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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1055/2021

DCSO/355/2021 du 17.09.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 05.10.2021, rendu le 04.01.2022, IRRECEVABLE
Descripteurs : Minimum vital; Calcul; Atteinte flagrante et nullité du PV de saisie; Plainte déposée avant notification du PV de saisie; recevabilité
Normes : LP.93; LP.17; LP.22
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1055/2021-CS DCSO/355/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/1055/2021-CS) formée en date du 9 mars 2021 par A______, en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ est employé aux C______ à 50 % et déclaré à 50 % invalide. Il bénéficie des rentes AI et LPP correspondant à cette invalidité.

Il est marié avec B______, actuellement au chômage et au bénéfice d'indemnités-journalières.

Une fille, D______, est née le ______ 2015 de cette union.

A______ est également le père d'un enfant, E______, né d'une union antérieure le ______ 2012, vivant avec sa mère en Belgique, pour lequel il verse une contribution d'entretien de 680 fr. par mois.

A______ et son épouse font l'objet de poursuites et de saisies depuis plusieurs années. Des actes de défaut de biens pour un total de l'ordre de
150'000 fr. ont été émis à l'encontre de A______. Il a des poursuites en cours pour un total de l'ordre de 5'000 fr.

b. Il est notamment visé parune poursuite n° 1______, requise par F______ SA pour un montant de total dû de 2'497 fr. 25 au
1er avril 2021 (capital, intérêts et frais) à titre de primes d'assurance maladie.

c. Le commandement de payer étant devenu exécutoire, la créancière a requis le 14 décembre 2020 la continuation de la poursuite.

d. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a convoqué A______ le 24 février 2021 afin de faire le point sur sa situation financière. Sur la base du formulaire 6a, la quotité saisissable de ses revenus a été déterminée comme suit :

Revenus de la famille :

- Salaire du débiteur 4'000 fr. 00

- Rente LPP du débiteur 3'021 fr. 20

- Contributions d'entretien due par le débiteur -680 fr. 00

(420 euros en faveur de son fils; 200 usd en faveur de sa mère)

- Salaire de l'épouse du débiteur 1'180 fr. 00

- Déductions AVS/AI/APG de l'épouse du débiteur -118 fr. 05

Total des revenus de la famille 7'403 fr. 65

Dont part réalisée par le débiteur : 6'341 fr. 20 (85.65 %)

Dont part réalisée par l'épouse du débiteur : 1'062 fr. 45 (14.35 %)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien 2'100 fr. 00

(1'700 fr. pour un couple, 400 fr. pour un enfant à charge)

- Logement 1'329 fr. 00

- Assurance maladie du débiteur (considérée comme impayée par l'Office) 0 fr. 00

- Assurance maladie de l'épouse du débiteur (idem) 0 fr. 00

- Assurance maladie de l'enfant du débiteur (idem) 0 fr. 00

- Frais de recherche d'emploi de l'épouse du débiteur 80 fr. 00

- Repas à l'extérieur du débiteur 145 fr. 20

- Transports du débiteur et de son épouse (2 x 70 fr.) 140 fr. 00

- Frais de parascolaire de l'enfant 144 fr.00

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 3'938 fr. 20

Dont le 86.65 % imputé au débiteur : 3'373 fr. 07

Dont le 14.35 % imputé à l'épouse du débiteur : 565 fr. 13

Quotités saisissables mensuelles

débiteur : 6'341 fr. 65 – 3'373 fr. 07 = 2'968 fr. 13

épouse du débiteur : 1'062 fr. 45 – 565 fr. 13 = 497 fr. 30

e. L'Office a établi le 12 avril 2021 un procès-verbal de saisie des revenus du débiteur à concurrence de toute somme supérieure à 3'373 fr. 07 par mois, valable du 5 mars 2021 au 11 février 2022, fondée sur les calculs susmentionnés. La saisie a été exécutée le 11 février 2021 auprès des C______ à concurrence de tout montant supérieur à 1'687 fr., à retenir sur le salaire du débiteur, et auprès de la Caisse de pensions des C______ à concurrence de tout montant supérieur à 1'687 fr., à retenir sur les pensions d'invalidité du débiteur.

B. a. Par acte expédié le 9 mars 2011 au Tribunal de première instance, transmis le 23 mars 2021 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une "requête contre l'Office" suite à la convocation du 26 février 2021. Il lui reprochait d'avoir déduit du minimum vital de D______ les allocations familiales, alors "qu'il ne les percevait pas car elles étaient payées dans son salaire". Par ailleurs, le montant de 680 fr. déduit de ses revenus dans la feuille de calcul à titre de contributions d'entretien en faveur de son fils et de sa mère n'était pas, en réalité, répercuté dans le calcul concret de son minimum vital. En outre, la saisie pratiquée sur les pensions d'invalidité était trop élevée et portait atteinte aux rentes pour enfants. Enfin, il estimait que ce qu'il touchait après déduction de la quotité saisissable permettait à peine à la famille de vivre.

b. Par ordonnance du 23 mars 2021, la Chambre de surveillance a invité le plaignant à compléter sa plainte en produisant la décision de l'Office visée par sa plainte et à préciser ses griefs.

Par courrier du 24 mars 2021, le plaignant a critiqué la fixation du minimum vital de la famille à 3'600 fr. alors qu'il considérait ses besoins minimaux à 4'613 fr., sans l'assurance maladie. Il évoquait également des pratiques divergentes entre les différents huissiers qui ont suivi son dossier depuis plusieurs années.

c. Le plaignant est encore intervenu auprès de la Chambre de surveillance le
13 avril 2021, stigmatisant l'huissière en charge de son dossier qui refusait de lui remettre le procès-verbal de saisie, ce qui lui aurait permis de le soumettre à l'autorité de surveillance.

d. Dans ses observations du 20 avril 2021, l'Office a en substance expliqué avoir modifié le montant de la saisie de salaire, portant le minimum vital à 4'054 fr. par mois, sans expliquer comment il parvenait à ce chiffre.

e. Par courrier du 21 avril 2021, le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.2. La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.3 Lorsque le débiteur entend se plaindre d'une saisie prétendument contraire aux art. 92 et 93 LP, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne peut en principe être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 2010, n. 19 ad art. 112 LP et Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n. 4 ad art. 114 LP).

A l'inverse, le débiteur est censé avoir renoncé à se prévaloir de ce moyen s'il ne s'est pas adressé à l'autorité de surveillance dans les dix jours suivant la communication du procès-verbal de saisie. La jurisprudence a cependant tempéré cette exigence et admis, pour des raisons d'humanité et de décence, que la nullité d'une saisie peut être prononcée, malgré la tardiveté de la plainte, lorsque la mesure attaquée prive le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher. L'exception ainsi faite à la règle a été étendue aux cas où la saisie porte une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF 97 III 7, JdT 1973 II 20 ss; cf. ég. ATF 114 III 78, JdT 1990 II 162 ss).

1.4. En l'occurrence, la plainte ne visait, au moment de son dépôt, aucune mesure de l'Office, mais semblait avoir pour but d'inviter l'Office à rendre une décision qui tienne compte des besoins de la famille, évalués à 4'613 fr. sans les primes d'assurance maladie par le plaignant. Ce dernier y exprimait la crainte que le calcul de la quotité disponible n'intègre pas la contribution d'entretien qu'il versait à sa mère et à son fils d'un premier lit et les allocations familiales touchées pour D______. La plainte était ainsi irrecevable puisqu'elle ne visait pas une mesure existante de l'Office au moment de son dépôt. En outre, on ne voit pas que l'Office n'aurait pas correctement procédé à la saisie litigieuse, notamment en tardant délibérément à émettre un procès-verbal de saisie ouvrant la voie à la plainte.

Conformément aux principes susrappelés, il convient néanmoins d'examiner si le procès-verbal de saisie établi par l'Office après le dépôt de la plainte et des différentes écritures de plaignant n'est pas radicalement nul en raison d'une atteinte flagrante au minimum vital.

2. 2.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après :
NI-2019 publiées au recueil systématique des lois genevoises RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture et les frais de vêtement (OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3
NI-2019), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2019), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI-2019) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI-2019), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP).

La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (NI-2019 in RS/GE E.3.60.04), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, op. cit., p. 132).

Seuls les montants effectivement payés doivent être pris en compte (ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; ATF 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; ATF 112 III 19, JdT 1988 II p. 118).

2.2 En l'espèce, aucun des griefs articulés par le plaignant ne permet de constater une atteinte flagrante à son minimum vital. Au contraire, le calcul finalement établi par l'Office semble bien favorable au débiteur en ce sens qu'il ne déduit pas les allocations familiales versées pour D______ de sa base d'entretien, alors que de telles allocations en 300 fr. sont bien versées au plaignant à teneur de ses fiches de paie. Sur le second grief du plaignant, l'Office a bien tenu compte, dans les charges incompressibles du débiteur, des contributions d'entretien qu'il verse à sa mère et à son fils d'un autre lit. Pour le surplus, la Chambre de surveillance ne détecte pas d'anomalie flagrante en défaveur du plaignant dans le calcul de l'Office. Le plaignant ne conteste notamment pas que l'Office n'ait pas tenu compte des primes d'assurance maladie dans les charges de la famille, vraisemblablement faute de paiement. Le fait que le plaignant considère qu'il dispose d'insuffisamment de moyens pour entretenir sa famille n'est pas pertinent et le calcul de son minimum vital qu'il propose dans une pièce jointe à l'une de ses écritures n'est en tous les cas pas conforme aux principes exposés ci-dessus.

2.3 En conclusion, dans la mesure où elle aurait été recevable, la plainte aurait été rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

 

Déclare irrecevable la plainte formée par A______ le 5 mars 2021 contre les opérations de saisie conduites par l'Office dans le cadre de la poursuite n° 1______.

 

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.