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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1012/2024

JTAPI/1207/2024 du 09.12.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : INDEMNITÉ DE DÉPART;PRESTATION EN CAPITAL;PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
Normes : LIPP.18.al3; LIPP.43; LIPP.45.al2; LIFD.17.al2; LIFD.37; LIFD.38.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1012/2024 ICCIFD

JTAPI/1207/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 décembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par FIDUCIAIRE FIDAG SA, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1963, et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables ou les recourants), mariés depuis le ______ 1996, sont assujettis à l’impôt sur le revenu et la fortune dans le canton de Genève.

2.             La contribuable était employée auprès de C______ SÀRL (ci-après : l’employeuse), sise à D______ (GE).

3.             Par courrier du 22 septembre 2020, l’employeuse a informé la contribuable de la résiliation ordinaire de son contrat de travail avec effet au 31 janvier 2021 pour des motifs de restructuration et de réduction des coûts. Les termes et conditions du licenciement étaient spécifiés dans un courrier séparé joint en annexe.

Selon le courrier en question, l’employeuse s’engageait notamment à verser à la contribuable, conformément à la directive applicable en la matière (« HP Severance Policy »), une indemnité de départ (« severance package ») de CHF 300'188.-, sous déductions des cotisations sociales usuelles. Cette indemnité était payable en même temps que le dernier salaire mensuel de la contribuable. Celle-ci était pour le surplus libérée de l’obligation de travailler à compter du 23 septembre 2020. Son solde de vacances de 20 jours lui serait payé en même temps que son dernier salaire.

4.             À teneur de son certificat de salaire 2021, la contribuable a perçu, durant l’année en question, des prestations non périodiques s’élevant au total à CHF 352'888.-. Celles-ci se composaient d’un solde de vacances en CHF 39'835.-, d’une prime de résultats en CHF 12'865.-, une « indemnité de départ soum… » (sic) en CHF 171'128.- et une « indemnité de départ non s… » (sic) en CHF 129'060.- (soit une indemnité de départ totale de CHF 300'188.-).

5.             Par courrier du 3 février 2021, la Collective de prévoyance - E______ (ci-après : la E______) a informé la contribuable que sa lacune de prévoyance entre le 1er février 2021, jour de la fin de son affiliation au contrat d’assurance collective du deuxième pilier de l’employeuse et le 31 janvier 2027, jour de son accession à la retraite ordinaire, s’élevait à CHF 306'515.-.

6.             Par courrier du même jour, la E______ a déclaré faire suite à la demande d’information de la contribuable sur les possibilités d’affiliation individuelle (« possibilities of external membership ») et lui a indiqué que pour un salaire assuré de CHF 232'209.-, les cotisations s’élevaient à CHF 4'666.- par mois jusqu’au 31 janvier 2024.

7.             La contribuable est restée affiliée individuellement à la E______ jusqu’en 2023, année au cours de laquelle elle a choisi de percevoir sa rente du deuxième pilier.

À cette fin, elle s’est acquittée de cotisations à hauteur de CHF 51'327.- en 2021, de CHF 55'993.- en 2022 et de CHF 18'383.- en 2023, soit un montant total de CHF 125'703.-.

8.             Dans leur déclaration fiscale 2021, les contribuables ont notamment fait figurer un montant de CHF 300'188.- au chiffre 98.75 « Indemnités en capital imposées séparément » et un montant de CHF 51'327.- au chiffre 59.65 « Maintien de la prévoyance 2ème pilier Cotisations Contr. B ».

9.             Dans un courrier du 1er juin 2022 joint à la déclaration susmentionnée, la fiduciaire de la contribuable a exposé que celle-ci n’avait pas retrouvé d’emploi et percevait des indemnités de chômage. Compte tenu de cette situation, de l’âge de la contribuable, du montant de l’indemnité versée par son employeuse et du déficit de prévoyance qu’elle accusait au moment de son licenciement, elle sollicitait que l’indemnité précitée soit imposée séparément, au même titre qu’une prestation en capital versée en remplacement des prestations périodiques futures.

10.         Par bordereaux ICC et IFD du 10 janvier 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année 2021. Elle a imposé l’indemnité de départ en CHF 300'188.- avec l’application d’un diviseur six pour le taux (soit le taux correspondant à un montant de CHF 50'031.-) au motif que la contribuable avait continué de cotiser volontairement au deuxième pilier.

En parallèle, elle a admis en déduction, notamment, un montant de CHF 51'327.- à titre de cotisations pour le maintien de la prévoyance du deuxième pilier.

11.         Par courrier du 12 février 2024, les contribuables ont élevé réclamation contre ladite taxation.

L’indemnité versée par C______ SÀRL avait été fixée sur la base de l’analyse de la E______ qui avait estimé à CHF 306'515.- la lacune de prévoyance de la contribuable. En outre, le nouvel art. 47a de la loi fédérale sur la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité (RS 831.40 - LPP) entré en vigueur le 1er janvier 2021 prévoyait que l’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cessait d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par l’employeur, pouvait maintenir son assurance en vertu de l’art. 47 LPP ou exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance. La contribuable avait fait usage de cette possibilité et maintenu son assurance auprès de la E______. Elle avait ainsi cotisé à hauteur de CHF 51'327.- en 2021, de CHF 55'993.- en 2022 et de CHF 18'383.- en 2023, soit CHF 125'703.- au total. Ce montant devait être imposé en tant que salaire avec atténuation du taux sur six ans. Le solde de l’indemnité qui n’avait pas été réinvesti dans la prévoyance professionnelle, soit un montant de CHF 174'485.-, devait être qualifié d’indemnité de départ ayant un caractère de prévoyance et imposé conformément aux art. 38 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 45 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Ce montant remplissait en effet les conditions cumulatives de la circulaire no 1 de l’administration fédérale des contributions du 3 octobre 2002, intitulée « Les indemnités de départ et les versements de capitaux de l’employeur » (ci-après : la circulaire no 1).

12.         Par décisions sur réclamation ICC et IFD 2021 du 20 février 2024, l’AFC-GE a maintenu la taxation. La contribuable ne remplissait pas la condition de lacune future de prévoyance existante au moment de la sortie de l’institution de prévoyance car elle avait maintenu son assurance de prévoyance après la dissolution des rapports de travail. En conséquence, l’indemnité de départ ne pouvait être considérée comme ayant un caractère de prévoyance.

13.         Par acte du 22 mars 2024, les contribuables au recouru contre ces décisions au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à ce que le montant de CHF 125'703.- qui avait été réinvesti en cotisations de prévoyance soit imposé en tant que salaire avec atténuation du taux. Le montant de CHF 174'485.- devait être traité, pour sa part, comme une indemnité de départ ayant un caractère de prévoyance et imposé conformément aux art. 38 LIFD et 45 LIPP.

Ils ont fait valoir que la circulaire no 1 ne tenait pas compte du nouvel art. 47a LPP qui permettait aux employés de rester affiliés auprès de leur institution de prévoyance en cas de dissolution des rapports de travail après l’âge de 58 ans. Elle n’avait en outre pas force obligatoire et ne dispensait pas les autorités de tenir compte de toutes les circonstances. Seul le montant de CHF 125'703.- qui avait été réinvesti dans la prévoyance de la contribuable devait dès lors être imposé en tant que salaire, avec atténuation du taux. Le solde de CHF 174'485.-, qui remplissait les conditions cumulatives de la circulaire no 1, devait en revanche être traité comme une indemnité de départ ayant un caractère de prévoyance et imposé conformément aux art. 38 LIFD et 45 LIPP.

14.         Dans sa réponse du 3 juin 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Pour qu’un versement en capital effectué par l’employeur puisse bénéficier de l’imposition privilégiée de l’art. 17 al. 2 LIFD, la circulaire no 1 imposait la réunion de trois conditions cumulatives : le contribuable devait quitter l’entreprise après l’âge de 55 ans révolus ; l’activité lucrative principale était définitivement abandonnée ou devait l’être ; une lacune dans la prévoyance devait découler du départ de l’entreprise et de son institution de prévoyance. En l’occurrence,
les deux premières conditions étaient réalisées. La troisième ne l’était en revanche pas dès lors que la contribuable avait maintenu intégralement son affiliation – à savoir le même taux de cotisation et le même salaire assuré – auprès de la caisse de pension de son ancienne employeuse sur la base de l’art. 47a LPP. Il s’ensuivait que la cessation des rapports de travail n’avait pas engendré de lacune de prévoyance future. La contribuable reconnaissait du reste ceci puisqu’elle alléguait elle-même que dès lors qu’elle avait maintenu ses cotisations, elle ne remplissait pas les conditions du caractère de prévoyance pour la totalité de l’indemnité reçue. En conséquence, l’indemnité de départ de CHF 300'188.- qu’elle avait perçue ne revêtait pas un caractère de prévoyance.

La contribuable ne pouvait pas non plus être suivie lorsqu’elle demandait que le montant de CHF 174'485.- soit traité comme une indemnité de départ ayant un caractère de prévoyance et imposé conformément aux art. 38 LIFD et 45 LIPP. Les conditions posées par la circulaire n o 1 devaient en effet être réalisées au moment du versement de la prestation par l’employeur et les éléments futurs, notamment la manière dont le contribuable allait poursuivre son affiliation dans la caisse de son ancien employeur, ne pouvaient être pris en considération.

15.         Par courrier du 10 juin 2024, les contribuables ont informé l’AFC-GE qu’ils renonçaient à répliquer et persistaient dans leurs conclusions.

16.         Par courrier du 19 août 2024, le tribunal a imparti aux contribuables un délai au 9 septembre 2024, prolongé au 27 septembre 2024, pour produire la
« HP Severance Policy » en vigueur au mois de septembre 2020 au sein de l’employeuse et mentionnée dans le courrier du 22 septembre 2020. Les précités étaient également invités à fournir les documents décrivant comment l’indemnité de départ en CHF 300'188.- versée par l’employeuse se composait et à quel(s) but(s) elle était destinée.

17.         Par courrier du 27 septembre 2024, les contribuables ont communiqué au tribunal un tirage de la « HP Severance Policy » susmentionnée. Ils ont pour le surplus indiqué qu’il n’existait pas d’autre document décrivant la composition et le but de l’indemnité.

18.         Il résulte en substance de la directive susmentionnée, rédigée en anglais, que les indemnités de départ octroyées aux employés licenciés pour motifs économiques consistent en un cumul d’unités par année complète de service à concurrence de 28 unités au maximum, chaque unité correspondant à 1/24ème du salaire annuel de base (cf. ch. 3.1). Les employées peuvent reverser tout ou partie desdites indemnités à leur caisse de pension en un seul versement, à condition qu’il existe une lacune de prévoyance. Ces versements sont régis par la réglementation de la caisse de pension concernée et effectués sous la responsabilité des employés. Ils doivent intervenir au plus tard à l’expiration des rapports de travail (cf. ch. 3.5.2). En fonction de la réglementation de leur caisse de pension, les employés licenciés pour motifs économiques peuvent bénéficier d’une retraite anticipée. Actuellement, une telle retraite est possible à partir de l’âge de 55 ans, à condition que l’employé ait été affilié de manière individuelle durant trois ans, étant précisé que dans une telle situation, l’employeuse ne compenserait pas les cotisations (cf. ch. 3.5.3).

19.         Par courrier du 16 octobre 2024, l’AFC-GE a relevé que la « HP Severance Policy » en vigueur au mois de septembre 2020 ne traitait pas de la problématique de l’art. 47a LPP, lui-même entré en vigueur le 1er janvier 2021. Quant aux documents décrivant l’indemnité de départ, soit les courriers de l’employeuse du 22 septembre 2020, ils avaient été joints à la déclaration fiscale 2021 et pris en compte dans la décision sur réclamation du 20 février 2024.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si l’indemnité de départ de CHF 300'188.- versée par l’employeuse de la recourante peut être considérée comme un versement de capitaux de l’employeur analogue à un versement d’une institution de prévoyance professionnelle, imposable séparément des autres revenus en vertu des art. 17 al. 2 et 38 al. 2 LIFD, et 18 al. 3 et 45 al. 2 LIPP.

4.             Les questions qui restent litigieuses étant traitées de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent jugement traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; ATA/1248/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3c).

5.             Les cantons peuvent exiger que, dans leurs relations avec les autorités cantonales, les administrés se servent de la langue officielle du canton. Selon la jurisprudence, dans les relations avec leurs autorités, les cantons peuvent imposer leur langue officielle comme langue judiciaire et exiger la traduction des actes de procédure rédigés dans une autre langue (arrêt du Tribunal fédéral du 25 avril 1997 publié in SJ 1998 p. 311 ; ATA/106/2012 du 21 février 2012 consid. 3).

Sous réserve de dispositions particulières, le justiciable n’a en principe aucun droit de communiquer avec les autorités dans une autre langue que la langue officielle, fût-elle sa langue maternelle ou une autre langue nationale (ATF 136 I 149 consid. 4.3 ; 127 V 219 consid. 2b.aa ; 122 I 236 consid. 2c ; 108 V 208 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2012 du 11 janvier 2012 consid. 3).

À Genève, la langue officielle est le français (art. 5 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00 ; ATA/86/2014 du 12 février 2014 consid. 2 et les références citées).

6.             En l’espèce, les recourants ont remis à l’AFC-GE et au tribunal des pièces rédigées en langue anglaise. L’AFC-GE n’a toutefois pas sollicité de traduction française de ces documents, ceux-ci lui paraissant vraisemblablement compréhensibles. Le tribunal étant également de cet avis et les recourants n’ayant pas reproché à l’AFC-GE d’avoir mal compris les documents en question, il renoncera à en réclamer la traduction, le litige pouvant être tranché en l’état.

7.             À teneur des art. 16 al. 1 LIFD et 17 LIPP, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques. Ainsi, il couvre, entre autres, tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre d’un rapport de travail, y compris les revenus accessoires (art. 17 al. 1 LIFD et 18 al. 1 LIPP), les revenus provenant de la prévoyance (art. 22 LIFD et art. 25 LIPP) et les indemnités obtenues lors de la cessation d’une activité ou de la renonciation à l’exercice de celle-ci (art. 23 let. c LIFD et art. 26 let. c LIPP).

8.             Les dispositions légales fédérales et cantonales susmentionnées étant identiques, la jurisprudence citée ci-après, relative à l’IFD, vaut également pour l’ICC.

9.             En règle générale, le versement par l’employeur d’une indemnité suite à une rupture des relations contractuelles de travail est imposable au taux plein avec les autres revenus du contribuable, hormis la situation visée par les art. 24 let. c LIFD et 27 let. c LIPP, manifestement non réalisée dans le cas d’espèce et dont les recourants ne se prévalent d’ailleurs pas (ATF 145 II 2 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_237/2023 du 5 mars 2024 consid. 4.1 ; 2C_520/2019 du 1er octobre 2019 consid. 3.1).

10.         La législation prévoit toutefois deux exceptions à la règle de l’imposition au taux plein (ATF 145 II 2 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2009 du 19 août 2010 consid. 3.3).

La première concerne le cas où l’indemnité est analogue à un versement de capitaux provenant d’une institution de prévoyance en relation avec une activité dépendante. Dans un tel cas, l’indemnité est imposée séparément des autres revenus, au cinquième des barèmes ordinaires inscrits aux art. 36 LIFD et 41 LIPP (art. 17 al. 2 et 38 al. 2 LIFD, et 18 al. 3 et 45 al. 2 LIPP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2009 précité consid. 3.3.2).

La seconde exception intervient lorsque l’indemnité constitue un versement de capitaux remplaçant des prestations périodiques, au sens des art. 37 LIFD et 43 LIPP, qui ne revêtent pas un caractère prépondérant de prévoyance, tel que, par exemple, une indemnité versée à titre de rattrapage de salaire. Dans ce cas, l’indemnité est additionnée aux autres revenus et se voit appliquer le taux qui serait applicable si une prestation annuelle était servie en lieu et place de la prestation unique (taux de la rente ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2009 précité consid. 3.3.1).

C’est précisément cette conversion en prestations périodiques que l’AFC-GE a admise dans sa décision sur réclamation, en appliquant un taux d’imposition d’un sixième à cette indemnité de départ de CHF 300'188.-, soit un taux correspondant au montant de CHF 50'031.-.

Les recourants font cependant valoir que seul le montant de CHF 125'703.- réinvesti par la contribuable dans sa prévoyance était imposable au taux de la rente. Le solde de CHF 174'485.- aurait dû être traité comme une indemnité de départ ayant un caractère de prévoyance et imposé séparément des autres revenus, au cinquième des barèmes, conformément aux art. 17 al. 2 et 38 LIFD, et 18 al. 3 et 45 al. 2 LIPP.

11.         Selon les art. 17 al. 2 LIFD et 18 al. 3 LIPP, pour bénéficier de l’imposition privilégiée, les versements de capitaux alloués par l’employeur doivent être analogues aux versements de capitaux provenant d’une institution de prévoyance en relation avec une activité dépendante.

La loi ne définit pas précisément ce que recouvre l’analogie avec les versements de capitaux provenant d’une institution de prévoyance. Il s’avère cependant qu’en établissant, à l’art. 17 al. 2 LIFD, une imposition séparée à taux réduit, le législateur a voulu casser la progressivité du taux et privilégier la prévoyance pour des raisons sociales (cf. Message du 25 mai 1983 sur l’harmonisation fiscale, FF 1983 III 186). On peut ainsi inférer du texte et du but visé par le législateur la volonté de limiter le privilège fiscal aux indemnités versées par l’employeur qui ont un lien étroit avec la prévoyance professionnelle. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral en a déduit que les versements de capitaux analogues mentionnés à l’art. 17 al. 2 LIFD doivent, pour bénéficier de l’imposition privilégiée, revêtir un caractère de prévoyance prépondérant. Il en va en particulier ainsi des indemnités de départ versées par l’employeur, lesquelles doivent donc, pour bénéficier de l’imposition privilégiée prévue à l’art. 38 LIFD, avoir un lien étroit avec la prévoyance professionnelle, un tel lien s’examinant à l’aune des circonstances entourant les versements concernés (ATF 145 II 2 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2023 précité consid. 4.2 et l’arrêt cité).

12.         Le Tribunal fédéral a souligné que, dans certaines circonstances, il peut s’avérer délicat de déterminer si une indemnité de départ revêt ou non un lien suffisamment étroit avec la prévoyance professionnelle pour bénéficier de l’imposition privilégiée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2009 précité consid. 4.6). La volonté des parties est à cet égard déterminante. Si l’interprétation du contrat mène à la conclusion que la prestation en capital de l’employeur n’est pas destinée en première ligne à compenser une lacune de prévoyance future occasionnée par la mise à la retraite anticipée de l’employé, il n’est pas nécessaire de déterminer si le licenciement de ce dernier fait naître une telle lacune. En d’autres termes, tant et aussi longtemps que la prestation en capital n’a pas été convenue, respectivement versée, afin de compenser une lacune de prévoyance résultant de la retraite anticipée de l’employé, l’absence de caractère de prévoyance de ce capital sur le plan fiscal ne peut pas être compensé par l’existence d’une telle lacune. Tel est notamment le cas si l’employé perçoit à l’occasion de sa mise à la retraite anticipée une participation au résultat de l’entreprise visant principalement à le récompenser pour sa longue fidélité et que l’amélioration de sa situation de prévoyance – qui n’a pas été décrite plus avant – n’a qu’un effet collatéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2017, 2C_87/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4.2).

13.         Le Tribunal fédéral a également considéré que, par définition, toute indemnité de départ, voire « parachute doré » versé au cadre d’une entreprise a pour fonction de compenser la perte des divers avantages liés au poste de travail perdu, parmi lesquels figurent, par la force des choses, ceux liés à la prévoyance professionnelle. Toutefois, le simple fait que l’employé ait vu ses expectatives de prévoyance péjorées à la suite de son départ ne suffit pas à fonder un lien étroit entre le capital versé à cette occasion et sa prévoyance professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2019 du 1er octobre 2019 consid. 3.6).

14.         Selon la circulaire n° 1, les indemnités de départ ont un caractère de prévoyance lorsqu’elles sont destinées exclusivement et irrévocablement à atténuer les conséquences financières découlant des risques liés à la vieillesse, à l’invalidité et au décès. Sont assimilables, par exemple, les indemnités accordées bénévolement par l’employeur au salarié pour lui permettre de combler les lacunes de sa prévoyance professionnelle résultant de la cessation prématurée d’activité. Les principes découlant du droit de la prévoyance doivent être pris en considération lors du calcul. L’indemnité doit être similaire aux prestations LPP et servir objectivement à assurer de façon adéquate au destinataire le maintien de son niveau de vie habituel lors de la réalisation d’un cas de prévoyance (âge, décès, invalidité). Cette appréciation repose sur une vision d’avenir au moment de la naissance du droit ou du versement de la prestation. Elle doit par conséquent être faite au préalable (ch. 3.2).

Ainsi, pour que des versements de capitaux effectués par l’employeur puissent bénéficier de l’imposition privilégiée de l’art. 17 al. 2 LIFD, trois conditions cumulatives doivent être réunies (cf. ch. 3.2 de la circulaire n° 1) : le contribuable quitte l’entreprise après avoir atteint l’âge de 55 ans (let. a), son activité lucrative (principale) est définitivement abandonnée ou doit l’être (let. b) et une lacune dans sa prévoyance découle du départ de l’entreprise et de son institution de prévoyance ; cette lacune doit être déterminée par l’institution de prévoyance. (let. c).

Sous le chiffre 3.5 « Autres versements de capitaux de l’employeur (indemnités de départ ayant le caractère de revenu acquis en compensation ou indemnité pour cessation d’activité; art. 23, let. a et c LIFD) », la circulaire n° 1 prévoit que « certains versements de capitaux ne revêtent pas un caractère de prévoyance. C’est notamment le cas si : l’employeur verse une indemnité en capital bien que la personne continue à être assurée auprès de l’institution de prévoyance et que l’employeur s’est engagé à payer les cotisations de l’employeur et du salarié jusqu’à l’âge de la retraite, de telle façon qu’il n’existe pas de lacune dans la prévoyance (let. a) ; l’indemnité a le caractère d’une indemnité de licenciement, d’une prime de risque pour la sécurité personnelle et l’avenir professionnel ou d’une prime de fidélité pour de longs rapports de service (let. b) ; l’indemnité est prévue pour compenser l’absence de salaire pendant une période déterminée (let. c) ; l’indemnité en capital est destinée à une cause non déterminée et il n’existe pas de lacune dans la prévoyance (let. d). ».

Le chiffre 4 « Obligations de l’employeur; procédure » de la circulaire dispose que « l’employeur est tenu d’attester au contribuable le versement d’indemnités de départ en précisant comment cette indemnité se compose et à quel (s) but (s) elle est destinée. [en l’occurrence pas précisé mais caractère de prévoyance non contesté] [Il] a [également] l’obligation de communiquer au salarié les renseignements nécessaires à l’autorité de taxation et de lui fournir les informations permettant une estimation correcte de l’indemnité de départ. Le salarié porte le fardeau de la preuve. Le calcul de la part ayant un caractère de prévoyance et dont l’affectation est de combler une lacune de la couverture de prévoyance due au départ prématuré de l’entreprise doit être attesté par l’institution de prévoyance. Dès lors, les lacunes de prévoyance qui existaient déjà avant la sortie ne doivent pas être comprises dans le calcul des lacunes futures. ».

Selon la jurisprudence, la circulaire susmentionnée ne constitue cependant qu’une directive administrative, sans force de loi, ne liant ni les administrés, ni les tribunaux ni même l’administration ; elle ne saurait ainsi être appliquée à la lettre et ne dispense pas les autorités de tenir compte des circonstances du cas d’espèce (cf. ATF 145 II 2 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2023 précité consid. 4.3.1 et l’arrêt cité).

15.         En l’espèce, il n’est pas contesté que les deux premières conditions fixées par la circulaire no 1 pour bénéficier de l’imposition privilégiée de l’art. 17 al. 2 LIFD, et donc de l’art. 45 al. 2 LIPP, à savoir le fait d’avoir atteint l’âge de 55 ans révolus au moment du départ de l’entreprise et de cesser son activité lucrative principale, sont réunies. L’AFC-GE et les recourants s’opposent en revanche sur la réalisation de la troisième condition, selon laquelle la recourante devrait également subir une lacune de prévoyance en raison de son départ de l’entreprise et de son institution de prévoyance. L’autorité intimée considère cette condition comme non réalisée au motif que la recourante a maintenu son affiliation auprès de la caisse de pension deson ancienne employeuse sur la base de l’art. 47a LPP ; la cessation des rapports de travail n’aurait dès lors pas engendré de lacune de prévoyance. Les recourants estiment pour leur part que la portée de cette troisième condition devrait être relativisée étant donné que l’art. 47a LPP permet désormais aux employés de rester affiliés auprès de leur institution de prévoyance en cas de dissolution des rapports de travail après l’âge de 58 ans.

En l’occurrence, la question de savoir quel point de vue doit l’emporter s’agissant de la réalisation de la condition susvisée peut rester indécise pour les motifs qui suivent.

16.         À teneur de la circulaire no 1 et de la jurisprudence exposée ci-dessus, l’indemnité versée à la recourante à la suite de la cessation des rapports de travail ne peut bénéficier de l’imposition privilégiée qu’à condition de revêtir un caractère de prévoyance prépondérant, et non simplement accessoire. Le fardeau de la preuve incombe à cet égard à l’employé, qui doit notamment fournir des documents probants émanant de son employeur et de son institution de prévoyance.

À cet égard, il appert que la recourante était âgée de 57 ans au moment où elle a été licenciée pour motifs économiques et que cette cessation des rapports de travail lui a occasionné une lacune de prévoyance future de CHF 306'515.-, attestée par sa caisse de pension. Contrairement à ce que l’intéressée a soutenu dans sa réclamation, il n’est en revanche pas suffisamment démontré que l’indemnité de départ de CHF 300'188.- qu’elle a obtenue lors de son licenciement visait principalement à combler cette lacune de prévoyance, étant rappelé que la seule existence d’une lacune est en soi insuffisante pour retenir un tel lien.

Selon la « HP Severance Policy », l’obtention et le montant de l’indemnité susmentionnée dépendaient en effet de la cause économique du licenciement, du montant de la rémunération de l’employé et du nombre d’années passé au service de l’employeur. L’existence et la quotité d’une lacune de prévoyance ne jouaient à l’inverse aucun rôle en la matière. À teneur de la directive susmentionnée, l’employé pouvait certes reverser tout ou partie de l’indemnité perçue à sa caisse de pension. Cette possibilité ne saurait toutefois suffire, en tant que telle, à conférer un caractère de prévoyance prépondérant à l’indemnité en question. La recourante n’a d’ailleurs rien allégué de tel. Alors que le tribunal l’y avait expressément invitée, elle n’a pas non plus démontré, à l’aide de pièces probantes, que la quasi-équivalence entre l’indemnité perçue et sa lacune de prévoyance au moment du licenciement se seraient expliquées par la volonté de son employeuse de combler la lacune en question. Le courrier de la E______ du 3 février 2021 n’atteste d’ailleurs pas de ce qui précède.

En conclusion sur ce point, il convient de retenir que l’indemnité de départ litigieuse avait pour fonction de récompenser la recourante pour sa fidélité à son employeuse et de compenser la perte des avantages liés à son poste de travail, parmi lesquels figuraient nécessairement ses expectatives de retraite. Il ne peut en revanche être considéré comme établi que cette indemnité visait en première ligne à compenser la lacune de prévoyance résultant du licenciement de la recourante. L’AFC-GE a dès lors refusé à juste titre d’assimiler ladite indemnité à un versement en capital provenant d’une institution de prévoyance au sens des art. 17 al. 2 LIFD et
18 al. 3 LIPP et de la faire bénéficier de l’imposition privilégiée prévue par ces dispositions.

Au vu de ce qui précède, le recours s’avère mal fondé et sera rejeté, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner la pertinence des autres arguments invoqués par les parties, notamment ceux relatifs aux conséquences de l’art. 47a LPP.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 mars 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 20 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Yuri KUDRYAVTSEV et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier