Décisions | Chambre de surveillance
DAS/249/2024 du 24.10.2024 sur DTAE/7543/2024 ( PAE ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/22684/2024-CS DAS/249/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 24 OCTOBRE 2024 |
Recours (C/22684/2024-CS) formé en date du 16 octobre 2024 par Madame A______, actuellement hospitalisée à la Clinique B______, Unité C______, sise ______ (Genève).
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 octobre 2024 à :
- Madame A______
c/o Clinique B______, Unité C______
______, ______.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
Pour information à :
- Direction de la Clinique B______
______, ______.
A. a) A______, née le ______ 1970, divorcée, mère de deux enfants, fait actuellement l'objet d'une mesure de placement en la Clinique B______. Cette mesure a été ordonnée le 18 septembre 2024 par un médecin du Service de la santé publique du canton de Vaud.
Le 19 septembre 2024, A______ a formé recours contre ce placement auprès du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le Tribunal de protection), qui l'a transféré pour raison de compétence à la Justice de paix du district de D______ [VD] le 23 septembre 2024.
Par ailleurs, le 3 octobre 2024, la Justice de paix du district E______ [VD] a informé le Tribunal de protection qu'elle menait actuellement une instruction à l'égard de A______, domiciliée légalement dans le district E______ jusqu'au 13 septembre écoulé, aux fins d'évaluer la nécessité d'instituer en sa faveur une curatelle et un placement à des fins d'assistance.
A______ a été entendue par cette autorité le 21 octobre 2024.
b) Le 2 octobre 2024, la Clinique B______ a établi un plan de prise en soins concernant A______ qui prévoyait l’introduction d’un traitement antipsychotique.
Le même jour, le médecin-chef de l'institution a ordonné le traitement sans consentement de A______. Cette décision relevait une "conduite de mise en danger d'elle-même et de ses enfants".
c) Par acte du 2 octobre 2024 adressé au Tribunal de protection, A______ a formé recours contre la décision de traitement sans consentement.
d) Par ordonnances des 2 et 4 octobre 2024, le Tribunal de protection a ordonné une expertise, confiée à la Dre F______, médecin ______ de l’Unité de psychiatrie légale auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).
Les éléments suivants ressortent du rapport d’expertise du 7 octobre 2024 délégué à la Dre G______, médecin ______ de clinique de l’Unité de psychiatrie légale auprès du CURML :
L'expertisée souffrait d'une schizophrénie diagnostiquée de longue date, actuellement en décompensation, dans un contexte d'arrêt de traitement et de suivi adaptés, prenant la forme d'un délire de persécution. Cet état nécessitait des soins spécialisés en psychiatrie comprenant un traitement neuroleptique. L'expertisée restait dans l'anosognosie totale de ses troubles, contestait le diagnostic et ne possédait pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité d'un traitement. Il en résultait actuellement un besoin d'assistance et de traitement qui ne pouvait lui être soumis d'une autre manière que par une hospitalisation non volontaire. A défaut, il existait un risque d'hétéro-agressivité ainsi qu'un risque pour sa propre sécurité.
e) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 15 octobre 2024.
A______ a déclaré qu'elle se sentait parfaitement bien et ne comprenait pas les raisons de son placement. Elle se faisait du souci pour ses enfants. Elle se soignait par le sport, le yoga et la méditation, ce qui lui faisait beaucoup de bien et avait contribué à son rétablissement total. Elle souhaitait avoir des jours de congé pour payer ses factures car il existait une "menace de curatelle" et il lui tenait donc à cœur d'être à jour. Elle souhaitait également se réinsérer professionnellement et avait complété sa formation en passant un examen B2 en allemand. Elle s'était domiciliée à Genève en août 2024.
Le Dr H______, médecin en charge de la recourante au sein de la clinique, a expliqué qu'une discrète amélioration avait été observée depuis la prise du traitement. En cas de non-prise ou d'arrêt du traitement, la santé psychique de A______ serait grandement affectée car elle resterait dans un état sévèrement décompensé. A ce jour, l'hospitalisation demeurait toujours nécessaire car il fallait traiter l'épisode de décompensation et stabiliser son état. Il s'agissait également de mettre en place un suivi sur Genève afin que A______ puisse avoir accès aux soins en ambulatoire. La prénommée ne disposait pas de la capacité de discernement pour comprendre son besoin de soins, raison pour laquelle un traitement sans consentement avait été décidé.
Au terme de l’audience, la cause a été mise à délibérer.
B. a) Par ordonnance DTAE/7543/2024 du 15 octobre 2024, le Tribunal de protection a rejeté le recours formé le 2 octobre 2024 par A______ contre la décision médicale du même jour prescrivant un traitement sans son consentement.
Le Tribunal de protection a retenu que la décision médicale était formellement valable. La personne concernée, qui souffrait de schizophrénie actuellement décompensée, était anosognosique de son état psychique et n'avait plus la capacité de discernement en matière de soins. L’absence de traitement risquait de conduire à une dégradation psychique telle qu’elle pourrait mettre en péril la vie de l’intéressée ou son intégrité corporelle, respectivement celles d’autrui. Le traitement n’était pas accepté volontairement malgré l’environnement cadrant offert par le placement à des fins d’assistance.
b) Par acte reçu au greffe de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (ci-après: la Chambre de surveillance) le 17 octobre 2024, A______ a formé recours contre cette ordonnance, reçue le même jour.
Elle expose, s'agissant de la décision dont est recours, qu'elle n'est pas d'accord avec le diagnostic posé par le Dr H______ la concernant et estime ne pas avoir besoin de médicaments, considérant également que la dose prescrite est trop forte.
c) Le juge délégué de la Chambre de surveillance a tenu une audience le 24 octobre 2024.
A______ a persisté dans son recours. Elle a déclaré qu'elle prenait le traitement médicamenteux prescrit parce qu'elle n'avait pas le choix et qu'elle voulait éviter de subir des injections forcées. Elle se sentait mieux avant de prendre ce traitement, qui entraînait beaucoup d'effets secondaires, soit des tensions musculaires, la bouche sèche et des difficultés à se concentrer. Elle n'avait jamais été hétéro-agressive et ne comprenait pas pourquoi les choses devaient se passer comme ça. En tous les cas, elle réfutait le diagnostic et l'analyse du Dr H______, qui ne l'avait vue qu'une seule fois et qui se trouvait dans un conflit d'intérêts dans la mesure où il était valaisan, comme ses ex-beaux-parents contre lesquels elle avait déposé plainte pénale pour vol.
Le Dr H______ a été entendu en qualité de témoin. Il a indiqué qu'à l'arrivée de A______ à la Clinique au mois de septembre, il avait été tenté de créer un lien thérapeutique avec elle et de lui proposer un traitement antipsychotique volontaire. Cela n'avait pas fonctionné, raison pour laquelle un traitement médical sans consentement avait été décidé. A______ prenait actuellement de la Pallipéridone dont le dosage avait été augmenté jusqu'à atteindre la dose maximale, sans toutefois qu'une évolution positive puisse être constatée, les idées délirantes demeurant présentes. Si, dans un délai d'une semaine, l'état de santé de A______ ne s'améliorait pas, il serait envisagé de changer de molécule en passant à un traitement plus puissant, toujours dans la famille des antipsychotiques. Les médecins travaillaient avec un diagnostic différentiel car il apparaissait que A______ pourrait également souffrir, outre de schizophrénie, d'un trouble délirant persistant, lequel répondait mal aux traitements médicamenteux. En tous les cas, il demeurait des pistes à explorer. Une demande de prolongation PAFA-MED serait faite car l'état de la patiente n'était pas stabilisé. De l'avis du témoin, A______ n'avait pas la capacité de discernement pour se rendre compte de la nécessité du traitement.
Au terme de l'audience, la cause a été gardée à juger.
1. 1.1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge compétent (art. 450 al. 1 CC). Dans le domaine du placement à des fins d'assistance, le délai de recours est de dix jours à compter de la notification de la décision entreprise (art. 450b al. 2 CC). Le recours formé contre une décision prise dans le domaine du placement à des fins d'assistance ne doit pas être motivé (art. 450e al. 1 CC).
1.1.2 En l'espèce, le recours a été formé dans le délai utile de dix jours et devant l'autorité compétente (art. 72 al. 1 LaCC). Il est donc recevable à la forme.
1.2 La Chambre de surveillance jouit d’un pouvoir de cognition complet (art. 450a al. 1 CC).
2. La recourante s'oppose au traitement, soutenant qu'elle n'en a pas besoin.
2.1 Lorsqu’une personne est placée dans une institution pour y subir un traitement en raison de troubles psychiques, le médecin traitant établit un plan de traitement écrit avec elle (art. 433 al. 1 CC). Le plan de traitement est soumis au consentement de la personne concernée (art. 433 al. 3 première phrase CC).
Si le consentement de la personne concernée fait défaut, le médecin-chef du service concerné peut prescrire par écrit les soins médicaux prévus par le plan de traitement lorsque le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui (al. 434 al. 1 ch. 1 CC); la personne concernée n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement (ch. 2); il n’existe pas de mesures appropriées moins rigoureuses (ch. 3).
2.2 Dans le cas d'espèce, il ressort du dossier de la procédure, et en particulier de l’expertise psychiatrique du 7 octobre 2024, que la recourante souffre de troubles psychiatriques et présentait de ce fait, au moment de son placement à la Clinique B______, une décompensation de sa schizophrénie, se manifestant par des idées délirantes paranoïaques. Les médecins de la Clinique B______ ont préconisé l’administration d’un traitement médicamenteux à la recourante, que celle-ci a refusé, raison pour laquelle, après plus de dix jours d’hospitalisation et l'échec de la création d'un lien thérapeutique, la décision de traitement sans son consentement a été prononcée.
Il est établi que la recourante, totalement anosognosique de son état comme le confirment encore ses propos tenus lors de l'audience de ce jour, n'est pas en mesure de comprendre la nécessité du traitement prescrit, si bien qu'il ne peut lui être administré que sous la contrainte.
De plus, le traitement demeure nécessaire, puisque l’état de la recourante n’est pas stabilisé. A cet égard, compte tenu du peu d'amélioration constatée depuis la prise en charge de la recourante en la Clinique B______, les médecins poursuivent leurs investigations afin de trouver le produit thérapeutique et le dosage le plus à même de combattre les idées délirantes dont la recourante fait l'objet. S'ils ne sont pas traités, ces troubles sont susceptibles d'entraîner une mise en danger d'elle-même et des autres. En effet, bien qu'elle le conteste, un risque d'hétéro-agressivité ainsi qu'un risque pour sa propre sécurité a été mis en exergue dans l'expertise du 7 octobre 2024 et le médecin entendu dans la procédure a confirmé qu'en cas de rupture de traitement, la santé psychique de la recourante serait grandement affectée car elle resterait dans un état sévèrement décompensé.
Pour ces raisons, la décision de traitement sans son consentement était fondée.
Par conséquent, le recours sera rejeté.
3. La procédure est gratuite (art. 22 al. 4 LaCC).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 16 octobre 2024 par A______ contre l’ordonnance DTAE/7543/2024 rendue le 15 octobre 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/22684/2024.
Au fond :
Le rejette.
Dit que la procédure est gratuite.
Siégeant :
Madame Stéphanie MUSY, présidente ad interim; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.