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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16406/2017

DAS/229/2023 du 02.10.2023 sur DTAE/4990/2023 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.11.2023, 5A_843/2023
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16406/2017-CS DAS/229/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 2 OCTOBRE 2023

 

Recours (C/16406/2017-CS) formé en date du 5 juillet 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), représentée par Me Carole REVELO, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 3 octobre 2023 à :

- Madame A______
c/o Me Carole REVELO, avocate
Rue des Glacis-de-Rive 23, 1207 Genève.

- Monsieur B______
c/o Me Bernard NUZZO, avocat
Rue Leschot 2, 1205 Genève.

- Maître C______
______, ______ [GE].

- Madame D______
Monsieur E______

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75,1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. La mineure F______, née le ______ 2017, est issue de la relation hors mariage entretenue par A______ et B______; les parties sont titulaires de l’autorité parentale conjointe sur leur fille.

Par acte du 4 avril 2018, B______ a saisi le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: Tribunal de protection) d’une demande portant notamment sur la fixation d’un droit de visite sur sa fille, en expliquant qu'il n'avait plus eu accès à celle-ci depuis le mois de février 2018.

Par ordonnance du 17 décembre 2018, le Tribunal de protection a accordé à B______ un droit de visite sur l’enfant devant s’exercer durant deux mois à raison de 1h30 par semaine au sein du Point rencontre en prestation accueil, puis, sauf contre-indication des curatrices, à partir du 3ème mois, un après-midi par semaine de 14h00 à 18h00 avec passage de l’enfant au Point rencontre et enfin, sauf contre-indication des curatrices, à partir du 5ème mois, une journée par semaine, avec passage de l’enfant au Point rencontre; une curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite a été instaurée.

Par ordonnance du 21 novembre 2019, les modalités du droit de visite du père sur sa fille ont été modifiées, pour devenir progressives et être fixées, dès le 1er mars 2020, à un week-end à quinzaine, du samedi à 14h00 au dimanche à 18h00; une partie des vacances scolaires a également été attribuée au père.

Par ordonnance du 8 septembre 2021, statuant d'entente entre les parents, le Tribunal de protection a fixé le droit de visite du père sur l'enfant du mardi à la sortie de l'école jusqu'au mercredi à 18h00, ainsi qu'à raison d'un week-end sur deux du vendredi à la sortie de l'école jusqu'au lundi matin à la reprise de l'école et durant la moitié des vacances scolaires, les passages de l'enfant par le biais du Point rencontre étant en outre supprimés.

En date du 17 décembre 2021, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont adressé au Service de protection des mineurs (SPMi) et au Tribunal de protection un signalement faisant état de ce que la mineure avait déclaré que son père avait commis à son encontre des abus sexuels durant le week-end du 7-8 décembre 2021 et qu'en outre, il l'avait frappée durant les vacances d'octobre 2021.

Le Tribunal de protection, statuant sur mesures superprovisionnelles et sur préavis des curateurs, a, par ordonnance du 22 décembre 2021, instauré une curatelle d'assistance éducative en faveur de l'enfant et exhorté la mère à respecter les modalités du droit de visite en vigueur, ce sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 du Code pénal, dont la teneur a été rappelée; le Tribunal de protection a également ordonné une expertise familiale.

Le 3 février 2022, le Tribunal de protection a désigné C______, avocat, aux fonctions de curateur d'office de l'enfant, son mandat étant limité à la représentation de celle-ci dans la procédure pendante devant le Tribunal de protection.

Par nouvelle décision superprovisionnelle du 4 février 2022, le Tribunal de protection a limité le droit de visite de B______ à 1h30 à quinzaine au sein du Point rencontre et pris acte de l'accord de ce dernier de suspendre son droit de visite dans l'attente de la mise en place des visites en milieu protégé.

Le 23 février 2022, le mandat de C______ a été étendu aux fins d'assurer la représentation de l'enfant dans le cadre de la procédure en cours par-devant le Ministère public.

Par nouvelle décision superprovisionnelle du 8 avril 2022, statuant sur préavis des curateurs, le Tribunal de protection a instauré un temps de battement pour les relations personnelles entre l'enfant et son père, a ordonné à la mère de quitter le Point rencontre et ses environs une fois l'enfant confiée aux intervenants de cette institution, a fait interdiction à l'intéressée d'être présente au Point rencontre en même temps que le père et, enfin, lui a rappelé son devoir de préserver l'enfant de tout propos ou personnes pouvant la placer dans un conflit de loyauté vis-à-vis de son père.

Dans son rapport d'expertise du 21 juillet 2022, le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) a recommandé que l'enfant puisse vivre auprès de son père, la mère devant bénéficier d'un droit de visite, dans un premier temps dans un lieu médiatisé, le passage à un droit de visite usuel pouvant être envisagé une fois que l'intéressée serait parvenue à se dégager de ses angoisses; si toutefois elle venait à élaborer des accusations ou des allégations portant sur des maltraitances sexuelles ou physiques, son droit de visite devrait à nouveau être "médiatisé". En substance, les experts ont considéré que, alors que les compétences parentales du père étaient intactes, celles de la mère étaient fortement altérées par son fonctionnement psychologique singulier, la limitation de son efficience intellectuelle et par la "massivité" des angoisses quant à la relation père-fille et ses projections sur cette dernière, cette manière d'agir impactant lourdement son rôle de mère et compromettant une relation sereine, rassurante et contenante avec l'enfant.

Les expertes ont été entendues par le Tribunal de protection le 27 septembre 2022 en présence des parties. Elles ont confirmé la teneur et les conclusions du rapport précité. Elles ont notamment précisé que selon leurs constats, l'opposition manifestée par l'enfant vis-à-vis de son père était à mettre en lien avec l'impact de A______ sur sa fille et que tant que la fillette resterait sous l'emprise de celle-ci, elle ne pourrait pas se libérer des projections maternelles et de l'image paternelle négative que celle-ci véhicule.

Par décision superprovisionnelle du 14 octobre 2022, statuant sur préavis du Service de protection des mineurs, le Tribunal de protection a fait interdiction à A______ d'emmener ou de faire emmener sa fille hors de Suisse, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP et a ordonné l'inscription de l'enfant dans les registres RIPOL-SIS, de même que le dépôt des documents d'identité de l'enfant auprès des curateurs.

Dans son rapport du même jour, le SPMi a préavisé l'instauration, sur mesures provisionnelles, d'une curatelle d'assistance éducative en faveur de l'enfant, le maintien d'un suivi thérapeutique de celle-ci, ainsi que la fixation d'un droit de visite entre l'enfant et son père au Point rencontre à raison d'une heure une fois par semaine jusqu'à la fin de la procédure pénale. Sur le fond, les curateurs ont recommandé, à l'issue de l'enquête pénale et sous réserve de ses conclusions, le retrait de la garde de l'enfant à la mère, le placement de l'enfant auprès de son père, la fixation d'un droit de visite "médiatisé" mère-fille dans une structure thérapeutique et, enfin, la mise en place d'une guidance parentale en faveur des père et mère.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, le Tribunal de protection, statuant à titre provisionnel, a notamment confirmé le droit de visite accordé au père sur sa fille, droit devant s’exercer, jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours devant le Ministère public, à raison d’une heure par semaine au sein du Point rencontre, avec un temps de battement avant et après chaque visite. L’interdiction faite à la mère d’emmener ou de faire emmener sa fille hors de Suisse a été confirmée et la mise en place d’un suivi thérapeutique de l’enfant au sein d’une consultation pédopsychiatrique de type institutionnel a été ordonnée, les curateurs devant veiller à sa mise en œuvre effective.

Dans un rapport du 6 mars 2023, le Service de protection des mineurs a préavisé l'attribution de la garde de l'enfant à son père, la fixation d’un droit de visite "médiatisé" en faveur de la mère dans une structure thérapeutique, tout en confirmant ses précédentes recommandations. Ce préavis a été confirmé par le Service de protection des mineurs le 23 juin 2023 ;

Le 27 juin 2023, le Tribunal de protection a procédé à l'audition des différents professionnels en charge de la situation, soit en particulier le curateur du SPMi, deux psychologues, un pédopsychiatre, un intervenant du Point rencontre et un intervenant AEMO.

Le représentant du SPMi a confirmé la teneur de ses préavis visant le transfert de la garde de l'enfant au père, considérant que l'enfant ne pourrait pas évoluer dans l'environnement actuel qui est le sien auprès de sa mère. Dans la mesure où il s'agissait de préserver l'enfant du discours de sa mère, seules des relations strictement encadrées devraient être réservées.

L'une des psychologues a déclaré que l'enfant, suivie depuis février 2023, présentait un développement conforme à celui de son âge mais présentait une charge mentale quant au discours qu'elle tenait au sujet de son père et se sentait assez préoccupée par ce discours. L'enfant répétait les mêmes propos de manière répétitive et identique, impliquant une charge émotionnelle importante pour elle. Le témoin a fait part de ses doutes quant au changement immédiat du lieu de vie de l'enfant du fait de l'image dégradée qu'elle avait de son père, selon un discours qui cependant ne lui apparaissait pas en lien avec la réalité. Elle a également déclaré que l'amélioration de l'image du père serait impossible tant que l'enfant vivrait auprès de sa mère.

La seconde psychologue entendue a confirmé que le père était adéquat avec l'enfant.

La pédopsychiatre entendue a déclaré ne pas suivre l'enfant mais avoir eu des contacts avec la mère. Selon elle, celle-ci, en révolte et en colère, n'était pas prête à effectuer un suivi personnel, ni à entendre que sa fille devait être suivie de façon individuelle dans un endroit où elle ne pouvait pas interférer. Elle a relevé que la mère avait besoin que l'on adhère à son discours. Elle a fait part de sa crainte quant au transfert immédiat de l'enfant chez le père du fait de l'image négative qu'elle en avait et préconisait un placement intermédiaire dans un foyer.

L'intervenante du Point rencontre quant à elle a déclaré que lorsque les visites avaient lieu, l'enfant était toujours joyeuse de voir son père, lui sautait dans les bras et lui faisait des câlins, les interactions entre eux étant positives. Les divers intervenants présents avaient cependant toujours été surpris d'entendre l'enfant répondre à sa mère que les visites se passaient mal, ce qui était en décalage avec leurs propres observations.

L'intervenant AEMO enfin, dont l'intervention a duré plusieurs mois auprès de la mère de l'enfant et dont le mandat restreint visait les limites et le cadre sur le plan éducatif pour lesquels la mère avait besoin d'aide, a déclaré que quand bien même il n'avait pas abordé la question des relations père-fille, cette question revenait à chacun de ses passages dans la bouche de la mère. Il a estimé que la mère avait appris suite à son intervention à mettre des règles à l'enfant, à l'inscrire dans une routine et à se remettre en question.

B. Par ordonnance  DTAE/4990/2023 du 29 juin 2023, le Tribunal de protection a notamment accordé à B______ la garde exclusive de sa fille F______ (ch. 1 du dispositif), retiré à A______ le droit de déterminer le lieu de résidence de la mineure, l'interdiction faite à son endroit d'emmener l'enfant hors de Suisse étant confirmée (ch. 2), autorisé le père à effectuer seul toutes démarches requises s’agissant des aspects administratifs, scolaires et extrascolaires liées à l’enfant, ainsi que de son suivi médical et thérapeutique, l’autorité parentale de la mère étant limitée en conséquence (ch. 3), réservé à A______ un droit de visite médiatisé sur sa fille, devant s’exercer à raison d'une heure à quinzaine, puis, dès que possible, par semaine, en milieu thérapeutique (ch. 4), pris acte de la prochaine mise en place d’une mesure AEMO au domicile paternel (ch. 5), fait interdiction à la mère d’approcher l’enfant à moins de 300 mètres, de même que son école, son lieu de vie et tout autre endroit que celle-ci sera appelée à fréquenter, sous la menace de la peine de l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée (ch. 6), ordonné la poursuite du suivi individuel de l’enfant, ainsi que des suivis de guidance parentale à l’intention de ses père et mère (ch. 7), exhorté la mère à entreprendre un suivi thérapeutique personnel auprès d’un lieu de consultation approprié (ch. 8), invité les curateurs à restituer les documents d’identité de l’enfant au père (ch. 9), confirmé la curatelle d’assistance éducative existante (ch. 10), prononcé la mainlevée de la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles entre l’enfant et son père (ch. 11), instauré une curatelle d’organisation et de surveillance du droit de visite entre l’enfant et sa mère (ch. 12), invité pour le surplus les curateurs à saisir sans délai le Tribunal de protection en cas de nécessité d’adapter le dispositif sus-décrit (ch. 13); l'ordonnance ayant été déclarée immédiatement exécutoire et les parties étant déboutées de toutes autres conclusions (ch. 14 et 15).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que la situation de la mineure concernée n'était pas conforme à ses besoins, ni à son intérêt. Les compétences parentales de A______ étaient grandement entravées par son fonctionnement personnel et relationnel, et, en dépit du travail éducatif soutenu dont elle avait bénéficié durant une année entière, l'intéressée était certes parvenue à accomplir des progrès notables dans la prise en charge de sa fille au quotidien, mais sans réussir à modifier en profondeur ledit fonctionnement et à préserver l'enfant de ses propres projections et angoisses. La mère de l'enfant avait également entretenu chez elle une image menaçante de son père, y compris alors que les visites avaient lieu en milieu protégé et n'était pas en mesure de favoriser le lien père-fille.

C. Par acte du 5 juillet 2023, A______ a interjeté recours contre cette ordonnance auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice, sollicitant l'annulation des chiffres 1 à 6, 9 et 11 à 14 de son dispositif, concluant à la restitution de l'effet suspensif s'agissant des chiffres 1 à 6 du dispositif de la décision querellée, effet suspensif restitué par décision DAS 168/2023 rendue le 5 juillet 2023 par la Présidente ad interim de la Chambre de céans, confirmée en date du 13 juillet 2023 (DAS/173/2023).

Sur le fond, A______ fait grief au Tribunal de protection d'avoir violé le principe de proportionalité en rendant une décision "brutale" que rien ne justifiait. Elle fait en particulier grief au Tribunal de protection d'avoir considéré que les intérêts de la mineure n'étaient pas protégés auprès d’elle, alors qu'aucun danger pour son développement n'était mis à jour par le dossier et d'avoir fait complètement abstraction du fait que la procédure pénale ouverte contre le père n'était pas terminée. Elle estime nécessaire de s'écarter des conclusions de l'expertise au dossier, dont les prémisses et constatations de base sont, selon elle, erronées.

Par mémoire réponse de 41 pages (!), B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais et dépens. En substance, il relève que l'intégralité des intervenants à la procédure (curateurs SPMI, expertes, psychologue, enseignante, curateur d'office) considère que le développement de la mineure est susceptible d'être mis en danger par le comportement de la mère à l'égard du père. Aucun élément ne devrait conduire à s'écarter des conclusions de l'expertise au dossier. Par ailleurs, au vu de l'accumulation des éléments allant à l'encontre du développement favorable de l'enfant, la décision rendue est parfaitement proportionnée. Enfin, en février 2023 déjà, le Ministère public avait informé les parties de son intention de classer la procédure à son encontre.

Par déterminations du 17 août 2023, le curateur de représentation de l'enfant a conclu au rejet du recours, faisant siennes les conclusions de l'expertise rendue à la demande du Tribunal de protection. Il a considéré que si la garde de l'enfant restait à la mère, l'intérêt de la mineure ne serait pas sauvegardé.

Entre temps, la mère a persisté à ne pas présenter l'enfant au Point rencontre aux dates prévues pour l'exercice du droit de visite du père. En outre, elle a été arrêtée en France avec l'enfant le 26 août 2023, malgré l'interdiction qui lui avait été imposée de sortir de Suisse avec la mineure.

Par réplique du 11 septembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions, relevant que tant les pédopsychiatres de l'enfant, que son enseignante ou l'éducateur AEMO étant intervenu avaient constaté que la mineure ne présentait aucun problème de développement.

Par duplique du 18 septembre 2023, B______ a persisté dans ses propres conclusions.

Suite à quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC).

Interjeté par une personne ayant qualité pour recourir, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, le recours est recevable (art. 450 al. 2 et 3 et 450b CC).

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 Les pièces nouvellement déposées devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450 f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

2. La recourante fait grief au Tribunal de protection d'avoir violé le principe de proportionalité en rendant une décision "brutale" que rien ne justifiait en lui retirant la garde de l'enfant, le développement de celle-ci n'étant pas en danger auprès d'elle. Il aurait fallu s'écarter des conclusions de l'expertise rendue.

2.1 L'enfant est soumis, pendant sa minorité, à l'autorité parentale conjointe (art. 296 al. 2 CC). A la requête de l'un des parents ou de l'enfant ou encore d'office, l'autorité de protection de l'enfant modifie l'attribution de l'autorité parentale lorsque des faits nouveaux importants le commandent pour le bien de l'enfant (art. 298d al. 1 CC). Selon l'al. 2 de cette disposition, elle peut aussi se limiter à statuer sur la garde de l'enfant, les relations personnelles ou la participation de chaque parent à sa prise en charge.

Toute modification dans l'attribution de la garde suppose que la nouvelle réglementation soit requise dans l'intérêt de l'enfant en raison de la survenance de faits nouveaux essentiels et qu'elle s'impose pour le bien de l'enfant (notamment, DAS/1/2020 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_756/2019 c.3.1.1). En d'autres termes, une nouvelle réglementation de l'autorité parentale, respectivement de la garde, ne dépend pas seulement de l'existence de circonstances nouvelles importantes; elle doit être aussi commandée par le bien de l'enfant. La modification ne peut être envisagée que si le maintien de la règlementation actuelle risque de porter atteinte au bien de l'enfant et le menace sérieusement. La nouvelle règlementation doit ainsi s'imposer impérativement en ce sens que le mode de vie actuel nuit plus au bien de l'enfant que le changement de règlementation et la perte de continuité dans l'éducation et les conditions de vie qui en est consécutive (ATF 5A_781/2015 c. 3.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_428/2014 c. 6.2; AFFOLTER-FRINGELI, Berner Kommentar, 2016, ad art. 298d n. 6).

Lorsqu'elle ne peut éviter autrement que le développement d'un mineur ne soit compromis, l'autorité de protection de l'enfant retire ce dernier au père et mère et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1 CC). Le droit de garde passe ainsi à l'autorité de protection qui détermine alors le lieu de résidence du mineur et choisit son encadrement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_335/2020 c. 3.1). Le danger doit être tel qu'il soit impossible de le prévenir par les mesures moins énergiques prévues aux art. 307 et 308 CC. La cause de la mesure doit résider dans le fait que le développement corporel, intellectuel ou moral de l'enfant n'est pas assez protégé ou encouragé dans le milieu dans lequel il vit. Les raisons de cette mise en danger du développement importent peu; elles peuvent être liées au milieu dans lequel évolue le mineur ou résider dans le comportement inadéquat de celui-ci, des parents ou d'autres personnes de l'entourage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_729/2013 c. 4.1).

A l'instar de toutes mesures de protection de l'enfant, le retrait du droit de garde, composante de l'autorité parentale (ATF 128 III 9 c. 4a) est régi par les principes de subsidiarité, de complémentarité et de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_858/2008 c. 4.2).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection, suivant les avis du Service de protection des mineurs, des experts mandatés par lui et du curateur de représentation de l'enfant et tenant compte des avis émis au cours de la procédure par les divers intervenants psychologues et enseignants notamment, a considéré que le développement de l'enfant était mis en danger par les comportements de la mère, de sorte qu'il a attribué au père la garde exclusive de celle-ci. Il a retenu que les capacités parentales de la mère étaient grandement entravées par son fonctionnement personnel et relationnel, celle-ci ne parvenant pas à modifier ce fonctionnement, projetant sur son enfant ses propres angoisses, notamment, et ce malgré l'aide apportée durant une année par un travail éducatif soutenu à son profit. L'enfant faisait face à un dénigrement permanent de son père, la recourante entravant le droit de visite de celui-ci de manière récurrente, faisant fi des décisions judiciaires à ce propos même lorsque celles-ci étaient prononcées avec la menace de sanctions pénales. Par ailleurs l'enfant était régulièrement présentée en retard à l'école, sans son matériel. La mère avait en outre dénoncé pénalement un comportement répréhensible que le père aurait eu à l'égard de l'enfant, le Ministère public ayant annoncé par avis de prochaine clôture le classement à venir de la procédure. Le père était décrit comme parfaitement apte à s'occuper de sa fille, de sorte que la garde devait lui être confiée.

Comme la Cour a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, la modification de la réglementation de la garde, conformément à la jurisprudence, ne doit intervenir que lorsque le développement du mineur est mis en péril par le maintien de la réglementation existante. Il ne sera procédé à la modification de la réglementation que si celle-ci est nécessaire au développement harmonieux de l'enfant, au vu des nouvelles circonstances invoquées.

Le cas d'espèce se distingue des autres cas dans lesquels la Cour s'était distanciée d'expertises prônant la modification de la réglementation de la garde d'un mineur et son placement en foyer notamment, en ce sens que l'instrumentalisation de l'enfant apparaît aussi massive que l'est l'angoisse de la mère quant aux relations père-fille et l'obstruction à la continuation de relations apaisées entre eux. Une poursuite de l'exposition de l'enfant à de tels troubles est à l'évidence à même de mettre en danger rapidement son bon développement. Le cas présent diffère également des précédents en ce sens que l'enfant est encore jeune et peu affectée par les conséquences des enjeux entre ses parents et par le conflit de loyauté que le comportement récurrent de la mère fait naître chez elle. Il est dès lors encore temps de protéger l'enfant de la nocivité de ce comportement à son égard. En outre, il s'agit de prendre en considération le fait qu'alors que la recourante a bénéficié de nombreux suivis devant lui permettre, dans l'intérêt de l'enfant, de relativiser ses angoisses et de cesser de l'impliquer dans son conflit, sa bonne volonté en vue d'un changement a confiné au néant, de sorte qu'elle a non seulement mis en échec toutes les aides prodiguées mais a en outre refusé de se plier aux injonctions sous menace de sanctions pénales de l'autorité judiciaire précédente. Son comportement, sourd à toute raison, et pour lequel elle refuse d'admettre la nécessité d'un traitement, constitue en lui-même un danger pour le développement de la mineure. On relèvera également à ce stade et à ce propos l'unanimité des curateurs (du Service de protection des mineurs et de représentation) à considérer avec le Tribunal de protection que le développement de la mineure est compromis si la réglementation de la garde et des relations personnelles existante devait être maintenue.

Enfin, contrairement à ce qu'elle tente de soutenir très succinctement par ailleurs, il n'y a aucune raison de s'écarter de l'expertise rendue. Le fait qu'elle ne décèle pas en quoi le maintien de la mineure chez elle présenterait un danger pour son développement n'est, pour les raisons qui précèdent, pas un motif suffisant pour ce faire. Les experts ont par ailleurs été interrogés par les parties et ont répondu à leurs interrogations, sans remettre en cause leurs conclusions.

L'ordonnance attaquée doit dès lors être confirmée en totalité, les autres points du dispositif ne faisant pas objet de contestation précise.

3. La procédure est gratuite (art. 81 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 5 juillet 2023 par A______ contre l'ordonnance DTAE/4990/2023 rendue le 29 juin 2023 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/16406/2017.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.