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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1309/2025

JTAPI/419/2025 du 16.04.2025 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);VIOLENCE DOMESTIQUE;PROLONGATION
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1309/2025 LVD

JTAPI/419/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 avril 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineures B______ et C______, représentées par Me Endri GEGA, avocat et Me Estelle GAY, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur D______

 


 

EN FAIT

1.             Le 26 mars 2025, la police est intervenue au quai du ______[GE] pour un conflit de couple entre Madame A______ et Monsieur D______.

2.             Lors de son audition par la police le même jour à 21h11, Mme A______ a expliqué avoir été en couple avec M. D______ de novembre 2023 à décembre 2024, date de leur séparation. Ils s’étaient remis ensemble une semaine auparavant mais n’habitaient pas officiellement ensemble. M. D______ avait cependant dormi chez elle tous les soirs de la semaine.

Le 25 mars 2025, ils avaient eu un premier conflit alors qu’ils se trouvaient au domicile de M. D______ : elle avait alors décidé de rentrer chez elle à 3h00 du matin, ce qu’il n’avait pas apprécié.

Le 26 mars 2025, il était arrivé chez elle vers 12h30. Ils avaient commencé à discuter et M. D______ était parti dans sa chambre et avait commencé à fouiller son armoire. Il avait pris des affaires lui appartenant et elle lui avait donc demandé de les poser. Elle avait dans un premier temps essayé de prendre la boîte lui appartenant qu’il tenait dans les mains mais il l’avait repoussée. Elle avait donc saisi sa sacoche qui était sur son lit pour la garder dans le cas où il lui prendrait des affaires : c’était à ce moment-là que la situation avait « vrillé ». Il l’avait poussée pour ne pas qu’elle prenne la sacoche et l’avait ensuite mise sur le lit. Elle était sur le dos et il se tenait sur elle, lui tenant les poignets et lui disant de se calmer. Il lui avait dit des choses dégradantes et l’avait injuriée en la traitant de « sale pute » ; il avait également dit que si elle levait encore la main sur lui il allait la tuer. Elle avait pu se relever et il lui avait donné un coup au visage puis une gifle. Elle avait saisi la sacoche, avait couru au salon mais il l’avait suivie et elle s’était rapidement retrouvée au sol. Elle ne savait plus si elle avait reçu un coup à la tête ou si elle avait tapé le sol dans sa chute. Il s’était à nouveau mis sur elle mais ses souvenirs étaient flous. Elle avait le souvenir qu’ils avaient ensuite été dans le hall d’entrée et elle avait crié : elle avait entendu l’un de ses voisins crier en réponse à ses cris. M. D______ s’est calmé elle-même tremblait et pleurait : elle souhaitait que tout se termine et avait commencé à enregistrer tout ce qui se passait. Il avait fait mine de partir mais avait refusé de lui rendre ses clés ; elle souhaitait qu’il parte mais lui insistait pour discuter. La police était ensuite arrivée.

Elle lui avait pour sa part donné un coup au visage et l’avait poussé quand elle avait vu qu’il était en chaussures sur son lit, mais elle ne l’avait pas injurié à proprement parler.

Un premier événement avait eu lieu en avril 2024 pour une histoire de jalousie. Il lui avait alors lancé un livre assez lourd dessus et s’était mis sur elle en lui tenant les bras. C’était d’ailleurs assez fréquent qu’il se mette sur elle pour la contraindre ou la contenir, en tout cas pour prendre le dessus sur elle. Suite à cet événement, elle avait eu des bleus au niveau du corps et des os brisés ou fissurés au niveau du nez. Leur situation était alors devenue très conflictuelle et ils avaient rapidement des conflits lors desquels ils s’insultaient, lui plus qu’elle. Ils avaient également eu un conflit en juillet 2024, pour une bête histoire de jalousie. Elle avait le souvenir qu’il lui avait mis « une grosse droite » qui lui avait occasionné un gros bleu sur le côté droit du visage. Le 23 juillet 2024, ils avaient eu un conflit alors qu’ils se trouvaient en vacances en Espagne. En novembre 2024, il l’avait mise au sol et s’était placé sur elle pour prendre le dessus en mettant toute sa force : sa tête avait frappé le sol, c’était toujours le même scénario.

Lors de leur rupture en décembre 2024, elle avait entrepris des démarches afin de déposer plainte ; elle était allée voir le centre ______. Elle avait culpabilisé d’entreprendre ces démarches à l’encontre de son compagnon et y avait renoncé. Elle avait également été suivie par une psychologue parce que sa relation l’avait mise dans un état psychique très fragile.

Suite aux conflits qu’ils avaient eus, elle s’était rendue dans des permanences médicales mais avait toujours dit avoir eu un accident. Suite à l’événement du 25 mars 2025, elle avait fait établir un constat médical.

Elle possédait des captures d’écran et des enregistrements de leurs précédents conflits.

Elle souhaitait que M. D______ soit éloigné d’elle et voulait déposer plainte pénale.

3.             M. D______ a été entendu par la police le 27 mars 2025 à 1h17.

Il avait rencontré Mme A______ en fin d’année 2023 mais n’avait jamais habité avec elle. Elle avait deux enfants dont il s’était beaucoup occupé. Ces derniers n’avaient jamais assisté à des faits de violence de sa part. Par contre, à une reprise, ils avaient assisté à de la violence de la part de sa copine sur lui.

Le 25 mars 2025 au matin, il avait dormi chez elle et, ne travaillant pas le mardi matin, il avait rangé l’appartement et était allé lui acheter des fleurs. Mme A______ avait été « dure à vivre toute la journée » dans ses messages. Elle était dure dans ses propos même sans l’insulter, elle le rabaissait. En fin de journée, elle était rentrée chez elle et l’avait appelé par FaceTime pour l’insulter, le traitant de « connard », « fils de pute » et « vieux potes ».

Elle était finalement venue dormir chez lui le soir et, à un moment donné, elle s’était remise à insulter ses amis et la fille qu’il avait fréquentée alors qu’ils étaient séparés. Il lui avait demandé d’arrêter d’insulter cette fille, lui disant qu’il était facile de critiquer et de juger la situation de chacun sans raison et qu’on pouvait faire la même chose avec elle. Il pensait qu’elle n’avait pas apprécié ce qu’il avait dit et elle s’était alors mise en colère et avait décidé de partir de chez lui. Il lui avait alors demandé de lui rendre les clés de l’appartement et il en avait fait de même. Elle était ensuite partie. Il n’y a pas eu de violence ce soir-là.

Le lendemain, ils s’étaient de nouveaux écrits des messages ; il voulait aller chez elle pour la voir. Elle lui avait envoyé une capture d’écran du garçon qu’elle avait fréquenté pendant leur séparation. Lui-même était angoissé, anxieux, et s’était donc dépêché d’aller la retrouver après le travail : il avait deux idées bien précises en tête soit elle avait des explications et des excuses sur ce qui s’était passé, soit il allait récupérer ses affaires et rentrer chez lui pour de bon. Il avait besoin de se sentir rassuré.

Lorsqu’il était arrivé chez elle, elle avait ouvert la porte, avait expliqué ce qui s’était passé et lui avait donné son téléphone pour qu’il puisse voir les messages : cependant elle ne lui avait pas tout dit. Il s’était alors senti abandonné une nouvelle fois mais ne s’était pas énervé, n’étant pas un « gars colérique ». Elle était allée au salon et c’était là que tout avait commencé : il était en crise d’angoisse devant elle, lui demandant de l’aide, étant paniqué et elle lui avait répondu qu’elle n’avait pas envie de discuter avec lui. Il était alors allé dans la chambre à coucher calmement et sans l’insulter afin de récupérer ses affaires : lorsqu’elle était arrivée dans la chambre, elle lui avait sauté dessus et asséné les premiers coups, et l’avait poussé en essayant de saisir la boîte qu’il avait dans les mains. À ce moment-là, il n’y a pas eu de coups à proprement dits mais il avait tout de même dû la repousser sur le lit pour ne pas qu’elle le frappe. Elle avait ensuite fait des allers-retours entre salon et la chambre : elle avait peut-être appelé la police à ce moment-là. Elle avait commencé à crier de toutes ses forces comme s’il la tapait mais ce n’était pas le cas. Elle était revenue dans la chambre et lui avait mis des coups de poing, main fermée, au niveau de son dos, de sa tête et de son cou. Pour se défendre, il l’avait repoussée sur le lit et lui avait bloqué les bras pour éviter qu’elle le frappe : il lui avait saisi les poignets et cela avait duré peut-être cinq secondes. Elle s’était relevée et avait pris la sacoche avec ses effets personnels. Il s’était ensuite rendu au salon, l’avait tirée par dernière en l’« accompagnant » au sol et en lui tenant les bras : à ce moment-là, il l’avait peut-être traitée de « sale pute » et avait alors dit « c’est la dernière fois que tu me frappes, la prochaine fois je te tue » Il ne pensait évidemment pas ce qu’il lui avait dit. Il était retourné dans la chambre et avait rempli un sac en l’insultant de « sale pute » sans toutefois s’adresser directement à elle. Lorsqu’elle était revenue dans la chambre, elle lui avait de nouveau sauté dessus et mis des coups sur le dos et sur la tête : quand il s’était relevé, elle lui avait mis une droite au visage et lui-même lui avait instantanément rendu une gifle. Elle s’était mise à hurler. Il avait alors pris toutes ses affaires et était allé au salon, il avait essayé d’atténuer les tensions, calmement, en s’excusant, en essayant de la prendre dans ses bras mais elle n’avait pas voulu et il ne l’avait pas forcée. Il avait essayé de discuter avec elle mais elle ne voulait pas. Il ne l’avait pas projeté au sol et elle n’avait reçu aucun coup de sa part hormis une gifle lors du conflit. Il ne l’avait pas projetée par terre mais l’avait « accompagnée au sol » dans le salon : il ne lui avait pas porté de coup à la tête.

Il a expliqué qu’il y avait déjà eu des événements entre eux en 2024, en juillet 2024 et une dispute en Espagne également en juillet 2024. La dispute de la veille était leur quatrième.

Il estimait ne pas avoir d’avenir avec elle, souhaitant continuer sa vie sans elle et qu’elle n’en fasse plus partie. La mesure d’éloignement sollicitée par
Mme A______ lui convenait très bien et il la respectera.

4.             Par décision du 27 mars 2025 à 4h16, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement s’étalant du 27 mars 2025 à 5h00 au 16 avril 2025 à 17h00, à l'encontre de M. D______, lui interdisant de s'approcher ou de contacter Mme A______ et ses enfants mineures B______ et C______ et de pénétrer à leur adresse privée ______[GE].

Selon cette décision, M. D______ était présumé avoir, le 26 mars 2025, asséné une gifle au visage de Mme A______, l’avoir contrainte, en se mettant sur elle et en lui maintenant les poignets, l’avoir insultée de « sale pute », avoir menacé de la tuer et l’avoir projetée au sol en la poussant.

Cette décision retenait également des violences précédentes infligées par
M. D______ à Mme A______, soit en avril 2024, avoir lancé un livre sur son visage et l’avoir contrainte en se mettant sur elle ; aux alentours du 7 juillet 2024 lui avoir assené un coup de poing sur son visage, main fermée ; le 23 juillet 2024, en Espagne, lui avoir assené des coups et l’avoir injuriée ; en novembre 2024, l’avoir projetée au sol avant de la contraindre en se mettant sur elle.

5.             M. D______ ne s’est pas opposé à cette mesure.

6.             Par acte du 11 avril 2025, parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 14 avril 2025, Madame A______, sous la plume de son conseil, a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours.

7.             Vu l'urgence, le tribunal a informé Mme A______ par l'intermédiaire de son conseil par téléphone et par courriel, et M. D______ par téléphone et par sms du 14 avril 2025, de l'audience qui se tiendrait le 15 avril 2025.

8.             Par courriel du 14 avril 2025 à 12h05, le commissaire de police a informé le tribunal que M. D______ avait bien pris contact avec l’association VIRES mais que, pour l’instant, cette dernière n’avait pas de disponibilité pour agender un entretien socio-thérapeutique avec M. D______.

9.             Le tribunal a entendu les parties lors de l’audience du 15 avril 2025.

a.       Mme A______ a confirmé sa demande, tant en ce qui la concernait qu'en ce qui concernait ses deux enfants. Son mari n'habitait plus à son domicile au ______[GE] depuis le 1er mars 2025 et ils étaient séparés depuis l'été 2022. M. D______ n'avait pas tenté d'entrer en contact avec elle ni téléphoniquement ni physiquement ; il n'avait pas non plus tenté de voir ses deux enfants. Elle n’avait jamais habité avec M. D______, ce dernier n'était plus en possession des clés de son appartement et elle n’avait plus les clés de son appartement, sauf peut-être la clé de sa boite aux lettres qu’elle s’engageait à lui remettre. Elle avait encore ses Airpods chez
M. D______ et souhaitait récupérer les choses qui se trouvaient dans la boîte que M. D______ avait emmenée de chez elle.

Elle ne craignait pas des violences physiques de la part de M. D______ mais plutôt des pressions psychologiques pour qu’elle entre en contact avec lui. Elle craignait qu'il ne la fasse culpabiliser tant du fait de la présente démarche parce qu’elle avait déposé plainte pénale contre lui. Elle a indiqué qu’ils n’avaient pas encore eu d'audience de confrontation dans le cadre de la procédure pénale.

Elle s’était séparée de M. D______ et n’avait pas l'intention de se remettre en couple avec lui. Elle a confirmé avoir tenté d'entrer en contact avec lui depuis le prononcé de la mesure, lui ayant adressé deux sms et ayant tenté à quatre reprises de l'appeler par téléphone avec un numéro masqué. M. D______ publiait de nombreuses photos notamment de ses enfants sur Instagram et elle avait souhaité pouvoir discuter avec lui car elle estimait que son comportement était une pression psychologique sur sa personne. Il avait publié une quinzaine de post sur Instagram contenant des textes mélancoliques, notamment le texte d'une chanson qu’ils écoutaient ensemble et une seule photo de sa fille et de lui-même. Elle n’avait pas l'intention de recontacter M. D______, elle l’avait fait précédemment car elle n'était psychologiquement pas bien après avoir vu la photo publiée sur le profil Instagram de M. D______. Elle craignait que si elle revoyait M. D______ dans certaines circonstances, par exemple dans un bar ou dans une boîte de nuit, la violence revienne : elle n’allait cependant plus dans ce genre d'établissement.

Ils s’étaient séparés à plusieurs reprises et elle avait souvent culpabilisé mais aujourd'hui elle était assez forte pour ne pas retomber dans une relation avec
M. D______. Elle était actuellement suivie à l'UIMPV aux HUG et était en arrêt de travail.

b.      M. D______ a confirmé qu’il n’avait plus les clés de l'appartement de Mme A______ et que cette dernière n'avait plus les clés de son propre appartement, sauf peut-être, une clé de boîte aux lettres. Il n’avait pas tenté d'entrer en contact avec elle depuis le prononcé de la mesure. Il était très au clair sur le fait qu’il ne souhaitait pas recontacter Mme A______ et que leur couple n'existait plus. Mme A______ avait effectivement tenté d'entrer en contact avec lui par différents moyens depuis le prononcé de la mesure, notamment en lui envoyant un sms et tentant de l'appeler téléphoniquement. Il avait actuellement bloqué le contact concernant
Mme A______ sur son téléphone, dès lors elle ne pouvait pas voir son profil Instagram. Il était exact qu’il publiait sur un profil Instagram non nominatif des textes mélancoliques : c'est la manière dont il vivait la séparation d’avec Mme A______ mais ces textes n’étaient pas destinés à ce qu'elle les voit. Il n’avait pas d'animosité envers elle mais il ne souhaitait plus avoir de relations avec elle. Il n’avait plus d'affaires à récupérer chez elle. Il n’avait aucune intention de chercher à revoir Mme A______. Il était déjà arrivé, en boîte de nuit, que Mme A______ l’agresse physiquement : il ne lui tenait rigueur de rien.

Le contenu de cette fameuse boîte avait été éliminé.

Il a confirmé que leur relation avait été toxique mais qu'aujourd'hui il n'avait aucune intention de quoi que ce soit envers Mme A______ et il souhaitait continuer à vivre. Les pressions dans leur couple venaient et de l'un et de l'autre, régulièrement par réseaux sociaux interposés et appels téléphoniques par numéros masqués, raison pour laquelle il avait coupé tout contact avec Mme A______ sur les réseaux sociaux. Il avait publié la photo de la fille de Mme A______ par pure nostalgie car il était toujours très attaché à ses enfants dont il s’était occupé pendant leur relation. Il pensait qu'il serait préférable que Mme A______ le bloque sur les réseaux sociaux et il s’engageait à éviter de publier des photos des enfants de Mme A______.

Il était exact qu’il sortait de deux relations toxiques. Dans la relation avec
Mme A______, il y avait eu de la violence des deux côtés mais pour sa part, il s’était simplement défendu. Il ne minimisait pas du tout la situation.

c.       Le conseil de Madame Mme A______ a indiqué qu’elle n’avait pas de procuration concernant la représentation des enfants. Sa mandante avait une autorité parentale conjointe avec son mari duquel elle était séparée. Elle a plaidé et conclu à la prolongation de la mesure pour une durée de 30 jours.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, les faits dont Mme A______ se plaint d’avoir été victime le 26 mars 2025 correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi. Il semble toutefois qu’il y ait de la violence de part et d’autre lors de l’altercation du 25 mars dernier. La question n'était pas de savoir lequel des intéressés était plus responsable que l'autre de la situation, ce qui était bien souvent impossible à établir. L'essentiel était de séparer les intéressés en étant au moins à peu près certain que celui qui était éloigné était lui aussi l'auteur de violences, lesquelles pouvaient également être psychologiques, ce que la mesure d’éloignement a permis.

Mme A______ indique craindre de la part de M. D______ des pressions psychologiques et qu’il la fasse culpabiliser des démarches qu’elle a entreprises, soit la mesure d’éloignement et la procédure pénale en cours ouverte suite à son dépôt d’une plainte pénale. Elle souhaite également que
M. D______ cesse de publier des textes mélancoliques et des photos de sa fille sur les réseaux sociaux.

Le tribunal relèvera tout d’abord que le couple n’a jamais habité ensemble, chacun ayant son propre appartement et que, selon leurs propos concordants, ils ont chacun récupéré les clés de leur propre appartement, à l’exception d’Airpods appartenant à Mme A______ se trouvant chez M. D______, ils n’avaient aucune affaire à récupérer ou à partager. Ils n’ont dès lors aucune raison ni obligation de se rencontrer.

M. D______ a pris contact avec l’association VIRES comme la loi l’y oblige et a totalement respecté la mesure, n’ayant pas tenté d’entrer en contact ni avec Mme A______ ni avec les enfants de cette dernière. Par contre, Mme A______ a reconnu avoir envoyé deux sms et appelé à quatre reprises M. D______ depuis le prononcé de la mesure, ce qu’elle reconnaît comme étant une erreur.

Lors de l’audience M. D______ a clairement indiqué n’avoir aucune intention de reprendre contact avec Mme A______, estimant que leur couple était terminé. Il s’est engagé à éviter de publier des photos de l’enfant de Mme A______, ayant toutefois expliqué que ses publications l’aidaient à surmonter les moments difficiles qu’il traversait suite à sa séparation et n’étaient pas directement destinées à Mme A______.

La mesure prononcée n’interdit aucunement à M. D______ de publier des textes mélancoliques et la photo, floutée, de la fille de Mme A______ sur les réseaux sociaux – ces publications ne pouvant être considérées comme un contact direct prohibé par la mesure d’éloignement - et il appartient à Mme A______ de ne plus suivre M. D______ sur les réseaux sociaux si elle estime que ses publications pourraient lui faire ressentir une pression psychologique.

5.             Au vu de ce qui précède, le tribunal ne peut, en l'état, retenir un risque suffisamment concret de réitération des violences domestiques qui justifierait une prolongation de la mesure, Mme A______ ayant la possibilité de s’éloigner des éventuelles pressions psychologiques qu’elle pourrait ressentir en se coupant des réseaux sociaux dans lesquels M. D______ pourrait être actif.

Le tribunal rappellera à cet égard que la prolongation de la mesure d’éloignement ne peut être envisagée que sous l’angle de la prévention de violences domestiques et n’a pas pour vocation de se substituer à des mesures prises, par exemple, sur le plan pénal dans le cadre de la procédure ouverte suite au dépôt d’une plainte pénale.

6.             Il résulte de ce qui précède que la demande de prolongation sera rejetée et la mesure d'éloignement prendra effectivement fin le 16 avril 2025 à 17h00.

7.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

8.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineures B______ et C______, le 11 avril 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 27 mars 2025 à l’encontre de Monsieur D______ ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu'il ne sera pas perçu d'émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

 

Genève, le

 

La greffière