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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/222/2025

JTAPI/85/2025 du 24.01.2025 ( LVD ) , ADMIS

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);PROLONGATION
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/222/2025 LVD

JTAPI/85/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 janvier 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______, représentée par Me Véra COIGNARD-DRAI, avocate, avec élection de domicile

 

 

contre

 

Monsieur B______, représenté par Me Pierluca DEGNI, avocate, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 16 janvier 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du même jour, 14h30, jusqu’au 27 janvier 2025, 17h00, à l'encontre de Monsieur B______ lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______, située 1______[GE] ainsi qu'à l'adresse 2______[GE], et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des institutions habilitées, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Le 16.01.2025 :

Avoir étranglé Mme A______ avec son avant-bras, puis avec ses mains en la maintenant au sol.

Avoir insulté Mme A______ .

Avoir plaqué Mme A______ contre la table du salon avant d'y appuyer la tête de sa compagne avec son pied.

Descriptions des violences précédentes :

Au cours des 5 dernières années à l'encontre de sa compagne Mme A______ et de manière réitérée :

-          L'avoir saisie par la gorge.

-          Lui avoir saisie fortement les poignets et l'avoir bousculée.

-          Lui avoir projeté la tête contre un mur.

M. B______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes.

3.             L’intéressé n’a pas formé opposition à ladite mesure.

4.             Il résulte du rapport d’interpellation établi par la police le 16 janvier 2025 que le jour en question, la police était intervenue au domicile des concubins, suite à un conflit de couple.

Sur place, Mme A______ leur avait ouvert la porte paniquée leur expliquant que M. B______ était revenu d'une soirée, alcoolisé, alors qu’elle se trouvait dans son lit. L’intéressé l'y aurait injuriée, poussée à de nombreuses reprises avant de l'étrangler. Elle leur avait expliqué qu'elle n’arrivait plus à respirer. Après s'être libérée de son étreinte, elle se serait enfermée dans la salle de bain pour les appeler.

M. B______, qui se trouvait à l'étage, dans sa chambre, n'avait reconnu aucun des faits précités et leur avait expliqué qu'il souhaitait se séparer de sa conjointe, car la vie de couple était impossible depuis plusieurs années. L’intéressé tenait un discours décousu, sentait fortement l'alcool et était très agité.

Il était relevé que le couple s'accordait sur le fait qu'aucune violence physique n'avait eu lieu par le passé et que les enfants du couple, âgés de 6, 4 et 2 ans se trouvaient dans le logement mais n'auraient pas vu la scène. Les intéressés avaient été emmenés au poste pour être auditionné. M. B______ avait refusé le contrôle de l'alcool au moyen de l'éthylotest. Au poste, il n’avait eu de cesse de crier et de frapper sur la porte de sa cellule.

5.             Il ressort, en substance, du procès-verbal d’audition de Mme A______ du 16 janvier 2025 que cette dernière avait rencontré M. B______ en 2014 et que jusqu’en 2016 leur relation se passait bien. Ensuite ce dernier s’était vu retirer son permis alors qu'il conduisait alcoolisé. Quelque temps après, il est tombé au chômage puis s’était mis à consommer du cannabis. Ils avaient commencé à se disputer mais rien de très dramatique. En 2017, ils avaient pensé se séparer mais elle était tombée enceinte. Pendant la grossesse et le congé maternité où elle était essentiellement à la maison, tout se passait bien même s’il aimait avoir le contrôle. En 2019, lorsqu’elle avait repris le travail après sa deuxième grossesse, M. B______ était devenu de plus en plus contrôlant. Elle avait essayé de le quitter mais était restée pour les enfants. À partir de 2020 la relation était devenue très compliquée. Il la critiquait tous les jours, la rabaissait et faisait des gestes violent lorsqu'il s'énervait. Au début, il n'osait pas la toucher, mais, petit à petit, il avait commencé à la coincer dans des coins de la maison, puis à lui saisir les poignets fortement, à la saisir à la gorge, à la bousculer et à lui projeter la tête contre le mur. Lorsqu’un jour elle l’avait repoussé cela n'avait fait qu'empirer les choses. Depuis un an, elle s’attendait à ce qu’ils se séparent à n'importe quel instant.

Le 16 janvier 2025, M. B______ était rentré alcoolisé. Il avait fait beaucoup de bruit et réveillé les enfants. Elle lui avait dit de faire attention et aussitôt il s'était jeté sur elle, la maintenant au sol avec son avant-bras qui l'étranglait. Elle était sous lui. Ce moment avait duré quelques secondes. Ses filles avaient essayé de l'aider, en vain. Il avait éloigné les filles puis était revenu à la charge en l'étranglant avec ses mains cette fois-ci. Ça avait duré à peu près dix secondes, durant lesquelles il la saisissait puis relâchait et l’insultait. Les filles étaient allées se réfugier dans leurs chambres en pleurant. Cette situation avait duré une vingtaine de minutes. Au bout d'un moment, elle avait pu s’enfermer dans la salle de bain et appeler la police. Lorsqu’elle était ressortie pour aller voir ses filles, il s'était à nouveau jeté sur elle et l’avait plaquée avec tout son poids contre la table du salon. Cela lui avait fait taper la tête. Il lui avait ensuite appuyé sur la tête avec son pied. Une minute après, la police s'était manifestée. M. B______ n’avait jamais frappé les enfants mais il pouvait être brusque avec eux.

Elle avait peur de lui. Les enfants étaient à chaque fois présents lorsqu’ils avaient des disputes. Elle ne se voyait plus continuer leur relation. Toutefois, il serait préférable que les choses se passent pour le mieux afin de maintenir un cadre familial pour leurs enfants. Suite aux évènements, elle avait mal à l'arcade, à l'épaule et aux poignets. Elle n’avait pas de blessures apparentes sauf sur son avant-bras et autorisait la police à prendre une photo. C’était la première fois qu’ils avaient une dispute de ce niveau de violence. Elle souhaitait que M. B______ soit éloigné temporairement d’elle et des enfants car ils avaient peur. Ils n’étaient plus en couple à ses yeux. Elle aimerait qu'il quitte le domicile, mais comme il était au chômage depuis un an, il ne pouvait pas déménager. Pour ces faits elle déposait plainte pénale.

Egalement entendu le même jour, M. B______ a confirmé les circonstances de leur rencontre et relevé que la naissance des enfants leur avait donné beaucoup plus de travail, surtout à lui. Il allait les chercher à l'école, leur faisait à manger et faisait les courses. Il était au chômage depuis un an et c'était donc normal qu’il fasse plus de tâches ménagères, ayant plus de temps. Néanmoins, sa compagne ne lui disait jamais merci. Au début, tout allait bien dans leur couple. Ensuite, il y avait eu des épisodes de violence à de nombreuses reprises : au moins 8 ces 6 dernières années. Sa compagne avait été violente physiquement envers lui, lui donnant des coups au visage, soit des coups de poings soit des claques. Dès qu’ils se disputaient, il pouvait devenir méchant verbalement ce qui énervait sa conjointe qui devenait alors violente et le frappait. Il pensait que cela venait de sa culture turque et relevait que son père était un ancien champion de boxe qui avait fait de la prison. Plutôt que d’insultes il utilisait des mots qui appuyaient là où ça faisait mal et qui la blessaient. Il n’était généralement pas violent avec elle sauf une fois, le 28 décembre 2024, lorsqu’ils étaient en République Dominicaine, il l’avait saisie par le cou car elle avait essayé de lui mettre un coup de poing au cours d'une dispute.

Le 16 janvier 2025, il avait passé la soirée dans des bars avec des amis. Il ne se souvenait plus exactement à quelle heure il était rentré chez lui. Lorsqu’il était arrivé à la maison, il avait posé sa veste, bu de l'eau et était allé dormir. D'un coup, quatre policiers étaient arrivés et il n’avait pas compris ce qu'il s'était passé. Pour lui, quand il était rentré, il était juste allé dans sa chambre pour dormir et rien d'autre. Sur questions quant à la survenance d’une dispute avec sa compagne, il ne savait pas. Il n’avait rien fait et était juste allé dormir. Il ne l’avait pas étranglé sa compagne avec son avant-bras, puis avec ses deux mains, en la plaquant au sol. Il n’avait pas de souvenir d'une dispute. Il n’avait pas souvenir que les enfants se seraient levés pour intervenir dans une quelconque dispute entre sa compagne et lui. Quant au fait qu’il se serait plus tard jeté sur sa compagne en la plaquant contre la table du salon avant de lui appuyer sur la tête avec le pied, c’était impossible et improbable, car elle était déjà en train de dormir. Quant au fait que la dispute serait survenue après qu’il ait réveillé les enfants en faisant trop de bruit lorsqu’il était rentré, il ne se souvenait pas. Il n’y avait aucune raison qu'ils soient réveillés. Il n’avait pas le souvenir que sa compagne soit venue lui dire qu’il avait réveillé les enfants. Il ne l’avait pas menacée ou insultée et n’avait pas été violent avec elle à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il n’était pas violent et n’avait jamais participé à une bagarre de toute sa vie ni n’avait jamais frappé quiconque, hormis l’épisode en République Dominicaine. Il ignorait comment elle avait eu les griffures au bras sur la photo qu’ils lui présentaient. Pour lui, ce n’était pas lui mais il ne pouvait pas être sûr. Il ne comprenait pas pourquoi la police était intervenue le 16 janvier 2025. Il ne pensait pas que l’on puisse dire que ses souvenirs étaient flous mais il ne pouvait pas assurer qu’il n’avait rien fait. Il était vrai qu’il avait consommé passablement d'alcool. Au vu de cette consommation, certains détails lui paraissaient flous mais de là à oublier qu’il avait tapé quelqu'un, non. Il avait refusé l'éthylotest parce que c’était toujours des conneries. Il ne buvait pas régulièrement de l'alcool mais quand il buvait, c’était significativement, comme hier par exemple. Il lui arrivait également de fumer du cannabis de temps en temps. Il souhaitait arrêter la relation avec Mme A______. Ils étaient en train d'essayer de trouver une solution pour se séparer. Ils voulaient arrêter les deux. Il trouvait scandaleux qu’on puisse l’éloigner du domicile et allait demander la même chose à l’encontre de Mme A______. Il était choqué. Pour ces faits il déposait plainte pénale.

6.             Par acte déposé le 23 janvier 2025 au greffe du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), Madame A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours, expliquant qu’elle demeurait extrêmement inquiète à l’idée que M. B______ revienne au domicile. Sa présence pourrait raviver les tensions et engendrer une situation qui mettrait à nouveau sa sécurité en péril. Dans ce contexte, il était impératif de maintenir une distance physique entre lui et son domicile afin de prévenir tout contact non désiré qui pourrait entraîner de nouvelles menaces ou intimidations.

Un certificat médical avait été établi pour attester des blessures et de l'impact des violences lequel serait transmis au tribunal dès que possible.

7.             Vu l'urgence, le tribunal a informé les parties par téléphone du 23 janvier 2025 et par SMS du même jour, de l'audience qui se tiendrait le 24 janvier 2025.

8.             Par courriel du 23 janvier 2024, le commissaire de police a informé le tribunal que M. B______ avait contacté VIRES et qu’un entretien était agendé le 11 février prochain.

9.             Lors de l’audience de ce jour, Mme A______ a confirmé sa demande de prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, pour les motifs avancés à l’appui de ses écritures du 23 janvier 2025. Elle souhaitait préciser ses déclarations à la police du 16 janvier 2024. En réalité, M. B______ lui avait plaquée la tête sur la table du salon. Il la tenait par les épaules dans le but de lui frapper la tête sur ladite table. Son corps était alors allongé sur celle-ci. Ensuite, dans la cuisine, il lui avait donné des coups de pieds à la tête. Elle tenait à préciser que la violence n'était pas exceptionnelle au sein de leur couple et que ce qui s'était passé le 16 janvier 2025 n'était pas uniquement lié à la consommation d'alcool de M. B______. La différence, le 16 janvier 2025, c’était que M. B______ était inarrêtable, raison pour laquelle elle s’était vue contrainte d'appeler la police. Sur question du tribunal quant au fait que les enfants n’étaient pas visés par la mesure, elle a expliqué que c'était surtout à son égard que M. B______ était violent verbalement et physiquement. Ils faisaient tous les deux l'objet d'un mandat de comparution en raison des faits du 16 janvier 2025 et des plaintes déposées. Elle avait amené le courrier y relatif adressé à M. B______. Elle craignait que cette prochaine comparution rende une éventuelle cohabitation encore plus compliquée. S'agissant de la suite de sa relation avec M. B______, elle précisait qu’ils étaient déjà séparés avant les événements du 16 janvier 2025 quand bien même ils cohabitaient encore. Leur séparation remontait au 29 décembre 2024. Aujourd'hui, elle envisageait des démarches sur le plan civil en vue d'une séparation. M. B______ l’avait contactée par messagerie durant la mesure d'éloignement. Supposant qu'il l'avait fait sans savoir que cela n'était pas possible, elle le lui avait précisé et il avait cessé de la contacter. Dans ses messages, il lui demandait à pouvoir cohabiter avec elle dans la maison et s'excusait pour les événements de la veille. Elle versait à la procédure les échanges en question ainsi que le mandat de comparution personnelle. Les enfants étaient chaque fois présents lors de leurs disputes. Ils étaient très perturbés par la situation et consultaient un psychologue. M. B______ consultait également un psychologue. Elle n’était pas suivie mais avait des contacts avec le psychologue de ses enfants et celui de M. B______. Depuis le 16 janvier 2025, elle avait eu des contacts avec la mère de M. B______, chez qui il logeait, afin qu'elle accueille Arsène et qu'il puisse voir son père chez elle, sous sa supervision. Cela s’était concrétisé le week-end passé (du 18 au 20 janvier 2025). Des contacts avaient également été pris pour ce weekend, afin que ses deux filles puissent voir leur père chez elle. Ses filles avaient exprimé le souhait de voir leur père mais en présence de leur grand-mère.

Le conseil de M. B______ a confirmé que son client avait déposé plainte pénale contre Mme A______, en raison des violences subies de la part de cette dernière qu’il avait décrites lors de son audition du 16 janvier 2025.

M. B______ a tenu à présenter ses excuses à Mme A______ pour les événements du 16 janvier 2025. Il avait « pété les plombs ». Ce qu’il avait fait était injustifiable. Il tenait cependant à préciser qu’il souffrait de la situation au sein de leur couple depuis trois, quatre ans. Il confirmait ses déclarations du 16 janvier 2025 s'agissant des violences au sein du couple, à savoir qu’il était violent verbalement et que Mme A______ l'était physiquement, en réponse. Depuis lors, il avait tout mis en œuvre afin d'éviter que cela se reproduise. Il avait contacté VIRES ainsi que des psychologues pour un suivi pérenne. Il était opposé à la prolongation de la mesure d'éloignement pour trente jours supplémentaires. Il n’avait pas l'intention de reprendre la vie commune avec Mme A______ mais souhaitait la mise en place d’un planning s'agissant de la prise en charge des enfants. Il souhaitait pouvoir continuer à se rendre au domicile familial, afin d’y voir et de s'occuper des enfants, et s'engageait à ne pas y être présent lorsque Mme A______ y était. Il avait d'ores et déjà entrepris des démarches en vue de trouver un logement pouvant accueillir ses enfants, même s’il considérait que le domicile familial était également le sien.

Mme A______ a indiqué s’opposer à la proposition de M. B______. Elle et les enfants avaient besoin de répit et elle craignait qu’une telle solution débouche sur des problèmes d'organisation et du harcèlement. Elle s’engageait à tout mettre en œuvre pour que M. B______ puisse voir ses enfants aussi souvent que possible, dans un cadre sécurisé. Elle était prête à discuter des différentes options envisageables. Elle ne souhaitait cependant pas que cela se fasse au domicile familial.

Concernant les craintes de Mme A______, M. B______ a réitéré son engagement à ne pas la contacter aussi longtemps qu'il le faudrait et à voir ses enfants au domicile familial ou ailleurs en présence de tiers, si nécessaire et dans un premier temps. Il confirmait loger actuellement chez sa mère laquelle pourrait continuer de l'accueillir chez elle, si nécessaire. Il souhaitait préciser ses déclarations à la police du 16 janvier 2025 en ce sens que s’il admettait avoir été violent envers Mme A______, il n’avait cependant pas essayé de l'étrangler et ne lui avait pas donné de coups de pied à la tête. Il était très inquiet s’agissant de la prise en charge des enfants, suite à des contacts avec leur nounou et le parascolaire à ce sujet. La nounou serait absente ces 18 prochains jours et Mme A______ était très prise par son travail. Ses craintes se fondaient également sur la consommation quotidienne, régulière et excessive d'alcool de Mme A______ qui lui avait été rapportée par la nounou.

Mme A______ a contesté que la prise en charge des enfants serait problématique. Elle aurait le soutien de ses parents la semaine prochaine, travaillait à 80% pour avoir du temps pour les enfants et une nounou de remplacement avait été engagée. Elle contestait avoir été violente physiquement à l'encontre de M. B______ mais avait pu le repousser suite à ses intimidations. Elle contestait avoir une consommation problématique d'alcool.

Le conseil de Mme A______ a plaidé et conclu à la confirmation de la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de trente jours, au vu du climat délétère existant entre les intéressés. Cette prolongation était proportionnée, étant rappelé qu'elle ne visait pas les enfants du couple. Mme A______ et ses enfants avaient besoin de répit et il serait néfaste que ces derniers assistent à nouveau à des disputes au sein du domicile.


 

Le conseil de M. B______ a plaidé et conclu au rejet de la demande de prolongation de la mesure d'éloignement, laquelle serait disproportionnée vu l'engagement de son client à ne pas s'approcher de Mme A______ et du domicile familial, sans l'accord de cette dernière.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, les faits dont Mme A______ se plaint d'avoir été victime correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi. M. B______ a admis avoir été violent physiquement envers l’intéressée le 16 janvier 2025, reconnaissant avoir « pété les plombs ». Il est pour le surplus indéniable que les intéressés connaissent d’importantes difficultés au sein de leur couple et le tribunal a pu se rendre compte, lors de l’audience de ce jour, que la situation n’était guère apaisée entre eux.

Mme A______ a notamment motivé sa requête de prolongation par la crainte de nouvelles menaces et intimidations en cas de contact ou reprise de la cohabitation avec M. B______. Lors de l’audience, elle a précisé qu’elle et ses enfants, qui avaient été très perturbés par la situation, avaient besoin de répit. Elle a confirmé ne plus vouloir reprendre la vie commune avec M. B______, précisant être séparée de ce dernier depuis le 29 décembre 2024. Une cohabitation, voire même la venue de M. B______ au domicile familial hors sa présence, étaient inenvisageables. Le tribunal a pu se rendre compte lors de l’audience qu’elle était encore très affectée par la situation.

M. B______ a, pour sa part, indiqué qu’il n’était pas d’accord avec une prolongation de trente jours supplémentaires. Il prendrait néanmoins acte de ce que le tribunal déciderait. Il ressort des pièces du dossier qu’il a contacté VIRES. Il a par ailleurs présenté ses excuses à Mme A______ et indiqué tout mettre en œuvre pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. Il n’en découle pas moins que les faits survenus le 16 janvier 2025 sont graves.

Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, la situation visiblement conflictuelle et complexe dans laquelle les parties se trouvent, la tension tout à fait palpable qui entache leurs rapports, leur volonté de ne plus reprendre la vie commune et les démarches envisagées et en cours à cette fin, la perspective qu'ils se retrouvent dès le 27 janvier 2025 sous le même toit apparaît inopportune, le risque de réitération de violences, notamment psychologiques, dans un tel contexte, ne pouvant être exclu.

Partant, même si la mesure d'éloignement, a fortiori sa prolongation, n'a pas pour objectif de donner du temps aux personnes concernées pour qu'elles organisent leur vie séparée, le tribunal prolongera la mesure d'éloignement en cause jusqu'au 26 février 2025, 17h00. Pendant cette nouvelle période de 30 jours, il sera toujours interdit à M. B______ de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Mme A______, située 1______[GE] ainsi qu’à l'adresse 2______[GE], et de contacter ou de s'approcher de celle-ci. Cette prolongation n'aura en revanche toujours aucune incidence sur le droit de M. B______ à entretenir des contacts avec ses enfants, dans une mesure et selon des modalités qui devront préalablement être convenues entre les parents, par le biais de leurs conseils respectifs. Si cette prolongation, qui apparaît ici utile, nécessaire et opportune, comporte à l'évidence des désagréments pour M. B______, l'atteinte à sa liberté personnelle en résultant demeure acceptable, étant observé qu’il indique pouvoir continuer de loger chez sa mère et qu'aucune autre mesure moins incisive n’apparait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.

Enfin, il sera rappelé que M. B______ pourra, cas échéant, venir chercher dans le logement familial des effets personnels, à une date préalablement convenue par les parties et accompagné de la police.

5.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

6.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 23 janvier 2025 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 16 janvier 2025 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 26 février 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

La greffière