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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4123/2024

JTAPI/529/2025 du 19.05.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION SUR OPPOSITION;RETARD;MANDATAIRE
Normes : LIFD.133.al1; LPFisc.41.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4123/2024 ICCIFD

JTAPI/529/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les taxations 2020 à 2022 de Madame A______ et Monsieur B______.

2.             Par bordereaux datés du 23 février 2024 et notifiés par e-démarches, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour les années en cause.

3.             Le 9 octobre 2024, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux en contestant la valeur locative de leur logement retenue par l’AFC-GE.

À réception de leurs taxations, au mois de mars, ils avaient mandaté une fiduciaire, mais il semblait que celle-ci n’avait pas déposé de réclamation. Ils ne l’avaient découvert qu’à leur passage dans les locaux de l’AFC-GE, en octobre 2024. Pour cette raison, le délai de réclamation était dépassé.

Ils sollicitaient une « révision » de leurs taxations, en ce sens que la valeur locative de leur logement devait être déterminée sur la base d’une surface déterminante de 69.90 m2 et non de 195.70 m2.

4.             Par six décisions datées du 25 novembre 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

5.             Par acte du 10 décembre 2024, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de ces décisions.

Rappelant la chronologie des faits, ils ont exposé que le retard pris par le Registre foncier (ci-après : RF), ainsi que par l’AFC-GE durant la période de Covid-19, les avaient pénalisés pour les périodes suivantes, à savoir 2021 à 2023. S’ils avaient été taxés normalement en 2020, ils auraient eu la possibilité de faire corriger les erreurs commises au cours des années ultérieures.

Les demandes peu explicites que leur avait adressées l’AFC-GE au sujet de la valeur locative de leur logement et des deux appartements loués avaient eu pour conséquence qu’ils avaient dépassé les délais de réclamation. Pourtant, ils avaient sollicité de l’autorité intimée des explications dans les temps. Une réponse de sa part leur aurait permis de comprendre plus rapidement où se trouvait l’erreur.

Ils demandaient que l’AFC-GE reconsidère ses décisions.

6.             Dans sa réponse du 11 février 2025, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours pour cause de tardiveté de la réclamation. Les contribuables n’invoquaient aucun motif sérieux tendant à justifier leur retard et ils s’étaient entièrement acquittés des montants fixés par les bordereaux incriminés, en juin et en août 2020, soit avant le dépôt de leur réclamation. Enfin, ils avaient remis des états locatifs divergents au cours de la procédure. Au surplus, les conditions de la révision n’étaient pas réunies.

7.             Par réplique du 26 février 2025, les contribuables ont fait valoir qu’ils avaient acquitté les intérêts moratoires afin de ne pas rencontrer de problèmes. Ces intérêts devaient être reconsidérés, car ils avaient demandé d’être taxés en temps utile. Le problème provenait du RF qui avaient tardé de procéder à la mutation de leur bien immobilier.

8.             Dans sa duplique du 10 mars 2025, l’AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse. La question des intérêts de retard, soulevée pour la première fois par les contribuables aux stade de leur réplique, constituait un nouveau grief, sur lequel il n’y avait pas lieu d’entrer en matière.

9.             Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Étant donné que les décisions attaquées sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du présent recours et non les taxations en tant que telles. En conséquence, le tribunal doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, il doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner lui-même le détail des taxations (arrêt du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation du 9 octobre 2024 avait été déposée tardivement. En revanche, il ne peut examiner si l’AFC-GE a correctement calculé la valeur locative du bien immobilier des recourants, ni se prononcer sur la question des intérêts de retard, évoquée par les précités dans leur recours et leur réplique.

4.             À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et
art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).

Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).

5.             En l’occurrence, les contribuables ont élevé réclamation le 9 octobre 2024 à l’encontre des bordereaux datés du 23 février 2024. La date de notification de ces taxations n’est pas connue. Cependant, dans leur réclamation, contrairement à ce qu’ils indiquent dans leur recours, ils reconnaissent avoir reçu les bordereaux incriminés en mars 2024 et admettent expressément qu’ils n’ont pas respecté le délai pour contester ces taxations. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration leur est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.3 et 2.4.1).

6.             En annexe à leur recours, les contribuables ont produit un message e-démarches qu’ils ont envoyé à l’AFC-GE le 2 mai 2024, dans lequel ils ont relevé que la valeur locative de leur bien immobilier avait été revue à la hausse. Ils y ont demandé que l’autorité intimée leur fournisse le détail du calcul de cette valeur, afin qu’ils puissent comprendre les modifications apportées. Le même jour, l’AFC-GE a accusé réception du message des recourants et leur a confirmé l’envoi du détail des montants retenus pour calcul de la valeur locative. Les intéressés soutiennent cependant qu’ils n’ont jamais reçu le détail du calcul en question.

Ce message ne saurait constituer une réclamation à l’encontre des bordereaux du 23 février 2024, soit une contestation portant sur leurs taxations. Au contraire, ainsi que les contribuables l’indiquent dans leur recours, il constitue une simple demande d’explications adressée à l’autorité intimée au sujet de la manière dont celle-ci a calculé leur valeur locative.

7.             Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

Cela étant, les recourants se prévalent implicitement d’une restitution de délai.

8.             Passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD ; art. 41 al. 3 LPFisc).

9.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).

La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. En effet, le premier est responsable des actes de celui qui le représente et répond de toute faute de ses auxiliaires (ATA/370/2024 du 12 mars 2024 consid. 2.5). Le contribuable (ou d’autres participants à la procédure) ou son représentant légal ou contractuel (ainsi que, le cas échéant, ses auxiliaires) doit avoir été empêché de respecter le délai pour de justes motifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_566/2020 du 10 juillet 2020 consid. 4.3.1 et ss.). En font partie les circonstances indépendantes de la volonté du contribuable et de son représentant, qui rendent impossible une action en temps utile (impossibilité objective), mais pas une impossibilité subjective telle qu’une surcharge de travail, une erreur sur le calcul du délai, sur la validité des féries judiciaires ou, plus généralement, une erreur de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4).

10.         En l’espèce, les recourants reprochent à leur fiduciaire, à qui ils ont confié la gestion de leurs affaires fiscales, de ne pas avoir déposé de réclamation. C’est vainement qu’ils rejettent la faute sur leur mandataire, car ils répondent de ses manquements comme des leurs propres.

Ils adressent également divers griefs à l’AFC-GE, à qui ils reprochent de leur avoir adressé des demandes de renseignements peu claires et d’avoir tardé pour les taxer. Ils se plaignent également du fait que le RF a pris trop de temps pour enregistrer la mutation de leur bien immobilier durant la pandémie de Covid-19. Or, l’on ne voit pas en quoi une taxation intervenue très tardivement les auraient empêchés de réclamer en temps utile.

Partant, il n’y a pas lieu de leur octroyer une restitution de délai.

11.         À plusieurs reprises, le tribunal a jugé que lorsqu’un contribuable demande à l’AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération ou de révision (JTAPI/122/2025 du 3 février 2025 et les références citées).

12.         Aux termes de l’art. 147 al. 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). L’art. 147 al. 2 LIFD précise que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.

Le droit cantonal, à l’art. 55 LPFisc, comporte une teneur similaire

13.         Même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).

Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

14.         En l’espèce, dans sa réponse, l’AFC-GE fait valoir que les conditions de la révision ne sont manifestement pas remplies.

Ce point de vue doit être approuvé. En effet, les contribuables ne font valoir aucun grief qu’ils n’auraient pas pu invoquer au cours de la procédure ordinaire de réclamation. La valeur locative de leur logement figure dans les avis de taxation immobiliers des années en cause, de sorte qu’ils auraient aisément été en mesure de la vérifier le montant retenu par l’AFC-GE et, cas échéant, de le contester.

Les recourants demandent également la reconsidération des intérêts moratoires qui leur ont été facturés. Le tribunal ne peut entrer en matière sur cette conclusion. Celle-ci ayant été formée au stade de la réplique, elle doit en effet être considérée comme tardive et, partant, irrecevable. (ATA/24/2024 du 9 janvier 2024 consid. 12.3).

15.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

16.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 décembre 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 25 novembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Kristina DE LUCIA, présidente, Pascal DE LUCIA et Caroline GOETTE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Kristina DE LUCIA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière