Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/348/2025 du 03.04.2025 ( MC ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 3 avril 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Orianna HALDIMANN, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1999, est originaire de Gambie. Il est en possession d'un passeport gambien valable et d'un permis de séjour italien échu (CASI SPECIALI) depuis le 8 août 2020.
2. Depuis son arrivée en Suisse en 2021, il a été condamné à six reprises par les instances pénales genevoises, principalement pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; séjour illégal), au code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; vol - art 139 al. 1 CP, rupture de ban – art. 291 CP, dommages à la propriété – art. 144 CP) et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; art 19 al. 1 et 19a LStup).
3. Le Tribunal de police a prononcé l'expulsion de Suisse de M. A______ à trois reprises : le 28 mars 2022 pour une durée de trois ans, le 11 janvier 2023 pour une durée de cinq ans, et le 15 avril 2024 pour une durée de vingt ans, en application des articles 66abis et 66a CP.
4. Le 31 mars 2022, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a décidé de ne pas reporter l'expulsion judiciaire de l'intéressé. Ce dernier a fait recours contre la décision de l'OCPM, se prévalant de son orientation sexuelle pour faire obstacle à son renvoi de Suisse à destination de Gambie. Par arrêt du 24 octobre 2023, le Tribunal fédéral a confirmé que l'expulsion judiciaire de l'intéressé de Suisse à destination de la Gambie ne devait pas être reportée.
5. Le 27 avril 2022, l'OCPM a procédé à la saisie du document d'identité de l'intéressé (i.e. passeport gambien valable jusqu'au 24 février 2026) et simultanément, le commissaire de police a assigné M. A______ au territoire de la commune de B______ pour une durée de douze mois (art. 119 LEI), le temps que les juridictions puissent trancher la question du report ou du non-report de l'expulsion de l'intéressé.
6. Le 3 janvier 2024, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon en vue de purger différentes peines privatives de liberté.
7. Par ordonnance du 6 juin 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______. Ladite juridiction a notamment retenu que la situation personnelle de l'intéressé demeurait inchangée et qu'on ne percevait aucun effort de sa part pour modifier sa situation, étant rappelé qu'il faisait l'objet de trois expulsions de Suisse pour une durée de trois, cinq et vingt ans. En particulier, aucun projet concret et étayé n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement.
8. Le 2 juillet 2024, à sa fin de peine, les services de police ont conduit l'intéressé à l'aéroport de Genève, où une place à bord d'un vol à destination de la Gambie avait été réservée.
9. L'intéressé a refusé d'embarquer sur ledit vol arguant que du fait de son homosexualité il était en danger dans son pays. Il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police pour infraction aux articles 291 CP, 292 CP et 286 CP.
10. Dans le cadre de son audition M. A______ a réitéré qu'il ne voulait pas retourner dans son pays d'origine à cause de son orientation sexuelle. S'agissant de sa situation personnelle, il a déclaré être démuni de moyens financiers, loger dans des foyers, avoir un oncle résidant dans le quartier de la C______.
11. Le 3 juillet 2024, le Ministère public a entendu l'intéressé sans le condamner, les faits relatifs à son arrestation devant être joints à la procédure pénale ouverte le 17 mai 2024 (P/3161/2024), actuellement en cours au Ministère public. Le Ministère public a ensuite libéré l'intéressé et l'a remis en mains des services de police.
12. Le 3 juillet 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, en précisant que l'organisation d'un vol de degré supérieur était en cours d'étude. Selon les informations figurant sur l'EXTRANET du secrétariat d'Etat aux migrations
(ci-après : SEM), le vol avec escorte policière n'est pas possible, la seule option envisageable restant le vol spécial. L'intéressé avait été déjà préinscrit/annoncé au SEM comme candidat potentiel sur un vol spécial depuis 2022, demande qui avait été renouvelée le 23 mai 2024.
13. Par courriel du même jour, le commissaire de police a informé le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) qu'une demande de réadmission concernant l'intéressé avait été formulée auprès des autorités italiennes.
14. Par jugement du 5 juillet 2024 (JTAPI/679/2024) le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 3 juillet 2024 à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, soit jusqu'au 2 janvier 2025, inclus.
15. Le 11 juillet 2024, l'Italie a refusé de réadmettre l'intéressé sur son territoire.
16. Par jugement du 30 juillet 2024 (ATA/890/2024), la chambre administrative de la Cour de justice a confirmé le jugement du tribunal du 5 juillet 2024.
17. Le 22 août 2024, le tribunal a rejeté la demande de mise en liberté formulée par M. A______ le 14 août 2024 et a confirmé sa détention administrative jusqu'au 2 janvier 2025 (JTAPI/812/2024).
18. Le 6 septembre 2024, sur ordre du service d'application des peines et mesures (ci‑après : SAPEM) du 4 septembre 2024, M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon.
19. Selon l'ordre d'exécution du SAPEM émis le 12 septembre 2024, l'intéressé devait purger 93 jours de peine privative de liberté de substitution (conversion d'amendes).
20. L'ordre d'exécution du SAPEM émis le 16 septembre 2024 prenait acte que l'intéressé avait payé CHF 650.- correspondant à 65 jours de peine privative de liberté de substitution et devait dorénavant purger 29 jours de peine privative de liberté de substitution depuis son incarcération pénale.
21. Le 30 septembre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que le vol spécial pour la Gambie était désormais planifié. La période fixée pour le vol spécial pouvait varier un peu en fonction du nombre de candidats (s'il y avait suffisamment d'inscriptions la date du vol serait avancée).
22. Le 5 octobre 2024, M. A______ a été libéré de détention pénale.
23. Le 5 octobre 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, considérant notamment qu'il avait été condamné pour crime.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Gambie, dans la mesure où son homosexualité mettait en danger sa vie. Le procès-verbal de son audition mentionne qu'il était retenu pour des motifs de droit des étrangers depuis le jour même à 8h30.
24. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.
25. Entendu le 8 octobre 2024 par le tribunal, M. A______ a rappelé qu'il avait répété à de nombreuses reprises qu'il était homosexuel et il ne savait pas comment l'établir étant donné qu'aucun document ne permettait de prouver une orientation sexuelle. Il avait par ailleurs toujours respecté les mesures d'assignation territoriale prononcée contre lui et s'était présenté aux autorités lorsqu'il le fallait. Il souhaitait ajouter que son refus de retourner en Gambie tenait uniquement au fait qu'il s'agissait d'un régime islamiste qui réprimait l'homosexualité et qu'il ne pouvait pas retourner dans ce pays dans ces conditions, car il y risquait sa vie. Autrement, il y retournerait sans problème car il s'agissait de son pays d'origine.
Sur question de son conseil, indépendamment du fait que son père présumé l'avait renié en raison de son homosexualité, il était déjà abandonné de toute sa famille sur place, étant rappelé que sa mère était décédée. Il supportait très mal la détention administrative et faisait de longues insomnies, malgré les médicaments que lui avaient prescrits les médecins.
La représentante du commissaire de police a remis au tribunal un document qu'elle demandait de conserver confidentiel dans le dossier. Il s'agissait d'une inscription pour le vol spécial devant ramener M. A______ dans son pays, indiquant la période dans laquelle ce vol pourrait avoir lieu, étant précisé que cette période pourrait être avancée si le nombre de personnes inscrites augmentait plus vite que prévu. En tous les cas, M. A______ avait une place garantie à bord de ce vol. La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la détention administrative.
Le conseil de M. A______ a plaidé et conclut à l'annulation de la mesure de détention, subsidiairement, à ce qu'une mesure d'assignation territoriale soit prononcée en lieu et place.
26. Par jugement du 8 octobre 2024 (JTAPI/998/2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 5 octobre 2024 à 9h15 à l’encontre de M. A______ pour une durée de six mois, soit jusqu'au 4 avril 2025, inclus.
27. Par requête du 26 novembre 2024, M. A______ a adressé une demande de mise en liberté au tribunal. Il était totalement contre l’idée de partir en Gambie.
28. Lors de l’audience du 3 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a expliqué qu’il avait déposé une demande de mise en liberté car il ne se sentait pas bien. Il était souffrant et n’arrivait pas à dormir. S’il était remis en liberté, il serait disposé à porter un bracelet électronique. Il était toujours opposé à son renvoi en Gambie, un pays où il n’avait personne. Il le répétait depuis deux ans sans qu’on l’écoute. Il souhaitait qu’on lui donne une dernière chance et s’engageait, s’il était libéré, à ne commettre aucune nouvelle infraction. Sur question de son conseil, il avait eu des partenaires sexuels avant sa mise en détention. Il avait des problèmes d’estomac et des saignements dans la bouche lorsqu’il se réveillait le matin avant de se brosser les dents.
La représentante de l’OCPM a confirmé que M. A______ était inscrit sur le vol spécial qui devrait avoir lieu dans le délai de la détention administrative prononcée le 5 octobre 2024. Elle n’avait pas d’informations supplémentaires par rapport à ce qui avait été indiqué au tribunal lors de l’audience du 8 octobre 2024 quant à la date/période du vol. L’OCPM avait eu dernièrement un échange avec le SEM concernant le vol spécial pour la Gambie. Cet échange ne concernait pas spécifiquement M. A______, mais les modalités du vol.
Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un certificat médical du Dr D______ du 2 décembre 2024 ainsi qu’un bilan sanguin du 15 novembre 2024 concernant M. A______. Il a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client, soit, subsidiairement, à sa mise en liberté immédiate assortie de mesures de substitution appropriées. Le renvoi de son client était impossible du fait de son orientation sexuelle et sa détention disproportionnée tant sur son principe que sur sa durée. L’infection bactériologique contractée à Frambois rendait déraisonnable son maintien en détention.
La représentante de l’OCPM a plaidé et conclu au rejet de la demande de mise en liberté et à la confirmation en tant que de besoin de la détention administrative de M. A______.
29. Par jugement du même jour, le tribunal a rejeté la demande de mise en liberté formée le 26 novembre 2024 par l'intéressé et a confirmé en tant que de besoin la détention jusqu'au 4 avril 2025 inclus.
30. M. A______ est inscrit sur le prochain vol spécial à destination de la Gambie qui aura lieu dans le deuxième trimestre 2025.
31. Par requête du 24 mars 2025, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une période de trois mois, soit jusqu’au 4 juillet 2025.
32. Lors de l’audience du 1er avril 2025, l’intéressé a relevé qu’il avait rappelé à de nombreuses reprises les risques qu’il encourait en cas de renvoi en Gambie du fait de son homosexualité et de la répression qui régnait dans ce pays à l'encontre des personnes ayant cette préférence sexuelle mais il n’avait pas réussi à se faire entendre par le tribunal jusqu'à présent. Sur question de son conseil, la raison de son refus de retourner en Gambie venait du fait que même sa famille n'était pas de son côté. Il voulait parler de son père qui résidait en Allemagne et de son frère qui résidait en Gambie. Il entendait par là que ses proches l'avaient abandonné depuis que son oncle qui résidait à Genève leur avait appris son homosexualité en 2022. La quasi-totalité de la population était de religion musulmane et hostile à l'homosexualité. Il risquait de finir en prison et éventuellement de perdre la vie. Il n'aurait aucun soutien à son retour car il ne connaissait personne, hormis son frère qui n'était pas de son côté. Même s'il l’avait été cela n’aurait rien changé car les risques qu’il encourait découlaient de la loi gambienne. Il avait réalisé où était sa préférence sexuelle entre 2020 et 2021. C’était en 2022 qu’il en avait fait mention à une autorité suisse. Il avait eu un partenaire du même sexe que lui pour la première fois en 2021. Il a expliqué qu'il avait fait la connaissance de cette personne lorsqu’il était à la recherche d'un logement. Il avait reçu son contact et ils s’étaient rencontrés. Cette personne lui avait fait part de ses conditions qui tenaient essentiellement dans le fait de ne pas causer de problèmes, moyennant quoi il avait pu séjourner gratuitement chez lui. Peu après, son logeur lui avait fait des avances qu’il avait refusées dans un premier temps, suite à quoi il lui avait dit que s’il voulait continuer à vivre chez lui, il devait accepter d'avoir des rapports sexuels avec lui. Comme c'était l'hiver et qu’il n’avait aucune solution alternative, il avait accepté. Environ trois mois plus tard, ils avaient eu une dispute qui les avait conduits tous deux au poste de police et ils avaient alors chacun de leur côté expliqué qu’ils étaient en relation intime avec l'autre. La police lui avait dit qu’il pouvait encore continuer à séjourner trois semaines chez son hôte puis qu’il devrait partir. Il n’avait plus eu de relations intimes avec lui durant ces trois dernières semaines mais il en avait eu avec des partenaires occasionnels. Il avait eu régulièrement des rapports intimes avec d'autres hommes depuis lors, à l'occasion de rencontres qu’il avait faites en particulier dans les deux boîtes de nuit qu’il avait fréquentées. Il savait qu’il avait causé beaucoup d'ennuis en Suisse mais il demandait une dernière chance car s’il devait retourner en Gambie il courrait de grands risques. Sur question du tribunal, la personne avec qui il avait eu une relation suivie durant trois mois était parfaitement à l'aise avec son homosexualité et ne cherchait pas du tout à garder ça secret. Sur question du tribunal de savoir pourquoi il n'avait jamais cherché à faire témoigner cette personne ou obtenir une attestation de sa part alors que cela faisait plusieurs mois qu’il clamait en vain son homosexualité devant les tribunaux, M. A______ a indiqué qu'il aurait suffi en effet de se renseigner auprès du poste de police de la C______ ou ils avaient été entendus tous les deux pour connaître son identité, étant précisé que pour sa part il avait perdu son contact. Sur question du tribunal de savoir s’il n’en avait pas parlé à ses avocats, il a expliqué l'avoir fait avec son précédent conseil, notamment lors d'une visite à Frambois, mais il ne savait pas si ce conseil avait fait des démarches ou pas. Sur question du tribunal, le conseil dont il était question était celui qu’il avait rencontré lors de sa sortie de prison l'automne dernier, lorsqu’il s’était retrouvé à Frambois. Sur question du tribunal de savoir pourquoi il n’avait pas également fait cette requête auprès de Me HALDIMANN qui le défendait déjà en août 2024 puis à nouveau en décembre 2024, il a expliqué que, lors de sa première rencontre avec Me HALDIMANN ils avaient beaucoup de choses à discuter et dans le stress il avait oublié d'évoquer la question de sa comparution au poste de police de la C______. Lorsqu’il avait ensuite été défendu par son nouveau conseil [Me E______] en octobre 2024, il lui avait parlé de tout cela, ainsi que des clubs qu’il avait fréquentés et où il aurait pu obtenir des confirmations de son homosexualité, mais il pensait que ce conseil n'avait rien fait.
Sur question du conseil de M. A______ de savoir comment il se faisait que l'OCPM avait affirmé devant la CJCA en août 2024 que le vol spécial pourrait avoir lieu avant la fin de l'année 2024 et qu'aujourd'hui ce vol était annoncé pour le 2ème trimestre 2025, le représentant du commissaire de police a expliqué qu'à l'époque, la période durant laquelle le vol spécial aurait pu avoir lieu n'était pas encore clairement définie, contrairement à ce qui était prévu aujourd'hui avec une date qui était fixée. La première estimation avait découlé des informations fournies par le SEM, qui comptait sur la possibilité de faire monter à bord de l'avion un nombre suffisant de personnes, étant donné les coûts d'un tel vol. Sur question du conseil de M. A______, il a répondu que la date exacte d'un vol spécial était tenue confidentielle de manière à ce que les personnes qui devaient y embarquer ne se fassent du mal peu de temps avant le vol. Concernant M. A______ et pour répondre à son conseil, ils voulaient à tout prix éviter qu'il ne se fasse du mal. Il pensait pour sa part qu'il devait s'agir d'une erreur ponctuelle plutôt que d'une pratique divergente, du moins sur la base des communications que le canton de Genève recevait du SEM au sujet de ces dates, et où le SEM requérait la confidentialité. Concernant la durée de la prolongation requise par l'OCPM et sans confirmer la date mentionnée tout à l'heure par le conseil de M. A______, cette durée visait simplement à couvrir la date à laquelle aurait lieu le vol spécial de M. A______. Il a voulu encore rappeler que la nécessité du vol spécial s'expliquait uniquement par le refus de M. A______ ces derniers mois de retourner par lui-même en Gambie, étant précisé qu’ils étaient en possession de ses documents d'identité et qu'il aurait donc pu voyager seul.
Le conseil de l’intéressé a relevé qu'en examinant le dossier d'une autre personne de nationalité gambienne dépendant d'un canton dont elle a préféré ne pas donner le nom, elle avait trouvé une indication quant à la date du vol spécial qui concernait cette personne, à savoir le 8 avril 2025, et en a conclu que ce vol devait également concerner M. A______. Elle en a conclu également qu'il pourrait y avoir des pratiques divergentes entre les cantons sur la question de savoir si cette information devait être tenue confidentielle ou non. Elle a produit un chargé de pièces.
Le représentant du commissaire de police a plaidé et demandé la prolongation de la détention administrative pour une durée de trois mois.
Le conseil de l’intéressé a plaidé et conclu au rejet de la prolongation de la détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client ou à tout le moins à l'échéance de sa détention actuelle.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).
3. En l'occurrence, le 24 mars 2025, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.
4. Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.
5. En l'espèce, tant le tribunal de céans que la chambre administrative ont confirmé à plusieurs reprises que les conditions légales de la détention de l'intéressé étaient remplies (JTAPI/679/2024, ATA/890/2024, JTAPI/998/2024 et JTAPI/1188/2024 du 3 décembre 2024). Dans ce cadre, ces juridictions ont en particulier retenu que l’argument de la préférence sexuelle n’avait pas, au-delà de l’assertion, été substantifié au degré pouvant être attendu compte tenu des risques allégués en cas d’exécution du renvoi et qu’il n’y avait ainsi aucun motif de s’écarter de la décision définitive d’exécuter l’expulsion de l’intéressé, dont le renvoi était possible. Ce dernier ayant pour le surplus constamment manifesté son refus d’être expulsé vers la Gambie et s’étant opposé à son embarquement le 2 juillet 2024, sa détention apparaissait nécessaire pour s’assurer de sa disponibilité le jour où il devrait embarquer sur un vol spécial. Aucune autre mesure moins incisive que la détention, et en particulier pas une assignation à résidence, n’était apte à atteindre l’objectif de disposer de M. A______ le jour de son renvoi effectif. Enfin, la durée de la détention, était proportionnée au temps nécessaire pour organiser un vol spécial durant la période communiquée au tribunal.
6. Dans le cadre de la présente demande de prolongation de la détention, la situation décrite ci-dessus n'a pas changé. À cet égard, les différents documents que M. A______ a remis au tribunal lors de l'audience, constitués notamment de rapports émanant d'organisations internationales dans lesquels sont mises en avant les violations des droits humains ou les discriminations dont font les objets les personnes homosexuelles en Gambie, ne peuvent être pris en compte. Nonobstant le sérieux de cette documentation et de la lumière qu'elle apporte sur la situation très critique dont souffrent les personnes susmentionnées, la question est tout d'abord, dans le cas d'espèce, de permettre au tribunal de se convaincre, à un degré de vraisemblance suffisant, que M. A______ a effectivement une orientation homosexuelle. Certes, comme il l'a lui-même déjà souligné précédemment, il n'est pas facile d'apporter des preuves ou même des indices d'une telle orientation. Cependant, M. A______ a expliqué à l'audience qu'il avait eu une relation homosexuelle suivie durant trois mois avec une personne qui l'avait hébergé dans le canton de Genève et que cette personne vivait très librement et ouvertement son homosexualité. La question qui se pose dès lors est de savoir pourquoi, à teneur du dossier, M. A______, pourtant assisté par des avocats, n'a fait aucune démarche visant à retrouver cette personne et a tenté de la faire témoigner, alors que, toujours selon les déclarations de M. A______, l'identité de cette personne pourrait être retrouvée auprès du poste de police de la F______. Les explications données à l'audience par M. A______, qui prétend avoir demandé à l'un de ses précédents conseils de faire cette démarche, mais avoir tout simplement omis de le faire également auprès de son conseil actuel, sont clairement dépourvues de crédibilité. Il est en effet impossible de comprendre comment cet aspect essentiel de sa défense aurait pu lui échapper au fil des semaines, puis des mois, alors qu'il prétend pourtant en avoir eu conscience, puisqu'il l'aurait mentionné à l'un de ses précédents avocats.
7. Dans ces conditions, le tribunal retiendra qu'en réalité, non seulement M. A______ n'a toujours pas rendu crédible son homosexualité, mais qu'en outre, il y a lieu de douter de l'authenticité des déclarations qu'il a faites à ce sujet.
8. M. A______ critique par ailleurs la proportionnalité de sa détention sous l'angle d'une prétendue violation du principe de célérité. À cet égard, il relève que les informations données précédemment à la chambre administrative de la Cour de justice allaient dans le sens qu'un vol spécial pourrait être organisé d'ici à la fin de l'année 2024, ce qui s'avère finalement inexact puisque ce vol est à présent annoncé pour le deuxième trimestre de l'année 2025. Certes, le tribunal se questionne avec M. A______ sur la fiabilité des informations qui ont pu être fournies précédemment, mais cela ne signifie pas pour autant que sa détention serait disproportionnée. Il n'est en effet pas possible de retenir a posteriori une violation du principe de célérité, lorsque l'autorité compétente a ensuite poursuivi diligemment les démarches visant l'exécution du renvoi, ce qui est le cas en l'occurrence, ainsi que cela résulte de la date désormais fixée pour le vol spécial.
9. Quant au fait que la durée de la prolongation de trois mois serait disproportionnée, eu égard au fait que, selon le conseil de M. A______, le vol spécial serait en réalité prévu le 8 avril 2025, il est évident que, dans la mesure où la date d'un vol spécial doit être tenue confidentielle, une prolongation de détention peut être demandée pour une durée excédant plus ou moins largement cette date, plutôt que, à l'inverse, de permettre de déduire d'une durée de prolongation plus courte qu'elle sera la date vraisemblable d'un tel vol. Sous l'angle de la proportionnalité, cette question demeure de toute façon sans incidence, puisque la détention doit prendre fin d'elle-même à la date du vol spécial.
10. Pour finir, M. A______ tire argument des raisons relatives à la confidentialité de cette date, soit la protection de la santé des personnes concernées afin qu'elles ne puissent pas tenter de se faire du mal juste avant leur départ, pour souligner que cela confirme l'inexigibilité de leur renvoi. Cette argumentation relève du sophisme, car elle présuppose faussement que la détermination d'une personne à empêcher son retour dans son pays démontrerait nécessairement qu'elle chercherait à échapper à des persécutions, alors qu'il peut exister une grande variété de motifs à une telle attitude.
11. Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 4 juillet 2025.
12. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 24 mars 2025 par l’office cantonal de la population et des migrations ;
2. prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 4 juillet 2025 ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |