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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3022/2023

DAS/202/2024 du 17.09.2024 sur DTAE/2340/2024 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3022/2023-CS DAS/202/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 17 SEPTEMBRE 2024

 

Recours (C/3022/2023-CS) formé en date du 17 mai 2024 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), représenté par Maître B______.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 septembre 2024 à :

- Monsieur A______
c/o Me B______
______, ______ [GE].

- Monsieur A______
______
______ [GE].

- Madame C______
Madame D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/2340/2024 du 27 février 2024, communiquée aux parties le 18 avril 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, né le ______ 1968, originaire de E______ (FR) (ch. 1 du dispositif), désigné deux employées du Service de protection de l'adulte (SPAd), aux fonctions de curatrices pouvant se substituer l'une à l'autre (ch. 2), confié aux curatrices les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d’affaires administratives et juridiques, de gérer ses revenus et biens et d'administrer ses affaires courantes, de veiller à son bien-être social et de la représenter pour tous les actes nécessaires dans ce cadre et de veiller à son état de santé et de mettre en place les soins nécessaires (ch. 3), limité l’exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle et de gestion de son patrimoine et privé celle-ci de l’accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle est ayant-droit économique, et révoqué toute procuration établie au bénéfice de tiers (ch. 4 et 5), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et avec la faculté de la faire réexpédier à l'adresse de leur choix, et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 6) et arrêté les frais judiciaires à 200 fr., mis à la charge de la personne concernée (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que A______, qui souffrait d'alcoolisme chronique, avait besoin d'un telle mesure, celui-ci apparaissant dans le déni de son état, celle-ci devant être exercée par le SPAd dans la mesure où il n'avait pas de famille pouvant s'en occuper et que ses ressources ne permettaient pas la désignation d'un curateur privé.

B. Par acte du 17 mai 2024, par l'entremise de son curateur d'office, A______ a recouru contre ladite ordonnance concluant à son annulation partielle. Il ne conteste pas la mesure instaurée mais expose que celle-ci doit pouvoir être exercée par son père, son frère, respectivement par sa fille avec eux, ceux-ci s'étant déjà occupé de sa situation auparavant et ce à satisfaction, et étant disposés à continuer à le faire, les frais de procédure devant être laissés à la charge de l'Etat.

Il produit diverses pièces démontrant la volonté et la capacité des membres de sa famille proposés aux fins d'agir comme curateurs. En particulier, il produit un courrier de son père du 10 mai 2024 exposant souhaiter, après réflexion, continuer à prendre en charge son administration et sa gestion et un courrier de son frère du 18 janvier 2024 se déclarant de même disposé à apporter toute son aide à son frère dans le cadre de son administration et sa gestion, en soutien à son père et à sa nièce.

En date du 7 juin 2024, le Tribunal de protection a informé la Cour ne pas souhaiter revoir sa décision, avec la précision que celle-ci avait été rendue après trois audiences d'instruction lors desquelles les relations familiales compliquées et ambivalentes s'étaient faites jour.

Par courrier du 15 juin 2024, A______ a confirmé persister dans son recours.

En date du 15 juillet 2024, le SPAd a fait part à la Cour du fait qu'il n'était pas opposé aux conclusions prises dans le recours et n'avait, du fait de l'effet suspensif, pas encore rencontré A______.

Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger en date du 14 août 2024.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) Le Tribunal de protection a été informé de la situation de A______, né le ______ 1968, par signalement reçu le 17 février 2023 de la part de sa belle-fille, F______, qui faisait part de la dégradation de la situation de son beau-père, lequel avait subi un burn-out, puis une hospitalisation à l’Hôpital de G______ depuis fin décembre 2022, lors de laquelle une encéphalopathie hépatique lui avait été diagnostiquée et remettait en question sa capacité à revenir à domicile et à gérer ses affaires.

b) B______, avocat, a été désigné en qualité de curateur d’office par décision du 7 mars 2023.

c) Il est ressorti de l’enquête préliminaire diligentée par le Tribunal de protection que l’intéressé ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens sur le canton de Genève et qu’il avait rédigé un mandat pour cause d’inaptitude (qui n'avait pas été ratifié).

d) Le curateur d’office a dressé un rapport de situation le 12 avril 2023, considérant qu'aucune mesure de protection ne s’avérait nécessaire, notamment au vu de procurations générales délivrées par son protégé en faveur de sa belle-fille, de son épouse, H______, ainsi que de son père, I______.

e) Par certificat médical du 23 mai 2023, le Dr J______ de l’Hôpital de G______, a attesté que le patient présentait des troubles neurologiques secondaires à sa consommation d’alcool, qui atteignaient sévèrement son autonomie et sa cognition et le rendaient incapable de gérer ses affaires, étant relevé qu’une première tentative de retour à domicile s’était soldée par un échec, vu son besoin constant de la présence d’un professionnel à ses côtés.

f) Le Tribunal de protection a tenu audience le 9 juin 2023, de laquelle il est ressorti notamment que sa belle-fille ainsi que son père continuaient de gérer pour lui ses affaires.

g) Par certificat médical du Dr K______ des HUG du 15 juin 2024, le diagnostic antérieur a été confirmé de même que la nécessité de l'instauration d'une mesure.

h) Par nouveau rapport du curateur d’office du 19 septembre 2023, celui-ci a fait part au Tribunal de protection d’une dégradation de la situation de son protégé, celui-ci continuant de consommer quotidiennement de l’alcool à domicile, sa belle-fille ne souhaitant pas continuer à gérer ses affaires sur la durée et son épouse ayant fait part de son intention de se séparer de lui, ce qui allait fragiliser sa situation.

i) Par certificat médical dressé le 17 octobre 2023, le Dr L______, médecin traitant de l’intéressé, a attesté que son patient remplissait les conditions pour bénéficier d’une mesure de curatelle, dès lors que son éthylisme chronique avec encéphalopathie hépatique avait entraîné chez lui un trouble neurocognitif majeur, dont il n’était que partiellement conscient vu son absence de volonté de limiter ses consommations d’alcool malgré les risques médicaux encourus.

j) Le Tribunal de protection a tenu deux nouvelles audiences les 31 octobre 2023 et 9 janvier 2024, lors desquelles il est ressorti en substance que la belle-fille de l’intéressé s’était retirée de la gestion de ses affaires et que son père, relevant qu'il était âgé, acceptait, pour une période limitée et pour autant qu'il n'y ait pas de conflit entre eux, de l’aider sur le plan administratif et de la gestion de ses paiements. Par ailleurs, une rente AI à 100% avait été octroyée à l'intéressé. Entendu également, le Dr L______ a confirmé son diagnostic et estimé nécessaire que la mesure à prononcer soit confiée à un tiers extérieur à la famille, compte tenu de la lourdeur de la tâche sur le long terme, n'excluant pas que son patient puisse agir contre ses propres intérêts.

F______ a indiqué avoir constaté que le soutien apporté était une tâche très lourde pour son grand-père et parfois source de conflits, ce que celui-ci a expressément confirmé.

k) L'épouse de A______ a quitté le domicile conjugal en cours de procédure.

l) Suite à quoi l'ordonnance querellée a été prononcée.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC).

Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure et les proches (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

En l'espèce, le recours déposé par la personne directement concernée par la mesure de protection (ci-après: le recourant), par le ministère de son curateur d'office, l'a été dans le délai utile et suivant la forme prescrite par la loi, devant l'autorité compétente. Il est dès lors recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

1.3 Les maximes inquisitoire et d'office sont applicables, en première et en seconde instance (art. 446 CC).

2. Le recourant ne remet pas en cause, à raison, la nécessité de la mesure de curatelle et son ampleur, de sorte qu’il ne sera pas revenu sur ces questions.

Seules la question du choix de la personne du curateur, ainsi que celle de l'opportunité du retrait de l'exercice des droits civils sont litigieuses.

2.1.1 A teneur de l'art. 400 al. 1 CC, l'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les connaissances et les aptitudes nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne. Plusieurs personnes peuvent être désignées, si les circonstances le justifient. Celles-ci peuvent accomplir cette tâche à titre privé, être membres d'un service social privé ou public, ou exercer la fonction de curateur à titre professionnel. La loi, à dessein, n'établit pas de hiérarchie entre les personnes pouvant être désignées, le critère déterminant étant celui de leur aptitude à accomplir les tâches confiées. La complexité de certaines tâches limite d'ailleurs le recours à des non-professionnels, même si ceux-ci sont bien conseillés et accompagnés dans l'exercice de leur fonction (Message du Conseil fédéral, FF 2006, p. 6682/6683).

2.1.2 Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC). Elle tient compte autant que possible des objections que la personne concernée soulève à la nomination d'une personne déterminée (art. 401 al. 3 CC).

2.2 En l’espèce, le recourant conteste la désignation de deux intervenants du SPAd en qualité de curateurs et sollicite la nomination de son père, de son frère, respectivement de l'une de ses filles pour assumer l’ensemble des tâches qu’implique le mandat de curatelle.

Le Tribunal de protection a choisi, sur la base de son instruction, et notamment des déclarations recueillies par lui et des avis médicaux au dossier, de désigner en qualité de curateurs des tiers à la cellule familiale.

C'est à juste titre.

En effet, d'une part il ressort clairement des déclarations du médecin traitant du recourant par devant le Tribunal de protection que la désignation de membres de la famille pour une telle situation impliquerait de leur faire porter un poids trop lourd. D'autre part, le potentiel de conflit entre le père et le fils a été relevé par le premier, lequel a également, en audience, insisté sur son âge. Certes, à l'appui de son recours, le recourant produit un courrier de son père déclarant "qu'après réflexion", il souhaite pouvoir exercer le rôle de curateur de son fils. L'on ignore toutefois dans quel cadre cette réflexion a eu lieu, alors que précédemment et à plusieurs reprises il avait laissé entendre que s'il pouvait s'occuper encore pour une période limitée de l'administration de son fils, cette tâche impliquait pour lui une charge importante.

Par ailleurs, le recourant produit un courrier de son frère, domicilié dans le canton de Vaud, qui se déclare disponible pour lui venir en aide, en appui de leur père, respectivement de sa nièce. Il ne mentionne toutefois pas souhaiter accepter un mandat de curateur tel qu'instauré par le Tribunal de protection. Quant à la fille du recourant, indépendamment du fait que son avis ne ressort pas du dossier, il n'est pas contesté qu'elle restera une aide au quotidien, ce qui excède le champ du mandat des curateurs, et qui n'entre pas en conflit avec celui-ci. Il n'est pas opportun de la désigner, à 18 ans, comme la curatrice de son père, alors que parallèlement elle doit faire face au départ de sa mère du domicile.

En résumé et en l'état, la décision attaquée doit être confirmée sur ce point.

2.3 Reste la question du retrait de l'exercice des droits civils que le recourant conteste en exposant qu'il n'est pas susceptible de faire des actes contraires à ses intérêts.

2.3.1 Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC). L'autorité peut limiter en conséquence l'exercice des droits civils de la personne concernée (al.2).

La capacité civile de la personne concernée ne peut être restreinte que dans la mesure absolument nécessaire et si cette limitation s'avère adéquate dans le cas d'espèce. Il devient nécessaire de prononcer une restriction de la capacité civile lorsque la volonté ou l'aptitude à collaborer de la personne concernée font défaut; la condition préalable à la bonne exécution de la curatelle n'est en effet plus réalisée. Il doit toujours exister des indices concrets que la personne risque objectivement de faire obstacle aux actes du curateur (LEUBA, CR-CC I, 2024, no 28, 29 ad art. 394).

2.3.2 En l'espèce, avec le recourant, l'on doit considérer que le dossier ne contient pas d'indices suffisamment concrets que celui-ci mettrait en échec le mandat de curatelle tel que donné aux intervenants du SPAd désignés. L’instruction menée par le Tribunal de protection n'a en effet pas permis de constater d'entrave à l'aide apportée par les diverses personnes impliquées précédemment à l'institution de la mesure de curatelle.

Par conséquent cette restriction sera levée.

3. Vu l'issue du recours, les frais judiciaires seront arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC) et mis à raison de la moitié (200 fr.) à charge du recourant, le solde étant laissé à la charge de l’Etat de Genève. Les frais judiciaires seront compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC), le solde étant restitué au recourant.

Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 17 mai 2024 par A______ contre l’ordonnance DTAE/2340/2024 rendue le 27 février 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/3022/2023.

Au fond :

Annule le chiffre 4 du dispositif de cette ordonnance.

La confirme pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure de recours à hauteur de 400 fr.

Les met à la charge du recourant à hauteur de 200 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat de Genève.

Compense la part des frais judiciaires mise à la charge du recourant avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève à due concurrence.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaires à restituer 200 fr. à B______, qui en a fait l’avance.

Dit qu’il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.