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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1364/2024

JTAPI/991/2024 du 07.10.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PRINCIPE DE LA BONNE FOI;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;MANDATAIRE
Normes : LIFD.117.al1; LPFisc.20.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1364/2024 ICCIFD

JTAPI/991/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 octobre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par UNIFIDTAX, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2019 de A______ SA (ci-après : la société).

2.             La contribuable a remis sa déclaration fiscale par 2019 par téléversement le 15 janvier 2021, indiquant pour adresse « c/o B______ SA, C______ 1______, D______ ».

N’ayant cependant pas donné suite à diverses demandes de renseignements que lui a adressées l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), elle a été taxée d’office, par bordereaux datés du 18 mai 2023 envoyés à l’adresse susmentionnée.

3.             Le 23 juin 2023, la société a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux, sous la plume de E______ SA. Celle-ci a relevé que l’AFC-GE ne lui avait pas notifié une copie des taxations, bien qu’elle disposât d’une procuration. Sa cliente avait reçu les bordereaux incriminés le 24 mai 2023. Elle contestait toutes les modifications que l’AFC-GE avait apportées par rapport à sa déclaration fiscale.

4.             Par pli du 27 juin 2023, suivi d’un rappel recommandé daté du 10 août suivant, l’AFC-GE a enjoint la contribuable de remplir les annexes L et J de sa déclaration fiscale et lui a demandé de lui communiquer divers renseignements.

5.             Par décisions du 29 novembre 2023 notifiées à B______ SA, l’AFC-GE a rejeté la réclamation, pour le motif que la société n’avait donné aucune suite à ses demandes des 27 juin et 10 août précédents.

6.             Le 27 janvier 2024, l’AFC-GE a envoyé à la société un rappel de paiement de l’impôt 2019. Celui-ci a été suivi d’une sommation, expédiée par courrier A plus, le 17 février suivant.

7.             Par pli du 5 mars 2024, la contribuable, sous la plume de E______ SA, a fait valoir que l’impôt que l’AFC-GE lui réclamait dans sa sommation n’était pas dû, étant donné qu’elle avait élevé réclamation contre ses taxations le 23 juin 2023. L’AFC-GE était dès lors invitée à suspendre la procédure de recouvrement.

8.             Le 18 mars 2024, l’AFC-GE a répondu à la société, à l’adresse d’B______ SA que sa sommation était maintenue. Ainsi qu’il ressortait du courrier [daté du 29 novembre 2023] annexé, sa réclamation avait abouti à des décisions de maintien, qui n’avaient pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

9.             Par acte du 22 avril 2024, la société, sous la plume de son nouveau mandataire, UNIFIDTAX, a interjeté recours devant le tribunal à l’encontre des décisions du 29 novembre 2023 en concluant à leur annulation et au renvoi de la cause à
l’AFC-GE pour qu’elle lui impartisse un délai raisonnable pour répondre à sa demande de renseignements du 27 juin 2023.

Ledit mandataire avait pris connaissance, le 18 mars 2024, de la lettre de
l’AFC-GE qui l’informait que ses décisions sur réclamation datées du 29 novembre 2023, seraient entrées en force, faute d’avoir été contestées devant le tribunal. Son recours avait, dès lors, été introduit en temps utile.

Dans sa réclamation, E______ SA s’était plainte que l’autorité intimée ne lui avait pas communiqué les bordereaux incriminés. Les décisions sur réclamation portaient pour adresse : « c/o B______ SA ». Cependant, à teneur d’un courriel du 19 avril 2024, cette société avait confirmé ne les avoir jamais reçues. En conclusion, la notification de ces prononcés devait être qualifiée d’irrégulière.

10.         Dans sa réponse du 24 juin 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. C’était à juste titre que la réclamation avait été maintenue, car la société n’avait pas apporté la preuve du caractère manifestement inexact de sa taxation d’office.

Ayant réceptionné les demandes de renseignements des 27 juin et 10 août 2023, E______ SA devait savoir qu’une décision allait être rendue à l’encontre de sa mandante. Or, elle n’avait pas répondu à ce dernier courrier et n’avait réagi que le 5 mars 2024 aux sommations de paiement. Au surplus, la recourante n’avait allégué ni l’existence d’un motif sérieux, ni un cas de force majeure qui l’auraient empêchée d’agir en temps utile ou de désigner un tiers pour agir à sa place.

11.         Par réplique du 18 juillet 2024, la société a maintenu son recours. L’AFC-GE reconnaissait dans sa réponse qu’elle n’était pas en mesure d’établir la date de notification des décisions sur réclamation. Même si B______ SA en avait eu connaissance – ce qui n’était pas le cas – leur notification demeurait irrégulière. En effet, elles auraient dû être adressées au mandataire connu de l’AFC-GE, à savoir E______ SA.

12.         Dans sa duplique du 13 août 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le recours a été interjeté dans les formes prescrites et devant la juridiction compétente au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. Sous cet angle, il doit être déclaré recevable.

Il convient à présent d’examiner s’il a été déposé en temps utile.

3.             Aux termes des art. 140 al. 1 LIFD et 49 al. 1 LPFisc, le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de taxation en s'adressant au tribunal dans les 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si le recours est remis à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD ; art. 41 al. 1 LPFisc).

4.             Le fardeau de la preuve de la notification de l'acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve, en ce sens que si la notification d'un acte ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 et les références).

5.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les réf.), en vertu du principe de la bonne foi, l'intéressé est tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Le principe de la bonne foi oblige en effet celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre, en restant passif, afin de pouvoir s'en prévaloir ultérieurement devant l'autorité de recours.

6.             Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années ; il en va de même pour celui qui reste inactif pendant deux mois. En revanche, on ne peut reprocher aucun retard à celui qui consulte son dossier auprès de l'autorité quelques jours après avoir eu connaissance de l'existence d'une condamnation pénale. Est de même irréprochable celui qui réagit le jour même où il constate le début de travaux dont l'autorisation de les exécuter ne lui a pas été notifiée (ATA/1783/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4c).

7.             En l’occurrence, il ne peut être exclu que la recourante n’ait eu connaissance des décisions incriminées, qui portent la date du 29 novembre 2023, envoyées par pli simple, que le 18 mars 2024. Cela étant, il convient d’examiner si l’intéressée pouvait se douter de l’existence de ces prononcés auparavant. Or, elle a réagi le 5 mars 2024 à la sommation de paiement que lui a envoyée l’AFC-GE le 17 mai précédent, en faisant valoir qu’elle avait élevé réclamation à l’encontre de ses taxations. Le tribunal estime qu’en se préoccupant de sa situation fiscale dans un délai inférieur à trois semaines, l’intéressée a respecté le principe de la bonne foi.

En conséquence, il convient de retenir que le présent recours, formé le 22 avril 2024, a été déposé en temps utile.

8.             La recourante soutient que la notification des décisions sur réclamation se révèle irrégulière au motif qu’elles auraient dû être notifiées à E______ SA et non à elle-même.

9.             Le contribuable peut se faire représenter contractuellement devant les autorités chargées de l'application de la présente loi, dans la mesure où sa collaboration personnelle n'est pas nécessaire (art. 117 al. 1 LIFD ; art. 20 al. 1 LPFisc).

10.         Les décisions, y compris les décisions incidentes, qui concernent le contribuable, doivent être notifiés au représentant, dans la mesure et aussi longtemps que le rapport de représentation est connu de l’autorité. La notification est irrégulière, si elle a lieu auprès du contribuable concerné, au lieu du mandataire. Il n’en découle toutefois pas, que la décision en question ne déploie aucun effet juridique ou qu’elle ne puisse pas entrer en force. Au contraire, le principe applicable est qu’il ne doit en résulter aucun désavantage pour le contribuable, du fait de la notification irrégulière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_709/2014 du 9 juin 2015 consid. 3.1).

11.         En l’espèce, la recourante prétend que la notification des décisions sur réclamation se révèle viciées, dès lors qu’elles n’ont pas été notifiées à son mandataire, à savoir E______ SA.

L’intéressée ne peut être suivie, tant il est vrai que l’invocation d’un tel vice procédural contrevient au principe de la bonne foi. En effet, elle n’allègue pas et ne démontre encore moins l’existence d’un quelconque préjudice. Au contraire, il appert qu’elle a pu disposer de l’entier du délai de recours devant le tribunal. Il ne se justifie pas non plus de lui accorder une restitution de délai pour répondre à la demande de renseignements de l’AFC-GE du 27 juin 2023, étant donné que ce courrier recommandé a été adressé à E______ SA et effectivement reçue par elle, ainsi qu’il ressort du système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste.

12.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 29 novembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

 

 

La greffière