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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/11225/2022

CAPH/89/2024 du 13.11.2024 sur JTPH/23/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11225/2022 CAPH/89/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (VD), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 8 février 2024 (JTPH/23/2024), représenté par Me Philippe EIGENHEER, avocat, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale,
1211 Genève 4,

et

B______ Sàrl, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Sarah HALPERIN GOLDSTEIN, avocate, Odier Halpérin & Associés Sàrl, boulevard des Philosophes 15, case postale 427, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/23/2024 rendu le 8 février 2024, notifié à A______ le lendemain, le Tribunal des prud'hommes (ci-après, le Tribunal) a, notamment, condamné B______ Sàrl à verser à A______ 1'452 fr. 45 bruts, avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er février 2022 (chiffre 3 du dispositif), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit qu'il ne serait pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour) le 7 mars 2024, A______ a formé appel de ce jugement et sollicité l'annulation du ch. 6 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour condamne B______ Sàrl à lui verser 54'137 fr. 10 nets, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 janvier 2022, au titre d'indemnité pour licenciement abusif, et 5'000 fr. nets, avec intérêts à 5% l'an dès le 31 janvier 2022, ainsi qu'à établir un certificat de travail dont la teneur était reproduite en annexe, sous la menace de la peine de l'amende prévue par l'art. 292 CP.

b. B______ Sàrl a conclu à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du 30 août 2024, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents résultant du dossier sont les suivants :

a. B______ Sàrl est une société de droit suisse dont le but est notamment l'achat, la vente, l'importation et l'exportation de tous produits, machines, articles et substances, y inclus notamment les matériaux et ______ et des articles y relatifs, concernant notamment les équipements de ______ et les ______ et autres matériaux concernant, notamment, les industries ______, ______ et des matériaux ______.

b. Par contrat de travail à durée indéterminée signé le 29 juillet 2015, A______, né le ______ 1962, a été engagé à plein temps par B______ Sàrl, en qualité de technicien de laboratoire senior, à partir du 1er août 2015, pour un salaire annuel brut de 93'500 fr., versé treize fois l'an, porté à 108'274 fr. dès le 1er mars 2021.

c. Jusqu'en 2019, A______ a travaillé sous la supervision de C______ et de D______. Puis, il a rejoint l'équipe supervisée par E______ et, enfin, celle de F______ au milieu de 2020.

d. Au sein de B______ Sàrl, les performances des collaborateurs sont évaluées en fonction de trois niveaux, du moins bon au meilleur : "Below required" (insuffisant), "Successful" (réussi) et "Exceptional" (exceptionnel). Une note exprimée par un pourcentage est attribuée au sein de chaque niveau de performance.

Il résulte des évaluations de performance annuelles de A______ les éléments pertinents suivants :

- Toutes les performances de l'employé ont été qualifiées de "réussies" ("successful") ;

- En 2016, C______ a écrit à la main la remarque suivante : "très bonne ½ année. Tu as su rapidement t'intégrer à l'équipe et apporter tes connaissances pour faire avancer tes projets. Merci".

- En 2017, C______ a écrit à la main la remarque suivante : "Excellent travail concernant le banc d'essai, attention pour le reste des activités".

- En 2018, C______ a écrit à la main la remarque suivante : "Très gros et beau travail sur les G______ avec la mise en place de deux nouveaux bancs d'essai. Bon début d'année 2018 avec les chemicals".

- En 2019, C______ a écrit à la main la remarque suivante : "Bonne année 2018, excellent travail avec D______ [prénom] sur les G______. Une année également chargée avec beaucoup de "wastes" à gérer. Merci".

- En mars 2020, E______ a écrit à la main la remarque suivante : "Merci pour ton énergie et ton travail plein d'enthousiasme!".

- En mars 2021, F______ a écrit : "Je souhaite que tu puisses continuer à développer tes compétences dans notre équipe. Je te remercie pour ta collaboration et j'espère que les nouveaux défis que nous te proposons t'apporteront satisfaction. Nous comptons sur toi pour la nouvelle année ! Merci pour ton travail A______ [prénom]."

Dans plusieurs courriels produits par B______ Sàrl et contenant des échanges entre A______ et d'autres employés ou ses supérieurs hiérarchiques, il apparaît que le prénommé sollicitait de l'aide pour effectuer des tâches (courriels des 4 au 6 novembre 2020). Le 17 novembre 2020, F______ relatait par courriel à H______, responsable technique régionale depuis juin 2019, des manquements de A______ (données incohérentes, absence de remise en question, problème d'organisation, etc.) et soulignait avoir tenté de l'aider en passant du temps avec lui. Elle avait constaté qu'il téléphonait pour des raisons privées en même temps qu'il remplissait des documents pour le travail, commettant ainsi des erreurs. Le ton de F______ apparaît bienveillant envers son collaborateur ("ce n'est pas grave", "je lui laisse le bénéfice du doute", "il a bon fond"). Le lendemain, d'autres erreurs étaient encore soulignées par F______.

Entendu par le Tribunal, A______ a déclaré qu'il avait commis des erreurs, mais que cela était dû à l'environnement de travail malsain et au stress qu'il subissait. Ces erreurs n'étaient pas fréquentes.

B______ Sàrl a exposé au Tribunal, par l'entremise de sa représentante I______, que le système d'évaluation de l'entreprise ne comportait que trois catégories, mais qu'à l'intérieur de chaque catégorie, il existait un système de gradation. E______ avait effectué un retour sur le travail de A______, à fin 2019 ou au début 2020, qui n'était "pas excellent": des améliorations étaient attendues de sa part notamment concernant des absences pendant les heures de travail. Une fois A______ sous la responsabilité de F______, celle-ci avait rapidement constaté qu'il commettait des erreurs et qu'il avait des difficultés à rendre des rapports. Aucun plan d'amélioration de la performance n'avait été mis en place, dès lors qu'il avait été absent pour maladie et ne revenait qu'à temps partiel.

J______, employé de B______ Sàrl depuis le 1er novembre 2018 en qualité d'ingénieur, entendu comme témoin, a déclaré n'avoir jamais travaillé directement avec A______. E______ s'était plaint auprès de lui de la manière dont A______ exécutait ses tâches : il ne faisait pas bien son travail. D'après le témoin, A______ faisait, au contraire, du bon travail, mais, ne travaillant pas avec lui, il ne pouvait pas juger si ses prestations étaient constantes.

K______, employé de B______ Sàrl depuis 2005 en qualité de technicien de laboratoire, entendu comme témoin, avait travaillé avec A______, en tant que collègue. Il avait aussi été son formateur et son référent pour les nouvelles tâches qu'il devait accomplir. A______ fournissait un bon travail.

L______, employé de B______ Sàrl depuis 2001 en qualité de technicien de laboratoire, entendu comme témoin, avait travaillé avec A______. Celui-ci fournissait un très bon travail. Il ignorait si la hiérarchie était satisfaite du travail de A______. Il savait seulement que F______ lui avait fait des reproches, mais il ignorait de quelle nature.

M______, employé de B______ Sàrl de 1996 jusqu'à sa retraite en 2023 en qualité de laborantin en physique, entendu comme témoin, avait parfois collaboré avec A______. Le travail de celui-ci était apprécié par les personnes qui travaillaient avec lui, à l'époque où D______ était son supérieur hiérarchique. Ensuite, il ignorait ce qu'il en était, car il n'avait plus travaillé avec lui.

N______, employé de B______ Sàrl de 2000 jusqu'à son licenciement en 2019 en qualité de technologiste de laboratoire, entendu comme témoin, n'avait pas travaillé avec A______, mais faisait partie du même groupe que lui. Celui-ci avait fait du très bon travail.

O______, employé de B______ Sàrl en qualité de technicien de laboratoire de 2000 à 2021 ou 2022, entendu comme témoin, était un collègue de A______, dans la même équipe dirigée par C______. Il considérait que le travail du prénommé était très bon.

F______, employée de B______ Sàrl depuis 2019 en qualité de manager de laboratoire, entendue comme témoin, avait été d'abord une collègue de A______, puis avait servi d'intermédiaire entre lui et E______, avant de devenir sa supérieure hiérarchique dès 2021. A______ avait été affecté à son laboratoire, car il n'arrivait pas à remplir correctement ses tâches sous l'autorité de E______. Elle ne s'était pas opposée au transfert, bien qu'elle sût que ce collaborateur ne réalisait pas des performances correctes. Dès novembre 2020, elle s'était impliquée pour améliorer son travail quotidien, ses performances et son organisation. Il faisait beaucoup d'erreurs dans la rédaction de ses rapports et dans les tests qu'il effectuait. Il avait aussi échoué dans une commande pour des emporte-pièces, car il n'avait pas suivi les conseils de ses collègues. Il s'en rendait compte, les corrigeait, mais recommençait ensuite, sans prendre en considération les conséquences de ses erreurs pour les clients. Il avait aussi réparé à titre privé une cafetière dans un laboratoire, ce qui était interdit. Un plan d'amélioration des performances n'avait pas pu être mis en place à cause de ses absences pour cause de maladie. A son retour au travail en 2021, elle avait décidé qu'il devait refaire toutes les formations et lui avait assigné un technicien référent, soit K______. A______ avait accepté cette manière de faire. La formation avançait très lentement ; elle devait guider A______ dans l'amélioration de son efficacité et dans la priorisation de ses tâches. S'agissant de l'évaluation annuelle de ses performances, il était classé comme "réussi" (successful) pour l'encourager, mais il obtenait la note la plus basse de tous ses collègues, ainsi que l'atteste une pièce produite par B______ Sàrl.

H______, employé de B______ Sàrl depuis juin 2019 en qualité de responsable technique régionale, entendue comme témoin, n'avait pas travaillé directement avec A______. Celui-ci lui avait fait part de difficultés relationnelles avec E______. Les relations avec F______, dont il avait rejoint l'équipe, étaient normales : F______ le soutenait dans la reprise de son travail après son arrêt pour cause de maladie et corrigeait avec lui les erreurs dans ses rapports. Un plan d'amélioration des performances avait été évoqué, mais n'avait pas pu être mis en place en raison de son congé maladie. Ses performances étaient insuffisantes en novembre 2020 et elle avait reçu des commentaires en ce sens de plusieurs ingénieurs : à son retour d'arrêt maladie, il n'avait donc pas été considéré apte à effectuer les tâches relevant de sa fonction. Après consultation du médecin de l'entreprise, il lui avait été expliqué qu'il allait réaliser des tâches de support technique, ce qu'il avait accepté. Il avait reçu, en 2020, la note la plus basse de tous les collaborateurs de F______. Cette note signifiait qu'il n'avait pas atteint tous les objectifs et qu'il y avait une nécessité d'amélioration. Il accumulait du retard dans son travail à cette époque.

D______, employé de B______ Sàrl de 1996 à 2022 comme ingénieur, entendu comme témoin, a déclaré qu'il avait travaillé avec A______ de 2015 à 2018 ou 2019, lorsqu'il avait été transféré à sa propre demande dans une autre unité, soit celle de E______. Le travail de A______ était excellent et correspondait à toutes ses exigences.

C______, employée de B______ Sàrl de 2012 à 2022, entendue comme témoin, avait recruté A______ pour son équipe, qu'il avait décidé de quitter sans lui en parler préalablement en 2019, alors qu'il aurait dû le faire. Elle ne s'y était pas opposée. Dans les évaluations de performance de A______, elle mettait en avant les éléments positifs, ce qui était demandé à l'époque dans l'entreprise, mais le document ne reflétait pas l'intégralité de la discussion. A______ avait une notation "moyenne plus", car il lui était difficile de comprendre qu'il était dans une équipe et, parfois, ne se rendait pas aux réunions. Elle devait lui demander de réaliser certains travaux, qu'il ne faisait pas spontanément, et avait dû le menacer d'une mauvaise note de performance pour qu'il s'exécutât. Elle ignorait ce qu'il était advenu de la qualité de son travail après qu'il eut quitté son équipe.

e. Le 5 mars 2020, A______ a envoyé un courriel à H______, supérieure hiérarchique de E______ et de F______, par lequel il lui faisait part de sa peur de perdre son emploi et de son désir de changer de département au sein de B______ Sàrl. Il lui a notamment écrit : "(…) Je suis venu te voir confidentiellement afin de partager mon mal être [sic] et éventuellement trouver une solution pour mon futur chez B______ Sàrl. Ces derniers temps, j'ai pris mon mal en patience concernant les commentaires et les remarques non justifiées dans l'espoir qu'à court terme je puisse retrouver des conditions normales de travail (…). Je souhaiterais que tu trouves une solution qui ne me mette pas dans une situation difficile à gérer pour l'avenir, si je dois continuer à collaborer sous stress constant de perdre mon emploi pour des raisons futiles ou par vengeance (…)".

Par courriel du 20 mars 2020 adressé à H______, A______ s'est à nouveau ouvert auprès de cette dernière concernant le comportement de "tu sais qui" [E______] à son égard et a notamment écrit : "(…) les remarques continuent de plus belle à travers les e-mails et messages téléphoniques que je me ferais une joie de te montrer. J'ai vraiment l'impression qu'il a peur pour son poste et qu'il a besoin d'un bouc émissaire afin de se sentir supérieur et respecté (…)."

S'agissant du comportement de E______, A______ a relaté au Tribunal que tout se passait bien avec lui la première année de leur collaboration, mais qu'il avait complétement changé lors de la deuxième année. Il avait un comportement de "pervers narcissique" : remarques négatives, critiques sur son travail, ton méprisant. Il le rabaissait, mais pas devant les autres collaborateurs. Il ne comprenait pas l'origine de ce changement. Il y avait eu une réunion entre H______, I______ et E______. Il avait alors été convenu qu'il changerait d'équipe, sans qu'on lui ait demandé son avis.

B______ Sàrl, soit I______, a exposé avoir été au courant des difficultés relationnelles entre E______ et A______, car les deux intéressés l'en avaient informée. Lors d'une réunion avec H______ et I______, mais sans E______, A______ n'avait pas fait part d'un ton méprisant utilisé par celui-ci. Il existait un protocole au sein de l'entreprise en lien avec le respect dû aux employés, mais A______ ne l'avait pas utilisé, même de façon anonyme. Aucune mesure n'avait été prise à l'encontre de E______ ; il avait été décidé de changer A______ d'équipe. Elle ne se souvenait pas qu'un entretien avait eu lieu en présence de E______, mais elle lui avait parlé.

Le témoin J______ a déclaré au Tribunal que E______ était quelqu'un avec qui il était difficile de travailler, mais qui, à part avec A______ (qui lui avait raconté ses problèmes avec lui), n'avait pas de difficultés relationnelles avec d'autres collaborateurs. Selon le témoin K______, E______ était une personne très exigeante, qui avait eu des difficultés relationnelles avec d'autres collaborateurs que A______, le témoin lui-même n'ayant pas eu de problèmes avec lui. Au début tout se passait bien entre A______ et E______, puis, tout à coup, les relations s'étaient détériorées. Il ignorait ce qui s'était passé. E______ n'était pas colérique et ne criait pas. Le témoin L______ a relaté avoir eu des difficultés relationnelles avec E______, qui était très nerveux et parfois désagréable "dans son vocabulaire", voire de nature colérique, mais pas menaçant. Ils s'étaient toujours efforcés de trouver une solution dans le dialogue. A______ lui avait fait part de ses difficultés avec lui. Le témoin M______ avait eu connaissance de celles-ci et du fait que plusieurs collaborateurs étaient dans la même situation que A______. Il n'avait cependant jamais travaillé avec E______, ni assisté à des échanges entre celui-ci et ses collaborateurs. Le témoin N______ connaissait les mésententes entre A______ et E______. Il avait lui-même travaillé pendant quelque temps avec celui-ci : il était très compliqué de travailler avec celui qu'il décrivait comme "un petit Napoléon", qui voulait tout faire à sa guise sans en référer à la hiérarchie. Il était très colérique, manipulateur, mais très intelligent. Ses colères ne se révélaient que seul à seul. Il pouvait menacer des collaborateurs, ce à quoi il avait assisté, mais non pas envers A______. E______ était impulsif, mais pas agressif. B______ Sàrl était au courant de cette situation. Enfin, le témoin O______ avait connu énormément de personnes qui avaient eu des difficultés relationnelles avec E______ : lorsqu'il avait des échanges épisodiques avec lui, il essayait à chaque fois de lui expliquer ce qu'il devait faire. Il n'avait jamais assisté à des excès de colère de E______.

f. A______ a été incapable de travailler, pour cause de maladie, à 100% du 18 novembre 2020 au 24 janvier 2021, à 50% du 25 janvier au 28 février 2021, à 40% du 1er au 30 mars 2021 puis à 20% du 1er au 30 avril 2021, puis à nouveau à 100% du 24 août au 30 septembre et à 80% du 1er octobre au 7 novembre 2021 et à 60% dès le 8 novembre 2021.

Aucun des certificats médicaux produits ne précise les motifs de la maladie.

Seul un formulaire adressé à l'assureur-maladie d'indemnités journalières et complété par le médecin de A______ le 24 septembre 2021 mentionne : "Patient a été suivi à ma consultation du 10.12.20 au 06.05.20 suite à une décompensation dépressive dans un contexte de burn out. (…) La crise actuelle survient au cours d'un conflit avec sa supérieure hiérarchique présente (sic) un tableau d'anxiété massif qui l'oblige à quitter son travail. (…)". Dans un document annexe non daté et intitulé "Rapport médical", le médecin a écrit : "Le début des troubles semble coïncider avec des difficultés au travail notamment une surcharge professionnelle majorée dans un contexte de départ de collègues et de restructuration deux mois auparavant le tout dans un contexte de crise sanitaire (patient ayant été mis en quarantaine par le médecin cantonal)".

g. Par courriel du 22 novembre 2020 adressé à H______, A______ lui a notamment expliqué qu'il se trouvait en arrêt maladie en raison d'un burn-out engendré par une situation de stress intense vécue au travail. Son état de stress émotionnel n'était pour l'heure pas revenu à la normale. Il reconnaissait en outre avoir commis des erreurs dans l'exécution de son travail, car il subissait beaucoup de pression et devait accomplir de nombreuses tâches.

h. Le 24 août 2021, A______ a adressé à H______ un courriel intitulé "Arrêt maladie". Il s'y plaignait d'une phrase prononcée plusieurs semaines auparavant par F______, concernant une tâche qui lui avait été confiée : "Vu le calme au labo je m'attends à ce que cela soit terminé à mon retour [de vacances]". Il avait terminé ce travail à temps. Le matin même du 24 août 2021, une réunion était prévue à 8h00 pendant une demi-heure, mais il avait considéré qu'il devait en priorité exécuter d'autres tâches confiées par F______. Or, celle-ci lui avait demandé pourquoi il ne participait pas, car "tout le monde" y prenait part et car il en allait de l'organisation du travail. Il avait répondu qu'il avait "40 ans de carrière" et qu'il n'avait pas besoin de qui que ce soit pour s'organiser. Il avait alors commencé à avoir les mêmes symptômes qu'en mars 2020, soit des tremblements au niveau des mains et des difficultés d'élocution. Il avait appelé en urgence son psychiatre. Il ne pouvait pas accepter qu'on lui parle "comme à un demeuré" et qu'on le traite comme un apprenti de laboratoire.

Selon ses déclarations au Tribunal, A______ n'avait pas apprécié que F______ lui confie de menues tâches à son retour de congé-maladie. Il admettait qu'elle lui en avait expliqué les raisons, à savoir qu'il devait commencer "doucement" et qu'on lui donnerait ensuite des tâches à la hauteur de ses compétences. Elle s'était ensuite mise à lui parler "comme à un enfant" sur un ton désagréable, lui faisant des remarques négatives. Il s'était fâché avec elle et était rentré à la maison en raison de son état de dépression qui était revenu. Le jour précédent son départ, elle avait organisé une vidéo conférence à la suite de l'une de ses questions, mais il avait refusé d'y participer car il s'agissait, selon lui, de "perdre 20-25 minutes" : il connaissait de meilleurs moyens de régler ce problème. Il était le seul technicien à ne pas avoir participé. Alors qu'il travaillait pendant que la vidéo-conférence avait lieu, elle était arrivée vers lui pour lui reprocher de ne pas y participer. Il lui avait répondu qu'il n'en avait pas besoin et qu'il pouvait se "débrouiller" tout seul. Le ton était monté, sans tourner à l'impolitesse.

La représentante de B______ Sàrl a déclaré qu'elle n'avait jamais été informée de ce que F______ aurait eu un langage inapproprié lorsqu'elle s'adressait à A______ ou qu'elle lui aurait confié des tâches inadaptées. Au contraire, le travail était fixé d'entente avec plusieurs personnes de la hiérarchie et avec le médecin du travail, ce qui est corroboré par un courriel du 7 avril 2021 émanant dudit médecin. Concernant l'épisode de la vidéo-conférence, A______ avait posé des questions qui étaient susceptibles d'intéresser tous les techniciens. L'absence du prénommé avait surpris tout le monde, car il n'avait pas signalé son absence et car la réunion faisait suite à ses propres questions.

F______ a déclaré que A______ manquait de confiance en elle : il s'adressait parfois directement à sa responsable à elle, sans le lui dire. Il lui avait manqué de respect lors de l'incident lié à la vidéo-conférence : il avait haussé le ton et claqué la porte. Il n'y avait pas eu d'autres incidents de cette sorte. A______ ne lui avait jamais dit que son attitude ne lui convenait pas.

H______ a confirmé que A______ venait la voir pour des sujets qu'il aurait dû aborder avec F______. Elle le lui avait fait remarquer à plusieurs reprises.

Le témoin K______ a déclaré avoir su que F______ avait fait des reproches à A______, mais il en ignorait la teneur.

i. A son retour au travail le 8 novembre 2021, A______ s'est vu notifier son licenciement pour le 31 janvier 2022. Il a été libéré de son obligation de travailler dès le lendemain.

j. L'incapacité de travail de A______ a perduré au-delà de la fin des rapports de travail, jusqu'au 12 février 2022.

k. Par courrier du 6 décembre 2021, A______ a, sous la plume de son conseil, demandé à B______ Sàrl de lui communiquer par écrit les motifs de son licenciement.

Celle-ci lui a répondu par courriel du 20 décembre 2021 qu'il avait été licencié en raison de ses performances insuffisantes et de son attitude inappropriée envers sa hiérarchie.

l. Par courrier recommandé du 23 décembre 2021, A______ a contesté les motifs à l'appui de son licenciement et a formé opposition à celui-ci. Il a en outre offert ses services dès que son état de santé le lui permettrait.

m. B______ Sàrl a délivré un certificat de travail à A______ daté du 21 février 2022, dont le texte est le suivant :

"Certificat de travail

Nous, soussignés B______ Sàrl, certifions que :

Monsieur A______ né le ______ 1962,
originaire de Genève

a travaillé au sein de notre entreprise du 1er août 2015 au 31 janvier 2022 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée pour un taux d'activité à 100 %.

Monsieur A______ a été engagé en qualité de technicien de laboratoire au sein du département Mobility & Materials. Du 1er août 2015 au 31 mars 2019, Monsieur A______ a eu la responsabilité d'effectuer des tests et des opérations techniques afin de fournir des échantillons et des données à l'appui des programmes de développement. Ayant travaillé principalement dans l'équipe P______®, Monsieur A______ a contribué à la création des 3 bancs d'essai pour mesurer le problème du ______ de pièces finies et s'est occupé de leur maintenance. Il a également formé des étudiants d'été et stagiaires qui ont travaillé dans l'équipe P______®. Ensuite, Monsieur A______ a été en charge des principales tâches notamment l'analyses physico-chimiques et microscopiques des ______ et ______.

A partir d'avril 2019, Monsieur A______ a travaillé au sein du département Q______ pour le groupe Consumer Branding. Il mesurait les performances de produits ______ destinés aux marchés des consommateurs pour la marque R______® et S______®.

En janvier 2021, Monsieur A______ a été transféré dans le groupe T______ en tant que technicien de laboratoire senior. Dans ce rôle, il s'employait à la préparation de ______ (______, ______ etc.) et à la préparation des évaluations des résultats et tenue des rapports, de publications de documents techniques et des procédures liées à la sécurité des équipements de laboratoires.

Monsieur A______ est de langues maternelles française et italienne et possède un niveau d'anglais correct. Ces compétences linguistiques ont été appréciées et utiles au poste. De plus, dans le cadre de ses activités, Monsieur A______ a démontré une bonne maîtrise de Microsoft Office et U______.

Monsieur A______ détient de bonnes connaissances mécaniques et opérationnelles qui lui ont permis, à notre satisfaction, de mener son travail à bien. Monsieur A______ était capable de proposer des solutions pratiques et d'identifier les ressources nécessaires pour réaliser ses tâches. Il a entretenu des relations cordiales avec ses collègues et s'efforçait de contribuer au fonctionnement de l'équipe.

Monsieur A______ a quitté notre entreprise le 31 janvier 2022. Depuis cette date, il est libre de tout engagement envers notre entreprise à l'exception de celui découlant du secret professionnel qui reste valable après la cessation des rapports de travail.

Nous lui souhaitons plein de succès pour la suite de sa carrière".

n. Par requête déposée au greffe de l'autorité de conciliation des prud'hommes le 13 juin 2022, non conciliée le 22 août suivant et introduite au Tribunal le 17 novembre 2022, A______ a principalement assigné B______ Sàrl en paiement de la somme totale de 67'959 fr. 85, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 janvier 2022, correspondant à 54'137 fr. 10 nets à titre d'indemnité pour licenciement abusif, 5'000 fr. nets à titre de réparation du tort moral et 8'821 fr. 75 bruts à titre d'indemnité pour vacances non prises.

Il a également conclu à ce que le Tribunal condamne B______ Sàrl à établir, puis à lui remettre un certificat de travail modifié, dont le texte serait le suivant (seuls les paragraphes modifiés sont reproduits ; les mots en gras diffèrent) :

"Monsieur A______ est de langues maternelles française et italienne et possède un bon niveau d'anglais. Ces compétences linguistiques ont été particulièrement appréciées et utiles au poste. De plus, dans le cadre de ses activités, Monsieur A______ a démontré une excellente maîtrise de Microsoft Office et U______.

Monsieur A______ détient d'excellentes connaissances mécaniques et opérationnelles qui lui ont permis, à notre pleine et entière satisfaction, de mener son travail à bien. Monsieur A______ était capable de proposer des solutions pratiques et d'identifier les ressources nécessaires pour réaliser ses tâches. Il a entretenu des relations cordiales avec ses collègues et a contribué au fonctionnement de l'équipe."

o. B______ Sàrl a conclu au rejet des conclusions du demandeur.

p. A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions.

q. B______ Sàrl a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

r. Les auditions auxquelles a procédé le Tribunal ont déjà été résumées ci-dessus dans la mesure utile.

s. A l'issue de l'audience du 16 octobre 2023, les parties ont plaidé oralement et persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, s'agissant des points encore litigieux en appel, le Tribunal a, concernant la question du caractère abusif du congé, retenu que les motifs avancés par l'employeur étaient fondés, soit des performances insuffisantes et un comportement inadapté avec sa hiérarchie. Il ne s'agissait pas d'un congé motivé par une inimitié nourrie à son égard par ses supérieurs. Le licenciement était intervenu dans le respect de la personnalité de l'employé. S'agissant de la prétention en tort moral, le Tribunal a considéré que l'existence d'un burn-out de l'employé était établie, mais les certificats médicaux ne mentionnaient pas de grave atteinte à la santé, ni les raisons des longues incapacités à travailler. L'employeur avait muté l'employé et l'avait changé de bureau en raison des difficultés relationnelles qui existaient avec son premier supérieur hiérarchique, E______. Rien ne démontrait que celui-ci aurait été menaçant ou agressif, ni que F______ aurait formulé des commentaires infantilisants ou adopté un comportement harcelant ou inapproprié. Ainsi, la "dépression" subie par l'employé n'était pas en relation de cause à effet avec une faute de l'employeur. Enfin, concernant la rectification du certificat de travail, le Tribunal a retenu que celui-ci était conforme à la réalité. Plus particulièrement, les prestations de l'employé n'étant pas au-dessus de la moyenne, il ne se justifiait pas d'ajouter les termes "pleine et entière" avant "satisfaction".

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

Cela étant, l'appel contient de longs passages repris textuellement des écritures de première instance, procédé qui n'est en principe pas recevable (parmi d'autres : arrêt du Tribunal fédéral 5A_209/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.2.1 et les références citées). Cela ne nuit cependant pas à la recevabilité globale de l'appel, lequel demeure compréhensible dans ses griefs dirigés contre la décision entreprise.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

2.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir retenu que le congé n'était pas abusif.

2.1 Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de travail de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier. Le droit de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 et suivants CO ; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_302/2023 du 1er mai 2024 consid. 4.1).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables, par leur gravité, aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1;
ATF 131 III 535 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_302/2023 du 1er mai 2024 consid. 4.1).

2.1.1 Aux termes de l'art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu'il est donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Le travailleur n'est protégé contre le licenciement que s'il peut supposer de bonne foi que les droits dont il se prévaut lui sont acquis. L'exigence de la bonne foi présente un double aspect, protégeant à la fois l'employeur et le travailleur : d'une part, la réclamation ne doit être ni chicanière ni téméraire, car la protection ne s'étend pas au travailleur qui cherche à bloquer un congé en soi admissible ou qui fait valoir des prétentions totalement injustifiées; d'autre part, la prétention exercée ne doit pas nécessairement être fondée en droit puisqu'il suffit que le travailleur soit légitimé, de bonne foi, à penser qu'elle l'est (ATF 136 III 513 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1). Le fait que l'employé se plaigne d'une atteinte à sa personnalité ou à sa santé et sollicite la protection de l'employeur peut aussi constituer une telle prétention (cf. art. 328 CO). L'émission de ces prétentions doit avoir joué un rôle causal dans la décision de licenciement; à tout le moins doit-il s'agir du motif déterminant (ATF 136 III 513 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_283/2022 du 15 mars 2023 consid. 5.1).

2.1.2 En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. La jurisprudence a toutefois tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2023 du 14 février 2023 consid. 3.3).

2.1.3 La manière dont le congé est donné peut aussi le faire apparaître comme abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards (ATF 132 III 115 consid. 2.2 ; 131 III 535 consid. 4.2). Si l'employeur porte une grave atteinte aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d'une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ou indigne des relations commerciales établies ne suffit cependant pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 2.3 ; 131 III 535 consid. 4.2; 136 III 513 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_283/2022 du 15 mars 2023 consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que l'employeur qui congédie un travailleur quatorze mois avant que celui-ci ne prenne sa retraite, après 44 ans de bons et loyaux services, alors que le fonctionnement de l'entreprise ne commande pas une telle mesure et qu'il n'a pas cherché une solution qui soit socialement plus supportable pour l'intéressé, viole son devoir d'assistance et agit de manière abusive (ATF 132 III 115 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2022 du 18 janvier 2023 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, l'appelant soutient avoir été licencié en raison de l'inimitié que nourrissaient ses deux supérieurs hiérarchiques à son égard, ce qu'il désigne comme un congé-représailles. Il avait fait part de sa souffrance à son employeur, lorsqu'il travaillait sous la supervision de E______. Celui-ci était connu pour son caractère difficile. Or, l'employeur s'était contenté de déplacer l'appelant et de changer son supérieur hiérarchique, sans prendre aucune mesure à l'encontre de E______. La nouvelle supérieure hiérarchique avait à son tour adopté un comportement inadéquat. Par ailleurs, le motif fondé sur l'insuffisance des prestations était fallacieux, car son travail échappait à toute critique. Il en allait de même de sa prétendue attitude inappropriée envers sa supérieure hiérarchique.

2.2.1 S'agissant des rapports entre l'appelant et sa hiérarchie et de leur prétendue incidence sur la décision de le licencier, il convient de distinguer la période durant laquelle l'appelant était encadré par E______ de celle où il l'était par F______.

S'agissant de la première période, plusieurs indices permettent de retenir que E______ pouvait avoir une personnalité générant des tensions avec ses collaborateurs, mais cela ne signifie pas encore qu'il aurait volontairement nui à l'appelant en contravention aux règles applicables en droit du travail. En effet, il n'existe pas de preuve de comportements inadéquats de E______ envers l'appelant, bien que les rapports entre eux aient été plus difficiles lors de la deuxième année de leur collaboration, ce qui avait été porté à la connaissance de l'employeur. Cette question sera, par ailleurs, abordée plus en détail ci-après (cf. consid. 3.). En tout état, aucun élément du dossier ne permet de retenir que E______ ou les rapports de ce dernier avec l'appelant auraient eu une influence sur la décision de licencier l'appelant, le licenciement étant d'ailleurs intervenu plus d'une année après les derniers contacts entre l'appelant et le prénommé. De plus, l'appelant n'a jamais formulé la moindre plainte sur le fait qu'il avait intégré une autre équipe après que sa relation avec E______ se soit dégradée. Ainsi, les rapports entre ces deux personnes n'ont pas de relation causale avec le licenciement.

S'agissant de la seconde période, les reproches de l'appelant à l'encontre de F______ ne se fondent sur aucun élément concret. En effet, aucun comportement hostile qui aurait été témoigné à l'appelant par la prénommée n'est établi. Les griefs de l'appelant sont par ailleurs contradictoires, dans la mesure où il reproche tantôt à sa supérieure de lui avoir confié des tâches inadaptées et de peu d'importance lors de son retour d'arrêt-maladie, tantôt de le mettre sous pression pour obtenir un rendement important. Les erreurs de l'appelant sont établies et, d'ailleurs, admises. De plus, l'employé contournait F______ pour s'adresser directement à la supérieure de celle-ci sans l'informer. A une reprise, il avait refusé de suivre les instructions données comme de participer à une vidéo-conférence pourtant destinée à répondre à ses propres questions. L'appelant n'allègue pas avoir tenté de dialoguer avec F______, alors qu'il admet que celle-ci lui avait expliqué pourquoi il avait bénéficié d'un allégement de ses tâches lors de son retour au travail, cette manière de procéder ayant été validée par les échelons hiérarchiques supérieurs et par le médecin du travail. F______ s'exprimait de manière bienveillante à son égard auprès de la hiérarchie. En résumé, le dossier ne permet pas de retenir un comportement inadéquat de F______ envers l'appelant.

Il n'existe ainsi pas d'indices qui permettraient de considérer que l'appelant aurait été victime d'un congé-représailles fondé sur une volonté de sa hiérarchie de lui nuire.

2.2.2 L'appelant soulève encore que son congé aurait eu pour but de le priver de mesures d'accompagnement ou d'indemnités de départ. Il n'a pourtant formulé aucune conclusion qui tendrait à l'obtention d'une indemnité qu'on lui aurait indûment refusée. Il souligne par ailleurs que lesdites prestations seraient dues en cas de licenciement pour "des motifs économiques". Dans la mesure où, il n'a pas été licencié pour de tels motifs, ces prestations ne lui seraient de toute façon pas dues.

2.2.3 Enfin, les motifs du licenciement avancés par l'intimée apparaissent fondés. En effet, comme indiqué, l'appelant commettait des erreurs, ce que lui-même a admis en les mettant sur le compte de son état de santé, sans preuve. Ses erreurs sont par ailleurs attestées dans des courriels produits par l'employeur. Ainsi, avant même qu'il ne connaisse des problèmes médicaux, en 2017, l'appelant avait été invité à "faire attention" à ses activités. D'ailleurs, sa supérieure hiérarchique de l'époque, avec qui il n'a jamais allégué avoir eu un quelconque différend, a déclaré au Tribunal qu'il avait une notation "moyenne plus", car il lui était difficile de comprendre qu'il était dans une équipe, qu'il ne se rendait parfois pas à des réunions et qu'il avait dû être menacé d'une mauvaise note de performance pour qu'il exécute certains travaux demandés. Ces reproches correspondent grosso modo aux motifs avancés pour le licenciement intervenu plus tard. Cette même personne a d'ailleurs relevé que l'intimée incitait la hiérarchie à souligner les qualités des collaborateurs pour les motiver. Les commentaires manuscrits sur les évaluations de l'appelant sont, de manière générale, bons, mais, à la lumière des explications recueillies, elles ne tiennent pas du dithyrambe. Les collègues de l'appelant ont jugé son travail "bon", voire "très bon". Il est néanmoins impossible d'affirmer que les témoins auraient tous eu connaissance des erreurs commises par l'appelant, qui sont avérées, étant précisé que la majorité des collègues entendus n'ont pas travaillé avec lui, ou, pour le moins, pas à l'époque litigieuse. En tout état, l'appelant a été, au moins à une reprise, le collaborateur le moins performant de l'équipe de F______, qui devait consacrer un temps important pour l'aider et superviser son travail, en utilisant notamment les services de l'un de ses collègues, K______.

De surcroît, comme déjà évoqué, l'attitude inappropriée de l'appelant à l'égard de sa hiérarchie, plus particulièrement de F______, est suffisamment documentée. Force est de constater que l'employé a rencontré des difficultés avec sa hiérarchie tout au long de son emploi : même sa première supérieure, C______, contre qui il n'a articulé aucune critique, a souligné ses manquements. L'incapacité de l'appelant à accepter les conseils, les instructions et les critiques est donc réelle.

Les motifs invoqués par l'intimée pour la résiliation des rapports de travail sont ainsi suffisamment prouvés et exempts de tout caractère abusif, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal.

Les griefs de l'appelant seront rejetés.

2.3 S'agissant de la manière dont le licenciement a été notifié, l'appelant ne formule pas de griefs précis sur ce point, se contentant de renvoyer aux principes applicables lorsque le licenciement a été notifié sans égards. Son exposé - confus sur cet aspect puisqu'il confond les motifs du licenciement qu'il affirme être fallacieux avec la manière dont il en a été informé - n'est pas suffisamment motivé et ne permet pas de retenir une absence de ménagement répréhensible, étant souligné que l'appelant ne possédait pas une ancienneté particulièrement importante au sein de son employeur. Ses griefs, pour autant qu'ils soient recevables, ne sont pas fondés.

2.4 Les prétentions de l'appelant fondées sur un licenciement abusif sont donc infondées et ont été rejetées à bon droit par le Tribunal, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

3. L'appelant réclame une indemnité pour tort moral.

3.1 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur.

Le harcèlement psychologique, ou mobbing, constitue une violation de l'art. 328 CO. La jurisprudence le définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée. Il n'y a pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, qu'il règne une mauvaise ambiance de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'a pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs. Le harcèlement est généralement difficile à prouver, si bien que son existence peut être admise sur la base d'un faisceau d'indices convergents, tout en gardant à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures justifiées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2022 du 23 août 2022 consid. 3.1).

3.2 En l'espèce, l'appelant fournit une brève motivation sur ce point, selon laquelle le Tribunal aurait omis de tenir compte d'un rapport médical de son médecin qui fonderait ses prétentions en tort moral.

D'une part, le document auquel se réfère l'appelant n'a pas de valeur probante, car il s'apparente à une expertise privée émanant de son propre médecin
(ATF 141 III 433 consid. 2.6). L'appelant n'a, en procédure, pas demandé l'administration d'une quelconque preuve sur ce sujet. D'autre part, même à suivre les explications contenues dans le document en question, rien ne permet de retenir que l'état de santé de l'appelant aurait été causé par un comportement fautif de l'employeur, a fortiori par une volonté de nuire de sa hiérarchie assimilable à du harcèlement. Les documents auxquels se réfère l'appelant évoquent diverses causes : conflit avec sa hiérarchie, surcharge professionnelle dans un contexte de départ de collègues et de restructuration, contexte de crise sanitaire. Que l'appelant ait été atteint dans sa santé, par hypothèse en lien avec son activité professionnelle, ne signifie pas encore qu'il était de la responsabilité de l'intimée de prendre des mesures ou que l'employeur aurait failli à le protéger. Comme indiqué, les griefs formulés par l'appelant à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques successifs ne sont pas établis. Il ne peut donc être retenu que ceux-ci, donc l'employeur, auraient causé une péjoration de son état de santé.

Ainsi, c'est à juste titre que le Tribunal a refusé le tort moral réclamé par l'appelant. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point également.

4. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir écarté les amendements qu'il demandait dans le texte de son certificat de travail.

4.1 Selon l'art. 330a al. 1 CO, le travailleur peut demander en tout temps à l'employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite.

Le choix de la formulation appartient en principe à l'employeur, conformément au principe de la bonne foi. Le travailleur n'a pas de droit à une formulation particulière (ATF 144 II 345 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2023 du 5 février 2024 consid. 6.1.1).

L'action en délivrance du certificat de travail, qui est une action condamnatoire (ATF 129 III 177 consid. 3.3) se distingue de l'action en rectification du certificat de travail. La première est ouverte au travailleur qui n'a pas obtenu de certificat de travail de son employeur, tandis que la seconde vise à obtenir la modification du certificat de travail délivré, dont le contenu ne reflète pas la réalité, notamment parce qu'il est lacunaire, inexact, trompeur ou ambigu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2023 du 5 février 2024 consid. 6.1.2).

Dans l'action en rectification du certificat de travail, le travailleur doit formuler lui-même le texte requis, de manière à ce que le tribunal puisse le reprendre sans modification dans son jugement. Il appartient au travailleur de prouver les faits justifiant l'établissement d'un certificat de travail différent de celui qui lui a été remis. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2023 du 5 février 2024 consid. 6.1.2).

Le choix de la formulation appartient en principe à l'employeur ; conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction reconnue à celui-ci trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_117/2007 et 4A_127/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1). L'expression "il a travaillé à notre satisfaction" suffit à qualifier les prestations d'un travailleur ordinaire et seul celui qui a fourni des prestations au-dessus de la moyenne peut exiger l'expression "à notre entière satisfaction" (arrêts du Tribunal fédéral 4A_117/2007 et 4A_127/2007 du 13 septembre 2007 consid. 7.1). En tout état, il n'y a pas lieu de chercher un hypothétique sens caché dans le libellé d'un certificat de travail, respectivement d'attribuer un sens caché ou dépréciatif aux expressions utilisées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_137/2014 du 10 juin 2014 consid. 4, jurisprudence confirmée dans l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2023 du 5 février 2024 consid. 6.3).

4.2 En l'espèce, l'appelant remet en cause, d'abord, l'appréciation de ses compétences linguistiques et de sa maîtrise des outils informatiques telle qu'elle ressort du certificat de travail litigieux. Il ne se réfère pourtant pas à aucun élément du dossier qui permettrait de retenir qu'il aurait des compétences au-dessus de la moyenne dans ces deux domaines.

Ensuite, l'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir donné suite à sa demande de modification du certificat de travail concernant ses compétences professionnelles et humaines, ainsi que la satisfaction de son employeur. Comme cela ressort des considérants précédents, l'appelant n'était pas un collaborateur se situant au-dessus de la moyenne de ses collègues.

Ainsi, le certificat de travail tel qu'il a été délivré est conforme aux exigences légales et jurisprudentielles, comme l'a considéré le Tribunal.

Le jugement attaqué sera confirmé aussi sur ce point.

5. 5.1 La valeur litigieuse étant supérieure à 50'000 fr. (la valeur de l'action en rectification du certificat de travail peut être estimée - au minimum - à un mois de salaire; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2019 du 13 juin 2019 consid. 6 et 7), il y a lieu de percevoir des frais judiciaires pour la procédure d'appel (art. 114 let. c et 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 300 fr. (art. 71 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 95 al. 2 et 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance fournie par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

5.2 Conformément à l'art. 22 al. 2 LaCC, il n'est pas alloué de dépens ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 7 mars 2024 par A______ contre le jugement JTPH/23/2024 rendu le 8 février 2024 par le Tribunal des prud'hommes.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrêt les frais judiciaires d'appel à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance qu'il a versée et qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur
Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.