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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9074/2021

ACJC/1286/2021 du 11.10.2021 sur JTBL/580/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9074/2021 ACJC/1286/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 11 OCTOBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 juin 2021 représenté par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par C______ SA, ______, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/580/2021 du 24 juin 2021, reçu par A______ le 2 juillet 2021, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire en protection de cas clair, a, préalablement, ordonné la jonction des causes C/9074/2021, C/1______/2021 et C/2______/2021 sous la cause C/9074/2021 (ch. 1 du dispositif), cela fait, a condamné le précité à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui, l'appartement de 5 pièces n° ______ situé aux 2ème/3ème étages de l'immeuble sis 30A 3______ à D______, ainsi que la cave n° ______, l'emplacement de parc n° ______ situé au rez inférieur de l'immeuble sis 30 3______ ainsi que le dépôt n° ______ situé au sous-sol de l'immeuble précité (ch. 2), a autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec lui, dès le 30ème jour après l'entrée en force du jugement (ch. 3), a condamné le précité à verser à B______ SA les sommes de 17'130 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 février 2021 (date moyenne), 1'360 fr., avec intérêts à 5% dès le 15 février 2021 (date moyenne) et 364 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er avril 2021 (date moyenne) (ch. 4), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce, lesquelles n'avaient pas été remises en cause par A______, le bail de sous-location ne pouvant en tout état pas perdurer au-delà du bail principal. S'agissant de la durée du sursis, les premiers juges ont retenu que les pièces du dossier ne démontraient pas l'exercice, par le précité, d'une garde alternée sur son fils. Par ailleurs, les recherches de solution de relogement étaient "anecdotiques et récentes".

B. a. Par acte déposé le 9 juillet 2021 au guichet universel, transmis le même jour à la Cour de justice, A______ a formé appel, subsidiairement recours contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation. Il a conclu à ce que la Cour lui octroie un délai humanitaire au 31 mars 2022 pour évacuer le logement et la cave et autorise B______ SA à requérir son évacuation par la force publique dès le 1er avril 2022.

Il a formé de nouveaux allégués et a produit une pièce nouvelle (n. 6).

b. La requête de A______ tendant à la suspension du caractère exécutoire des mesures d'exécution ordonnées par le Tribunal a été admise par décision présidentielle ACJC/949/2021 du 19 juillet 2021.

c. Dans sa réponse du 23 juillet 2021, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité de l'appel et au rejet du recours.

d. En l'absence de réplique de A______, les parties ont été avisées par plis du greffe du 10 août 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA est propriétaire de l'immeuble sis 3______ 30 et 30a à D______ [GE].

b. Le 19 décembre 2000, B______ SA, en qualité de bailleresse, et F______ et E______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail portant sur la location d'un appartement de cinq pièces n° ______ situé aux 2ème/3ème étages de l'immeuble sis 30A, 3______ à D______ ainsi que la cave n° ______ y dépendante.

Le 19 décembre 2000 également, les parties ont conclu un contrat portant sur la location d'un emplacement de parc au rez-inférieur de l'immeuble sis 30 3______.

Toujours le 19 décembre 2000, un contrat portant sur la location d'un dépôt a été conclu entre les mêmes parties.

Les baux ont débuté le 1er février 2001, l'échéance étant fixée au 31 janvier 2002. Ils se sont depuis lors renouvelés d'année en année.

c. A la suite de retards dans le paiement des loyers, les contrats de bail ont été résiliés, respectivement pour le 31 août 2020 pour l'appartement et le parking, et pour le 30 novembre 2020 pour le dépôt.

Ces résiliations n'ont pas été contestées.

d. Par jugement n° JTBL/927/2020 prononcé le 3 décembre 2020 par la 7ème Chambre, le Tribunal des baux et loyers a condamné F______ et E______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens, ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux, l'appartement et le parking. Ils ont également été condamnés à verser à B______ SA les montants de 9'418 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 15 octobre 2020 s'agissant de l'appartement (selon un loyer mensuel brut fixé en dernier lieu à 1'884 fr.) et de 1'088 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2020 pour le parking (selon un loyer mensuel fixé en dernier lieu à 136 fr.).

Ce jugement est définitif et exécutoire.

e. Au jour de l'évacuation par huissier judiciaire ensuite du prononcé précité, il est apparu que l'appartement, le parking ainsi que le dépôt étaient occupés par A______, fils de F______ et E______.

f. A______ bénéficie de prestations de l'Hospice général depuis le mois d'octobre 2019, dont notamment un montant de 1'500 fr. alloué mensuellement pour le loyer et les charges. A______ ne s'est que très imparfaitement acquitté du montant des indemnités dues pour les objets susmentionnés, les montants en souffrance au 30 juin 2021 s'élevant à 17'130 fr. pour l'appartement, à 1'360 fr. pour le parking et à 364 fr. pour le dépôt.

g. Par requêtes en protection de cas clair du 11 mai 2021 auprès du Tribunal, B______ SA a requis le prononcé de l'évacuation immédiate de A______ de l'appartement, de la place de parc et du dépôt, avec mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation. Elle a également conclu à la condamnation du précité à lui verser les montants de 15'246 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2021 (date moyenne), 1'224 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 janvier 2021 (date moyenne) et 312 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2021 (date moyenne).

h. A l'audience du Tribunal du 24 juin 2021, B______ SA a persisté dans ses conclusions, amplifiant sa demande en paiement à concurrence des montants dus au 30 juin 2021, soit 17'130 fr. pour l'appartement, 1'360 fr. pour le dépôt et 364 fr. pour le parking.

A______ ne s'est pas présenté. Son représentant n'a pas contesté la recevabilité des requêtes. Il a requis l'octroi d'un sursis humanitaire de neuf mois, faisant valoir que A______ était actuellement sous suivi médical pour des problèmes d'addictologie, étant toutefois en rémission et bénéficiait d'une garde alternée sur son fils de huit ans. Il a produit un certificat médical du 25 mai 2020 ainsi que cinq courriels de réponse ensuite de demandes de logement effectuées par les soins de A______ courant avril 2021. Il a exposé que A______ émargeait à l'Hospice général. Il n'a pas fourni d'explication quant au fait qu'en dépit des montants dévolus par l'organisme précité, les indemnités courantes n'avaient pas été versées à la bailleresse.

Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

Elle est compétente pour statuer sur les conclusions en évacuation et les mesures d'exécution dirigées contre un sous-locataire (ACJC/646/2019 du 06.05.2019).

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En l'espèce, le prononcé, par le Tribunal, de l'évacuation du recourant n'est pas contesté, de sorte que seule la voie du recours est ouverte contre les mesures d'exécution.

1.3 Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, le recours est recevable (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

L'appel sera en revanche déclaré irrecevable.

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

1.5 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les faits nouvellement allégués par le recourant ainsi que la pièce nouvellement produite sont irrecevables.

2. Le recourant reproche au Tribunal de lui avoir accordé un sursis humanitaire de trop courte durée.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Dans sa jurisprudence, la Cour a notamment confirmé, par arrêt ACJC/78/2017 du 23 janvier 2017, l'évacuation par la force publique, dès le nonantième jour suivant l'entrée en force du jugement, d'une locataire mère de deux enfants mineurs dont l'arriéré de loyer s'élevait à plus de 36'000 fr. Dans un autre arrêt ACJC/57/2017 du 16 janvier 2017, l'évacuation par la force publique dès le nonantième jour après l'entrée en force du jugement a également été maintenue, concernant une personne sans emploi, dont l'arriéré s'élevait à 13'400 fr.

En revanche, la Cour a confirmé l'évacuation par la force publique dans un délai de trois mois d'un locataire sans emploi, faisant l'objet de nombreuses poursuites et qui occupait l'appartement litigieux depuis douze ans. La Cour a considéré que le délai de trois mois était adéquat, compte tenu des nombreuses démarches effectuées afin de trouver un logement, dont l'inscription auprès de la Gérance immobilière municipale de la Ville de Genève et des Fondations immobilières de droit public plus d'un an avant la résiliation du bail (ACJC/224/2015 du
2 mars 2015 consid. 3.2).

La Cour a pour le surplus confirmé l'exécution de l'évacuation deux mois et demi après l'entrée en force du jugement d'évacuation, s'agissant d'une famille, avec deux enfants, dont un mineur, dont l'arriéré de loyer s'élevait à 16'910 fr. 70 (ACJC/687/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.2).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 Dans le présent cas, le Tribunal a accordé au recourant un sursis de 30 jours.

La situation financière du recourant est précaire, dès lors qu'il bénéficie de prestations de l'aide sociale.

Par ailleurs, l'allégué de santé fragile du recourant n'est corroboré par aucune pièce récente du dossier. En effet, le certificat médical produit a été établi en mai 2020 et aucun certificat médical réactualisé n'a été versé au dossier.

Le recourant a certes produit six recherches de solution de relogement. Dites recherches ont toutefois été entreprises durant les mois d'avril et mai 2021. Aucune inscription ni aucune demande de logement antérieure à ces dates n'a été entreprise.

Le recourant allègue exercer une garde partagée sur son fils âgé de huit ans. Cette allégation n'est toutefois corroborée par aucune pièce - recevable - du dossier. La seule mention, dans les décomptes de l'Hospice général, de prestations pour ce dernier n'est à cet égard pas suffisante.

Enfin, le recourant n'explique pas en quoi les dispositions constitutionnelles relatives au droit au logement, tel que garanti par l'art. 38 de la Constitution genevoise et par le Pacte I de l'ONU de 1966, qu'il invoque, permettraient de surseoir à leur évacuation. Il est rappelé à cet égard que les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et que c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5).

Le recourant, sous-locataire non autorisé, n'est pas fondé à obtenir, par un sursis humanitaire de neuf mois, une prolongation de bail, à laquelle il ne peut prétendre.

Par conséquent, le sursis de trente jours accordé au recourant constitue un délai équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

2.3 Infondé, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 juillet 2021 par A______ contre le chiffre 3 du dispositif du jugement JTBL/580/2021 rendu le 24 juin 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9074/2021-7-SE.

Déclare irrecevable l'appel formé le même jour contre les chiffres 1, 2 et 4 du dispositif de ce même jugement.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.