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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3713/2024

JTAPI/379/2025 du 10.04.2025 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;ORDURE MÉNAGÈRE
Normes : LGD.3; LGD.10; LGD.43; RGD.16; RGD.17; RGD.30
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3713/2024 DOMPU

JTAPI/379/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 avril 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______

contre

VILLE DE B______ - SERVICE C______

 


EN FAIT

1.             Selon le registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations, Monsieur A______ est domicilié au 1______, rue de D______, B______ depuis le 1er août 2024. Il était précédemment domicilié au 2______, avenue E______, B______.

2.             Le 10 octobre 2024, le service voirie-ville propre (ci-après : C______) de la Ville de B______ (ci-après : la ville) a infligé à M. A______ une amende de CHF 200.- pour dépôt illicite de déchets à l’écopoint situé au chemin de F______, B______, le mercredi 2 octobre 2024 à 15h00.

3.             Par acte du 6 novembre 2024, M. A______ a recouru contre cette amende auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation.

Il avait récemment déménagé dans le quartier des G______ et un déménagement nécessitait toujours une période d’adaptation pour se familiariser avec des règles différentes ; dans l’immeuble à H______ où il habitait précédemment, un container papier/carton se trouvait dans l’immeuble.

Il avait été induit en erreur par un échange de messages qu’il avait eu avec son concierge, lequel l’avait informé qu’il pouvait déposer ses cartons de grande taille à côté de la benne le mardi soir en vue de la collecte des cartons le mercredi matin.

Le fait qu’il ait laissé son nom et son adresse sur les cartons attestait de sa bonne foi.

Il s’agissait de plusieurs cartons approchant les deux mètres de longueur, soit des déchets encombrants qui n’étaient pas repris par le service de ramassage de la voirie. Il aurait par ailleurs été long et fastidieux de devoir les découper un à un, afin de les afin de pouvoir les introduire dans la benne.

Suite à l’avis de passage déposé dans sa boîte aux lettres, il avait contacté par téléphone l’unité de gestion des incivilités de la ville et avait été étonné du manque de psychologie et de flexibilité dont le collaborateur avait fait preuve. Ce dernier lui avait indiqué ne faire que constater sans avoir aucune marge de manœuvre à disposition.

Il déplorait qu’un service de la ville destiné à combattre les incivilités prenne pour cible un honnête citoyen qui avait visiblement fauté par ignorance et inadvertance, alors même que l’écopoint était le théâtre, semaine après semaine, de dépôts sauvages en tout genre.

4.             La ville s’est déterminée sur le recours le 20 février 2025, concluant à son rejet et au déboutement de l’ensemble des conclusions formulées par le recourant, avec suite de frais à la charge de celui-ci. Elle a produit des pièces.

L’amende était fondée sur un constat d’infraction opéré le mercredi 2 octobre 2024 à 15h00 par deux contrôleurs du domaine public, aux termes duquel un carton d’emballage de téléviseur avait été déposé à même le sol, hors des bennes, sur le centre de tri du chemin de F______.

L’immeuble du recourant n’était pas muni de containers pour les déchets, car le propriétaire de celui-ci participait à l’entretien de l’écopoint du chemin de F______, dont ses locataires pouvaient faire usage, en particulier pour le papier et le carton. Comme tout locataire de l’immeuble en question, le recourant en avait été informé, ce qu’il ne contestait pas puisque c’était bien là qu’il était allé déposer ses cartons.

Le fait qu’il s’agissait d’une première infraction n’était pas pertinent puisqu’elle ne dispensait pas d’avertissement dans le domaine des infractions de la loi sur la gestion des déchets, et qu’il n’incombait pas à l’autorité d’attirer l’attention des citoyens sur les prescriptions légales à respecter.

Le recourant ne pouvait ignorer qu’il était défendu de déposer des déchets en dehors des bennes car cela était dûment indiqué par le biais de pas moins de six autocollants placés sur les containers. Il disposait donc de toutes les informations requises pour une utilisation conforme de l’écopoint.

Par ailleurs, de l’aveu même du recourant, il aurait été long et fastidieux de découper les cartons pour les introduire dans la benne, de sorte qu’il a préféré déposer ses cartons, dont le carton litigieux, hors containers, comme en témoigne également la main courante établie par les contrôleurs du domaine public suite à leur contact téléphonique avec le recourant. Ce document, qui retranscrivait la teneur de cet échange mentionnait que le recourant s’était emporté au téléphone, expliquant que le carton est trop grand et qu’il n’allait pas perdre du temps à le découper.

En tout état, l’infraction avait été dûment constatée et n’était au demeurant pas contestée, mais justifiée par le recourant de manière non pertinente. L’amende administrative querellée était ainsi fondée tant en fait qu’en droit.

Enfin, le montant de l’amende constituait le minimum légal et le recourant ayant lui-même reconnu avoir déposé en dehors de la benne plusieurs cartons de grande taille, dont le propriétaire n’avait pas été identifiable, et non pas que celui ayant fait l’objet du constat du 2 octobre 2024, le montant de l’amende paraissait clément.

 

5.             Le recourant a répliqué le 14 février 2025.

Il ne contestait pas les bases légales justifiant l’amende, mais contestait par contre une application sans nuance de la loi, en ne tenant pas compte des circonstances particulières qu’il avait exposées. Par ailleurs, le C______ ne répondait pas à la plupart de ses questions.

Il y avait à son avis des failles dans les règlements et leur application, qui mériteraient au moins une réflexion. Si le C______ ne pouvait pas dispenser d’avertissement dans le domaine des infractions, il fallait peut-être corriger cela, sans quoi des citoyens de bonne foi se retrouveraient à devoir payer pour ceux qui commettaient systématiquement des infractions.

La question de l’égalité des citoyens en matière de prestations publiques se posait également dans le cas présent, une benne avec une ouverture de 40 cm x 20 cm n’étant évidemment pas comparable avec un container d’environ 160 cm x 80 cm. Les explications concernant le fait que son immeuble n’était pas muni de containers n’était pas convaincant, les immeubles voisins bénéficiant non seulement de l’accès à l’écopoint mais également à des containers mis à leur disposition.

Concernant la main courante déposée par le collaborateur du C______ suite à son échange téléphonique, il ne s’était emporté qu’après s’être vu signifier une fin de non-recevoir. Son emportement résultait d’une incompréhension totale face au but de la démarche consistant à déposer un avis de passage dans une boîte aux lettres avec demande de rappel au service concerné : si cet exercice consistait uniquement à devoir expier sa faute afin de permettre au service de vous amender, autant être amendé tout de suite.

6.             La ville a dupliqué le 7 mars 2025, persistant dans les termes et conclusions de ses précédentes écritures

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville / le département en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à B______, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'applications (cf. art. 1 LGD).

Sont qualifiés de déchets toutes les choses provenant de l'activité ménagère, artisanale, commerciale, industrielle ou agricole dont le détenteur se défait ou dont l'élimination est commandée par l'intérêt public (art. 3 al. 1 LGD), étant précisé que sont qualifiés de déchets ménagers les déchets provenant de l'activité domestique, y compris les déchets organiques devant faire l'objet de collectes sélectives (art. 3 al. 2 let. a LGD).

5.             Il est interdit d'éliminer ou de déposer des déchets hors des installations publiques ou privées autorisées par le département ou des emplacements aménagés à cet effet et désignés par voie de règlement (art. 10 al. 1 LGD).

6.             L'art. 16 al. 1 RGD précise que les communes sont tenues de collecter, de transporter et d'éliminer les déchets ménagers conformément au plan cantonal de gestion des déchets.

Selon l'art. 17 RGD, ces dernières peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1), ces règlements pouvant prévoir les sanctions et les mesures prévues par la loi (al. 2).

7.             Le règlement communal édicté par la ville fixe les modalités de la collecte, du transport et de l'élimination des déchets urbains sur son territoire (cf. art. 1 al. 1).

8.             À teneur de l'art. 8 du règlement communal, les déchets tels que le papier-carton sont des déchets recyclables.

L'art. 25 al. 3 de ce règlement, précise que les autres déchets [autres que les ordures ménagères (al. 1) et les déchets organiques (al. 2)] doivent être déposés directement dans le réceptacle approprié selon l'art. 23 du règlement, lequel prévoit que le service en charge de la collecte des déchets met des écopoints à dispositions des ménages et des entreprises. L'al. 3 de ce même article indique que les conditions d'utilisation sont affichées sur les écopoints. Il est précisé que le dépôt de déchets hors des réceptacles est strictement interdit (al. 4).

9.             Selon l'art. 30 al. 1 du même règlement, il est interdit d'éliminer ou de déposer des déchets sur le territoire de la Ville hors des emplacements et des installations aménagés à cet effet et en dehors des horaires définis par le service en charge de la collecte des déchets.

10.         Conformément aux art. 43 al. 1 LGD, et 31 du règlement de la Ville, est passible d'une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant : à la LGD et au RGD, au présent règlement.

11.         En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir déposé le carton incriminé en dehors du conteneur de l’écopoint du chemin de F______, reconnaissant même en avoir déposé plusieurs. Il estime toutefois que le C______ n’avait pas tenu compte des circonstances, à savoir qu’il était un nouvel arrivant dans le quartier, qu’aucun container n’était à disposition dans son immeuble - alors que dans son ancien logement c’était le cas -, que son concierge lui avait dit qu’il pouvait déposer ses cartons le mardi soir, que ses cartons étaient de grande taille et qu’il n’allait dès lors pas perdre de temps à les découper, et que d’autres personnes déposaient également des déchets en dehors des bennes. Ayant déposé ses cartons de bonne foi, il n’aurait pas dû se voir infliger une amende et aurait dû faire l’objet d’un avertissement.

A cet égard, il lui sera rappelé qu’il est clairement signalé sur les centres de tri qu'il est interdit de déposer des déchets hors des bennes, ce qui rend inopérant son argument en lien avec le fait qu’il devait se débarrasser de grands cartons qui n’entraient pas dans les bennes : il devait faire en sorte de les découper afin de pouvoir les mettre dans une benne, ou les amener dans un espace de récupération cantonal. En tout état, en cas de doute quant à la procédure à suivre, il aurait dû se renseigner, étant souligné qu’habitant précédemment déjà en Ville de B______, il était au courant de la manière de se débarrasser des objets encombrants.

De même, l’argument selon lequel il se serait conformé aux indications que son concierge lui aurait données ne lui sont d’aucun recours car, d’une part, ces indications ne font aucunement référence au dépôt de cartons à l’écopoint et, d’autre part, elles ne sauraient primer sur les informations officielles de la ville quant à la gestion des déchets.

Enfin, même s’il était un nouvel arrivant dans l’immeuble, il ne pouvait ignorer le dispositif de collecte des déchets mis en place par la ville puisqu’en habitant précédemment à l’avenue E______, il en avait déjà été informé.

Au vu de ce qui précède, le principe de l’amende est fondé.

12.         S’agissant du montant de l’amende, la ville a prononcé l'amende la moins élevée prévue par son règlement, de sorte que le tribunal est lié par le texte de ce dernier et ne peut en revoir le montant. De même, la ville ne pouvait pas adresser d’avertissement au recourant dès lors que cette possibilité n’est pas prévue par la loi : la question de savoir si une telle possibilité devrait être prévue est clairement exorbitante au présent litige.

13.         Au vu de ce qui précède, l'amende sera confirmée, tant dans son principe que sa quotité et le recours rejeté.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 400.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de B______ du 10 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge Monsieur A______ un émolument de CHF 400.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Patrick BLASER et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière