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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/2430/2025

ACST/37/2025 du 14.08.2025 ( ELEVOT ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2430/2025-ELEVOT ACST/37/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 14 août 2025

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé


Attendu, en fait, que :

A. a. A______, de nationalité suisse, est domicilié à B______ (GE).

b. Lors de sa séance du 24 janvier 2025, le Grand Conseil a adopté la « loi modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l’État (LGAF ; Pour préserver les prestations publiques, maîtrisons les engagements lors de budgets déficitaires ; 12'575) » ainsi que la « loi modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l’État (LGAF ; Pour préserver les prestations publiques, maîtrisons les charges lors de budgets déficitaires ; 12'574) ».

c. La loi 12'575 limite, notamment, la création de nouveaux postes au sens de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC ‑ B 5 05) si le budget est déficitaire, sauf en cas de majorité de deux tiers des membres du Grand Conseil en décidant autrement. Elle prévoyait d’être soumise au référendum.

d. La loi 12'574 prévoit, en particulier, qu’un budget ne peut présenter un déficit que si l’augmentation totale des charges, en pourcentage par rapport au budget de l’année précédente, n’excède pas la variation annuelle de la population du canton, au 31 mars de l’année en cours. Le Grand Conseil peut déroger à cette règle en cas de majorité de deux tiers de ses membres. Elle prévoyait d’être soumise au référendum facultatif.

e. Par arrêtés séparés du Conseil d’État du 29 janvier 2025, publiés dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 31 janvier 2025, celui-ci a 1) ordonné la publication de la loi 12'575, indiqué qu’elle devait être soumise au corps électoral et que la date du scrutin serait fixée par arrêté séparé et 2) ordonné la publication de la loi 12'574, dit qu’elle était soumise au référendum facultatif, le nombre de signatures exigé étant de 1.5% des titulaires des droits politiques et a fixé le délai référendaire au 12 mars 2025.

f. A______ et un tiers ont recouru « contre les lois 12'574 et 12'575 » auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle). Ils se sont plaints du fait que ces lois avaient été modifiées, lors du débat devant le Grand Conseil, par l’ajout de titres trompeurs.

g. Par arrêt du 6 mars 2025 (ACST/12/2025), la chambre constitutionnelle a déclaré le recours irrecevable.

B. a. Par arrêté du 14 mai 2025, publié dans la FAO du 16 mai 2025, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement du référendum contre la loi 12'574.

b. Par arrêté du 21 mai 2025, le Conseil d'État a fixé au dimanche 28 septembre 2025 la votation portant notamment sur les lois 12'574 et 12'575.

c. Par courrier du 16 juin 2025 adressé au Conseil d'État, A______ a demandé que le matériel de vote de la votation du 28 septembre ne fasse pas mention des titres des lois 12'574 et 12'575.

d. Le 2 juillet 2025, le Conseil d'État lui a répondu qu'il n'entrerait pas en matière sur cette demande. En effet, l'intitulé de la loi faisait partie intégrante de celle-ci et relevait des prérogatives du Grand Conseil.

C. a. Par acte remis à la poste le 8 juillet 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle contre la « décision » du Conseil d'État du 2 juillet 2025. Sur mesures provisionnelles, il a conclu à ce que le Conseil d'État se voie enjoint de ne pas publier ni diffuser le message des autorités et le bulletin de vote aux citoyens avant que le Grand Conseil ne se soit prononcé sur la rectification matérielle demandée ainsi qu'au report du scrutin en tant qu'il concernait les lois 12’574 et 12’575, si le Grand Conseil n'était pas en mesure d'achever l'examen de la conformité au droit supérieur des titres des lois et de procédure aux rectifications matérielles qui s'imposaient. Sur le fond, il a conclu au constat que la mention dans le matériel de vote des titres « Pour préserver les prestations publiques, maîtrisons les engagements lors de budgets déficitaires » et « Pour préserver les prestations publiques, maîtrisons les charges lors de budgets déficitaires » était une atteinte inadmissible aux droits politiques des citoyens et au principe de la bonne foi et à ce qu'il soit fait interdiction d'utiliser ces titres dans la communication des autorités et dans le matériel de vote.

b. Le Conseil d'État a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, ainsi qu'au rejet des mesures provisionnelles.

c. Dans sa réplique sur mesures provisionnelles, le recourant a relevé que le texte et les explications devaient être publiés au moins six semaines avant le jour de la votation, tandis que le matériel devait être envoyé aux citoyens entre quatre et trois semaines auparavant. La première échéance interviendrait six jours plus tard. Il était certain que le Grand Conseil n'effectuerait aucune rectification dans cet intervalle et ne modifierait pas les titres des lois. La modification des titres des lois concernées avait pour unique objectif de présenter ces lois sous un jour contraire à leur contenu réel, afin de tromper les citoyens. La question du caractère difficilement réparable du préjudice devait être examinée en lien avec les dégâts qu'un tel procédé causait au fonctionnement de la démocratie et à la confiance des citoyens dans les institutions. Cautionner ce procédé en adressant à près de 300'000 électeurs un matériel de vote entaché d'un tel vice causerait une profonde crise de confiance.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles, ce dont les parties ont été informées.

Considérant, en droit, que :

1.             L’examen de la recevabilité du recours sera reporté à l’arrêt au fond.

2.             La présidence de la chambre constitutionnelle est compétente pour prononcer des mesures provisionnelles, d’office ou, comme en l’espèce, sur requête (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ‑ E 5 10).

3.             De jurisprudence constante, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/19/2025 du 28 avril 2025).

L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ACST/9/2025 du 7 février 2025 consid. 3.2). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (ACST/19/2025 précité ; Isabelle HÄNER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265).

La chambre constitutionnelle dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4.             Selon l'art. 53 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), les électeurs reçoivent de l’État pour les votations cantonales et des communes pour les votations communales, au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation mais au plus tard trois semaines avant cette date : le bulletin de vote ; les textes soumis à la votation ; des explications qui comportent, s'il y a lieu, un commentaire des autorités d'une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d'autre part ; les recommandations du Grand Conseil ou du Conseil municipal (al. 1). Le texte soumis à la votation et les explications peuvent cependant leur être remis plus tôt. La chancellerie d’État publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent (al. 2). En matière cantonale, le commentaire des autorités est rédigé par le Conseil d'État. Il comprend une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, défend de façon objective le point de vue du Grand Conseil et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l’avis du Conseil d’État et d’importantes minorités. Le Conseil d'État soumet son projet de commentaire au bureau du Grand Conseil, dont il recueille les observations (al. 3).

5.             En l'espèce, le recourant conclut, à titre de mesures provisionnelles, à ce que le Conseil d'État se voie enjoint de ne pas publier ni diffuser le message des autorités et le bulletin de vote aux citoyens avant que le Grand Conseil se soit prononcé sur la rectification matérielle demandée ainsi qu'au report du scrutin, prévu le 28 septembre 2025, en tant qu'il concerne les lois 12'574 et 12'575.

L'octroi de mesures provisionnelles, telles que demandées par le recourant, présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer. Or, tel n'est en l’espèce pas le cas, bien que les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent doivent être publiées dans moins d'une semaine au jour du prononcé de la présente décision. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le Conseil d'État n'exposera pas correctement et clairement, dans la brochure de vote destinée aux électeurs (art. 53 al. 1 LEDP), les objets concernés par le scrutin du 28 septembre 2025, en particulier ceux des lois 12'574 et 12'575. La seule reprise des titres de ces lois, tels qu'ils ont été adoptés par le Grand Conseil et publiés dans les divers arrêtés rendus par le Conseil d'État, ne suffit pas à le retenir. L’intitulé de la loi fait d'ailleurs partie intégrante de celle-ci (art. 4 al. 1 de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 - LFPP - B 2 05 ; ACST/12/2025 précité consid. 3.3), ce qui implique une obligation de reprendre les titres des lois adoptées, y compris dans le matériel de vote. Par conséquent, la mise en danger de la loyauté du processus électoral alléguée par le recourant n'est pas rendue vraisemblable. Enfin, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient l’octroi des mesures sollicitées.

Il s’ensuit que la demande de mesures provisionnelles sera rejetée.

6.             Il sera statué sur les frais liés à la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ et au Conseil d'État.

Le président :

Jean-Marc VERNIORY

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :