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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22560/2023

ACJC/1195/2024 du 30.09.2024 sur JTBL/205/2024 ( SBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22560/2023 ACJC/1195/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 30 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE],

appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 février 2024, représentés par Julien GREUB, Agent d'affaires breveté, rue de la Paix 6, case postale 6300, 1002 Lausanne,

et

Monsieur C______, domicilié ______ [GE], exécuteur testamentaire de l'hoirie de feu D______, soit Madame E______, Madame F______, Monsieur G______ et Monsieur H______, intimés, représentés par Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/205/2024 du 5 février 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ SA et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de tout autre occupant l'arcade d'environ 66 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à I______ [GE] (ch. 1), autorisé C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SA et B______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            Par acte du 21 mars 2024 à la Cour de justice, A______ SA et B______ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à ce que la requête déposée contre eux soit déclarée irrecevable.

C______ a conclu à la confirmation de la décision attaquée.

Par avis du 30 avril 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a. Le 17 janvier 2020, D______, représentée par la régie J______, a remis à bail à A______ SA et à B______ une arcade d'environ 66 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à I______ (avec usage d'un WC commun).

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er février 2020 au 31 janvier 2025, renouvelable tacitement de cinq ans en cinq ans.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'665 fr. par mois.

b. Le ______ novembre 2021, D______ est décédée. Selon une attestation de la Justice de paix du district de K______ (VD), elle a désigné le notaire C______ en qualité d'exécuteur testamentaire (avec pouvoirs les plus étendus au sens des art. 517 et 518 CC).

c. Le 20 mai 2022, la régie J______ a mis en demeure A______ SA et B______, par pli à l'adresse des locaux loués, de régler dans les trente jours 4'995 fr. à titre d'arriéré de loyers et de charges du 1er mars au 31 mai 2022, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral du montant réclamé dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

Le pli recommandé comportant cet avis a été retourné à l'expéditeur le 31 mai 2023, au terme du délai de garde, avec la mention "non réclamé", l'avis de retrait de l'envoi ayant été remis le 23 mai 2022.

d. Le montant susmentionné n'ayant, selon la partie bailleresse, pas été intégralement réglé dans le délai imparti, un avis officiel de résiliation de bail pour le 31 juillet 2022 a été adressé à A______ SA et B______ le 28 juin 2022.

L'avis, signé par la régie J______, mentionne, en qualité de bailleur, "D______".

Le pli recommandé comportant cet avis a été distribué le 29 juin 2022.

e. Par courrier du 25 août 2022, la régie J______ a adressé à A______ SA et B______ un avis de majoration portant les frais accessoires à 1'440 fr. par an dès le 1er février 2023. Il était spécifié que l'avis ne valait pas "renonciation à la résiliation effective au 31 août 2022".

Cet avis, signé par la régie J______, mentionne, en qualité de bailleur, "Hoirie D______".

La régie d'une part, A______ SA et B______ d'autre part ont poursuivi des échanges.

En particulier, le 27 janvier 2023, J______ a émis une proposition de règlement des indemnités courantes, avec période probatoire jusqu'à fin août 2023. Si les paiements étaient réguliers, le congé notifié le 28 juin 2022 pour le 31 juillet 2022 serait retiré. Cette proposition comporte une signature illisible apposée à côté du timbre humide de A______ SA sous la mention "bon pour accord".

f. Par courrier du 8 août 2023, J______ a constaté le "non respect" de l'accord précité et fixé un état des lieux de sortie au 31 août 2023.

Par lettre du 15 août 2023, A______ SA a contesté "toute résiliation, état des lieux de sortie et autres charges".

g. Le 13 octobre 2023, "C______, notaire, exécuteur testamentaire agissant en son nom et pour le compte de l'hoirie de feu D______, soit E______, F______, G______ et H______", a saisi le Tribunal d'une requête en protection du cas clair, concluant à ce que A______ SA et B______ soient condamnés à évacuer immédiatement de leur personne, de tout bien ainsi que de tout tiers l'arcade d'environ 66 m2 et les WC situés au rez de l'immeuble sis rue 1______ à I______, et à ce qu'il soit autorisé à requérir dès l'entrée en force du jugement l'évacuation par la force publique de A______ SA et B______ ainsi que de tout bien et de tout tiers s'y trouvant.

Les parties ont été convoquées à une audience.

Selon le procès-verbal de l'audience du Tribunal du 5 février 2024, B______ n'était ni présent ni représenté, tandis que A______ SA était représentée par son administrateur B______. Le conseil de C______ a persisté dans sa requête, déposé un décompte actualisé faisant état d'un arriéré de 1'440 fr, et fait observer qu'un des locataires faisait défaut. La partie locataire n'a pas pris de conclusions, à teneur du procès-verbal; elle s'est engagée à verser 1'440 fr. dès le lendemain, et a exprimé son désaccord avec le montant du loyer par rapport aux m2.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid.1).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.3 A teneur du procès-verbal du Tribunal, dont la teneur n'est pas contestée, l'appelant B______ aurait fait défaut en sa qualité personnelle, ce qui a d'ailleurs été relevé devant les premiers juges par les intimés.

Les premiers juges n'ont apparemment pas éclairci ce point (qu'ils n'ont pas non plus évoqué dans le jugement), alors que l'intéressé se présentait apparemment seulement en qualité d'administrateur de la société anonyme locataire, sans exposer expressément si et cas échéant pour quelle raison il aurait été défaillant en ce qui le concernait personnellement.

Le Tribunal n'a d'ailleurs pas davantage fait figurer au procès-verbal de conclusions de la partie locataire; il en sera déduit que celle-ci a implicitement conclu à l'irrecevabilité respectivement au rejet de la requête de l'intimée.

Dans ces circonstances particulières, il ne sera pas retenu que les conclusions d'appel de l'appelant B______ seraient irrecevables car nouvelles.

L'appel sera ainsi considéré comme recevable pour avoir été formé dans le délai et selon la forme prévus par la loi, la valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr.

2. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir considéré le cas comme clair. Selon eux, la résiliation du 28 juin 2022 est nulle, puisque la mise en demeure du 20 mai 2022 n'arrivait à échéance que le 29 juin 2022; l'avis officiel était donc prématuré, et, en outre mentionnait en qualité de bailleresse D______ alors que celle-ci était décédée depuis plusieurs mois. Ils se prévalent encore d'une attitude contradictoire de la partie bailleresse, vu le long délai entre la date de résiliation et le dépôt de la présente procédure.

2.1 Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1;
138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

2.2 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC (art. 248 let. b CPC), et plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC), qui ne sont pas pertinents en l'espèce.

Dans l'application de la maxime des débats, il y a toutefois lieu de tenir compte des spécificités de la procédure de protection dans les cas clairs (ATF 144 III 462 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1).

Ainsi, selon la jurisprudence, en première instance, la requête doit en règle générale être formée par écrit (art. 252 al. 2 CPC). La réponse devrait aussi, en dérogation à l'art. 253 CPC, être formulée par écrit; si, exceptionnellement, la partie défenderesse ne dépose pas de réponse écrite et communique oralement sa réponse à l'audience, le juge de première instance doit au moins protocoler les conclusions, contestations, objections et exceptions que cette partie fait valoir, afin qu'il puisse être établi qu'elle a été entendue (art. 235 al. 1 let. d et al. 2 CPC par analogie). Lorsque la partie défenderesse ne comparaît pas à l'audience, le juge doit, sous réserve de l'art. 153 al. 2 CPC, statuer sur la base des actes du demandeur et du dossier (art. 234 CPC par analogie; ATF 144 III 462 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2017 précité consid. 3.1.1).

2.3 Lorsque le bailleur intente une action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, comme celle pour défaut de paiement du fermage au sens de l'art. 282 CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), le tribunal doit trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable (une prolongation du bail n'entrant pas en ligne de compte lorsque la résiliation est signifiée pour demeure conformément aux art. 257d ou 282 CO). En effet, l'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO, respectivement art. 299 al. 1 CO). Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle, soit notamment aux conditions de l'art. 257d al. 1 CO (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 141 III 262 consid. 3.2 in fine; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine).

Il incombe au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; rechtserhebende Tatsachen). Il appartient, en revanche, au locataire d'invoquer les faits dirimants (rechtshindernde Tatsachen) ou destructeurs (rechtsvernichtende Tatsachen), en invoquant des objections ou des exceptions (Einwendungen oder Einreden), comme l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance.

2.4 Le bailleur doit alléguer et prouver avoir notifié régulièrement l'avis comminatoire conformément à l'art. 257d al. 1 CO (principe de la réception dite relative, valable normalement pour le calcul des délais de procédure; cf. ATF 119 II 147 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_100/2018 précité consid. 7), ainsi que la résiliation du bail selon l'art. 257d al. 2 CO (principe de la réception dite absolue, valable pour les délais de droit matériel; cf. ATF 143 III 15 consid. 4.1; 140 III 244 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_100/2018 précité consid. 7).

La résiliation est un droit formateur qui s'exerce par un acte juridique unilatéral, lequel peut émaner d'un représentant d'une partie au contrat De manière générale, la manifestation de volonté de celui qui agit au nom d'autrui lie le représenté lorsque le représentant dispose des pouvoirs nécessaires à cet effet (art. 32 al. 1 CO) ou lorsque le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO) ou encore lorsque le tiers peut se fier de bonne foi aux pouvoirs qui lui sont communiqués (art. 33 al. 3, art. 34 al. 3 et art. 37 CO) (ATF 131 III 511 consid. 3.1). La résiliation met fin unilatéralement à un rapport de droit et produit effet dès qu'elle entre dans la sphère de puissance du destinataire. Une jurisprudence déjà ancienne en a déduit que les conditions de validité d'une telle déclaration devaient être réunies à ce moment-là (ATF 108 II 190 consid. 3). Plus récemment, le Tribunal fédéral a relevé le caractère irrévocable de la résiliation, qui ne peut en principe pas être soumise à des conditions (ATF 128 III 129 consid. 2a). Dans ce contexte, le congé notifié par un représentant non autorisé peut s'avérer problématique puisqu'il ne prendra effet (rétroactivement) que s'il est ratifié par le représenté et qu'une situation juridique incertaine (Schwebezustand) est ainsi créée jusqu'à une éventuelle ratification (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2010 du 3 mai 2010 consid. 2.3). Selon la jurisprudence, le tiers ne peut en tout cas pas se prévaloir de l'absence de pouvoirs du représentant lorsqu'il ne prend connaissance de cette circonstance qu'après la ratification par le représenté; en effet, dans ce cas-là, le tiers ne s'est pas trouvé dans une situation juridique incertaine au sujet des effets de l'acte en cause (cf. ATF 128 III 129 consid. 2b et c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_478/2015 du 20 mai 2016 consid. 3.1).

2.5 En l'occurrence, l'avis comminatoire, soumis à la théorie de la réception dite relative, a été expédié par pli recommandé, non retiré à l'échéance du délai de garde (dont il est établi qu'il s'agissait du 30 mai 2022). Le délai comminatoire de trente jours a ainsi commencé à courir le lendemain de l'expiration dudit délai de garde.

Il s'ensuit que ce délai n'avait pas expiré lors de la réception, le 29 juin 2022, de la résiliation expédiée la veille.

Par ailleurs, il est constant que l'avis de résiliation portait le nom, en qualité de partie bailleresse, d'une personne décédée depuis plusieurs mois, dont rien n'indique que l'exécuteur testamentaire aurait donné des pouvoirs à la régie aux fins de mettre fin au bail. Certes, cet acte formateur a ultérieurement été ratifié, mais, comme l'admet l'exécuteur testamentaire, seulement au moment du dépôt de la requête d'évacuation, soit quinze mois plus tard environ.

Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le Tribunal a retenu implicitement que les conditions de l'art. 257 CPC étaient réalisées, et fait droit aux conclusions de l'intimé. Le jugement sera dès lors annulé, et il sera statué à nouveau (art. 318 al. 1 let. b CPC) dans le sens de l'irrecevabilité de la requête.

3. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 21 mars 2024 par A______ SA et B______ contre le jugement JTBL/205/2024 rendu le 5 février 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22560/2023.

Au fond :

Annule ce jugement. Cela fait:

Déclare irrecevable la requête formée le 13 octobre 2023 par C______ en sa qualité d'exécuteur testamentaire agissant pour l'hoirie de feu D______, soit E______, F______, G______ et H______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.