3'500 fr.

Dans la mesure où, en définitive, la dette de B______ à son égard était supérieure à la sienne, la saisie était abusive.

b. Dans sa détermination du 25 août 2021, B______ a indiqué qu'il retirait les poursuites n° 2______ et 3______.

Il maintenait en revanche les poursuites n° 1______ et n° 4______, annonçant qu'il déposerait plainte pénale pour diffamation, au vu des mensonges proférés par A______.

c. Dans son rapport du 25 août 2021, l'Office s'en est rapporté à justice, tout en indiquant que A______ avait soldé la poursuite n° 1______.

d. A______ a répliqué en date du 6 septembre 2021.

e. L'Office a confirmé que les poursuites n° 2______ et 3______ avaient été retirées à la suite de contrordres.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 La plainte, dirigée contre une mesure de l'office ne pouvant être attaquée par la voie judiciaire, émane en l'espèce du débiteur poursuivi, soit d'une personne touchée ou exposée à l'être dans ses intérêts protégés, et respecte les exigences de forme découlant de la loi. Déposée plus de dix jours après la notification des quatre commandements de payer, elle est certes tardive; ce vice ne porte toutefois pas à conséquence dès lors que l'unique grief soulevé conduirait, s'il devait être admis, à la nullité des poursuites. Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2. 2.1 La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.2.1 Dans le cas d'espèce, en tant que la plainte vise les poursuites n° 2______ et 3______, elle est devenue sans objet, celles-ci ayant été retirées par le poursuivant.

2.2.2 En ce qui concerne la poursuite n° 1______, la plaignante estime en substance que les honoraires réclamés par le poursuivant seraient sans fondement, dès lors qu'à la suite de son accident, elle a été contrainte d'interrompre les démarches visant à la reprise d'une activité commerciale. La plaignante, qui admet avoir sollicité les services du plaignant dans ce contexte, considère qu'elle ne lui doit rien, vu l'issue du dossier. Or, il s'agit là d'un moyen dirigé contre la prétention elle-même, dont l'examen est réservé, conformément aux principes rappelés ci-dessus, au juge ordinaire. Ni l'Office lors de l'établissement du commandement de payer ni la Chambre de céans dans le cadre d'une procédure de plainte ne sauraient pour leur part se prononcer sur des questions de droit matériel relatives à l'existence, au montant et à l'exigibilité des prétentions déduites en poursuite.

Le fait que le juge civil ait accordé la mainlevée définitive de l'opposition, certes à concurrence d'un montant bien inférieur à celui initialement réclamé, ne plaide pas en faveur de l'existence d'un abus de droit de la part du poursuivant, qui s'estimait en droit de réclamer le paiement de ses honoraires.

Faute d'éléments permettant d'admettre l'existence d'un abus de droit de la part du poursuivant, la poursuite n'est ainsi pas atteinte de nullité.

2.2.3 En ce qui concerne la poursuite n° 4______, ni les sommes réclamées, ni le libellé des créances (selon jugement, frais de rappel, ou frais administratifs) ne permettent de conclure à l'existence d'un abus de droit. Il s'agit en effet d'indications plausibles et de montants usuels. Il n'appartient pas à la Chambre de céans de déterminer si ces prétentions sont fondées. On ne discerne pas non plus dans cette poursuite la volonté du poursuivant de nuire à la plaignante comme motif exclusif du recours à la voie de l'exécution forcée, lequel éclipserait totalement l'intention apparente de recouvrer les créances invoquées.

Aussi, la plainte doit être rejetée dans la mesure où elle a conservé un objet.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 4 août 2021 par A______ contre les poursuites n° 1______, n° 2______, n° 3______ et n° 4______.

Au fond :

La rejette dans la mesure où elle a conservé un objet.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.