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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1176/2022

JTAPI/283/2025 du 17.03.2025 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/1099/2025

Rectification d'erreur matérielle : Noms des juges assesseurs manquants.
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1176/2022 ICCIFD

JTAPI/283/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Xavier OBERSON, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             La présente cause a trait aux impôts 2011 et 2012 de feu C______ (ci-après : le de cujus ou le contribuable), décédé le ______ 2013 et feue D______ (ci-après la de cujus ou la contribuable), décédée le ______ 2020 (ci-après : les contribuables).

2.             Dans leur déclaration fiscale 2011, les contribuables ont fait notamment valoir la déduction de frais médicaux de CHF 6'116.- pour le contribuable et des frais de handicap de CHF 141'127.- pour lui-même et CHF 1'035'031.- pour son épouse. L'essentiel de leur fortune et de leurs revenus provenaient de biens immobiliers sis au ______[GE] (ci-après : les immeubles) déclarés pour une valeur fiscale de CHF 106'712'000.-. Les frais d'entretien mentionnés en déduction s'élevaient à CHF 738'018.-. A cette déclaration étaient annexés divers justificatifs, dont un questionnaire médical établi par le Dr. E______ le 17 avril 2012, mentionnant notamment le besoin d'une aide quotidienne nécessaire d'au minimum 12 heures pour la contribuable. La plus grande partie des frais de handicap revendiquée concerne le coût de gardes privées pour un total de CHF 630'720.-. Ceux-ci comprenaient également des frais de "lit accompagnant" pour un total de CHF 91'250.-.

3.             Dans leur déclaration fiscale 2012, les contribuables n'ont revendiqué la déduction d'aucun frais médicaux et frais de handicap de CHF 145'300.- pour le contribuable et CHF 980'488.- pour son épouse. Les immeubles précités étaient déclarés pour une valeur de CHF 106'712'000.- et les frais d'entretien revendiqués s'élevaient à CHF 824'882.-. Un nouveau questionnaire médical établi par le même médecin le 5 mars 2013 était annexé à la déclaration. D'après le détail également joint à celle-ci, le coût des gardes privées s'élevait à CHF 601'623.20. Ceux-ci comprenaient également des frais de "lit accompagnant" pour un total de CHF 91'700.-.

4.             Dans ses bordereaux ICC et IFD 2011 émis le 24 octobre 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a admis la déduction des frais de handicap à hauteur de CHF 141'127.- pour le contribuable et CHF 313'061.- pour son épouse. Aucun frais médical n'était admis en déduction. La valeur fiscale des immeubles était fixée à CHF 129'596'225.- et les frais d'entretien admis à CHF 738'018.-.

5.             Contre ces bordereaux, une réclamation a été déposée par le mandataire des contribuables par un courrier recommandé du 22 novembre 2016. Celui-ci relevait préalablement qu'une procédure était pendante devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) pour les années 2008 à 2010 pour des motifs identiques, raison pour laquelle il était demandé que le traitement de la réclamation soit suspendu. Les contribuables demandaient la déduction de l'intégralité des frais de handicap mentionnés dans leur déclaration et à une évaluation des immeubles conforme à leur déclaration, se référant à des expertises déjà produites dans la procédure pendante.

6.             Dans ses bordereaux ICC et IFD 2012 émis le 12 décembre 2018, l'AFC-GE a admis la déduction de frais de handicap de CHF 141'127.- pour le contribuable et CHF 287'185.- pour son épouse. La valeur fiscale des immeubles était arrêtée à CHF 153'425'479.- et des frais d'entretien admis en déduction à CHF 824'882.-.

7.             Contre ces bordereaux, une réclamation a été déposée par un courrier recommandé du 11 janvier 2019, dont la teneur est identique à celui du 22 novembre 2016 relatif à la période 2011.

8.             Par une décision du 14 mars 2022, l'AFC-GE a maintenu ses taxations 2011 sur les points litigieux et les a modifiées sur d'autres qui ne sont pas contestés. Elle soulignait avoir admis en déduction au titre de frais de handicap, les frais de pension, de soins, les honoraires médicaux, les médicaments, le matériel de location, les physiothérapeutes, frais de laboratoire et frais divers pour un montant total de CHF 327'727.- sous déduction de la participation de l'assurance maladie. Avaient été en outre ajoutés des débours de pharmacie et du médecin traitant pour un total de CHF 17'724.-.

9.             Par une décision du 16 mars 2022, l'AFC-GE a maintenu ses taxations 2012 sur les points litigieux, en précisant que le montant de frais de handicap de CHF 141'127.- admis pour le contribuable correspondait à la prescription médicale de son médecin. Pour son épouse, la même règle avait été appliquée que pour la période précédente.

10.         Contre ces décisions, des recours ont été déposés par deux actes parallèles postés le 8 avril 2022. Les recourants concluent à la déduction de l'intégralité des frais de handicap mentionnés dans leur déclaration et à ce que la valeur fiscale des immeubles soit fixée à CHF 106'712'000.-, subsidiairement à l'admission d'une déduction supplémentaire de CHF 33'771.- en 2011 et CHF 58'148.90.- en 2012 au titre de charges et frais d'entretien effectifs. Ils concluent par ailleurs à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge de l'Etat et à l'allocation d'une équitable indemnité.

Les recourants, héritiers des de cujus, exposent notamment que la contribuable était hospitalisée à la clinique de F______ (ci-après : la clinique) depuis le 22 mai 2008 et jusqu'à son décès. Elle présentait un coma glasgow 3 suite notamment à un AVC. Bien que se trouvant dans un état comateux, elle entendait et percevait tout ce qui se disait et se passait autour d'elle. Elle était nourrie par une sonde et était totalement incontinente. Deux heures par jour, elle était sortie de son lit pour être mise sur son fauteuil afin de conserver une certaine stimulation. Son état de santé extrêmement préoccupant nécessitait une présente constante à ses côtés en raison du risque d'étouffement et d'asphyxie. Des certificats médicaux et questionnaires l'attestent.

Les recourants relèvent que l'AFC-GE a refusé la déduction des frais liés à une garde permanente et à ses accessoires, en particulier pour un lit d'accompagnant, qui représentaient, en 2011, CHF 630'720.- et CHF 91'250.-, en 2012, CHF 601'603.20.- et CHF 91'700.-. Relevant que la qualification de personne handicapée est admise, ils soulignent que son état critique nécessitait la présence permanente d'une infirmière et aide-infirmière qualifiée pour respecter un protocole précis. Le risque permanent d'étouffement nécessitait cette présence pour permettre de la redresser immédiatement dans son lit afin d'éviter des conséquences fatales, raison pour laquelle la décision a été prise de faire appel à des gardes privées qui n'étaient pas fournies par la clinique. Ce risque létal a été souligné par le médecin traitant.

D'autres soins nécessitaient également la présence de deux personnes, de sorte que les frais litigieux ne peuvent pas être qualifiés comme de "convenance personnelle". Les recourants demandent l'audition des médecins qui se sont successivement occupés de la de cujus au sein de la clinique pour l'attester.

En ce qui concerne les frais de handicap dus de cujus, qui ne sont litigieux que pour l'année 2012, les recourants indiquent qu'ils ne comprennent pas pour quelle raison les frais relatifs à l'acquisition de chaussures orthopédiques et à divers traitements n'ont pas été retenus dans les taxations et demandent que la différence de CHF 4'173.- soit admise en déduction supplémentaire.

S'agissant enfin des immeubles, ils demandent principalement que leur valeur fiscale soit réduite sur la base d'expertises et, subsidiairement, qu'une déduction supplémentaire relative à la différence de l'impôt immobilier complémentaire soit admise.

11.         Par un courrier du 13 juin 2022, l'AFC-GE a demandé que la procédure soit suspendue en raison d'une cause pendante pour les périodes précédentes.

12.         Avec l'accord des recourants confirmé par un courrier du 24 juin 2022, le tribunal a, par une décision du 27 juin 2022, ordonné cette suspension.

13.         Ayant été interpellée par le tribunal, l'AFC-GE a, par un courrier du 12 juillet 2023, demandé à ce que la suspension soit renouvelée, le litige relatif aux périodes précédentes étant désormais pendant devant le Tribunal fédéral.

14.         Avec l'accord des recourants confirmé par un courrier du 3 août 2023, cette suspension a été renouvelée par une décision du tribunal du 14 août 2023.

15.         Par un arrêt du 31 octobre 2023 (9C_655/2022), le Tribunal fédéral a rejeté le recours déposé contre les taxations 2008 à 2010 des contribuables et confirmé notamment que seuls les frais facturés par la clinique à l'exclusion de ceux de la garde privée sont déductibles au titre de frais liés au handicap de la de cujus.

16.         Se prévalant de cet arrêt, l'AFC-GE a, par un courrier du 24 novembre 2023, demandé au tribunal de reprendre l'instruction de la cause et d'inviter les recourants à se déterminer sur le maintien ou le retrait de leur recours. Elle sollicitait qu'un délai lui soit octroyé pour transmettre ses observations.

17.         Par un courrier du 29 janvier 2024, le mandataire des recourants a indiqué que la déduction des frais médicaux liés à un handicap avait été refusée par le Tribunal fédéral faute de preuve de leur caractère déductible et qu'ils entendaient remédier à cette situation dans le cadre de la présente procédure. Ils sollicitaient un délai avant ou après l'écriture de l'AFC-GE. En revanche, le recours était retiré s'agissant de la valeur fiscale des immeubles, mais maintenu en ce qui concerne les charges et frais d'entretien de ceux-ci.

18.         Par un courrier du 21 février 2024, le mandataire des recourants a indiqué avoir sollicité le Dr. E______ pour produire un document complémentaire, mais que ce dernier est en vacances. Une prolongation du délai qui lui avait été fixée pour compléter leur recours était sollicitée.

19.         Dans le nouveau délai qui lui avait été fixé par le tribunal, le mandataire des recourants a, par une écriture du 28 mars 2024, souligné préalablement qu'il n'y a pas de limite supérieure aux frais qui peuvent être déduits, pour autant que les conditions fixées par la loi soient remplies. Il est établi que la de cujus était atteinte d'un handicap nécessitant un suivi médical et produisait une nouvelle attestation établie par le Dr. E______ le 7 mars 2024 indiquant que les gardes privées sont des infirmières diplômées qui effectuent 24/24 heures toutes les tâches infirmières habituelles pour une patiente totalement dépendante. Rappelant le détail des soins nécessités par sa situation, le rapport souligne que le travail de celles-ci est consigné sur des documents, qui assurent sa traçabilité, ce qui représente plusieurs milliers de pages décrivant leur activité heure par heure. A titre d'exemple, les photocopies des feuilles 28, 35B à 3013A sont produites. Ces rapports décrivent chronologiquement le travail des infirmières, soulignant que celles-ci sont diplômées et au bénéfice d'un droit de pratique et que leur lieu de travail se trouve en permanence dans la chambre de la patiente, qui est dépourvue de lit d'accompagnant, puisque l'infirmière travaille et ne dort pas. Un établissement médical ne peut pas dédier une infirmière en continu pour une seule patiente, le ratio normal étant d'une infirmière pour 7 patients, qui est totalement insuffisant pour la personne concernée. L'absence de garde privée aurait signifié l'apparition de nombreuses complications à très courte échéance avec, comme conséquence, un décès rapide. Se basant notamment sur ce rapport, les recourants concluent à l'admission de leurs conclusions.

Se référant enfin à l'attestation précitée, qui souligne qu'il n'y a pas de lit accompagnant dans la chambre de la patiente, en raison du travail pendant la nuit de l'infirmière qui ne dort pas, les recourants indiquent que les déductions demandées à ce titre (CHF 91'250.- en 2011 et CHF 91'700.- en 2012) "ne remplissent peut-être pas les conditions pour l'obtention d'une déduction" même si la circulaire prévoit que ceux-ci comprennent les frais destinés à faciliter l'entretien des contacts sociaux satisfaisants.

20.         Dans sa réponse du 15 mai 2024, l'AFC-GE conclut à l'admission partielle du recours s'agissant des frais médicaux du de cujus et des frais d'entretien des immeubles et à leur rejet pour le surplus.

Après avoir rappelé le déroulement des faits, elle indique préalablement que le refus de la déduction des frais relatifs au lit d'accompagnant n'est implicitement plus contesté. En ce qui concerne les frais de garde privée, elle estime que l'infrastructure de la clinique était suffisante pour assurer les soins nécessaires et que les dépenses supplémentaires relèvent de la convenance personnelle, ce qui doit conduire à leur refus.

S'agissant des frais de handicap du de cujus, l'AFC-GE estime que le montant litigieux de CHF 4'173.- concerne les frais médicaux et s'engage à admettre ceux-ci dans les limites autorisées pour cette déduction.

Ayant enfin pris bonne note du fait que l'évaluation des immeubles n'est plus litigieuse, elle s'engage à tenir compte de la totalité de l'impôt immobilier complémentaire en déduction.

21.         Dans leur réplique du 31 mai 2024, les recourants indiquent persister dans leurs conclusions telles que modifiées par leur courrier du 29 janvier 2024.

En ce qui concerne les frais de handicap de la de cujus, ils indiquent avoir déposé leur requête de preuve et nommer leurs moyens de preuve en temps utile, en particulier l'audition des médecins concernés pour les deux périodes. Les attestations de ceux-ci ont été produites, de même que tout le détail des factures, de sorte qu'ils se sont pleinement conformés à la jurisprudence citée par l'AFC-GE. Déplorant que la position de celle-ci soit fondée sur des généralités, et qu'elle est basée sur des suppositions non étayées, ils estiment avoir démontré, non seulement la nécessité médicale pour le maintien en vie de la patiente de la présence constante de gardes supplémentaires, mais aussi l'activité effective de ces dernières.

En ce qui concerne les frais relatifs au de cujus, ils s'étonnent de leur requalification de la déduction en frais médicaux, citant notamment les frais de chaussures orthopédiques pour CHF 1'495.-. Ils demandent que des décisions rectifiées soient notifiées pour permettre de se rendre compte de l'impact réel de la requalification des montants litigieux en frais médicaux.

22.         Par une duplique du 26 juin 2024, l'AFC-GE estime que rien n'indique dans les rapports médicaux remis que la présence permanente d'une infirmière ait été exigée par la clinique, ce qui sous-entendrait que son personnel n'était pas à même de prendre soin de sa patiente. Même si les infirmières ont accompli leur mission de manière consciencieuse, il s'agit de frais qui excèdent ce qui est usuel et nécessaire pour ce type d'hospitalisation. Elle souligne enfin que les attestations remises ont été établies postérieurement et pour les besoins de la cause.

23.         Par une détermination spontanée du 9 juillet 2024, les recourants ont relevé que l'écriture précitée avait été déposée au greffe du tribunal le 27 juin 2024, soit le lendemain du jour fixé par ce dernier. Elle souligne pour le surplus que l'argumentation de cette écriture basée sur des sous-entendus et des éléments implicites ne permet pas de remettre en cause le bien-fondé des frais litigieux qui ont été attestés par de nombreux documents.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les recourants relèvent en premier lieu que la duplique de l'AFC-GE datée du 26 juin 2024 a été déposée au greffe du tribunal le lendemain du jour fixé par ce dernier pour produire cette écriture.

Ils n'ont toutefois pas demandé formellement que cette écriture soit écartée de la procédure. La question de sa recevabilité mérite d'autant plus de restée ouverte que, en exerçant leur droit inconditionnel à la réplique, les recourants ont eu l'occasion de s'exprimer sur celle-ci.

4.             Les recourants demandent qu'il soit procédé à l'audition des médecins dans l'hypothèse où il y aurait un doute sur le bien-fondé des frais médicaux liés au handicap litigieux.

5.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

6.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en tout connaissance de cause sur le litige. En particulier, les attestations, certificats médicaux, rapports et factures produits permettent d'établir les éléments de fait utiles sans qu'il n'y ait de doute à ce sujet justifiant que des précisions complémentaires soient apportées par l'audition de témoins.

7.             L'objet principal du présent recours a trait aux frais de handicap de la de cujus pour les années 2011 et 2012.

8.             En premier lieu, le tribunal relève que les montants facturés au titre de "lit accompagnant" sont en manifeste contradiction avec les allégués de faits et attestations émises selon lesquels les infirmières ne dormaient pas et devaient assurer une veille constante. Dans leur écriture du 28 mars 2024, les recourants admettent expressément que ces frais ne remplissent peut-être pas les conditions pour l'obtention d'une déduction. Aucun justificatif de leur nécessité n'ayant été produit, la déduction des montants de CHF 91'250.- en 2011 et CHF 91'700.- en 2012 a été refusée à juste titre par l'AFC-GE.

9.             Le recours sera rejeté sur ce point.

10.         Est par ailleurs et principalement litigieuse la déduction des frais de gardes privées, qui se sont élevées à CHF 630'720.- en 2011 et CHF 601'603.20.- en 2012.

11.         Dans sa circulaire N° 11 du 31 août 2005 relative à la déductibilité des frais de maladie et d'accident et des frais liés à un handicap, l'AFC admet notamment la déduction à ce titre des soins ambulatoires ainsi que de surveillance, indépendamment de la personne qui fournit ces prestations (ch. 4.3.1). Les principes généraux qui en découlent ont été repris de longue date par la jurisprudence du Tribunal fédéral (Revue fiscale 2017 p. 341 consid. 3.5 et Revue fiscale 2020 p. 942 consid. 3.3.2).

12.         Dans le premier de ses arrêts, le Tribunal fédéral avait reconnu que, si les dispositions légales applicables ne contiennent pas de limite de montant, la déduction des frais de handicap ne concerne que les frais nécessaires qui ont un lien de causalité avec celui-ci et qui ne constituent, ni des dépenses d'entretien courant, ni des dépenses somptuaires (consid. 3.5). Ces mêmes principes ont été repris par des arrêts postérieurs cités par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 31 octobre 2023 relatif aux périodes antérieures des contribuables (ATF 9C_655/2022 consid. 5.1.2). "Sont considérées comme dépenses somptuaires les dépenses qui dépassent le cadre des mesures usuelles et nécessaires, qui ne sont engagées que pour des raisons de confort personnel ou qui sont excessivement élevées. Elles ne peuvent pas être déduites" (ATF précité consid. 5.1.2).

13.         En l'espèce, le tribunal retient que les recourants ont établi que l'état de santé de la de cujus nécessitait des soins constants et qu'une aide privée lui a été accordée par des infirmières diplômées se relayant 24/24 heures, dont les extraits des rapports d'activité ont été versés à la procédure et qui démontrent l'importance de celle-ci. Les montants litigieux sont en relation avec les coûts d'un personnel formé devant assurer une présence continue tous les jours de l'année.

14.         La preuve apportée de ces frais et du lien de causalité avec le handicap dont souffrait la contribuable n'implique toutefois pas automatiquement qu'ils doivent être admis en déduction.

15.         Les soins et l'attention constante nécessités par l'état de santé de la contribuable auraient probablement pu, dans le cadre d'un hôpital universitaire, être assurés dans une unité de soins intensifs plutôt que de médecine générale. Sa famille et les autres personnes aptes à prendre les décisions ont fait le choix d'une hospitalisation dans un établissement privé qui, d'après l'attestation remise, ne disposait que d'une infirmière pour 7 patients, ce qui a rendu nécessaire l'engagement des frais litigieux. Aucune explication n'est donnée sur l'impossibilité d'utiliser des moyens techniques alternatifs (monitoring à distance), ni sur l'impossibilité de recourir aux services d'un autre établissement de soins disposant de l'infrastructure nécessitée par l'état de santé de la patiente. Ce n'est pas sans pertinence que l'AFC-GE relève dans ce contexte que la prise en charge a dû être évaluée lors de l'admission et que le choix de faire appel à du personnel supplémentaire doit être qualifié comme relevant de la convenance personnelle. Réagissant à cette observation, les recourants estiment qu'il s'agit de "suppositions non étayées" mais n'amènent aucun élément permettant de comprendre sur la base de quels critères la clinique avait été choisie malgré l'exigence de gardes supplémentaires engendrant des frais considérables. Ils n'ont, en particulier, ni allégué, ni démontré l'impossibilité de trouver un autre établissement à même de fournir l'ensemble des soins nécessaires sans qu'il ne soit besoin de recourir à des aides complémentaires.

16.         A défaut d'une telle preuve, le tribunal doit conclure que les frais litigieux dépassent les mesures usuelles et nécessaires et n'ont été engagés que pour des raisons de convenance personnelle. Subsidiairement, leur caractère excessivement élevé peut également être considéré comme établi au vu des montants en cause. C'est pour cette raison que c'est à bon droit que leur déduction a été refusée. Le recours sera rejeté sur ce point.

17.         En ce qui concerne les frais de handicap invoqués pour le de cujus, la circulaire précitée de l'AFC du 31 août 2005 intègre notamment dans les frais de handicap le surcoût résultant de la nécessité de faire fabriquer des vêtements ou chaussures spéciaux (ch. 4.3.8). Le coût des chaussures orthopédiques de CHF 1'494.70 justifié par une facture annexée à la déclaration doit être admis à ce titre.

18.         En revanche, la déduction des factures de clinique et de médecin ainsi que de pharmacie doivent être qualifiées de frais médicaux, n'entrant pas dans la catégorie des frais liés à un handicap prévue par la circulaire précitée. Leur déduction sera dès lors admise dans les limites fixées par les articles 33 alinéa 1 let. h LHID et 32 let. b LIPP. Le recours sera partiellement admis sur ce point.

19.         Il n'est pas nécessaire que des décisions rectificatives soient émises par l'AFC-GE, l'impact d'une telle requalification étant indifférent pour déterminer la catégorie de frais qui doivent être attribuée à chacune des dépenses litigieuses.

20.         En ce qui concerne enfin la déduction des frais d'entretien des immeubles, le tribunal donnera acte à l'AFC-GE de son engagement de rectifier les taxations de manière conforme aux conclusions des recourants. Le recours sera admis sur ce point.

21.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent en grande partie, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

22.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 200.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2022 par l'hoirie de feu C______ et D______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale des 14 et 16 mars 2022 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation 2011 et 2012 dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 200.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Jean-Marie HAINAUT et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier