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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/45/2025

JTAPI/23/2025 du 10.01.2025 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/45/2025 LVD

JTAPI/23/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

Madame B______

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 8 janvier 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de contacter ou de s'approcher de Madame B______, ainsi que de s'approcher et de pénétrer à son adresse privée, sise ______[GE], jusqu'au 20 janvier 2025 à 17h00.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des associations dont les coordonnées étaient mentionnées afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD – F 1 30), est motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Les deux concernés se seraient injuriés. Selon Mme B______, M. A______ lui aurait asséné un coup au niveau de la poitrine. Fait non reconnu par M. A______. Selon M. A______ A______, Mme B______ lui aurait cassé ses lunettes lors du conflit. Fait non reconnu par Mme B______.

Description des violences précédentes :

Selon les dires des concernés, des disputes verbales éclatent régulièrement entre eux, où des insultes sont échangées.

Durant les 36 derniers mois, intervention de police pour des cas de violences domestiques le 17.05.2022, 28.04.2023, 15.03.2024 et 07.01.2025 ».

3.             M. A______ a immédiatement fait opposition à cette décision devant le commissaire de police le 8 janvier 2025.

4.             Il ressort du rapport d'interpellation du 7 janvier 2025, ainsi que du rapport de renseignements du 8 janvier 2025 que le 7 janvier 2025, vers 20h00, la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme de la police (CECAL) a demandé une patrouille afin d'intervenir à l'adresse précitée pour un conflit de couple lors duquel l'homme aurait injurié la femme. Sur place, les intervenants ont été mis en présence du couple, soit Mme B______ et M. A______. La situation était calme.

Mme B______ a expliqué être en couple avec M. A______ depuis quatorze ans et avoir un enfant avec lui, soit leur fils C______, né le ______ 2012, âgé de 12 ans. Elle a ajouté avoir été injuriée par son conjoint et avoir fait appel à la police afin que ce dernier quitte le domicile. A la fin du repas, son conjoint l'avait injuriée, notamment de « petite pute » et de « russe de merde », sans raison particulière. Elle a précisé qu'aucune violence physique n'avait eu lieu et qu'elle ne souhaitait pas déposer plainte.

M. A______ a, quant à lui, expliqué qu'une dispute verbale avait éclaté durant le repas au sujet de la politique. Lors de cette dispute, Mme B______ avait saisi ses lunettes de vue et les avaient jetées au sol. Elle s'était également saisie d'une seconde paire de lunettes qui se trouvaient dans leur étui qu'elle avait également cassées en les jetant au sol et en les écrasant. Les policiers ont constaté que les vitres gauches des deux paires étaient déboitées. Des photographies des lunettes ont été prises, ainsi qu'une photographie de la salle à manger. Aucune trace de lutte n'était visible. Ces photographies ont été annexées au rapport d'interpellation. M. A______ n'a pas souhaité déposer plainte.

Les policiers ont pris langue avec le jeune C______ qui leur a confirmé qu'aucune violence physique n'avait eu lieu, que son père avait tenté de « pousser à bout » sa maman lors d'une dispute verbale, puis l'avait injuriée.

Sur ordre du commissaire de police, les intéressés ont été acheminés au poste afin d'y être entendus en qualités de prévenus de violences conjugales. Au cours des 36 derniers mois, quatre interventions avaient eu lieu pour ce couple, soit les 17 mai 2022 (TPAO 22020 219) pour des violences domestiques, 28 avril 2023 (ID 4193499) pour un conflit, 15 mars 2024 (ID 4373760) pour un conflit et 7 janvier 2025 pour des violences domestiques. Le test AFIS s'est révélé positif pour
M. A______ et négatif pour Mme B______. Aucune arme n'était enregistrée au sein du couple. Sur ordre du commissaire de police, le jeune C______ n'a pas été auditionné.

Les éthylotests pratiqués sur les intéressés ont révélé, s'agissant de
M. A______ un taux d'alcool de 0.62 mg/l et, s'agissant de Mme B______, un taux d'alcool de 0.33 mg/l.

5.             Entendu en qualité de prévenu le 7 janvier 2025, M. A______ a déclaré être en couple avec Mme B______ depuis douze ans et vivre avec elle et leur fils âgé de douze ans. Sa compagne était très fragile psychologiquement et était suivie par un psychiatre. Il était en attente d'une décision de l'assurance pour pouvoir quitter leur logement. Le couple était séparé depuis quatre ans, mais continuait à vivre sous le même toit. Ils étaient restés ensemble pour des raisons financières, mais la situation n'était plus tenable. Le soir en question, ils avaient eu une conversation par rapport au conflit russo-ukrainien. Il avait exposé à Mme B______ son point de vue par rapport à la Russie et elle n'avait pas apprécié. Elle s'était levée et avait cassé ses lunettes. Il ne souhaitait pas déposer plainte en raison de ces faits. Il ne se rappelait pas vraiment du déroulement du conflit, mais il savait qu'il n'y avait eu ni violence verbale ni physique de sa part. Il ne l'avait pas touchée. Elle était très conflictuelle et elle s'emportait vite, mais c'était leur manière de fonctionner. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait appelé la police. Elle l'avait injurié en le traitant de « merde » et de « frouze ». Il irait dormir à l'hôtel à l'issue de son audition afin de calmer les choses. Il a contesté avoir insulté Mme B______. Il lui avait uniquement exposé son point de vue sur la Russie et le fait que les Russes étaient leurs ennemis. Les mots « merde » et « frouze » prononcés par Mme B______ n'étaient pas vraiment des injures. Aucune autre violence n'avait eu lieu. Il ne souhaitait pas que Mme B______ soit éloignée du domicile. Informé que Mme B______ avait sollicité qu'une mesure d'éloignement soit prononcée à son encontre, il s'est déterminé en indiquant que c'était impossible car il était à l'assurance-invalidité. Le Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) et l'Hospice général (ci-après : l'HG) vérifiaient ses dépenses. S'il ne payait plus le loyer, ils lui retireraient son argent. Par ailleurs, il s'occupait tous les midis de son fils qui rentrait de l'école pour manger. Sa femme travaillait. Leur fils serait donc seul à midi. Il n'avait aucun antécédent judiciaire. A teneur du formulaire de situation personnelle, il a indiqué percevoir une rente invalidité à hauteur de CHF 3'000.- par mois et n'avoir ni fortune ni dette.

6.             Egalement entendue en qualité de prévenue le 7 janvier 2025, Mme B______ a déclaré travailler tous les jours de 08h00 à 19h00. Elle préparait à manger pour son fils C______ et son colocataire, A______. Le soir en question, elle avait fait à manger comme d'habitude. Alors que tous trois étaient installés à table, A______ avait commencé à parler très fort. Il avait également mis le volume de la télévision très fort. Son fils et elle lui avaient demandé de se calmer. Selon elle, M. A______ avait consommé du whisky toute la journée. Il en buvait pratiquement tous les jours. Elle travaillait tous les jours et ne consommait pas d'alcool au travail. Elle buvait uniquement un peu de vin pendant qu'elle mangeait. Alors qu'elle lui avait demandé de se calmer, il avait commencé à l'insulter de « pute », « sale connasse », « petite pute » et « russe de merde », précisant que ce dernier lui parlait comme ça tous les jours. Il n'y avait pas un jour sans insultes. Elle ne l'avait pas insulté le soir en question. Elle était de très bonne humeur. Elle était heureuse au travail et essayait d'être heureuse chaque jour. Elle faisait en sorte que C______ puisse voir son père chaque jour. Elle avait acheté cet appartement en crédit en 2014. M. A______ participait à leurs dépenses à hauteur de CHF 1'500.- par mois. Ça n'allait pas entre eux depuis dix ans. Ils avaient eu souvent des problèmes et des disputes, mais elle essayait de faire des efforts. Le soir en question, son fils avait pris sa défense alors qu'elle se faisait insulter. C______ avait dit à son père « arrête d'insulter ma mère ». A______ s'était retourné contre C______ et elle avait cru qu'il allait lui donner un coup. Elle s'était mise entre eux et elle avait demandé à son fils de la suivre dans sa chambre. Aucun coup n'avait été échangé. Elle s'était enfermée dans la chambre avec son fils et elle avait fait appel à la police. Elle savait que les insultes allaient s'aggraver. Elle a ajouté qu'ils vivaient dans un climat de peur permanente. M. A______ l'avait menacée en lui disant qu'il allait tout faire pour lui faire perdre son travail et l'obliger à quitter la Suisse. Au cours de cette dispute, personne n'avait été blessé. Ils s'insultaient tous les jours. Ils n'arrivaient plus à s'entendre. Elle souhaitait qu'il quitte son appartement. Elle voulait de la tranquillité pour elle et son enfant. Ils n'en pouvaient plus de vivre ainsi. Cela valait également pour les voisins de l'immeuble, qui n'en pouvaient plus de M. A______. Elle avait appelé à plusieurs reprises la police. Elle ne savait pas exactement combien de fois, mais peut-être une ou deux fois par an depuis qu'elle connaissait M. A______. C'était toujours pour la même chose, soit des insultes et des coups. Ils s'étaient rencontrés en 2011, vivaient ensemble depuis 2012 et avaient eu leur fils la même année. Leur relation s'était détériorée fortement depuis quelques temps et, aujourd'hui, elle souhaitait se séparer de lui et qu'il quitte son appartement. Elle avait la garde de son fils et souhaitait la conserver. Ils n'étaient pas mariés. Elle a ajouté que le soir des faits, il l'avait frappée. Il lui avait donné un coup au niveau de la poitrine. Elle ne savait pas s'il avait la main ouverte ou fermée lorsqu'il lui avait donné ce coup. Elle s'était sentie mal après ce coup. Elle avait vraiment senti qu'il lui avait donné un coup proche du cœur. Elle a contesté l'avoir insulté au cours de cette dispute. Elle ne l'insultait jamais. Parfois, quand il l'insultait, il pouvait lui arriver de lui répondre en l'insultant aussi, mais pas le soir en question. Elle n'avait rien à voir avec les lunettes cassées de M. A______. Ce dernier les avait cassées en vacances, à D______(Tanzanie). Ils étaient rentrés la veille de voyage. Elle souhaitait que M. A______ soit éloigné du domicile car il n'y avait pas d'autre solution. Elle n'avait rien à se reprocher. Son fils avait été pris en charge par sa voisine, Madame E______. A teneur du formulaire de situation personnelle, elle a déclaré percevoir un revenu mensuel s'élevant à CHF 7'000.-. Elle avait une dette hypothécaire de CHF 700'000.-. Elle n'avait pas de fortune.

7.             L'opposition a été reçue le 8 janvier 2025 au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

8.             Le tribunal a procédé à l'audition des parties le 9 janvier 2025.

Avant le début de l'audience, la sécurité a informé le tribunal qu'une bouteille de whisky entamée, ainsi qu'une fiole d'alcool avaient été trouvées en possession de M. A______ lors de sa fouille. Cette information a fait l'objet d'une note du tribunal au début du procès-verbal. Les parties ont été informées.

Lors de son audition, Mme B______ a déclaré que M. A______ avait respecté la mesure d'éloignement. Elle a confirmé les déclarations qu'elle avait faites à la police. Il y avait eu des insultes et un coup à la poitrine. C'était leur fils qui avait commencé à s'énerver, en demandant à son père d'arrêter de l'insulter. Son fils n'avait peut-être pas vu le coup qu'elle avait reçu, car elle avait cherché à le protéger. M. A______ était alcoolique. Il buvait du whisky chaque jour. Quand elle arrivait chaque soir à 19h00 à la maison du travail, il était déjà « bien chargé en whisky ». Elle lui avait déjà demandé à plusieurs reprises de se soigner. M. A______ ne disait pas la vérité en affirmant qu'elle buvait deux bouteilles de vin par jour. En effet, elle buvait quelques verres de vin en mangeant, peut-être deux ou trois. Il l'avait insultée et frappée. Elle avait eu des douleurs au cœur. Le lendemain matin des faits, ça allait mieux. Elle n'avait ainsi pas consulté. Elle a confirmé que les insultes étaient quotidiennes et qu'elle avait à plusieurs reprises été frappée par son conjoint. C'était surtout quand il buvait. Leur fils était parfois dans sa chambre lorsque cela s'était produit, mais il avait vu la police lorsqu'elle était intervenue au domicile. Leur fils avait effectivement fait une crise d'hystérie avant Noël lorsqu'elle lui avait demander d'éteindre son jeu sur l'ordinateur. Il n'y avait eu aucune violence. Il avait claqué les portes car il voulait continuer à jouer. Ils étaient partis à D______(Tanzanie) pour essayer d'être une famille normale. Elle avait dépensé CHF 16'000.- pour ces vacances. Elle n'était ainsi pas en mesure de reverser à M. A______ le montant de CHF 1'500.- qu'il lui avait versé pour le mois de janvier 2025 et qui correspondait à la moitié du montant du remboursement mensuel du crédit hypothécaire. Durant les vacances, M. A______ avait bu du whisky tous les jours et s'était cassé la jambe en tombant. Tous les problèmes venaient du whisky. Ils étaient effectivement séparés. M. A______ payait la moitié du montant du crédit. Elle n'envisageait pas de reprendre la vie commune. Elle pouvait envisager une colocation si M. A______ arrêtait le whisky et les insultes. Elle pouvait sans autre lui remettre ses documents et ses papiers. Elle s'engeait aussi à arrêter de boire tous les jours, ainsi qu'à insulter M. A______, son colocataire. Ils avaient échangé des messages avec M. A______ avant l'audience. Elle avait en sa possession un sac avec les affaires qu'il lui avait demandées. Il ne lui avait pas demandé ses médicaments. La situation était invivable. Elle a enfin répété qu'elle pouvait accepter une colocation à condition que M. A______ arrête le whisky.

M. A______ a quant à lui déclaré qu'il ne vivait nulle part. Il dormait dans la rue, les hôtels qui le connaissaient, l'aéroport. Il bougeait très vite. Cela s'appelait les cours de survie. Il avait été dans l'armée française. « Il y avait ceux des forêts qui mangeaient des insectes, ça il ne savait pas faire ». Il était effectivement en possession d'une bouteille de whisky entamée et d'une fiole d'alcool au moment de sa fouille par la sécurité du tribunal, mais il s'agissait d'un volume d'un verre. Vu les douleurs qu'il avait, les médicaments ne suffisaient pas et les médecins ne lui avaient pas interdit l'alcool. Il avait trois médications dont un anticoagulant et un médicament qui lui détruisait la paroi de l'estomac. Pour éviter que la paroi de son estomac s'abîme, un autre médicament lui avait été prescrit. Il ne savait pas encore s'il devrait être opéré. En 2018, il avait eu un grave accident de chantier. La procédure avait beaucoup duré. Selon les neurologues, il n'était pas en mesure de travailler à plus de 40 %. Il percevait une rente assurance invalidité minime, inférieure à CHF 700.-. Une décision était attendue en février 2025. Il percevait des aides à hauteur de CHF 2'300.- par mois, plus l'assurance-maladie qui s'élevait à CHF 700.- par mois. Il payait un loyer à Mme B______ de CHF 1'500.- par mois.

Il ne s'était pas encore rendu chez F______. La vielle de l'audience, il avait subi des examens médicaux toute la journée pour une suspicion de fracture. Il s'y rendrait à l'issue de l'audience. Le commissaire de police lui avait donné les coordonnées.

Les faits lui étant reprochés étaient pour lui incompréhensibles. Il n'avait jamais vu ça en famille. Il confirmait ses premières déclarations à la police. Après que le tribunal lui a fait remarquer qu'il présentait, au moment des faits, un taux d'alcoolémie de 0.62 mg/l, il a répondu pourquoi pas. Il était chez lui et il n'y avait pas encore de loi anti-alcool à la maison. Il buvait depuis qu'il connaissait B______. Il buvait tous les jours, mais il n'était pas alcoolique. Mme B______ buvait deux bouteilles de vin par jour, soit huit ou dix verres. Il ne l'avait pas frappée à la poitrine. Il était assis. Leur fils C______ lui avait demandé d'arrêter d'engueuler sa mère, ce qu'il avait d'ailleurs fait. En se retournant, sa main avait touché la poitrine de Mme B______. Elle n'avait pas été blessée. Il ne l'avait jamais frappée. Au contraire, c'était elle qui l'insultait et le frappait. L'alcool faisait beaucoup d'effet à Mme B______. Leur fils n'assistait pas systématiquement à leurs disputes. Lui avait les constats des blessures qui lui avaient été causées par sa compagne. La police était intervenue à leur domicile avant les vacances de Noël, peut-être suite à un appel des voisins. Sa compagne avait eu une grosse dispute avec leurs fils au sujet des jeux sur l'ordinateur. Elle lui avait demandé d'arrêter et il avait fait une grosse crise d'hystérie. Selon lui, beaucoup de parents faisaient face au même problème. Il avait chuté en vacances. Cela pouvait arriver à tout le monde. Mme B______ ne parlait que du whisky. Or, si cela avait été de la vodka, cela aurait été bien pour Mme B______. Le couple était séparé depuis quatre ans, mais continuait à vivre sous le même toit pour des raisons financières et pratiques. Cela lui permettait de s'occuper de leur fils. Depuis son accident, personne ne lui aurait loué un appartement. Il payait le crédit du logement de sa compagne. Il ne pouvait pas vivre ailleurs. Ils s'appelaient entre eux "colocataires". Il avait besoin de ses affaires. Il avait plusieurs procédures en cours. Tous ses documents et affaires se trouvaient à son domicile. Il maintenait son opposition, il n'avait nulle part où aller. Il avait payé le loyer de janvier 2025. S'il ne pouvait pas se rendre au domicile, il fallait que le montant du loyer de janvier lui soit rendu. Ils avaient effectivement échangé des messages avec Mme B______ avant l'audience. Il avait besoin de ses affaires, notamment ses cigarettes et ses médicaments. Il pourrait se rendre en France pour dix jours dans sa famille.

Mme B______ a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A______.

Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure d'éloignement ordonnée.

M. A______ a conclu à l'annulation de cette mesure.

9.             Sur demande du tribunal, le représentant du commissaire de police lui a adressé copie de l'extrait du casier judicaire suisse de M. A______ dont il ressort qu'il a été condamné à quatre reprises entre le 6 octobre 2017 et le 25 mars 2024, notamment pour des infractions à la loi sur la circulation routière, injure, menaces et diffamation et qu'il fait par ailleurs l'objet d'une procédure pénale en cours pour des infractions à la loi sur la circulation routière et empêchement d'accomplir un acte officiel.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, même si les déclarations des parties sont pour l'essentiel contradictoires, il ressort néanmoins clairement de ces dernières que la situation au sein de la famille est conflictuelle et tendue, les parties ayant admis que la vie sous le même toit n'était plus tenable en raison de leurs conflits récurrents. Mme B______ indique M. A______ l'injurie quotidiennement et que le soir des faits il l'a frappée au niveau de la poitrine, ce qui lui a causé des douleurs. De son côté, M. A______ a admis qu'une dispute avait eu lieu et que leurs fils C______, âgé de douze ans, était intervenu pour lui demander de cesser d'insulter sa mère. Il a cependant contesté avoir frappé Mme B______. En tout état, il y a eu une nouvelle dispute sérieuse entre les parties ayant conduit Mme B______, qui s'est enfermée dans sa chambre avec son fils, à appeler la police par crainte que ce conflit ne dégénère. A cela s'ajoute que la police est intervenue à quatre reprises au domicile des parties entre le 17 mai 2022 et le 7 janvier 2025 pour des faits similaires, démontrant ainsi le caractère récurrent des conflits. Par ailleurs, il ressort des constatations de police, en particulier des résultats de l'éthylotest pratiqué sur M. A______, de celles du tribunal vu le whisky trouvé en possession de ce dernier lors de sa fouille par la sécurité le 8 janvier 2025, des déclarations crédibles de Mme B______ et des propres déclarations de M. A______, que ce dernier consomme très régulièrement, voire quotidiennement du whisky, ce qui vient sans conteste renforcer le risque qu'un nouveau conflit éclate entre les parties. Il ressort en outre des constatations de police, comme mentionné supra, que le fils du couple a été partie prenante à ce conflit, en prenant la défense de sa mère face à son père et en s'enfermant ensuite dans la chambre avec sa mère jusqu'à l'arrivée de la police, les parties ayant par ailleurs admis que leur fils avait déjà, par le passé, assisté à leurs disputes et aux précédentes interventions de la police au domicile familial. Enfin, force est de constater que les parties n'ont aucune intention de reprendre la vie commune, le fait qu'ils continuent à vivre sous le même toit depuis leur séparation il y a quatre ans ne s'expliquant que par des considérations économiques – M. A______ étant dans l'attente d'une décision de l'assurance quant au montant des aides qui lui seront allouées et qui devraient lui permettre de louer un appartement – et pratiques.

Dès lors, les faits tels que décrits par les parties correspondent sans conteste à la notion de violence domestique au sens défini plus haut. Dans ces circonstances, la question n'est pas de savoir lequel des intéressés est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est bien souvent difficile à établir. L'essentiel est de séparer les conjoints en étant au moins à peu près certain que celui qui est éloigné du domicile conjugal est lui aussi l'auteur de violences, lesquelles peuvent également être psychologiques. Il sera au surplus tenu compte de la présence au domicile de C______, âgé de douze ans, et du fait que M. A______ a indiqué qu'il pourrait trouver une solution temporaire de logement chez de la famille en France.

6.             Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des évènements, la situation conflictuelle et complexe dans laquelle les intéressés se trouvent, les antécédents de violences domestiques et la dépendance à l'alcool de M. A______, la perspective qu'ils se retrouvent immédiatement sous le même toit apparaît inopportune, quand bien même il est évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettra pas, à elle seule, de régler la situation.

Par conséquent, étant rappelé comme précisé plus haut, que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal confirmera la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A______. Prise pour une durée de treize jours, soit jusqu'au 20 janvier 2025 à 17h00, soit une durée très proche de la durée la plus courte de dix jours prévue par la loi, elle n'apparaît pas d'emblée disproportionnée. Dans ces conditions, l'atteinte à la liberté personnelle résultant de la décision entreprise, qui apparaît utile, nécessaire et opportune, demeure acceptable, étant observé qu'aucune mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.

7.             En conclusion, l'opposition sera rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée, à savoir jusqu'au 20 janvier 2025 à 17h00.

8.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

9.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 8 janvier 2025 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 8 janvier 2025 pour une durée de treize jours ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

 

Genève, le

 

La greffière