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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21505/2021

ACJC/388/2022 du 17.03.2022 sur JTBL/29/2022 ( SBL ) , ADMIS

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21505/2021 ACJC/388/2022

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du JEUDI 17 MARS 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______, appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 janvier 2022, comparant en personne,

et

FONDATION B______, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


Vu le contrat de bail conclu par les parties, portant sur la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ [GE];

Que le loyer mensuel a été fixé en dernier lieu à 1'810 fr. 40, hors charges;

Vu la requête en protection du cas clair, reçue le 10 novembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers, formée FONDATION B______, à l'encontre de A______ SÀRL, concluant à l'évacuation de cette dernière avec mesure d'exécution directe du jugement d'évacuation;

Vu le jugement non motivé JTBL/1053/2021 du 16 décembre 2021 aux termes duquel le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ SÀRL à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute personne dont elle serait responsable la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ (ch. 1 du dispositif) et a autorisé FONDATION B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SÀRL dès l'entrée en force du jugement (ch. 2);

Que ce jugement a été expédié pour notification aux parties le 21 décembre 2021; que le 22 décembre 2021, un avis de retrait du pli recommandé a été déposé par la Poste dans la boîte aux lettres de A______ SÀRL;

Que cette dernière a requis la prolongation du délai pour retirer le courrier, qu'elle a retiré le 10 janvier 2022;

Vu la demande de motivation du jugement formée le 10 janvier 2022 au Tribunal par A______ SÀRL;

Vu le jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal, déclarant irrecevable la demande de motivation formée par A______ SÀRL; que les premiers juges ont considéré qu'en tenant compte du dépôt, le 22 décembre 2021, de l'avis de retrait, A______ SÀRL avait disposé d'un délai échéant au 2 janvier 2022 pour former sa requête de motivation, la suspension de délai ne s'appliquant pas à la procédure sommaire; que dès lors que la demande formée le 10 janvier 2022 l'avait été tardivement; qu'en tout état, si la précitée avait formé une requête de restitution de délai, celle-ci aurait dû être rejetée;

Que le 24 février 2022, D______, huissier judiciaire, a adressé à A______ SÀRL un avis judiciaire, requérant que cette dernière prenne toutes dispositions nécessaires pour libérer le terrain en cause très rapidement, faute de quoi la force publique serait requise, sans autre avis;

Vu l'appel et le recours déposés par A______ SÀRL le 28 février 2022 à la Cour de justice contre ce jugement;

Qu'elle a conclu à titre superprovisionnel et provisionnel à ce que la Cour constate et dise que le jugement du 16 décembre 2021 et la décision rendue le 20 janvier 2022 ne sont pas définitifs et fasse "interdiction absolue à la partie adverse et/ou à tout tiers de [l]'évacuer des locaux litigieux";

Que par arrêt ACJC/294/2022 du 2 mars 2022, la Cour, statuant sur mesures superprovisionnelles, a suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21505/2021, ainsi que le caractère exécutoire du jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal dans la même cause;

Que la Cour a transmis la requête à FONDATION B______ et lui a imparti un délai pour répondre sur la requête de mesures provisionnelles;

Que dans sa réponse sur mesures provisionnelles et sur le fond du 9 mars 2022, la précitée a notamment conclu à l'annulation de l'ordonnance ACJC/294/2022 rendue le 2 mars 2022, dans la mesure où l'évacuation de la locataire avait déjà été formellement exécutée le 1er mars 2022; que dans ses écritures, FONDATION B______ a indiqué avoir suspendu l'évacuation par un tiers des biens de la locataire, à la suite de ladite ordonnance;

Attendu, EN FAIT, que par nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles du 16 mars 2022, A______ SÀRL a conclu à ce que la Cour dise que le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21505/2021, ainsi que le caractère exécutoire du jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal dans la même cause soient suspendus, fasse obligation à FONDATION B______ sans délai et au plus tard à réception "de la prochaine décision de justice", la chose en l'état en remplaçant le nouveau cylindre par l'ancien et en restituant les clés y relatives à A______ SÀRL ou en remettant à A______ SÀRL toutes les clés permettant d'ouvrir le cylindre actuel, assortisse cette obligation "des peines de droit prévues à l'art. 292 CP", dise que FONDATION B______ est soumise à une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution, le montant des amendes devant être perçu par A______ SÀRL et dise que FONDATION B______ était condamnée à restituer à A______ SÀRL la somme de 905 fr. 20 soit la moitié des indemnités pour occupation illicite du mois de mars 2022;

Considérant, en droit, qu'en cas d'urgence particulière, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 al. 1 CPC);

Que le prononcé de telles mesures suppose un danger particulièrement imminent ou que le fait de donner connaissance de la requête à la partie requise risquerait de prétériter l'exécution des mesures (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 2 ad art. 265 CPC);

Que les conditions de la mesure provisionnelle n'ont pas à être prouvées de manière absolue; que le requérant doit les rendre vraisemblables ou plausibles; qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 = JdT 2005 I 618);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, op. cit., 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC; Hohl, op. cit., n. 1774, p. 325);

Que le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause; qu'en d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets; qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2011 consid. 4); qu'en d'autres termes, la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2); qu'il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que la mesure ordonnée doit respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, op. cit., p. 323 s.);

Que le tribunal, respectivement la Cour, peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment les mesures suivantes, la fourniture d’une prestation en nature (art. 262 let. d CPC);

Qu'il peut ainsi être imposé à une partie une obligation de faire, notamment de remettre un bien (p.ex. la chose louée, Bohnet, CPra Bail, n. 7 ad art.261/262 CPC et les réf.) ou de le restituer, ce sur la base d’une prétention contractuelle, du pétitoire (art.641 CC) ou du possessoire (art.927 CC) (Bohnet, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 262 CPC);

Que si le juge rend des mesures superprovisionnelles, il doit ensuite rapidement soit entendre la partie adverse ou lui impartir un délai pour se prononcer par écrit et statuer sans délai sur la requête de mesures provisionnelles proprement dites (art. 265 al. 2 CPC); qu'il rend alors une décision sur mesures provisionnelles qui remplace la décision superprovisionnelle; que les mesures provisionnelles restent en principe en vigueur jusqu'à l'entrée en force de la décision au fond (ATF 139 III 86 consid. 1.1.1);

Que comme l'a retenu la Cour dans son ordonnance du 2 mars 2022, l'appelante avait rendu vraisemblable l'urgence à statuer, sans entendre la partie intimée, l'huissier judiciaire mandaté par cette dernière l'ayant avisée de ce qu'elle devait quitter les lieux au plus vite, à défaut de quoi la force publique interviendrait sans autre avis;

Que l'appelante avait par ailleurs rendu vraisemblable les conditions du prononcé de mesures superprovisionnelles;

Que la Cour a dès lors suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal ainsi que le caractère exécutoire du jugement JTBL/29/2022 du 20 janvier 2022, décision qui déploie toujours ses effets, dès lors qu'il n'a pas encore été statué sur les mesures provisionnelles; que lesdites mesures superprovisionnelles n'ont pas non plus été révoquées;

Que dès lors que l'intimée a fait procéder au changement des cylindres, il se justifie de faire droit à la nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et de condamner l'intimée à restituer immédiatement à l'appelante la possession exclusive de la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______, notamment en lui restituant l'ensemble des clés des nouveaux cylindres; qu'il sera également fait interdiction à l'intimée de disposer de la surface susvisée d'une quelconque façon qui empêcherait l'appelante d'en récupérer la possession exclusive;

Que la présente ordonnance est prononcée, pour les obligations de faire ci-dessus, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP qui prévoit que : "celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende";

Que l'appelante sera autorisée, en cas d'inexécution des obligations de faire susmentionnées, à reprendre possession de la surface susvisée, en changeant les cylindres, le cas échéant avec l'assistance de la force publique;

Que la présente ordonnance superprovisionnelle déploiera ses effets jusqu'à ce qu'une nouvelle ordonnance soit rendue sur mesures provisionnelles;

Qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'une amende d'ordre;

Qu'il n'y a pour le surplus pas d'urgence à statuer sur la condamnation de l'intimée à payer une somme d'argent à l'appelante;

Que la requête sera transmise à l'intimée et un délai de 10 jours lui sera imparti pour répondre à la demande de mesures provisionnelles (art. 265 al. 2 CPC);

Que la suite de la procédure est réservée;

Que la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

1. Condamne FONDATION B______ à restituer immédiatement à A______ SÀRL la possession exclusive de la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______, notamment en lui restituant l'ensemble des clés des nouveaux cylindres.

2.    Fait interdiction à FONDATION B______ de disposer de la surface susvisée d'une quelconque façon qui empêcherait A______ SÀRL d'en récupérer la possession exclusive.

3.    Dit que la présente ordonnance est prononcée sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP qui prévoit que : "celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende".

4. Autorise A______ SÀRL, en cas d'inexécution des chiffres 1 et 2 du présent dispositif, à reprendre possession de la surface précitée, en changeant les cylindres, le cas échéant avec l'assistance de la force publique.

5. Dit que la présente ordonnance superprovisionnelle déploiera ses effets jusqu'à ce qu'une nouvelle ordonnance soit rendue sur mesures provisionnelles.

Cela fait et statuant préparatoirement :

Transmet la requête de mesures provisionnelles formée le 16 mars 2022 par A______ SÀRL et impartit à FONDATION B______ un délai de 10 jours dès réception de la présente ordonnance pour répondre par écrit et produire ses pièces.

Réserve la suite de la procédure.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).