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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2925/2011

DCSO/441/2011 du 24.11.2011 ( DEM ) , ADMIS

Descripteurs : Renvoi TPI. Collocation. Cession de créance. Acte de défaut de biens.
Normes : LP.22.2
Résumé : Les actes de l'Office des faillites - qui découlent certes d'une décision erronée (collocation de la créance de l'actionnaire correspondant au capital-actions de la faillie qu'il avait souscrit) - ne sont pas entachés de nullité.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2925/2011-CS DCSO/441/11

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU jeudi 24 novembre 2011

 

Cause A/2925/2011-CS, requête formée le 23 septembre 2011 par le Tribunal de première instance (2ème chambre - JTPI/14053/2011 dans la cause C/25860/2010-2), relatif à la validité de la décision de collocation prise par l'Office des faillites dans le cadre de la faillite dela société C______ SA et des actes subséquents.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- Tribunal de première instance
2ème chambre - JTPI/14053/2011
dans la cause C/25860/2010-2.

- B______ SA
c/o Me Roger MOCK, avocat
Rue du Conseil-Général 18 1211 Genève 11.

- Office des faillites Faillite 2009 xxxx19 X / OFA5.

 


EN FAIT

A. a. La société C______ SA a été constituée le 22 septembre 2006. Son capital-actions, de 100'000 fr., est divisé en cent actions nominatives de 1'000 fr. chacune et a été entièrement libéré. B______ SA a souscrit nonante-huit actions à titre fiduciaire, M. B______ une action à titre fiduciaire et Mme Z______ une action.

Mme Z______ a été nommée administratrice unique de la société avec pouvoir de signature individuelle et Mme G______ a été désignée en qualité de réviseur. M. F______ et M. I______ ont été nommés directeurs, avec pouvoir de signature individuelle pour le premier et collective à deux pour le second.

Par jugement du 15 septembre 2009, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de C______ SA.

b. Le 7 janvier 2010, B______ SA a produit une créance de 100'000 fr. correspondant au capital-actions de la faillie qu'elle avait souscrit à titre fiduciaire, ainsi qu'une créance de 48'000 fr. au titre d'une avance actionnaire.

Par décision du 3 mars 2010, l'Office des faillites (ci-après : l'Office) a admis la production de B______ SA en 3ème classe pour la somme 100'000 fr. "à la condition que tous les autres créanciers soient désintéressés. Créance postposée, tout surplus au capital social écarté". La cause de la créance mentionnée est "montant du capital pour la couverture des actions souscrites". La production de 48'000 fr. a été écartée.

c. Le 16 avril 2010, l'administration de la masse, soit pour elle l'Office, a cédé à B______ SA, en application de l'art. 260 LP, les droits de la masse portés à l'inventaire sous ch. 66, soit les prétentions en responsabilité contre les organes de la faillie pour la somme non chiffrée à concurrence du découvert dans la faillite; un délai au 16 avril 2011 lui était imparti pour faire valoir ses droits. Il ressort de cette décision que la majorité des créanciers a, par décision prise à la suite d'une proposition par voie de circulaire du 25 mars 2010, renoncé à faire valoir elle-même les susdites prétentions.

d. Le 27 avril 2010, l'Office a déposé le compte de frais et tableau de distribution, lequel fait mention de la créance de B______ SA en 3ème classe, à hauteur de 100'000 fr., et du découvert du même montant.

e. Le 17 mai 2010, l'Office a communiqué à B______ SA un acte de défaut de biens après faillite à hauteur de 100'000 fr.

B. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 4 novembre 2010, B______ SA a conclu à la condamnation de Mme Z______ au paiement de 100'000 fr. plus intérêts à 5% dès le 30 mars 2010. Elle a allégué que Mme Z______ avait violé tous les devoirs qui lui incombaient en sa qualité d'administratrice de la faillie et qu'elle était en conséquence tenue de réparer le dommage en résultant, en application de l'art. 754 al. 1 CO.

Par jugement du 22 septembre 2011 (JTPI/14053/2011), le Tribunal de première instance a déclaré irrecevables les conclusions de B______ SA - au motif que cette dernière, qui faisait valoir une créance de la communauté des créanciers contre l'administratrice de la faillite, aurait dû conclure au paiement de dommages et intérêts à la société, la répartition de l'éventuel gain du procès devant ensuite se faire dans l'ordre décrit à l'art. 757 al. 2 CO - et a transmis son jugement à la Chambre de surveillance. Le Tribunal de première instance a retenu que l'administration de la faillite avait admis à l'état de collocation la créance de l'actionnaire en remboursement de ses versements au capital de la société " à la condition que tous les autres créanciers soient désintéressés"; or, cette manière de procéder ne paraissait pas conforme à la loi (art. 59 al. 2 OAOF); le jugement devait donc être transmis à la Chambre de céans pour examen de la validité de la décision de collocation et des actes subséquents (cession de créance, acte de défaut de biens après faillite).

b. L'Office et B______ SA ont été invités à présenter leurs observations.

Le premier a exposé que l'administration de la faillite n'avait pas admis sous condition une prétention subordonnée à une condition suspensive, mais avait simplement rappelé le principe selon lequel le capital-actions n'était remboursé aux actionnaires qu'après complet paiement des dettes sociales; en tout état de cause, B______ SA, en sa qualité d'actionnaire, pouvait bénéficier de la cession des droits de la masse. L'Office a, par ailleurs, admis qu'un acte de défaut de biens "n'avait en théorie pas à être délivré à B______ SA", un actionnaire n'étant pas un créancier. Il a toutefois relevé que la portée pratique de la question était limitée dans la mesure où le débiteur, personne morale, perd son existence suite à sa radiation du Registre du commerce au terme de la liquidation de la faillite.

La seconde n'a pas répondu.

C. Selon les données du Registre du commerce, la société C______ SA a, suite à la clôture de la procédure de faillite, été radiée d'office (publication dans la FOSC du 22 juillet 2010).

EN DROIT

1. 1. Selon l’art. 22 al. 1 phr. 2 LP, les autorités de surveillance constatent indépendamment de toute plainte la nullité de mesures contraires à des dispositions édictées dans l’intérêt public ou dans l’intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure. Peu importe la façon dont elles acquièrent la connaissance de la prise de telles mesures; ce peut être notamment par le biais d’une plainte ou d’une dénonciation ou dans le cadre de l’exercice de ses tâches de surveillance. La LP prévoit explicitement que le juge saisi d’une réquisition de faillite ajourne sa décision et soumet le cas à l’autorité de surveillance s’il estime qu’une décision nulle a été rendue dans la procédure antérieure (art. 173 al. 2 et 3 LP). Pareil procédé se justifie aussi lorsque, comme en l’espèce, le juge, saisi d'une action en paiement formée par un cessionnaire des droits de la masse en faillite, est d'avis que la décision de collocation et les actes subséquents (cession de créance et acte de défaut de biens après faillite) pourraient être nuls.

Il y a donc lieu que la Chambre de céans (art. 6 al. 1 LaLP) entre en matière sur la présente cause.

2. 2.1. Dans la faillite de la société, les créanciers sociaux ont aussi le droit de demander le paiement à la société de dommages et intérêts. Les droits des actionnaires et des créanciers sociaux sont toutefois exercés en premier lieu par l'administration de la faillite (art. 757 al. 1 et 2 CO).

Si l'administration de la masse renonce à exercer ces droits, tout actionnaire ou créanciers social peut le faire. Le produit sert d'abord à couvrir les créances des créanciers demandeurs, conformément à la LP. Les actionnaires demandeurs participent à l'excédent dans la mesure de leur participation à la société; le reste tombe dans la masse (art. 757 al. 3 CO).

L'action visée par la disposition précitée ne peut tendre qu'au paiement de dommages et intérêts à la société. La jurisprudence a exclu que le créancier (ou éventuellement l'actionnaire) puisse disposer dans la faillite d'une créance propre pour le dommage indirect. Seule existe la créance unique de la communauté des créanciers. Lorsque cette créance n'est pas invoquée en justice par son titulaire (l'administration agissant au nom de la masse), mais par une autre personne habilitée par la loi (le créancier ou l'actionnaire), cette dernière exerce un mandat procédural correspondant à celui découlant de l'art. 260 LP. Le créancier, ou l'actionnaire, est autorisé par la loi à faire valoir en justice, en son propre nom, la créance appartenant à la communauté des créanciers et à conclure au paiement des dommages et intérêts dus à la masse (Bernard Corboz, CR-CO II, ad art. 757 n° 19).

2.2. Des considérants qui précèdent, il s'ensuit que la prétention de B______ SA, actionnaire, ne devait pas être portée à l'état de collocation. L'Office, qui déclare dans son rapport "qu'un acte de défaut de biens n'avait pas à être délivré à cette société dans la mesure où l'actionnaire n'est pas un créancier", l'admet du reste expressément.

Cela étant, cette décision de collocation, qui n'est pas contraire à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personne qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP), n'est pas entachée de nullité. Au surplus, l'état de collocation, qui n'a pas été attaqué par la voie de la plainte (pour vice de forme ou de procédure et notamment en cas de décision conditionnelle; Charles Jacques, CR-LP, ad art. 246 n° 43 et ad art. 250 n°s 14 et ss) ni contesté par la voie judiciaire (art. 250 al. 2 LP), est entré en force.

3. 3.1. L'art. 757 CO permet aussi aux actionnaires d'agir et ne requiert aucune décision de cession; l'art. 260 LP, qui ne concerne que le créancier exige que celui-ci demande et donc obtienne la cession des droits. La réserve de l'art. 757 al. 3 CO a seulement pour but de montrer, afin d'éviter toute discussion sur ce point, que la voie de la cession en faveur d'un créancier selon l'art. 260 LP n'est pas supprimée par la disposition spéciale contenue à l'art. 757 CO. L'art. 260 LP constitue donc une autre voie procédurale, également ouverte, pour parvenir au même résultat. En revanche, la cession selon l'art. 260 LP est exclue pour un actionnaire (Bernard Corboz, op.cit, ad art. 757 n°s 39-41).

3.2. En l'occurrence, la créance de B______ SA ayant été colloquée et l'administration de la faillite ayant renoncé à agir, cette société a demandé et obtenu la cession des droits qui lui a été accordée en application de l'art. 260 LP, l'Office l'ayant considérée comme une créancière. Puis, l'état de collocation étant devenu définitif, cette créance a été portée dans le tableau de distribution (art. 261 et ss LP) et l'Office a délivré à la créancière un acte de défaut de biens (art. 265 al. 1 LP).

3.3. La validité de ces actes, qui découlent certes d'une décision erronée mais non entachée de nullité (cf. supra consid. 2.2.), ne saurait dès lors être remise en cause.

3. La Chambre de céans constatera en conséquence que la décision de collocation et les actes subséquents (cession de créance et acte de défaut de biens) ne sont pas nuls.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la requête formée par le Tribunal de première instance concernant la validité de la décision de collocation prise par l'Office des faillites dans le cadre de la faillite dela société C______ SA et des actes subséquents.

Au fond :

Constate que cette décision et les actes subséquents ne sont pas entachés de nullité.

Siégeant :

Madame Ariane WEYENETH, présidente; Monsieur Philipp GANZONI et Monsieur Eric de PREUX, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Ariane WEYENETH

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.