Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1209/2024 du 10.12.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT
PARTIELMNT ADMIS par ATA/572/2025
En droit
Par ces motifs
$république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 9 décembre 2024
|
dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Xavier-Romain RAHM, avocat, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le litige concerne la taxation 2022 de Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables).
2. Les contribuables sont propriétaires de la parcelle 1____________, sise au C______ n° 1______ et à la D______ n° 2______, à E______(GE) (ci-après : l’immeuble). Selon les données du registre foncier (ci-après : RF), la parcelle comprend un appartement à un seul logement. En outre, à teneur des données fournies par le système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG) la parcelle 1____________ ne comporte qu’un seul bâtiment.
3. Dans la feuille « immeubles » de leur déclaration fiscale 2022, les contribuables ont mentionné ce bien de la manière suivante :
Immeubles occupés | Capital | Valeur | Valeur |
C______ 1 | 193'722 | 8'245 | 4'947 |
Immeubles locatifs ou loués | Capital | Loyers | Loyers |
C______ 1 - Studio | 279'690 | 21'600 | 21'600 |
C______ 1 - Appartement | 324'800 | 30'000 | 30'000 |
Hermance 43 - Magasin/Atelier | 200'420 | 41'500 | 41'500 |
C______ 1 - Location | 7'200 | 7'200 |
4. Le 29 septembre 2023, sur demande de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), les contribuables ont produit un état locatif fiscal des locaux professionnels situés dans l’immeuble susmentionné, faisant état de loyers ascendant à CHF 39'600.-.
5. Par bordereaux du 10 novembre 2023, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2022.
6. Le 21 novembre 2023, les précités ont élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux.
C’était à tort que l’AFC-GE avait considéré que l’intégralité de l’immeuble était louée. En effet, sur une surface totale de 418 m2, ils occupaient 124 m2. En outre, sur cette dernière superficie, 44 m2 étaient loués à des Ukrainiens. Ils percevaient un loyer de CHF 7'200.-, versé par l’Hospice général (ci-après : HG). Ils n’avaient ainsi occupé que 80 m2 en 2022.
L’AFC-GE avait arrêté le total des loyers encaissés à CHF 119'605.-. Or, ceux-ci ne totalisaient en réalité que 98'400.-, à savoir CHF 21'600.- (studio) + CHF 30'000.- (appartement) + CHF 7'200.- (loyer versé par l’HG) + CHF 39'600.- (magasin et atelier).
En outre, l’AFC-GE avait fixé la valeur fiscale de l’immeuble à CHF 3'510'597.-, en capitalisant les loyers au taux de 3.35 %. Cependant, ce bien n’était pas un immeuble locatif, mais une villa, qui petit à petit, avait été parcellisée afin de pouvoir mettre une partie de la surface en location. Dès lors, il convenait de conserver la valeur du capital telle que déclarée.
7. Le 23 novembre 2023, les contribuables ont complété leur réclamation, sur un point qui n’est actuellement plus litigieux.
8. Par décisions du 6 mars 2024, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation, la rejetant en tant qu’elle concernait l’estimation de l’immeuble sis à E______(GE).
Ce bien était un immeuble locatif. Dès lors, sa valeur fiscale devait être calculée par capitalisation de son état locatif annuel. Il y avait également lieu de tenir compte de la valeur locative de l’immeuble selon le questionnaire, laquelle totalisait CHF 44'642.- pour 185 m2 ou CHF 19'305.- pour la surface qu’ils occupaient, à savoir 80 m2.
L’état des loyers se montait à CHF 117'605.-, soit CHF 19'305.- (valeur locative) + CHF 21'600.- (studio) + CHF 30'000.- (appartement) + CHF 7'200.- (loyer versé par l’HG) + CHF 39'600.- (magasin et atelier). Ces loyers capitalisés au taux de 3.35 % se chiffraient à CHF 3'410'597.- et représentaient la valeur fiscale de l’immeuble.
Le même jour, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de leur réclamation.
9. Par acte du 18 avril 2024, les contribuables (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement, à leur comparution personnelle et à l’inspection locale de l’immeuble. Principalement, ils ont demandé que ce bien ne soit pas taxé comme un immeuble locatif, en tenant compte de l’indemnité de CHF 7'200.- versée par l’HG en tant qu’autre revenu. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que le tribunal leur donne acte du remboursement de l’indemnité de CHF 7'200.- et ont sollicité que l’immeuble ne soit pas taxé comme un immeuble locatif, le tout sous suite de frais et dépens.
En mars 2022, ils avaient accueilli dans leur propre logement deux réfugiées ukrainiennes. Ils n’avaient pas mis à leur disposition un appartement indépendant ni une unité de logement séparée, mais la chambre d’amis, ainsi que la salle de bain attenante. Quelques mois plus tard, ils avaient été mis en lien avec l’HG qui les avaient informés qu’ils pouvaient percevoir une indemnité mensuelle par personne de CHF 450.-. Ils avaient ainsi reçu CHF 7200.- en 2022.
Il était totalement erroné de considérer que leur immeuble était destiné à la location, alors qu’ils l’occupaient également. Cette manière de procéder aboutissait à un résultat choquant, puisque pour avoir perçu une indemnité de CHF 7'200.-, qu’ils n’avaient pas sollicitée, ils se retrouvaient à devoir payer un montant colossal, à savoir CHF 26'877.75 pour l’ICC et CHF 1'179.- pour l’IFD. Le fait de capitaliser l’indemnité versée par l’HG aboutirait davantage à une situation contraire au droit.
Si un calcul de capitalisation devait néanmoins être effectué, il ne devrait pas être tenu compte du loyer du magasin/atelier, en CHF 39'600.- loué séparément et à une autre adresse (D______ n° 2______).
Subsidiairement, ils étaient prêts à restituer les indemnités perçues de l’HG, afin d’être taxés sur le revenu et la fortune sans tenir compte de ces éléments, soit conformément à la manière dont ils avaient été imposés en 2021.
10. Dans sa réponse du 29 juillet 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
L’immeuble n’était pas considéré comme locatif en raison des chambres aménagées dans leur villa. Ainsi qu’ils l'avaient indiqué dans leur déclaration fiscale, ils louaient un studio, un appartement et un atelier, en sus des deux chambres. Dès lors, la villa possédait plus de deux logements. Lorsqu’un bien immobilier était qualifié d’immeuble locatif, la partie utilisée par le propriétaire ne pouvait plus être considérée comme un « immeuble occupé par le propriétaire ». L’ensemble de l’immeuble devait être considéré comme locatif, raison pour laquelle la valeur locative devait être additionnée aux autres loyers.
11. Par réplique du 9 septembre 2024, les recourants ont exposé que le magasin loué se situait à la D______ n°2, à F______(GE). Il était totalement séparé et indépendant de l’immeuble se trouvant au C______ n° 1______ et n’était pas un logement. En outre, les chambres d’amis n’étaient pas destinées à être louées, mais elles avaient été temporairement mises à disposition de réfugiées de guerre ukrainiennes. Ils n’avaient pas reçu de loyer en échange de cet accueil, mais uniquement et après coup, une aide de l’HG pour contribuer aux charge encourues par cette mise à disposition, à laquelle ils n’avaient ni pensé, ni souscrit.
Avant que ces chambres ne soient mises à disposition de ces personnes, l’AFC-GE, n’avait jamais considéré la maison des recourants comme un immeuble locatif. La mise à destination des deux chambres ne poursuivait pas un but locatif, mais purement humanitaire et la somme perçue de l’HG ne représentait pas un loyer mais uniquement une indemnité censée compenser les charges qu’ils avaient encourues.
12. Dans sa duplique du 1er octobre 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse, rappelant qu’en application du principe de l’étanchéité des exercices fiscaux, elle n’était pas liée pour l’avenir par une taxation notifiée pour une période déterminée.
13. Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
Questions procédurales
3. Les recourants concluent à leur comparution personnelle et à l’organisation d’un transport sur place.
4. Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.1), le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre.
5. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2).
Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 et les références citées).
Ces principes s'appliquent en particulier à la tenue d'une inspection locale, en l'absence d'une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d'instruction, une telle disposition n'existant pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b).
Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4642/2020 du 5 octobre 2021 consid. 2.5), en droit fiscal, les documents écrits revêtent une importance considérable, dès lors qu'ils sont les plus à même d'apporter une preuve précise et immédiate. A contrario, les témoignages ont une valeur probante quasi nulle.
6. En l’espèce, le dossier contient tous les éléments pertinents et nécessaires à l'examen des griefs des recourants, lesquels permettent au tribunal de trancher immédiatement le litige sur le vu des pièces du dossier, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à un transport sur place et à l’audition des recourants, ces actes d’instruction ne se révélant au surplus pas obligatoires.
Questions de fond
7. Les recourants contestent la taxation de leur immeuble de E______(GE).
8. L’art. 50 LIPP établit les principes d’évaluation des immeubles situés dans le canton.
À teneur de la lettre a de cette disposition légale, la valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département (art. 50 let. a LIPP).
En 2022, le taux de capitalisation applicable aux immeubles de logement s’élevait à 3.35 % (art. 25 al. 3 let. a du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques 13 janvier 2010 - RIPP - D 3 08.1).
Les autres immeubles, notamment les villas, parcs, jardins d'agrément, ainsi que les immeubles en copropriété par étage, sont estimés en tenant compte du coût de leur construction, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, des nuisances éventuelles, de leur situation, des servitudes et autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attribution ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif. Cette estimation est diminuée de 4 % par année d'occupation continue par le même propriétaire ou usufruitier, jusqu'à concurrence de 40 % […] (art. 50 let. e LIPP).
Selon l’art. 25 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1), les taux de capitalisation servant à calculer la valeur fiscale des immeubles locatifs, conformément à l’art. 50 let. a LIPP, sont fixés sur la base des transactions constatées sur le marché immobilier entre le 1er janvier de l’année précédant l’année fiscale et le 30 juin de l’année fiscale. Une période d'observation plus longue peut être prise en considération notamment lorsque le nombre de transactions constatées durant la période est très faible ou que certaines d'entre elles présentent un caractère exceptionnel. Demeure réservée la catégorie des immeubles HBM, HLM, HCM et HM […].
9. Dans sa jurisprudence (ATF 134 II 207 ; arrêt 2C_194/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.3), le Tribunal fédéral a jugé que le système prévu par le droit genevois pour évaluer les immeubles locatifs sis dans le canton n’était pas contraire aux exigences posées par l'art. 14 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).
Les règles spécifiques prévues par le droit cantonal pour évaluer de tels immeubles respectaient a priori le cadre défini - largement - par l'art. 14 al. 1 LHID de sorte que la valeur fiscale des immeubles appartenant à des personnes physiques dans le canton de Genève pouvait, en principe, être établie conformément aux règles que le législateur a édictées.
Cette règle s’insérait dans le cadre défini - largement - par l'art. 14 al. 1 LHID : le principe de la capitalisation de l'état locatif renvoyait en effet à la valeur de rendement, tandis que la prise en considération, pour déterminer le taux de capitalisation applicable, des transactions constatées sur le marché se référait à des critères qui relevaient plus particulièrement de la valeur vénale.
10. Le Tribunal fédéral a en outre relevé qu’en prenant en considération les valeurs vénales constatées sur le marché immobilier durant une période donnée, ainsi que les états locatifs effectivement réalisés par chacun des immeubles ayant fait l’objet d’une transaction, le taux de capitalisation prévu par la législation genevoise était certes schématique, en tant qu’il s’agissait effectivement d’un taux moyen, mais qu’il restait toutefois admissible, du moment que cette législation imposait à la commission paritaire de distinguer encore, pour calculer le taux de capitalisation, entre immeubles de logement ou à prépondérance de logement, immeubles administratifs, commerciaux, etc. et immeubles HLM (arrêt 2C_820/2008 du 23 avril 2009 consid. 6.2).
11. Selon la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) (ATA/1030/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3e), l’immeuble locatif est une construction comprenant plus de deux logements, par opposition à une villa, soit un immeuble dès qu'il a la capacité objective d'être loué, ceci en vertu de sa surface, de la distribution de ses pièces, de la situation, de ses équipements et de son état par rapport à sa destination. Il ne faut pas confondre la notion d'immeuble locatif avec l'usage courant qui en est fait, désignant un logement utilisé pour l'habitation ou la location. Fiscalement, le terme « immeuble locatif » désigne tout bien immobilier comportant plus de deux appartements ou deux locaux commerciaux, indifféremment de son type d'affectation, pouvant objectivement être loués. Il en va ainsi d’un bâtiment destiné – hormis trois arcades commerciales louées à des magasins – pour l'essentiel à du parking, si bien que sa valeur fiscale doit être déterminée par capitalisation de l’état locatif.
Dans une affaire soumise à la chambre administrative (ATA/1222/2018 du 13 novembre 2018), était notamment litigieuse l’évaluation de trois habitations à deux logements érigées sur une même parcelle. La chambre administrative, se référant à sa propre jurisprudence, a rappelé que la notion d’immeuble locatif devait se comprendre comme se référant à tout bien immobilier ou bâtiment, et non au bien-fonds lui-même. Dès lors qu'aucune des constructions sises sur la parcelle en question ne comportait plus de deux logements, leur évaluation devait être effectuée conformément à l'art. 7 let. e aLIPP-III, disposition équivalant à l’actuel 50 let. e LIPP.
12. Dans un jugement rendu le 19 juin 2023 (JTAPI/670/2023), portant sur l’évaluation d’un immeuble, une parcelle comprenait trois bâtiments, à savoir deux immeubles locatifs et une habitation à un logement. Le tribunal a rappelé que la notion d’immeuble locatif ne se rapportait pas au bien-fonds, mais aux biens immobiliers ou aux bâtiments. Ainsi, chacun immeuble devait être évalué individuellement. Le troisième immeuble, qui constituait une habitation à un logement, ne pouvait dès lors être considéré comme un immeuble locatif mais comme un « autre immeuble » et estimé comme tel.
13. Dans un jugement du 8 février 2016 (JTAPI/124/2016), était litigieuse l’évaluation d’un immeuble comportant deux parties, l’une louée et l’autre occupée par son propriétaire. Le tribunal a retenu que rien n’empêchait qu’elles soient évaluées indépendamment l'une de l'autre et selon des règles différentes.
14. En l’espèce, l’AFC-GE soutient que l’immeuble des recourants doit être qualifié de locatif, non en raison des chambres louées aux réfugiées ukrainiennes, mais en raison du fait qu’il comporte plus de deux logements loués, à savoir un studio, un appartement et un atelier. Comme les recourants occupent une partie de ce logement, la valeur locative doit être ajoutée aux autres logements.
Les recourants ne partagent pas le point de vue de l’autorité intimée. Selon eux, leur villa ne doit pas être qualifiée d’immeuble locatif. Les chambres d’amis ne sont pas destinées à être louées et ne représentent pas un logement indépendant. En outre, le montant de CHF 7'200.- qu’ils ont perçu de l’HG pour la mise à disposition de ces chambres ne constituent pas un loyer, mais une indemnité destinée à contribuer aux charges encourues par eux. Ils ajoutent que le magasin se situe à une adresse différente et ne constitue par ailleurs pas un logement. Enfin, avant qu’ils ne mettent leurs chambres à dispositions des réfugiées ukrainiennes, l’AFC-GE n’avait jamais considéré leur immeuble comme locatif.
15. Ainsi qu’il découle des données du RF et du SITG, seul un bâtiment est érigé sur la parcelle 1____________. Les recourants ont indiqué dans leur déclaration fiscale que celui-ci est en partie occupé par eux et en partie loué. Dès lors, selon la jurisprudence exposée ci-dessus, chaque part de l’immeuble doit être évaluée selon les règles qui lui sont propres. La partie louée doit être qualifiée d’immeuble locatif au sens de l’art. 50 let. a LIPP. En effet, elle comprend plus de deux appartement ou deux locaux commerciaux, ainsi que l’ont déclaré les recourants : dans la rubrique : « immeubles locatifs ou loués », ils ont ainsi fait état d’un studio, d’un appartement et d’un magasin loués.
L’argument des contribuables selon lequel le montant perçu de l’HG, en CHF 7'200.- ne constituerait pas un loyer doit être écarté. En effet, d’une part, les précités ont inscrit ce montant comme loyer dans leur déclaration fiscale. D’autre part, ils n’apportent aucune pièce propre à démontrer que cette somme ne constituerait pas un loyer, mais une indemnité destinée à compenser les frais encourus dans le cadre de la mise à disposition desdites chambres aux deux réfugiées ukrainiennes. En conséquence, le montant des loyers s’élève à CHF 100'300.-, soit CHF 21'600.- (studio) + CHF 30'000.- (appartement) + CHF 7'200.- (loyer versé par l’HG) + CHF 39'600.- (magasin et atelier). Ces loyers, capitalisés au taux de 3.35 %, ascendent à CHF 2'994'030.- au lieu de CHF 3'510'597.- retenu par l’AFC-GE.
Le recours doit dès lors être admis sur ce point.
16. En ce qui concerne la partie occupée, les parties s’accordent sur le fait qu’elle mesure 80 m2. Ils ne contestent pas le calcul de la valeur locative effectué par l’AFC-GE, laquelle se monte à CHF 44'642.- pour 185 m2 ou à CHF 19'305.- pour la surface occupée de 80 m2. Le dossier ne fait toutefois pas apparaître le montant de la valeur fiscale de la valeur occupée, compte tenu de la valeur locative retenue. Le recours doit dès lors être admis sur ce point et le dossier renvoyé à l’AFC-GE pour évaluation de la partie occupée, en collaboration avec les recourants (art. 31 al. 1 et 2 LPFisc).
17. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement et le dossier renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelle évaluation et nouvelle taxation de l’immeuble, dans le sens des considérants.
18. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui obtiennent partiellement gain de cause, sont condamnés au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 6 mars 2024 ;
2. l'admet partiellement, dans le sens des considérants ;
3. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Laetitia MEIER DROZ, présidente, Yuri KUDRYAVTSEV et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |