Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1613/2025

JTAPI/506/2025 du 13.05.2025 ( LVD ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1613/2025 LVD

JTAPI/506/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 mai 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Margot MUGNY, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 6 mai 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours à l'encontre de Monsieur B______, soit du 5 mai 2025 à 23h44 jusqu'au 15 mai 2025 à 17h00, lui interdisant de contacter ou de s'approcher de Madame A______ et de s'approcher et de pénétrer à l'adresse privée de la précitée, sise avenue de C______ 1______, D______.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association VIRES ou E______, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique
(cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ;
LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Le 5 mai 2025, M. B______ a voulu rentrer chez lui, mais la porte d'entrée était verrouillée. Il sied de préciser qu'il n'avait pas les clés du domicile. Sa femme, soit [la] nommée A______ n'a pas voulu le laisser rentrer, ce qui a déclenché une dispute verbale. Lors de cette dispute des injures ont été échangées.

Description des violences précédentes :

Le 14 mars 2025, au domicile des deux concernés, M. B______ aurait saisi fortement la mâchoire de Mme A______, avec sa main droite, afin de l'empêcher de crier. Le même soir, il aurait également saisi fermement par les deux bras et pousser violemment en arrière la plaignante. Suite à ces deux actions, Mme A______ a été blessée ».

3.             Il ressort du rapport de renseignements établi par la police le 6 mai 2025 que le 5 mai 2025, vers 19h25, la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL) a sollicité l'intervention d'une patrouille de police au domicile des susvisés à l'adresse précitée pour un conflit de couple.

Sur place, les agents ont pris langue avec M. B______ qui leur a expliqué que son épouse ne le laissait pas entrer dans leur domicile, car elle le soupçonnait de voir une autre femme. Successivement, les agents ont pris langue avec Mme B______ qui leur a expliqué que le couple était en conflit depuis plusieurs mois et, qu'au mois de mars [2025], des violences s'étaient produites lors desquelles elle avait été blessée. Un constat de coups et blessures avait été établi à la clinique de la F______ et était joint au rapport. Mme B______ a souhaité déposer plainte pénale à l'encontre de son époux et a sollicité le prononcé d'une mesure d'éloignement à l'encontre de ce dernier. Nanti des faits, le commissaire a demandé à ce que les époux, ainsi que leur fille, Madame G______, née le ______ 1996, soient auditionnés sur-le-champ.

4.             Entendue le 5 mai 2025, à 20h49, Madame G______ a expliqué que, depuis qu'elle était en mesure de s'en souvenir, il y avait toujours eu des conflits entre son père et sa mère. Leur relation avait toujours été tendue, avec des accalmies qui duraient parfois des jours, des semaines ou des mois, mais qui étaient toujours suivies par une période de conflits constants. Les conflits étaient verbaux, mais elle trouvait que son père maltraitait sa mère sur le plan psychologique. En effet, son père buvait régulièrement de l'alcool et s'énervait contre sa mère, notamment en lui parlant mal et en la rabaissant. Il n'y avait pas d'injures ou de menaces prononcées par son père lors desdits conflits.

Au sujet du conflit survenu un mois environ auparavant, soit aux alentours du 10 mars 2025, vers 18h00, sa mère n'avait pas voulu laisser entrer son père car elle l'avait vu quelques jours plus tôt avec une autre femme. Elle était donc très énervée et ne voulait pas le voir. Son père avait tenté d'entrer dans l'appartement, mais sa mère s'était mise derrière la porte afin de la bloquer. Son père avait forcé l'entrée et sa mère était tombée. Sur question des policiers, elle a ajouté qu'elle ne pouvait pas donner plus de précisions, car elle n'avait pas directement assisté à cet événement au motif qu'elle se trouvait dans sa chambre. Elle avait entendu des bruits provenant du couloir et sa mère dire à son père qu'elle ne souhaitait pas qu'il entre, car elle ne voulait pas le voir. Elle était sortie de sa chambre et avait vu sa mère au sol, à côté de la porte d'entrée. Sa mère était en sanglots et elle n'arrivait pas à la calmer. Son père lui avait dit de la calmer, car elle était en pleine crise, selon lui, avant d'aller à la cuisine se préparer à manger. Malgré ses tentatives, elle n'avait pas réussi à calmer sa mère qui se plaignait de douleurs à la main. Elle avait alors fait appel à une ambulance qui, en pleine crise d'angoisse, avait été acheminée aux urgences psychiatriques. Le personnel soignant lui avait alors dit de prendre un rendez-vous avec un psychologue au centre H______ avant de renvoyer sa mère à la maison. Le poignet de sa mère n'avait pas été ausculté. Sa mère, qui n'avait pas souhaité rentrer à la maison, était allée dormir chez leur voisine. Quant à elle, elle était allée dormir chez son compagnon, car elle n'avait pas ses clés et son père n'avait pas voulu lui ouvrir la porte. Sur question des policiers, elle a précisé qu'elle n'avait pas vu ou entendu d'autres violences physiques entre ses parents. Lorsqu'elle était enfant, sa mère soupçonnait son père d'adultère et cela avait continué au cours des années. Sa mère n'avait jamais eu de preuves de cet adultère jusqu'à récemment. Selon elle, c'était pour cette raison que la relation entre ses parents avait toujours été tendue et qu'ils se disputaient verbalement. Elle n'avait jamais assisté à des injures ou des menaces.

Elle n'avait jamais subi de violences physiques. Cependant, elle avait déjà été victime de violences psychologiques de la part de son père, qui l'avait souvent rabaissée et dénigrée. Cela arrivait encore lorsqu'il consommait de l'alcool. Elle ne souhaitait pas déposer plainte pour ces faits.

Sur question de la police, elle a ajouté que sa mère s'était également fait mal à la côte lorsqu'elle avait été poussée par son père autour du 10 mars 2025. Elle ne s'en était pas plainte le jour du conflit, mais comme les douleurs persistaient depuis sa chute, elle avait consulté récemment et découvert que sa côte était cassée. Enfin, l'argent était la cause de plusieurs disputes, car ses parents avaient de la peine à payer certaines factures. Son père reprochait souvent à sa mère de ne pas rapporter d'argent à la maison.

5.             Entendu dans la foulée, en qualité de prévenu, M. B______ a expliqué avoir rencontré son épouse en 1995. Après quelques mois, ils avaient eu leur fille G______ au mois de mars 1996,et ils s'étaient mariés deux mois plus tard. Ils avaient toujours vécu ensemble. Leur couple se portait bien jusqu'au mois de janvier 2025, lorsque sa femme lui avait expliqué que, bien que vivant ensemble, ils étaient séparés. Il lui avait répondu qu'elle faisait comme elle voulait. Il ne se souvenait pas des dates exactes auxquelles ces événements s'étaient produits. Depuis lors, il avait commencé à sortir pour aller manger avec des copains. Au mois de mars 2025, à une occasion, il était allé manger avec une copine. Sa femme les attendait à la sortie du restaurant. Ce soir-là, son épouse et sa fille lui avaient dit d'aller dormir dehors, car elles n'acceptaient pas qu'il voie une autre femme. Le lendemain, il ne se souvenait plus de la date, mais c'était un lundi, il avait voulu rentrer chez lui. Cependant, sa femme n'avait pas vu les choses de la même façon. « La porte de leur domicile était verrouillée et il était donc entré ». Tout de suite, son épouse était venue vers lui, en lui criant dessus. Il l'avait repoussée, mais il ne savait pas si elle s'était cognée. Sur question de la police, il a répondu que sa femme n'était pas tombée parterre. Ils ne s'étaient pas battus et il n'avait pas remarqué que sa femme était blessée. Leur fille était sortie de sa chambre et était venue les voir. Il lui avait dit d'appeler une ambulance, car sa femme faisait une crise de folie. Une fois l'ambulance sur place, les ambulanciers avaient dit que son épouse n'avait rien. Les ambulanciers l'avaient néanmoins conduite à l'hôpital. Selon lui, ils avaient pris en charge sa femme, car elle faisait une crise de folie et pas parce qu'elle était blessée. Elle l'avait injurié lors de sa crise. Il n'avait pas répondu. Il ne se souvenait pas des injures et ne souhaitait pas déposer plainte. Le jour suivant, sa fille l'avait informé que sa femme allait loger chez leur voisine. Elle y était restée cinq jours, soit jusqu'au dimanche. Le dimanche en question, elle l'avait appelé pour lui donner rendez-vous dans un café afin qu'ils discutent, ce qu'ils avaient fait. Suite à cette discussion, son épouse était revenue à la maison. Ensuite, tout s'était bien passé jusqu'au 4 mai 2025. Sa femme le suspectait de voir à nouveau une amie. Un conflit verbal avait alors éclaté. Il l'avait cependant laissée crier, sans répondre. Il n'avait été ni injurié ni menacé au cours de ce conflit. Ce jour [le 5 mai 2025], il était allé manger dehors à midi. Lorsqu'il était revenu, la porte était fermée et sa femme ne l'avait pas laissé entrer. Il n'avait pas les clés de leur appartement, car ils avaient trois jeux de clés et il en avait perdu un. Son épouse ne l'avait jamais frappé ni menacé. Il ne voyait pas pourquoi il serait éloigné du domicile. Ils étaient très limités avec l'argent. Au pire, il pouvait dormir dans le salon et se débrouiller durant la journée. Il avait toujours payé les charges. Depuis que son épouse touchait des aides, elle payait la moitié. Leur fille était majeure et vivait la plupart du temps chez son compagnon. Son épouse pouvait rester à leur domicile, il n'y avait pas de soucis. Interrogé au sujet de ses antécédents, il a expliqué qu'il avait eu quelques amendes et un retrait de permis dix ans auparavant environ suite à un accident alors qu'il était ivre. Il suivait un traitement particulier suite à son opération du cœur. Il prenait treize pilules durant la journée, soit huit le matin, une à midi et quatre le soir.

6.             Également entendue au cours de la nuit du 5 mai 2025, Mme B______ a déclaré que, le 13 mars 2025, elle avait vu que son mari était au restaurant avec une autre femme. Elle l'avait vu quitter le restaurant en compagnie de celle-ci et entrer dans la même voiture que cette dernière. Elle avait ouvert la porte passager avant du véhicule et avait dit à cette femme qu'il s'agissait de son mari. Cette dernière, dont elle ne connaissait pas le nom, lui avait répondu « et pis quoi », avant de refermer la porte. Son mari, qui conduisait, avait ensuite quitté les lieux en voiture avec cette femme. Cela l'avait mise dans un état de crise et elle avait eu des idées noires. Elle était rentrée à la maison, seule. Vers 20h30, elle avait entendu son mari qui essayait d'entrer dans leur appartement, avec ses clés. Elle ne voulait pas le voir après ce qu'il avait fait. Elle s'était ainsi mise derrière la porte d'entrée et l'avait retenue. Son mari avait poussé la porte pour entrer de force. À un moment, elle n'avait plus réussi à retenir la porte. Sa fille, qui avait entendu le bruit qu'ils faisaient, était intervenue et avait demandé à son père de partir, ce que ce dernier avait fait.

Le lendemain, son mari avait à nouveau tenté d'entrer dans leur appartement. Elle n'était toujours pas dans un état d'esprit lui permettant de le voir en raison des flashs de ce qu'elle avait vu la veille. Elle se sentait angoissée, très triste et paniquée. Elle avait tenté de retenir la porte, mais en passant sa main par l'ouverture, il avait réussi à l'ouvrir entièrement. Il lui avait ensuite saisi fortement la mâchoire, avec sa main droite, afin de l'empêcher de crier. Cela lui avait fait mal et elle avait été blessée à la lèvre, du côté gauche. Il ne l'avait cependant pas empêchée de respirer. Après avoir mis sa main sur sa bouche, il l'avait saisie fermement par les deux bras, juste en dessous des épaules, avant de la pousser violemment en arrière. Elle était tombée parterre, contre la plinthe du mur et s'était fait mal à une côte, du côté gauche. Son mari l'avait ensuite enjambée et l'avait regardée en souriant, avant de vivre sa vie dans l'appartement sans se soucier d'elle. Suite à cela, leur fille était sortie de sa chambre et avait vu qu'elle était au sol, en crise. Elle avait fait appel à une ambulance. Elle avait été conduite aux urgences psychiatriques par les ambulanciers. À ce moment-là, les douleurs physiques étaient supportables, mais elle était au plus mal d'un point de vue psychologique. Lorsqu'elle était sortie de l'hôpital, elle n'avait pas voulu rentrer à la maison et voir son mari. Elle était donc allée chez une voisine. Elle y était restée durant une semaine, car elle avait peur de rentrer chez elle. Après une semaine, elle n'avait pas eu d'autre choix que de rentrer à la maison, car elle ne pouvait plus rester chez son amie. Elle avait fait constater ses blessures ultérieurement, soit le 18 avril 2025, car les douleurs persistaient. Elle transmettait copie du constat médical qui avait été établi. Dans ses souvenirs, elle n'avait pas été injuriée ou menacée durant ce conflit.

Elle avait subi des violences de la part de son mari à de nombreuses reprises. Elle ne pouvait pas détailler tous les épisodes de violence et leur fréquence. La plupart du temps, son époux la poussait.

Elle se rappelait néanmoins d'un conflit le 3 mars 2025, lors duquel son mari l'avait poussée fortement, ce qui l'avait fait reculer. En reculant, elle s'était cognée la main et avait été blessée au niveau du pouce. Elle s'était rendue le lendemain aux urgences et un constat médical avait été délivré.

Elle a ajouté, qu'en raison des nombreux conflits verbaux qu'elle avait eus par le passé avec son mari, lors desquels elle avait subi des violences psychologiques, elle avait été hospitalisée deux semaines, en 2022, dans l'unité des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour les personnes suicidaires. Elle subissait des humiliations, mais elle n'avait pas d'exemple concret à donner. Son mari était infidèle, ce qui créait beaucoup de tensions. Elle s'en était rendu compte en 2022. À partir de ce moment-là, leur relation s'était détériorée et leurs conflits s'étaient multipliés. Elle avait peur que son mari reste à leur domicile. S'agissant de la suite de leur relation, elle a indiqué avoir beaucoup d'interrogations en tête. Elle ne pouvait pas dire comment elle allait réagir.

À l'issue de son audition, elle a déposé plainte pénale contre son époux en raison des faits précités pour se rassurer psychologiquement et rassurer sa fille. Cela leur conférait aussi une protection.

À l'appui du rapport de renseignements étaient jointes copies des documents suivants :

-          constat de coups et blessures, établi le 4 mars 2025, par la Docteure I______, Clinique de la F______, à l'issue de la consultation du même jour à 20h57, faisant état, à l'examen clinique, d'un hématome de 3 cm de diamètre en regard du premier métacarpien avec douleur à la palpation de la colonne du pouce jusqu'au scaphoïde, sans fracture après bilan radiologique, consécutivement, selon les dires de Mme B______, à une chute suite à une dispute le samedi précédent avec traumatisme du pouce, relevant encore que « la patiente est par ailleurs extrêmement affaiblie, présente un état général diminué, des signes de déshydratation, un ralentissement psychomoteur à mettre en rapport avec une baisse de la thymie manifeste. Un bilan psychologique pourra être proposé » ;

-          rapport d'évaluation urgences psychiatriques, établi le 14 mars 2025, par les HUG, Docteure J______, suite à la consultation, le 11 mars 2025, à 20h45, de Mme B______, adressée par ambulance. S'agissant de l'anamnèse personnelle et psychiatrique, il est fait état d'une hospitalisation de Mme B______ du 26 octobre 2021 au 29 octobre 2021 pour épisode dépressif avec idées suicidaires en lien avec des doutes sur la fidélité de son mari, sans antécédents de tentative de suicide. S'agissant de l'anamnèse actuelle et facteurs de crise, il est rapporté que Mme B______ s'est dit se sentir triste et en colère, ne sachant pas comment se sortir de cette situation ; qu’elle aurait souffert d'une crise d'angoisse importante le soir en question à l'arrivée de son mari ; que ce dernier et sa fille seraient épuisés de la situation. Elle a en outre décrit des violences psychologiques de longue date comme suit : « ne répond pas à ses attentes, n'écoute pas ses besoins, l'ignore lorsqu'elle se plaint de quelque chose ». Le facteur de crise actuel serait l'infidélité de son mari, avec présentation d'idées de mort passive. Un retour à domicile a été préconisé avec mise en place de G______ crise aux K______ par les HUG ;

-          constat de coups et blessures, établi le 18 avril 2025, par la Docteure L______, Clinique de la F______, à l'issue de la consultation du même jour à 20h29, faisant état, à l'examen clinique, d'une désaturation à 92%, douleurs à la palpation costale inférieure gauche, de douleurs à la palpation costale inférieure gauche et d'une fracture costale inférieure gauche après bilan radiologique.

7.             Par acte du 9 mai 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le tribunal) le 12 mai 2025, Mme B______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours, expliquant, en substance, craindre de nouvelles violences tant physiques que psychologiques en cas de retour de son époux au domicile conjugal.

8.             Vu l'urgence, le tribunal a informé les parties, par téléphone du 12 mai 2025 et, à M. B______, par SMS du même jour, de l'audience qui se tiendrait le 13 mai 2025.

9.             Les parties ont été entendues le 13 mai 2025 par le tribunal.

Invité à se déterminer sur la demande de prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours déposée par son épouse, M. M. B______ a déclaré que le problème était qu'il avait 80 ans. Il avait toujours travaillé. Il avait toujours payé pendant 30 ans, pour elle, ainsi que pour leur fille, qui était à l'université aujourd'hui. Le problème était aussi qu'il était obligé de payer le loyer de l'appartement. Ils recevaient une aide pour le loyer, mais il ne pouvait pas payer de l'autre côté. Il prenait treize pastilles par jour pour son cœur suite à son opération et il ne souhaitait pas être trop loin de l'hôpital. Son état de santé n'était pas trop mal. Les médicaments aidaient. Son épouse aurait, soi-disant, été blessée à une côte. Or, il l'avait à peine poussée. Si elle avait eu une blessure, les ambulanciers l'auraient vue. Elle est restée ensuite une semaine chez une voisine. C'était ce qu'il avait expliqué à la police. Si elle voulait encore 30 jours, elle payait le loyer et se débrouillait. Il n'avait pas encore pris contact avec l'une ou l'autre des associations pour fixer un entretien socio-thérapeutique, mais essaierait de le faire le jour-même.

Actuellement, il louait une chambre dans le foyer, sis route du M______ 2______, N______. Le 15 mai 2025, un avocat d'office viendrait au foyer vers 18h40. Il pourrait discuter avec lui afin d'obtenir de l'aide pour les démarches. Il avait respecté la mesure d'éloignement. Il percevait sa rente AVS qui s'élevait à CHF 1'600.- par mois. Il n'avait pas de deuxième pilier. Il percevait donc le minimum. Ils avaient également CHF 1'860.- par mois d'aide sociale, soit CHF 930.- chacun. Leur fille, à charge, ne payait pas le loyer. Il n'avait pas d'autre famille à Genève que son épouse et sa fille. Sur question du tribunal, il a indiqué qu'il ne buvait plus d'alcool fort depuis qu'il avait été opéré. Il buvait deux verres de vin à midi et deux le soir, mais du vin léger de repas et rien d'autre. Lorsque la police était intervenue à son domicile, ils l'avaient fait souffler et le résultat avait été négatif. Après que le tribunal lui a fait remarquer que son épouse et sa fille avaient expliqué que les disputes récurrentes intervenaient lorsqu'il avait bu de l'alcool, il a répondu que c'était peut-être le cas avant son opération.

Invitée à se déterminer, Mme B______ a déclaré que son mari buvait tous les soirs. Cela dépendait des fois, parfois plus que d'autres, mais c'était surtout durant le week-end. Sa consommation d'alcool avait effectivement une influence sur leurs disputes.

Invité à se déterminer sur les faits lui étant reprochés par son épouse, après lui avoir résumé les déclarations de celle-ci à la police, M. B______ a déclaré que cela faisait des années qu'elle lui disait qu'ils étaient ensemble, mais séparés, que sa femme pouvait faire ce qu'elle voulait, mais qu'elle devait en faire de même avec lui. Il était vrai qu'il était allé au restaurant avec une autre femme, mais lui ne disait rien quand elle était chez son amie et qu'elle rentrait à 04h00 du matin, comme le lendemain de son opération du cœur.

Mme B______ a répondu aux dires de son mari en indiquant que ce dernier n'avait aucune raison de tenir de tels propos, sauf à se justifier, car elle n'avait rien fait de mal. Elle avait toujours respecté son foyer. Il y avait eu plusieurs épisodes de violences, mais elle confondait les dates. Elle avait consulté le 4 mars 2025 pour sa blessure au pouce. L'ambulance était venue deux fois à son domicile, sauf erreur entre le 11 et le 14 mars 2025 et en avril 2025. En avril 2025, un dimanche, elle avait appelé son mari qui n'avait ensuite pas raccroché. Le téléphone était ainsi resté allumé et elle avait entendu tout le rendez-vous de son mari avec son amie ; ces derniers se dirigeaient vers un hôtel pour avoir un rapport sexuel. Elle s'était trompée, l'ambulance n'était pas venue en avril, mais une fois le 11 mars 2025. S'agissant des faits ayant conduit à l'établissement du constat de coups et blessures du 4 mars 2025, elle a indiqué, qu'au cours d'une dispute avec son époux, sa main avait cogné le tabouret dans la cuisine, se blessant au niveau du pouce. Elle avait perdu l'équilibre au cours de la dispute. S'agissant des faits survenus, sauf erreur de sa part, le 11 mars 2025, son mari avait essayé d'entrer et elle avait retenu la porte pour l'en empêcher. À un certain moment, il avait réussi à entrer un peu plus et avait passé sa main. Il avait mis sa main devant sa bouche. Ensuite, il l'avait saisie par les deux bras, fortement. Il l'avait mise d'un côté et elle était tombée parterre. C'était à ce moment-là qu'elle s'était cassé la côte.

M. B______ a contesté les faits tels qu'exposés par son épouse. Il n'avait pas de rapports sexuels avec d'autres femmes pour le moment. Son épouse n'avait pas été blessée. Il l'avait certes poussée, mais pas fort. Il n'avait pas vu qu'elle était tombée à terre.

Sur question du tribunal, Mme B______ a précisé que son mari était violent surtout quand il buvait. Dernièrement, c'était plus fréquent. Il y avait eu un moment d'apaisement, mais la situation s'était ensuite à nouveau aggravée. Cela avait commencé en 2022.

Invité à se déterminer sur ce qui aurait changé au sein du couple depuis 2022, M. B______ a déclaré que, depuis 2022, son épouse lui disait qu'ils vivaient ensemble, mais qu'ils étaient séparés.

Invitées à se déterminer sur la suite qu'ils entendaient donner à leur mariage et la vie commune en particulier, Mme B______ a expliqué se sentir blessée, tant physiquement que moralement. Elle avait besoin de temps pour soigner ses blessures. Elle n'avait pris aucune décision. Aujourd'hui, elle n'était pas en mesure de répondre à la question de savoir si elle souhaitait, ou non, reprendre la vie commune. M. B______ a, quant à lui, indiqué qu'il ne souhaitait pas vivre éloigné de l'hôpital. C'était à sa femme de décider de la suite.

M. B______ a indiqué ne pas s'opposer à la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours à condition que son épouse paie le loyer de l'appartement.

Mme B______ a ajouté que la situation était très difficile pour sa fille et elle-même. Elle s'acquitterait du paiement du loyer si elle avait assez d'argent, ce qui n'était pas le cas à l'heure actuelle. Leur loyer s'élevait à CHF 1'560.-.

Sur question de son conseil qui lui a demandé comment elle se sentait aujourd'hui et si elle avait encore des douleurs à la côte, elle a répondu que oui ; elle avait toujours des douleurs à la mobilisation. Elle ne pouvait pas porter beaucoup de poids. Surtout, elle souffrait moralement de la situation et de voir sa fille en souffrir également. C'était toujours elle qui l'accompagnait à l'hôpital, aux urgences et, la dernière fois, à la police. Or, elle avait besoin d'espace et de temps pour étudier correctement. Elle suivait des études universitaires qui étaient difficiles.

Sur question de son conseil qui lui a en outre demandé pourquoi elle ne voulait pas que son mari revienne à la maison et ce qu'elle craignait, elle a répondu qu'elle avait peur, s'il revenait, que la même situation se répète. Elle ne se sentait pas bien. Elle se sentait blessée physiquement et humiliée. Il ne s'était jamais excusé, à aucun moment. Il ne comprenait pas sa douleur. Il n'avait pas d'empathie à son égard. Dans un couple sain, il y avait des limites à respecter. Il y avait des zones rouges à ne pas dépasser. Si la personne dépassait ces lignes rouges, cela signifiait qu'elle ne nous aimait pas.

M. B______ ne s'est pas opposé à la prolongation sollicitée pour une durée de 30 jours, sous réserve que le montant du loyer de l'appartement soit payé par son épouse.

Mme B______, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de son époux pour une durée de 30 jours vu le risque de récidive et son besoin de repos.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, le tribunal prendra acte de l'accord de M. B______ à la demande de prolongation de la mesure d'éloignement déposée par son épouse – laquelle, au vu des circonstances du cas d'espèce, en particulier des pièces médicales produites aurait en tout état été prolongée vu le risque avéré de récidive − pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 14 juin 2025 à 17h00.

Cette prolongation ne sera assortie d'aucune condition. En effet, la question de savoir s'il incombe ou non à Mme B______ de s'acquitter du paiement du loyer durant la prolongation de la mesure ne relève pas de la compétence du tribunal, ce dernier ne pouvant qu'inviter les parties à s'adresser, le cas échéant, aux services et organismes sociaux susceptibles de leur apporter une aide financière.

5.             Par conséquent, la demande de prolongation sera admise et la mesure d'éloignement prolongée pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 14 juin 2025 à 17h00.

6.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

7.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 9 mai 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 6 mai 2025 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 14 juin 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police pour information.

Genève, le

 

Le greffier