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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2537/2023

JTAPI/280/2024 du 28.03.2024 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;PERMIS DE CONDUIRE;EXPERTISE;COCAÏNE;DÉPENDANCE(MALADIE)
Normes : LCR.15.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2537/2023 LCR

JTAPI/280/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mars 2024

 

dans la cause

 

 

Madame A______



contre



OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1982, est titulaire du permis de conduire suisse pour la catégorie B depuis le 18 juillet 2006.

2.             Par décision exécutoire nonobstant recours du 21 juillet 2020, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé le retrait du permis de conduire à titre préventif de Mme A______ pour une durée indéterminée.

Il lui était reproché d’avoir conduit dans l’incapacité de conduire du fait de l'absorption de stupéfiants le 18 décembre 2020 à 10h15 sur l’avenue ______[GE] au volant d’une voiture. Il ressortait du rapport d'audition qu’elle avait déclaré fumer un joint de cannabis par jour. Les résultats de l’expertise toxicologique ordonnée s’étaient révélés positifs au cannabis et à la cocaïne. La concentration de THC (22 µg/l) déterminée dans le sang était supérieure à la valeur limite définie par l’office fédéral des routes (15 µg/l ; OFROU). La cocaïne n’avait pas été mise en évidence dans le sang mais les résultats étaient indicateurs d'une consommation de cocaïne non récente devant dater de plusieurs heures, voire jours avant le prélèvement. Le permis de l’intéressée, qui ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, avait été saisi par la police le 18 décembre 2020. L’examen de son dossier l’incitant à concevoir des doutes sérieux quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur, un examen approfondi auprès de l’Unité de médecine et psychologie du trafic (ci-après : UMPT) lui était imposé afin d’élucider cette question. Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude auraient été élucidées ou, en cas de non soumission à l'examen imposé, dans un délai de trois mois.

3.             Par ordonnance pénale du 31 mars 2021, le Ministère public du canton de Genève a déclaré Mme A______ coupable de, notamment, conduite d'un véhicule automobile dans l’incapacité de conduire pour d'autres raisons que l’alcool (art. 91 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; LCR - RS 741.01).

4.             Dans son rapport d'expertise du 30 juin 2021, l’unité de médecine et de psychologie du trafic du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) a conclu à l'inaptitude à la conduite des véhicules à moteur de Mme A______ pour un motif toxicologique (consommation de cocaïne à risque de dépendance). L’analyse d’un segment de cheveu prélevé le 19 mai 2021 avait montré la présence d’une consommation de cocaïne dans les deux à trois mois précédant le prélèvement. Il était proposé que l'intéressée :

-          « effectue une abstinence stricte et complète à l’égard de tout produit stupéfiant pour une durée de six mois au minimum, vérifiée par des analyses toxicologiques, qui devront être effectuées sur des prélèvements capillaires (sur un segment proximal d’au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois au minimum pour une durée de six mois au minimum. Toute coloration ou décoloration des cheveux est découragée.

L'abstinence à l'égard des stupéfiants et les analyses toxicologiques (qui ne sont pas remboursées par la LAMal ni par les assurances complémentaires) ne devront pas être interrompues jusqu’à nouvelle décision de l’autorité compétente.

-          effectue un suivi addictologique auprès d’un médecin addictologue ou d'un centre spécialisé dans la prise en charge des problématiques addictives, pour une durée identique à l'abstinence (six mois au minimum), avec des entretiens au moins mensuels, qui devront sensibiliser l'intéressée aux effets et méfaits des produits stupéfiants, et lui permettre d'élaborer des stratégies permettant d'éviter de conduire sous l'influence des stupéfiants illicites dans le futur.

Le médecin addictologue ou l'intervenant(e) en charge du suivi devront transmettre sans délai les résultats des analyses toxicologiques à l'UMPT, qui se charge d’informer l'autorité cantonale compétente sur le déroulement du suivi et sur respect de l'abstinence stricte et complète à l'égard des stupéfiants illicites,

-          fournisse à l'autorité cantonale compétente, au moment de demander la restitution du droit de conduire, une attestation de l'intervenant(e) en charge du suivi, mentionnant le type de suivi mis en place, et confirmant que le suivi s'est déroulé sur une période de six mois au minimum,

-          soit soumise, au terme du délai de six mois et une fois les conditions ci-dessus remplies, à une expertise simplifiée de contrôle auprès d'un médecin du trafic de niveau 4, spécialiste en médecine du trafic SSML, qui visera à établir si l'intéressée a effectué le suivi requis, si elle peut être remise au bénéfice du droit de conduire les véhicules automobiles du premier groupe, et à quelles conditions.

Le pronostic à court, moyen et long termes est actuellement incertain. Son évolution dépendra de la prise en charge que devra effectuer l’intéressée et devra être précisé à nouveau lors de l’expertise simplifiée visant à la restitution du droit de conduire ».

5.             Par courrier du 5 juillet 2021, se référant au rapport d’expertise précité, l’OCV a imparti un délai au 26 juillet 2021 à Mme A______ pour lui faire parvenir ses éventuelles observations, précisant que, passé ce délai, sans nouvelles de sa part, il se verrait dans l’obligation de lui retirer son permis pour une durée indéterminée.

6.             Par courriel du 26 juillet 2021, Mme A______ a fait valoir qu’elle trouvait les recommandations de l’expert d’une grande sévérité. Elle avait besoin de son permis à titre professionnel. Depuis la réception du courrier du 16 mars 2021 de l’OCV, elle avait arrêté toute consommation et elle s’était soumise à l’expertise en toute transparence. Elle était prête à se soumettre aux exigences posées si elle récupérait son permis. L’expertise comportait une erreur s’agissant de sa consommation de cocaïne.

7.             Par décision exécutoire nonobstant recours du 4 août 2021, l'OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de Mme A______ pour une durée indéterminée, précisant qu'une nouvelle décision ne pourrait intervenir que sur la base d'un nouveau rapport du CURML établi par un médecin de niveau 4.

8.             Par ordonnance pénale du 8 décembre 2021, le Ministère public du canton de Genève a déclaré Mme A______ coupable de conduite sous retrait, refus ou interdiction d’utilisation du permis de conduire (art. 95 al. 1 let. b LCR).

9.             Dans son rapport d'expertise du 11 juillet 2023, le CURML, soit pour lui notamment le Dr B______, a conclu à l'aptitude de Mme A______ à la conduite des véhicules à moteur. Le maintien du droit de conduire était subordonné au respect des conditions suivantes :

-          « la poursuite d'une abstinence stricte et complète à l'égard de tout produit stupéfiant illicite pour une durée de douze mois, vérifiée par des analyses toxicologiques, qui devront être effectuées sur des prélèvements de cheveux (sur un segment proximal d'au moins 3 cm de longueur) tous les trois mois pour une durée de douze mois au minimum.

Toute coloration ou décoloration des cheveux est découragée.

Les analyses toxicologiques susmentionnées devront être effectuées impérativement à l’UMPT de Genève, à fréquence trimestrielle (fin août 2023, fin novembre 2023, fin février 2024 et fin mai 2024).

Dans l’éventualité où les analyses toxicologiques ne permettraient pas de confirmer que l’intéressée poursuit une abstinence stricte et complète à l’égard des produits stupéfiants illicites, elle devra alors être considérée comme inapte à la conduite des véhicules à moteur du premier groupe et faire l’objet d’une nouvelle évaluation médicale de son aptitude à la conduite.

L'UMPT se charge d'informer l'autorité cantonale compétente du non-respect des conditions pour le maintien du droit de conduire,

-          la poursuite d'un suivi addictologique pour une durée supplémentaire de douze  mois, avec des entretiens dont la fréquence devra être évaluée par l’intervenant(e) en charge,

-          la présentation, à l’autorité compétente, à l’issue des douze mois de suivi addictologique, d’une attestation de suivi, rédigée par l’intervenant(e) en charge, qui devra confirmer que le suivi s’est déroulé sur une durée de douze mois, avec une évolution globalement favorable ».

10.         Par décision de levée de mesure du 13 juillet 2023, l'OCV a restitué son permis de conduire à Mme A______, lui imposant (point 3) de se soumettre aux conditions mentionnées dans le rapport d'expertise précité, faute de quoi une nouvelle mesure devrait être prononcée pour une durée indéterminée, avec effet immédiat.

11.         Par acte daté du 7 août 2023, Mme A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Sa contestation portait sur le point 3 de ladite décision.

Durant un peu moins d'une année, elle avait effectué, sur base trimestrielle, des prélèvements capillaires à des fins d'analyses toxicologiques. Dans ce cadre, l’une des analyses effectuée le 9 janvier 2023 s'était révélée négative et l’autre, effectuée le 3 avril 2023, positive. Le Dr B______, en charge du suivi de son dossier, lui avait communiqué par téléphone ces résultats, sans même lui laisser le bénéfice du doute, alors que le résultat positif ne pouvait être correct, et elle avait dû intervenir auprès du service juridique de l'OCV qui lui avait recommandé de contacter la Dre  C______. Cette dernière lui avait confirmé qu'une erreur pouvait arriver et un employé du laboratoire de tests lui avait indiqué que l'unique moyen de prouver qu'il y avait eu une erreur était de tester la seconde mèche prélevée le 3 avril 2023, ce que le Dr B______ avait cependant refusé, sans motifs. Le nouveau test réalisé début mai 2023 s’était révélé négatif. Il lui semblait dès lors injuste et injustifié de devoir subir les conséquences de cette erreur et ce alors qu’on ne lui avait pas même laissé la possibilité de prouver sa bonne foi. Elle ne travaillait plus depuis fin janvier et il lui était extrêmement difficile d'assumer financièrement tous ces coûts supplémentaires. Avec son mari, ils essayaient d'avoir un enfant depuis plus de deux ans et il était inconcevable pour elle de ne pas être sobre durant la période de préparation des FIV. Le résultat erroné et ses échanges tendus avec le Dr. B______ avaient engendré beaucoup de stress et elle avait fait une fausse couche. En lien avec sa FIV, elle avait en outre perdu énormément de cheveux et elle était plutôt opposée à tout nouveau prélèvement capillaire. Cela étant, si le tribunal devait conclure à la poursuite des tests, elle n’y était pas opposée sur le fond mais uniquement sur la forme et était ouverte à faire d'autres tests qui ne nécessitaient pas de se couper des mèches de cheveux.

12.         Le 25 septembre 2023, l'OCV a transmis son dossier et a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Il avait interpellé le Dr B______, dont il sollicitait l’audition, suite au recours et versait à la procédure ses observations complémentaires. Ce dernier, dans sa réponse du 28 août 2023, avait persisté dans les conclusions et conditions de son rapport du 11 juillet 2023, lesquelles se fondaient notamment sur le diagnostic retenu lors de l’expertise du 9 août 2021 d’une consommation de cocaïne avec risque de dépendance et le document « Aptitude à conduire et alcool, produits stupéfiants et médicaments psychotropes, L'examen de médecine du trafic et son évaluation » approuvé le 26 avril 2018 par la section de médecine du trafic de la société suisse de médecine légale (SSML) (ci-après : les directives SSML) qui recommandait, dans le cas d’un diagnostic de dépendance, en règle générale, une abstinence pouvant aller jusqu’à trois ans.

Les conclusions dudit rapport ne portaient pas flanc à la critique et il était lié par l’avis de l’expert. En l’espèce, l’intérêt public tendant à la protection des usagers de la route devait prévaloir sur l’intérêt de la recourante à maintenir son droit à la conduite sans se soumettre aux conditions émises. Au surplus, compte-tenu de l’effet suspensif du recours, les conséquences favorables du rapport d’expertise (restitution du permis) devraient également être suspendues en attendant l’issue du recours. Cela étant, il n’était pas opposé à octroyer un délai d’un mois à Mme  A______ pour contacter l’UMPT afin de réaliser la 1ère analyse toxicologique. A défaut, et pour des raisons évidentes de sécurité, il se verrait obligé de lui retirer son permis de conduire pour une durée indéterminée en application de l’art. 16d al. 1 LCR.

13.         Dans sa réplique du 16 octobre 2023, Mme A______ a souligné qu’elle n’avait jamais refusé les tests de dépistage mais demandé un dépistage alternatif au prélèvement capillaire en raison de son alopécie. Désireuse de démontrer sa bonne foi, elle allait prendre rendez-vous avec l’UMPT afin de réaliser un test capillaire mais souhaiterait qu’après ce test, un autre type de suivi lui soit proposé. Elle relevait encore que le rapport de l’UMPT du 4 août 2021 comportait plusieurs erreurs grossières (elle n’était pas orpheline ni n’avait de dépendance aux stupéfiants).

14.         Par duplique du 1er novembre 2023, l’OCV a expliqué avoir interpellé le Dr  B______ suite aux observations de la recourante. Ce praticien proposait deux alternatives au prélèvement capillaire, à savoir : une prise de cheveux sur 5 cm, à six et à douze mois ou une prise d’urine par semaine, durant 52 semaines. L’UMPT l’avait pour le surplus informé que Mme A______ était attendue le 28  novembre 2023 pour une 1ère analyse capillaire.

Il versait au dossier les pièces y relatives.

15.         Le 15 décembre 2023, l’OCV a transmis au tribunal ses échanges de courriels avec l’UMPT ainsi que son courrier du 14 décembre 2023 à Mme A______, dans lequel il relevait notamment qu’elle avait déplacé à plusieurs reprises ses rendez-vous auprès de l’UMPT (28 novembre, 5 et 12 décembre 2023 puis dès le 10 janvier 2024). Il lui rappelait qu’elle devait lui présenter un 1er prélèvement capillaire au mois de janvier 2024 au plus tard. Passé ce délai, il se verrait dans l’obligation de lui retirer son permis de conduire pour une durée indéterminée, avec effet immédiat.

16.         Lors de l'audience du 16 février 2024 devant le tribunal, la représentante de l’OCV a versé à la procédure un rapport d’analyse du 8 février 2024 ainsi qu'une attestation de rendez-vous du 11 juin 2024 de l'UMPT.

Mme A______ a expliqué avoir formé recours contre la décision du 13 juillet 2023 en raison de l'acharnement à son égard. Depuis la décision du 4 août 2021 de l'OCV, elle n’avait plus touché à aucune substance. Elle avait contesté le résultat (positif) de l'analyse du 3 avril 2023, demandant à ce qu'une deuxième analyse soit effectuée afin de démontrer la poursuite de son abstinence. Cela lui avait toutefois été refusé et, par décision du 13 juillet 2023, l'OCV lui avait demandé la poursuite de son abstinence pour douze mois supplémentaires. Elle voulait que justice soit rendue, même si elle était prête à procéder à la dernière analyse prévue le 11 juin 2024. Outre la décision du 13 juillet 2023, elle contestait également le rapport de l'UMPT du 11 juillet 2023 et la première expertise du 30 juin 2021. Elle souhaitait que sa deuxième mèche de cheveux soit analysée afin de démontrer que le résultat de l'analyse faite le 3 avril 2023 était erronée. Elle avait contacté la Dre C______. Cette dernière avait demandé au laboratoire de l'UMPT d’analyser la deuxième mèche de cheveux. Cela avait toutefois été refusée sur ordre du Dr B______. Elle avait pris acte des conditions posées dans la décision de l'OCV du 13 juillet 2023 et le rapport du 11 juillet 2023. Elle effectuait actuellement un suivi, notamment addictologique, auprès d'un psychologue.

La représentante de l’OCV a expliqué que, suite à la plainte de Mme  A______, ils lui avaient proposé, le 8 mai 2023, de s'adresser à la Dre  C______, pour une contre-expertise. A sa connaissance, la recourante était néanmoins retournée chez le Dr B______ pour l'analyse de sa deuxième mèche de cheveux, ce qui lui avait toutefois été refusé. Ils avaient demandé l'audition du Dr B______ afin qu'il explique notamment les motifs de ce refus. Ils avaient pour pratique d'accepter les contre-expertises par l'analyse de la deuxième mèche de cheveux. Elle vérifierait auprès de l'UMPT si la deuxième mèche de cheveux avait effectivement été analysée, car les pièces du dossier n’étaient pas claires à ce sujet. Cas échéant, elle verserait le résultat de cette analyse à la procédure. Ils avaient également interpellé le Dr B______ le 13 février 2024 à ce sujet et attendaient sa réponse. Dans un cas comme celui de Mme A______ avec consommation avérée de produits stupéfiants constatée en 2021, quand bien même les analyses de la première période de suivi (4 août 2021 - 11 juillet 2023) étaient toutes négatives, le SSML préconisait de requérir la poursuite de l'abstinence pour une durée pouvant aller jusqu'à deux (recte trois) ans (pièce 26 du dossier de l’OCV). Le Dr B______ avait toutefois requis une abstinence d'une durée de douze mois. Elle interpellerait ce dernier sur les points suivants : « Est-ce que la deuxième mèche de cheveux de Mme A______ a été analysée ? Est-ce qu'en cas de résultat négatif de cette analyse, le résultat positif de la première mèche est écarté ? Est-ce que les conclusions du rapport du 11 juillet 2023 ont tenu compte du résultat positif du 3 avril 2023 ? Est-ce qu'en cas de résultat d'analyse négatif de la période de suivi du 4 août 2021 au 11 juillet 2023 les conclusions du rapport du 11 juillet 2023 auraient été les mêmes et pour quelles raisons ?

Depuis leur courrier du 14 décembre 2023 à Mme A______, ils avaient constaté que cette dernière s'était soumise à la première analyse qui lui était demandée. Leurs doutes étaient donc levés quant à son aptitude à la conduite. Ils attendaient les résultats de la dernière analyse, prévue le 11 juin 2024, pour clore définitivement ce dossier, si le résultat était à nouveau négatif. Ils ne savaient rien de l'abstinence de la recourante de fin août 2023 à janvier 2024, même si effectivement l'analyse de janvier 2024 portait sur les deux trois derniers mois.

A cet égard, Mme A______ a précisé que l'analyse de janvier 2024 avait porté sur une longueur de cheveux de 0 à 3 cm. Toutefois une longueur de cheveux plus importante lui avait été demandée afin de pouvoir faire une analyse concernant une période allant jusqu'à cinq mois. La représentante de l’OCV a indiqué qu’elle se renseignerait à ce sujet auprès de l'UMPT et communiquerait le résultat de sa démarche au tribunal.

17.         Le 29 février 2024, l’OCV a versé à la procédure ses derniers échanges de correspondance avec le Dr B______. Ce dernier répondait comme suit aux questions posées à l’audience : « Le rapport d'expertise de l’UMPT du 11 juillet 2023 a conclu que Mme A______ pouvait être considérée comme apte à la conduite des véhicules à moteur du premier groupe, sous conditions, selon les Directives SSML. Comme clairement indiqué dans le rapport d'expertise de l'UMPT du 11 juillet 2023 à la page 2, paragraphe « 30 mai 2023 », les analyses toxicologiques effectuées dans le cadre du suivi requis ont montré des résultats compatibles avec une abstinence à l'égard des substances recherchées pour une période de six mois. On se réfère ainsi aux analyses effectuées les 9 janvier 2023 et 15 mai 2023. Les questions posées par l'autorité sont ainsi caduques, dans la mesure où le rapport d'expertise de l'UMPT du 11 juillet 2023 se réfère aux analyses effectuées les 9 janvier 2023 et 15 mai 2023 et ne se réfère nullement aux analyses effectuées sur le prélèvement réalisé le 3 avril 2023. Si le prélèvement effectué le 3  avril 2023 avait donné un résultat négatif, le rapport d'expertise de l'UMPT aurait mentionné les deux analyses des 9 janvier 2023 et 3 avril 2023. Les conclusions du rapport d'expertise de l'UMPT du 11 juillet 2023 auraient été exactement les mêmes, en tenant compte des deux analyses toxicologiques négatives réalisées les 9 janvier 2023 et le 3 avril 2023 (si négatives), ou en tenant compte (tel est le cas) des deux analyses toxicologiques négatives réalisées les 9 janvier 2023 et 15 mai 2023. Aucune analyse de la deuxième mèche n'a été effectuée sur le prélèvement du 3 avril 2023 à la demande de l'intéressée (demande reçue par le Dr B______ au téléphone lors d'un entretien téléphonique avec l'intéressée), et ce afin d'effectuer un nouveau prélèvement (…) ».

18.         Invitée à se déterminer sur ce courrier et la prise de position du Dr B______, par courrier du tribunal du 1er mars 2024, Mme A______ n’a pas donné suite.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

5.             En l'espèce, la recourante conteste la décision du 13 juillet 2023 rendue par l'OCV en tant qu'elle lui impose de se soumettre aux conditions mentionnées dans le rapport d'expertise du 11 juillet 2023. Elle indique également contester ladite expertise ainsi que celle du 30 juin 2021.

6.             Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

7.             Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3).

Concernant la valeur probante d'un rapport médical, il importe en particulier que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées ; au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2013 du 22 juillet 2013 consid. 3.1). Les questions posées doivent faire l'objet d'une étude détaillée et complète, fondée sur des éléments médicaux et de fait (arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

8.             En l'espèce, l'expertise du 30 juin 2021 a été ordonnée par l'OCV dans sa décision du 21 juillet 2020, qui n'a pas été contestée par la recourante. L’expertise du 11  juillet 2023 fait suite à cette première expertise, sur la base de laquelle la décision du 4 août 2021, non contestée, a été prononcée.

Le tribunal retiendra pour le surplus que les examens médicaux nécessaires à l'appréciation du cas de la recourante ont été effectués, sous l'égide de praticiens spécialisés dans leur domaine d'expertise. Le dossier administratif fourni par l'OCV a été pris en compte, les informations pertinentes ont été recueillies, notamment au cours de l'entretien personnel avec l'expertisée. L'appréciation médicale du cas a été exposée et discutée par les experts et ces derniers ont motivé les conclusions auxquelles ils sont parvenus. Les expertises menées apparaissent dès lors conformes aux exigences de la jurisprudence sur le plan de la méthode mise en œuvre, étant relevé que les quelques erreurs factuelles signalées par la recourante ont été prises en compte.

9.             Sur le fond, la recourante conteste le résultat (positif) de l'analyse du 3 avril 2023. Elle avait demandé à ce que sa deuxième mèche de cheveux soit analysée afin de démontrer son abstinence. Cela lui avait toutefois été refusé et, par décision du 13  juillet 2023, l'OCV lui avait demandé la poursuite de son abstinence pour douze mois supplémentaires. Il lui semblait dès lors injuste et injustifié de devoir subir les conséquences de cette erreur et ce alors qu’on ne lui avait pas même laissé la possibilité de prouver sa bonne foi. Elle voulait que justice soit rendue, même si elle était prête à procéder à la dernière analyse prévue le 11 juin 2024.

10.         En l'espèce, l'OCV, qui a suivi la procédure prévue par la loi et la jurisprudence rappelée ci-dessus avant de rendre sa décision, a fondé celle-ci sur les conclusions du rapport d'expertise du 11 juillet 2023.

Dans son rapport, ainsi que dans ses explications subséquentes, le Dr B______ a expliqué de manière claire et convaincante avoir retenu, d’une part, que les analyses toxicologiques effectuées dans le cadre du suivi avaient montré des résultats compatibles avec une abstinence à l’égard de produits stupéfiants illicites pour une période de six mois, tel que requis et, d’autre part, que les conditions imposées étaient conformes aux directives SSML (2.6.4.2) qui recommandaient, dans le cas d’un diagnostic de dépendance, une abstinence pouvant aller jusqu’à trois ans. Ainsi, en l’espèce, dans la mesure où un risque de dépendance a été retenu par expertise du 30 juin 2021, l’expert pouvait parfaitement exiger la poursuite d’une abstinence sur une durée de douze mois supplémentaires.

La recourante ne fait quant à elle que substituer sa propre appréciation à celle des experts et de l'autorité intimée s'agissant de l'opportunité des mesures requises. A cet égard, elle perd de vue qu’une consommation de cocaïne avec risque de dépendance a été retenu la concernant, que le résultat de l’analyse (positif) du 3  avril 2023 n’a pas été pris en compte par l’expert dans son rapport du 11 juillet 2023 et que la continuité de son abstinence sur la période de six mois requise a bien été retenue par ce dernier.

Dans ces conditions, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas procédé à une application incorrecte de la loi ou, d'une autre manière, excédé son pouvoir d'appréciation en suivant la position des experts et, en particulier, en reprenant les conditions auxquelles ils subordonnaient la remise au bénéfice du droit de conduire de la recourante dans la décision querellée. Les conditions posées apparaissent au demeurant parfaitement proportionnées et adéquates au vu de l'historique du dossier de l'intéressée, laquelle a au demeurant indiqué qu’elle se soumettrait à la dernière analyse prévue le 11 juin 2024.

11.         Dépourvu de motif valable, le recours sera rejeté et la décision attaquée, qui ne prête pas flanc à la critique, confirmée.

12.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art.  87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 août 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 13 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière