Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2905/2019

ATAS/877/2025 du 17.11.2025 ( ARBIT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2905/2019 ATAS/877/2025

ARRÊT

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 17 novembre 2025

En la cause

CSS ASSURANCE-MALADIE SA

AQUILANA VERSICHERUNGEN AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA, ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS SA

ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

AMB ASSURANCE SA

PHILOS ASSURANCE-MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

SANA24 AG

VIVACARE SA

toutes représentées par TARIFSUISSE SA, elle-même représentée par Me Élodie SURCHAT, avocate

 

 

 

demanderesses

 

contre

A______
représenté par Me Emmanuel KILCHENMANN, avocat

 

 

défendeur

 


EN FAIT

 

A. a. Le docteur A______ (ci-après : le défendeur), né le ______ 1964, spécialiste FMH en médecine interne et en cardiologie notamment, exploite un cabinet dans le canton de Genève.

b. Dix-sept assureurs-maladie ont constaté que la durée de consultation du Dr A______ dépassait la moyenne cantonale et la moyenne suisse des cardiologues, que celui-ci facturait la grande majorité de ses consultations selon un schéma tarifaire quasi forfaitaire (« chaînage ») sans utiliser les positions tarifaires adéquates existantes, que de 2014 à 2017 plus particulièrement, il avait facturé douze fois par consultation la position 00.0020 en combinaison avec les positions 00.0010 et 00.0030, ce qui correspond à un temps de consultation de base de 70 minutes, exagérément long selon leur médecin-conseil, qu'en 2018, il avait introduit de nouvelles positions tarifaires, respectivement en avait remplacé certaines, et qu'à compter de 2019, il avait à nouveau changé sa méthode de facturation.

Aussi lui ont-ils demandé, à plusieurs reprises, la production des rapports médicaux relatifs à ses factures établies du 1er août 2014 au 30 juin 2019, afin d'être en mesure de contrôler sa façon de procéder.

B. a. Le 9 août 2019, TARIFSUISSE SA, agissant en tant que prestataires de services et principale organisation d’achat de prestations de santé dans l’assurance obligatoire des soins, au nom et pour le compte de ces 17  assureurs-maladie, soit CSS ASSURANCE-MALADIE SA, AQUILANA VERSICHERUNGEN AG, SUPRA-1846 SA, CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS SA, ATUPRI GESUNDHEITS-VERSICHERUNG, AVENIR ASSURANCE MALADIE SA, EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA, SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG, MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA, AMB ASSURANCE SA, INTRAS ASSURANCE MALADIE SA, PHILOS ASSURANCE-MALADIE SA, ASSURA-BASIS SA, VISANA AG, SANA24 AG, ARCOSANA SA et VIVACARE SA (ci-après : les demanderesses), et elle-même représentée par Maîtres Valentin SCHUMACHER et Élodie SURCHAT, a saisi le Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le Tribunal arbitral ou le tribunal de céans), visant, préalablement, la production de l'ensemble des rapports médicaux relatifs aux factures établies par le défendeur entre le 1er août 2014 et le 30 juin 2019 et, au fond, la condamnation de celui-ci au paiement d'un montant à préciser après l'administration des preuves, mais au moins de CHF 664'633.-, perçu en vertu d'une mauvaise application du système de facturation TARMED. Elle a également demandé à ce que le défendeur soit formellement averti qu'en cas de nouveau manquement à son obligation de collaborer avec les assureurs ou aux exigences relatives à la facturation, il serait définitivement exclu de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

TARIFSUISSE SA fait en effet valoir que la « facturation systématique de diverses positions et leur combinaison automatique lors des consultations du défendeur constituent manifestement un abus, dont l’intention, le but et la systématique contreviennent à TARMED, puisqu’elles sont contraires au principe de la facturation à la prestation ainsi qu’à celui de l’économie de traitement ».

Elle a souligné que les rapports médicaux étaient nécessaires pour la méthode d'échantillonnage aléatoire stratifié qui permet de déterminer forfaitairement le montant soumis à la rétrocession, lorsque les erreurs de facturation apparaissent de manière récurrente dans un échantillon représentatif de factures contrôlées.

Elle a ajouté que son analyse était concentrée sur les positions tarifaires facturées. Ce contrôle de la conformité de la facturation avec TARMED n'était pas un contrôle de l'économicité selon l'art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance‑maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), de sorte qu'il s'agissait d'une démarche analytique et non statistique.

Elle a établi un tableau des facturations pour chacune des trois périodes, de 2014 à 2017, pour 2018 et pour 2019, démontrant à quelle hauteur les prestations du défendeur devaient être réduites.

b. Une première convocation en vue d'une tentative de conciliation fixée au 1er octobre 2019, a été annulée sur demande des mandataires de TARIFSUISSE SA, et reportée finalement au 19 novembre 2019.

À cette date, le Tribunal arbitral a constaté l'échec de la tentative obligatoire de conciliation.

Par courrier du 31 janvier 2020 toutefois, le défendeur, indiquant que des pourparlers transactionnels avaient été engagés, a sollicité une suspension de la procédure. Le 2 mars 2020, TARIFSUISSE SA a acquiescé à la suspension.

Le Tribunal arbitral a dès lors suspendu l'instruction de la procédure en application de l'art. 78a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) le 11 mars 2020.

Le 13 août 2020, TARIFSUISSE SA a informé le Tribunal arbitral que les pourparlers transactionnels n 'avaient abouti à aucun accord extrajudiciaire.

Le Tribunal arbitral a en conséquence repris l'instance le 19 août 2020.

c. Par mémoire de réponse du 18 septembre 2020, le défendeur a conclu, au fond, à l'irrecevabilité de la demande en restitution en raison de la péremption des créances pour les factures établies entre le 1er août 2014 et le 9 août 2018 et à son rejet pour les factures établies entre le 10 août 2018 et le 30 juin 2019, affirmant qu'il avait appliqué de façon conforme le système de facturation TARMED, et répétant qu'il n'y avait pas eu de facturation « en bloc » ou en « chaînage », de sorte qu'aucun montant ne devait être rétrocédé à une quelconque assurance‑maladie.

d. Les demanderesses, dans leur réplique du 4 janvier 2021, et le défendeur, dans sa duplique du 19 avril 2021, ont maintenu leurs conclusions.

e. Les parties ont été informées le 1er juin 2021 que la cause était gardée à juger sur la question de la péremption.

C. a. Par arrêt sur partie du 25 août 2021 (ATAS/863/2021), le tribunal de céans a considéré que le point de départ du délai de péremption d'un an devait être fixé à la date à laquelle les statistiques avaient été portées à la connaissance des demanderesses. Constatant, d'une part, que celles-ci avaient reçu les statistiques au plus tôt le 15 juillet de l’année suivant l’année analysée, et, d'autre part, qu'elles avaient déposé leur demande le 9 août 2019, il en a conclu que le délai légal d'une année était dépassé s'agissant des prétentions en remboursement relatives aux factures établies entre le 1er août 2014 et le 9 août 2018.

Examinant ensuite si le délai de prescription plus long du droit pénal devait être appliqué, il a constaté que pour déterminer si la facturation établie par le défendeur correspondait ou non aux exigences du TARMED, il devait procéder à l'examen du dossier au fond, dans la mesure où aucun rapport médical relatif aux factures litigieuses n'avait encore été produit, qu'il était dès lors prématuré de se prononcer sur cette question.

Aussi a-t-il ordonné l'apport des rapports médicaux relatifs à toutes les factures établies entre le 14 août 2014 et le 30 juin 2019.

b. Le 25 novembre 2021, le défendeur, faisant suite à l'arrêt sur partie du 25 août 2021, a transmis les documents médicaux requis.

c. TARIFSUISSE SA s'est déterminée le 22 février 2022 sur ces documents et a produit un rapport établi par son médecin-conseil, le docteur B______, le 11 janvier 2022, sur la base des documents médicaux relatifs au traitement de septante-deux patients entre 2014 et 2019. Le Dr B______ avait constaté des anomalies de facturation, soit des durées de consultation longues et des facturations par bloc de prestations, de sorte qu'il avait soupçonné une surfacturation substantielle. Il avait également relevé que la date de facturation différait parfois, ce qui rendait impossible un contrôle par la caisse-maladie.

TARIFSUISSE SA a ainsi modifié la demande du 9 août 2019, en ce sens qu'elle conclut principalement à la rétrocession de la somme de CHF 921'837.-, ce au vu des pièces produites et du rapport du Dr B______. Elle se fonde sur trois tableaux, pour montrer comment les prestations du défendeur facturées pour les années 2014 à 2017, pour l'année 2018 et pour l'année 2019, doivent être réduites pour chaque facture.

d. Le défendeur a fait part de ses observations le 29 avril 2022. Il relève d'emblée que le médecin-conseil est un médecin généraliste, et non pas un cardiologue. Il persiste dans ses conclusions, faisant valoir que sa facturation n'est aucunement frauduleuse et que le délai de prescription du droit pénal n’est pas applicable.

D. a. Le docteur C______, titulaire d'un FMH de cardiologie et de médecine interne et président des médecins cardiologues genevois, et le Dr B______, assisté d'un traducteur-interprète, ont été entendus le 2 novembre 2022 par le tribunal de céans. L'audition du premier avait été sollicitée par le défendeur et celle du second par les demanderesses.

Le Dr C______ a déclaré que ses collègues lui demandaient souvent conseil pour savoir comment facturer correctement sur la base des tarifs TARMED. Il en a donné quelques exemples. Il n'a en revanche pas souhaité commenter l'appréciation du Dr B______, dont un extrait du rapport de janvier 2022 lui a été lu, considérant qu'il s'agissait d'une question d'interprétation.

Le Dr B______ a quant à lui apporté des précisions sur son rapport et commenté les anomalies de facturation qu'il avait constatées.

b. Les parties se sont exprimées le 12 décembre 2022 à la suite de l'audience du 2 novembre 2022.

ba. Les demanderesses ont relevé que, selon le Dr B______, de nombreux actes n'étaient pas documentés, de sorte qu'il ne pouvait être démontré qu'ils avaient été effectués, et, partant, ne pouvaient pas être facturés. Elles considèrent ainsi que la procédure de facturation systématique et dissimulée, l'absence de documentation, et les méthodes de surfacturation abusives démontrent l'intention du défendeur d'obtenir, au moyen notamment de déclarations mensongères, des rémunérations auxquelles il n'a pas droit selon le TARMED et l'art. 44 LAMal. Elles en concluent que les auditions des témoins n'ont fait que confirmer la violation par le défendeur de plusieurs infractions pénales, notamment les art. 92 al. 1 let. b LAMal et 251 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

bb. Le défendeur, quant à lui, a soutenu que les prestations facturées étaient médicalement justifiées et que son coût par patient était dans la norme, ce que TARIFSUISSE SA ne remettait du reste pas en question, et qui venait démontrer que sa pratique et son organisation respectaient les conditions d'efficacité et d'adéquation.

Le défendeur souligne par ailleurs « la partialité évidente » du Dr B______, dans la mesure où celui-ci est un collaborateur de TARIFSUISSE SA.

c. Les parties ont été entendues lors de l'audience de comparution personnelle du 21 avril 2023.

E. a. Le 15 mai 2023, TARIFSUISSE SA a produit, sur demande du tribunal, les rapports relatifs au coût par malade du défendeur pour les années 2010 à 2021 (pièces 41 à 44). Se fondant sur les indices RSS coûts directs et sur les indices ANOVA sans médicaments, elle relève que le coût moyen par malade était au-dessus de la norme tolérée de 130 pour 2014, 2015, 2017 et 2018 et à la limite supérieure du tolérable pour 2016.

Pour cette dernière année, elle souligne que l'indice du défendeur reste quoi qu'il en soit plus de 30% plus élevé que la moyenne de ses confrères. Il est en effet de 913 pour le défendeur et de 704 pour le groupe de comparaison.

b. Le défendeur s'est déterminé le 24 mai 2023. Il fait valoir que son indice RSS des coûts totaux n'était pas hors norme du tout pour les années 2010 à 2019, puisqu'il était respectivement de 128 pour chacune des quatre premières années, de 119 pour 2015, de 115 pour 2016, de 114 pour 2017, de 117 pour 2018 et de 96 pour 2019.

F. a. Le 21 mai 2024, le tribunal de céans a ordonné une expertise analytique de la pratique médicale du défendeur du 1er août 2014 au 30 juin 2019, et l'a confiée au docteur D______, spécialiste FMH en cardiologie, dans le canton de Fribourg (ATAS/349/2024).

b. Le Dr D______ a rendu son rapport d'expertise le 20 août 2024. Il a constaté que le défendeur n'avait pas appliqué de façon conforme le système de facturation TARMED, ce qui avait conduit à une surfacturation. Il lui a plus particulièrement reproché un temps de consultation excessif, une facturation exagérée et l'absence de documentation adéquate pour justifier les interventions facturées. Il a évalué le surcoût à CHF 448'617.- pour la période allant de 2014 à 2017, à CHF 90'671.- pour l'année 2018 et à CHF 54'630.- pour l'année 2019, en soulignant qu'il s'agissait-là d'estimations.

c. Le défendeur et TARIFSUISSE SA ont déposé leurs remarques le 2 décembre 2024.

ca. Le défendeur a repris toutes les réponses apportées par l'expert aux questions de l'ordonnance d'expertise et les a commentées.

Il reproche à l'expert de ne pas prendre en considération « les spécificités culturelles, organisationnelles et économiques du système médical genevois », s'agissant de la durée des consultations et de la validité de ses calculs plus particulièrement. Il affirme avoir suivi les recommandations de son association cantonale et adopté une pratique tenant compte du patient essentiellement. Il fait valoir avoir agi avec bonne foi. Il n'a commis ni faute intentionnelle ni abus de facturation. Selon lui, les erreurs de facturation relevées par l'expert sont dues à des divergences d'interprétation de TARMED. Il observe enfin qu'il a facturé de la même façon pendant des années, ce qui « démontre des habitudes de pratique plutôt, et non une intention de maximiser artificiellement les revenus ».

cb. TARIFSUISSE SA considère qu'une pleine valeur probante doit être reconnue à l'expertise analytique du Dr D______ et adhère d'une manière générale aux conclusions de celui-ci. Elle conteste toutefois certains chiffres retenus par l’expert et établit de nouveaux tableaux comparatifs et récapitulatifs.

Constatant par ailleurs que le défendeur s'était vraisemblablement contenté de remettre à l'expert les rapports relatifs aux factures produites sous pièce 11 du chargé des demanderesses du 9 août 2019, elle a versé au dossier des factures complémentaires, dont elle demande qu'elles soient remises à l'expert pour un complément d'expertise.

d. Par écritures du 30 janvier 2025, TARIFSUISSE SA s'est déterminée sur les observations du défendeur du 2 décembre 2024. Elle rappelle que l'expert, auquel le défendeur reproche d'ignorer le contexte cantonal, s'est entretenu avec des cardiologues genevois. Elle relève également que les erreurs de facturation qui seraient dues, selon le défendeur, au fait qu'il avait suivi les recommandations reçues lors du colloque du 19 janvier 2018, n'ont pu être expliquées lorsque le Dr C______ a été entendu par le tribunal de céans le 2 novembre 2022.

G. a. La présidente du tribunal de céans a requis du Dr D______ un complément d'expertise. Celui-ci l'a établi le 2 mai 2025.

Il a préalablement déclaré avoir pris connaissance des écritures des parties lorsqu'elles se sont déterminées suite à son rapport d'expertise. Il a analysé les factures complémentaires transmises par TARIFSUISSE SA, et constaté qu'elles étaient comparables à celles qu'il avait examinées dans le cadre de son expertise et qu’elles confirmaient une application inadéquate de la structure tarifaire TARMED. Elles n'étaient ainsi pas de nature à modifier ses conclusions. Il indique en revanche que son évaluation de la restitution financière théorique diffère du rapport précédent, notamment en raison d'éléments laissant présumer l'existence de doubles facturations systématiques pour l'année 2018. Aussi a-t-il révisé le tableau récapitulatif s’agissant des années 2014-2017 et de l’année 2018 (cf. rapport d'expertise p. 11 et complément d'expertise p. 4). Il en résulte un montant à restituer de CHF 475'282.77 pour 2014-2017, en lieu et place de CHF 448'617.- et de CHF 114’043.42 pour 2018, en lieu et place de CHF 90'671.‑, soit au total de CHF 643'955.82, en lieu et place de CHF 593'918.-.

b. Les parties ont été invitées à faire part de leurs observations sur le complément d'expertise.

Les demanderesses ont pris note, le 19 mai 2025, que, selon l'expert, une somme d'environ CHF 645'000.- devrait leur être rétrocédée et ont confirmé leurs précédentes écritures.

c. Le défendeur ne s'est pas manifesté.

d. La présidente du tribunal de céans a informé les parties le 27 juin 2025 que la cause était gardée à juger.

H. a. Par courrier du 28 juillet 2025, Me SURCHAT, au nom et pour le compte des demanderesses, a fait valoir son droit à l'octroi de dépens suivant l'issue du litige. Elle considère que ces dépens doivent être calculés sur la base des time sheets qu'elle produit et qui établissent le montant de ses honoraires.

EN DROIT

1.             Le présent litige porte sur la conformité de la facturation du défendeur à la structure tarifaire TARMED.

2.             Il a d'ores et déjà fait l'objet d'un arrêt sur partie rendu le 25 août 2021 (ATAS/863/2021).

La qualité de fournisseur de prestations du défendeur a été admise et il a été considéré que les demanderesses entraient dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. On peut ajouter que l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture a qualité pour agir. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l’encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés (ATF 127 V 286 consid. 5d). Lorsqu’un groupe d’assureurs introduit une demande collective, il ne peut toutefois réclamer que le montant que les membres de ce groupe ont payé. Il n'est pas habilité à exiger le remboursement d’un montant que d’autres assureurs, non représentés par ce groupe, ont pris en charge.

En l'espèce, il résulte des données du Datenpool Jahresdaten Geschäftsjahr 2014 à 2019 que les demanderesses ont remboursé des prestations au défendeur. Celui‑ci ne le conteste pas. Il y a, partant, lieu de considérer qu'elles sont habilitées à demander l'intégralité de l'éventuel trop perçu (cf. pièces 6 et 7 chargé TARIFSUISSE SA) (ATAS/863/2021 consid. 6).

Le tribunal de céans a également constaté, dans l'arrêt sur partie susmentionné, que la demande de TARIFSUISSE SA déposée le 9 août 2019 respectait les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 LPA, de sorte qu'elle était recevable.

3.             À l'instar du contentieux relatif à l'obligation de restitution du médecin pour traitement non économique (ATF 130 V 377), le litige concernant la facturation relève de la compétence du Tribunal arbitral (K 174//2005).

Les dispositions légales et la jurisprudence relatives à l'obligation de restituer les sommes reçues à tort au sens de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal ont d'ores et déjà été exposées. Il suffit en conséquence de rappeler que l'art. 56 al. 2 2ème phr. LAMal n'est pas applicable uniquement aux cas de restitution à raison d'un traitement non économique, mais également par analogie aux autres situations où des prestations ont été touchées de manière indue (arrêts du Tribunal fédéral 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 consid. 2.2 [c/ ATAS 638/2019] ; 9C_258/2010 du 30 novembre 2011 consid. 5.4 ; K 174/05 du 24 mai 2006 consid. 3.1).

Un cas de polypragmasie est ainsi également réalisé lorsque le fournisseur de prestations facture des montants qui excèdent ceux des traitements plus économiques qu'il aurait pu dispenser, ou que des positions tarifaires sont elles‑mêmes cumulées de façon prohibée, car les prestations ne sont ainsi plus limitées à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement (arrêts du Tribunal fédéral 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2 ; K 116/03 du 23 novembre 2004, consid. 4.2 avec réf. à Gebhard EUGSTER, Wirtschaftlichkeitskontrolle ambulanter ärztlicher Leistungen mit statistischen Methoden, 2003, p. 86 ch. 211).

4.             La présidente du tribunal de céans a pris acte, lors de l'audience du 19 août 2020, de l'échec de la tentative obligatoire de conciliation.

Les parties ont désigné leurs arbitres : les demanderesses, E______ le 6 janvier 2020, et le défendeur, Jacques-A1ain WITZIG, le 18 septembre 2020.

Le Tribunal arbitral a alors été constitué.

Les demanderesses ont toutefois été invitées à désigner un nouvel arbitre au vu des nouvelles nominations du Conseil d'État du 22 septembre 2021 ; elles ont alors retenu Luciano DE TORO le 12 octobre 2021.

5.              

5.1 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le Tribunal arbitral procède à toute mesure probatoire utile (cf. art. 45, al. 3 LaLAMal.

5.2 Pour établir l’existence d’une polypragmasie, le Tribunal fédéral admettait le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (ATF 130 V 377, consid. 6.1 non publié, 119 V 453 consid. 4). La méthode analytique consiste à examiner un grand nombre ou la totalité des factures d'une période donnée en fonction des efforts diagnostiques et thérapeutiques (ATF V 454, consid. 5d). Le contrôle peut également être effectué selon la méthode statistique (comparaison de coûts moyens), en comparant les coûts moyens facturés par un médecin par cas de traitement avec les coûts moyens par cas d'un groupe de médecins dont l'activité est comparable à celle du médecin contrôlé (ATF 119 V 453, consid. 4b). La jurisprudence part du principe que lorsque l'économicité est vérifiée à l'aide de la méthode statistique, un dépassement de la moyenne statistique (100 points d'indice) ne permet pas à lui seul de présumer une non-économicité.

Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (Valérie JUNOD, « Polypragmasie : analyse d'une procédure controversée » in Cahiers genevois et romands de sécurité sociales, 2008, n. 40, p. 129-174).

5.3 En l'espèce, ayant relevé qu'en contrôlant la conformité de la facturation du défendeur avec la structure tarifaire TARMED, TARIFSUISSE SA avait d'ores et déjà procédé à une analyse des positions tarifaires facturées et, partant, à un examen analytique, et non statistique, le tribunal de céans a, dans un premier temps, envisagé d'analyser la conformité de la facturation du défendeur à la structure tarifaire TARMED sur la base des dossiers produits et des conclusions du rapport du Dr B______.

Considérant toutefois que le rapport de ce médecin ne pouvait revêtir une valeur probante suffisante, semblable à celle d'une expertise judiciaire, du fait qu'il était, d'une part, salarié de TARIFSUISSE SA et, d'autre part, titulaire d'une autre spécialité FMH que le défendeur (ATAS 718/2023), il a ordonné, le 21 mai 2025, la mise en œuvre d'une expertise analytique pour la période du 1er août 2014 au 30 juin 2019, expertise qu'il a confiée au Dr D______, spécialiste en cardiologie dans le canton de Fribourg (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee ; ATAS/599/2025 ; ATAS/325/2020).

6.             Le Dr D______ a établi son expertise analytique le 20 août 2024, conformément à l'ordonnance du 21 mai 2024 (ATAS/349/2024).

Le 2 mai 2025, il a adressé au tribunal de céans un complément d'expertise, afin de répondre aux questions supplémentaires posées par les demanderesses.

6.1  

6.1.1 L'expert a préalablement exposé avoir vérifié 73 dossiers médicaux, choisis de façon aléatoire sur 3’046, soit 33 portant sur la période 2014-2017, 8 sur l'année 2018 et 32 sur l'année 2019. Il a précisé que le défendeur lui avait confirmé que ces 73 dossiers constituaient une représentation fidèle de son activité cardiologique habituelle et qu'élargir la taille de l'échantillon n'apporterait pas d'informations supplémentaires, ni sur sa pratique, ni sur sa facturation, pour la période concernée. L'expert a par ailleurs indiqué avoir étudié le rapport du Dr B______ du 11 janvier 2022, et avoir pris contact avec F______, responsable de la facturation ambulatoire pour l'hôpital fribourgeois, G______ de TARIFSUISSE SA, Me SURCHAT et le défendeur. Il a également déclaré avoir mené des entretiens avec des cardiologues exerçant en pratique privée dans les cantons de Genève, de Vaud et de Fribourg.

Il a enfin procédé dans le cadre de son expertise complémentaire à l'analyse des 58 factures au total que lui ont transmises les demanderesses.

6.1.2 Les 73 dossiers examinés par l'expert, sur les 3’046 dossiers critiqués par les demanderesses, et les 58 factures du complément d'expertise, ne représentent certes pas l'ensemble de l'activité du défendeur, il apparaît toutefois, au vu des observations du Dr D______, qu'ils constituent un échantillon suffisant, ce qui a du reste été admis par le défendeur lui-même.

6.2  

6.2.1 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2019 - LPGA - RS 830.1), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3 ; ATAS/1216/2019 du 19 décembre 2019).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux, dans le cadre de l'appréciation de la capacité de travail, de l'invalidité et des limitations fonctionnelles. Ces principes sont applicables mutatis mutandis également aux expertises portant sur la pratique médicale, notamment l'évaluation de l'efficacité, l'adéquation et le caractère économique des prestations.

En principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.2.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une sur-expertise ordonnée par le Tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références citées). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.2.3 Il y a en l'espèce lieu de constater que l'expertise du Dr D______ a été réalisée en pleine connaissance du dossier, comprend un examen de la pratique médicale du défendeur et prend en considération les observations de celui-ci. Enfin, les conclusions sont motivées et cohérentes. Aussi l'expertise remplit-elle en principe tous les réquisits jurisprudentiels rappelés ci-dessus pour lui reconnaître une pleine valeur probante.

7.             Reste à examiner, pour chaque élément de la pratique médicale du défendeur repris par les demanderesses, et étudié par l'expert, si un indice concret serait de nature à remettre en cause la fiabilité de l'expertise, ou si une évaluation divergente pourrait se justifier en cas d'avis contradictoires exprimés par d'autres experts par exemple et qui sembleraient suffisamment fondés pour remettre en question la cohérence de l'une ou l'autre des conclusions de l'expert (ATF 125 V 351).

En l'occurrence, l'expert a étudié la conformité de la facturation à la structure tarifaire TARMED et répondu aux questions posées par le tribunal de céans dans son ordonnance d'expertise du 21 mai 2024, questions comprenant celles ajoutées par les demanderesses, d'une part, et par le défendeur, d'autre part.

7.1 Les questions 1 et 6.10 de l'ordonnance d'expertise portent plus particulièrement sur la durée des consultations (0010.20.30).

7.1.1 À la question de savoir si la durée de consultation du défendeur dépassait la moyenne cantonale et la moyenne suisse des cardiologues, l'expert a répondu par l'affirmative.

Il a confirmé que le temps de consultation était excessif. Il a en effet relevé que le défendeur facturait 70 minutes pour la période allant de 2014 à 2017, 40 minutes pour 2018 et 20 minutes pour 2019, alors qu'une consultation cardiologique typique dure environ 60 minutes, temps suffisant pour un examen approfondi et la gestion des différentes interventions nécessaires. Or, rien dans les dossiers n'indiquait, selon l'expert, que les problématiques cardiologiques traitées par le défendeur nécessitaient des consultations aussi longues, étant au surplus précisé qu'en réalité, les cas en cause pouvaient être qualifiés de standards et simples. La durée des consultations n'était ainsi pas justifiée. L'expert a à cet égard ajouté que le défendeur lui avait confirmé qu'il voyait environ 8 patients par jour, chiffre correspondant aux tableaux d'activité attestant de 1’000 à 1’500 patients par an. L'expert en a conclu qu'il n'était pas réaliste dans ces conditions de prétendre que chaque consultation durât environ 70 min pour l'entretien.

7.1.2 Le défendeur conteste les conclusions de l’expert, alléguant que « contrairement à la pratique d'autres cardiologues qui fractionnent les examens en plusieurs séances plus courtes, il concentre ses consultations en une seule séance, souvent équivalente ou supérieure en durée cumulée ».

Il fait valoir que la pratique genevoise favorise traditionnellement les échanges oraux au détriment de la documentation écrite détaillée, contrairement à d'autres régions suisses. Il précise encore que le canton de Genève a longtemps souffert d'une pénurie de médecins de premier recours, de sorte que les patients ont pris pour habitude de consulter directement des spécialistes. Il allègue que ce contexte a influencé la pratique genevoise, nécessitant des consultations plus longues et globales, avec une priorité donnée aux soins cliniques plutôt qu'à la documentation administrative. Aussi reproche-t-il à l'expert, non genevois, d'avoir ignoré cette pratique.

7.1.3 Selon l'expert toutefois – qui a notamment consulté des cardiologues genevois –, rien ne permet de conclure à une différence significative à Genève par rapport aux standards en vigueur en Suisse (cf. complément d'expertise p. 4).

À noter que le Dr C______ a indiqué, tout comme l'expert, que la durée moyenne d'une consultation était d'une heure (cf. PV enquêtes du 22 novembre 2022).

7.1.4 Il résulte de ce qui précède que les allégations du défendeur quant à l'existence de particularités genevoises et ses explications sur des consultations « concentrées » n'ont pas été démontrées.

Il y a en conséquence lieu de conclure qu’en dépassant la durée des consultations prévue par TARMED, laquelle devrait en principe être d’une heure, le défendeur facture un temps excessif et injustifié.

7.2 L'expert a dressé un tableau des positions tarifaires utilisées par le défendeur afin de répondre à la question 1 (la facturation des prestations est-elle conforme au TARMED ?). Il y a apporté des commentaires pour certaines d'entre elles. Il a dûment distingué les trois périodes, de 2014 à 2017, 2018 et 2019 (cf. expertise p. 7), et, pour chaque sous-question, expliqué sa conclusion (cf. expertise p. 2 à 5).

7.2.1 Il a considéré que l’étude de dossier en l’absence du patient pour la durée maximale de 15 minutes (00.0140/041) pouvait être justifiée, les dossiers comprenant de nombreux documents externes (laboratoires, examens complémentaires, …). Il a en revanche ajouté que tel n’était pas le cas de l’examen complet par le spécialiste de premier recours (00.0420), ni de l’entretien d’information avant une intervention (00.150), ni de la consultation spécifique du spécialiste (000510), ce précisément, faute de documentation. Il a relevé qu’un rapport écrit (00.2285) était systématiquement facturé par le défendeur, sans qu’aucun de ces rapports ne dépasse 11 lignes comme le recommande TARMED.

7.2.2 Le défendeur a expliqué qu’il avait pour habitude de retourner aux patients les documents non directement pertinents à la spécialité cardiologique, raison pour laquelle certains éléments, bien qu’examinés, ne figuraient pas dans les dossiers. Il a également fait valoir qu’il avait utilisé les positions « entretien d’information avant une intervention » et « rapport écrit » en suivant les recommandations du Dr C______, et signalé que les rapports des patients transmis au tribunal de céans respectaient l’obligation TARMED dès lors qu’ils comportaient plus de 11 lignes.

7.2.3 Il y a toutefois lieu de suivre l’expert lorsqu’il conclut à l’absence de documentation complète pour plusieurs positions tarifaires, étant précisé que l’habitude du défendeur qui consisterait à retourner aux patients les documents non directement pertinents à la spécialité cardiologique, ne correspond pas, selon l’expert, aux usages habituels (cf. complément expertise p. 4).

Il y a également lieu de le suivre pour ce qui concerne la position « entretien d’information avant une intervention » (00.050), dont il a constaté qu’elle avait été facturée de façon non conforme au TARMED. On ne voit pas que les recommandations du Dr C______ puissent changer cette constatation, celui-ci s’étant contenté de déclarer que l’entretien d’information constituait une étape primordiale, contenant une énorme part de psychothérapie (PV d’enquêtes du 2 novembre 2022).

On peut aussi constater que le défendeur facture systématiquement, depuis 2018, la position tarifaire « petit examen physique » (00.0415/0416), alors qu’il n’est pas un spécialiste de premier recours (absence de valeur intrinsèque). Il en est de même pour l’« examen complet par le spécialiste de premier recours » (00.0420). Selon l’expert, cet examen devrait être remplacé par la position correspondant au « petit examen ».

S’agissant de la position « rapport écrit » (00.2285), le Dr C______ a souligné qu« un rapport fait à l’issue d’un examen comporte en principe 3 pages. La première concerne les mesures de tension, de pulsation. La seconde comporte des graphiques et la troisième la page de synthèse que le médecin rédige. Elle fait en principe plus de 11 lignes ». Ce médecin confirme ainsi qu’un rapport doit comporter au moins 11 lignes pour que la prestation puisse être facturée (cf. PV d’enquêtes du 2 novembre 2022).

Or, l’expert a à cet égard admis que « Bien que le nombre de lignes dans la conclusion ne dépasse pas le seuil maximal, la quantité d’informations figurant dans le corps du rapport atteint les 11 lignes. La facturation d’un rapport écrit (1 page) me semble dès lors admissible. ».

7.2.4 Tant le Dr B______ que le Dr C______ ont affirmé qu’il n’était pas possible de cumuler les positions ECG au repos (17.010) et 17.090 (ECG d’effort) dans une même consultation. Les demanderesses considèrent que le fait de facturer un ECG le lendemain du test d’effort ou sur une facture séparée, comme expliqué par le Dr C______ et comme effectué par le défendeur, ne peut être admis, dès lors que cela vient contourner la règle du TARMED (écritures dem. du 12 décembre 2022).

L’expert a confirmé qu’il était médicalement erroné que le TARMED interdise le cumul des prestations, mais a ajouté qu’il était clair qu’on ne pouvait pas cumuler les positions 17.010 et 17.090 dans une même consultation (cf. ch. 6.1 expertise).

Selon lui, rien n’indique dans les documents que la position ECG partiel pour contrôle du rythme (17.0120) a été effectuée. Or, cette position semble avoir été communément utilisée afin de contrecarrer l’interdiction de cumul avec l’ECG de repos (cf. ch. 6.2 expertise).

L’expert a ajouté qu’aucun document ne prouvait l’indication et la nécessité du contrôle partiel du rythme durant un test d’effort dans les cas analysés (cf. ch. 6.3 expertise).

Dans son complément d’expertise du 28 avril 2025, le Dr D______ a confirmé que tous les dossiers examinés contenaient un tracé 12 dérivations s’agissant des ECG de repos et que tous les dossiers dans lesquels un ECG d’effort avait été facturé comportaient les tracés y relatifs. Il n’a toutefois pas été en mesure de dire combien de fois l’ECG partiel pour contrôle de rythme avait été réalisée sans ECG de repos préalable ou concomitant, mais a précisé que cet ECG partiel était effectué sans impression papier ni documentation.

À la question de savoir si le défendeur facturait ses consultations selon un schéma tarifaire quasi forfaitaire sans utilisation des positions tarifaires adéquates, l’expert a indiqué qu’il lui semblait effectivement que tel avait été le cas jusqu’en 2018, soit jusqu’à la modification du système TARMED, laquelle a entraîné l’apparition de nouvelles positions tarifaires. Dès 2018, il avait observé des facturations sur deux jours différents pour des prestations clairement documentées comme ayant eu lieu le même jour dans les dossiers, ce qui n’est pas autorisé. En 2019, la facturation est devenue plus diversifiée. L’expert a précisé qu’un certain degré de « chaînage » était certes toléré dans la pratique quotidienne, mais a ajouté que « ce qui frappe dans ce cas, c’est le caractère systématique des facturations et les montants presque identiques pour chaque consultation, ce qui n’est pas conforme à une facturation basée sur les prestations réellement fournies. ».

7.3 La question 2 de l’ordonnance d’expertise concerne plus particulièrement le rapport du Dr B______.

7.3.1 L'expert a relevé avoir fait un constat similaire à celui du Dr B______, à savoir que la documentation était soit inexistante, soit incomplète. Il a confirmé les constatations du Dr B______, selon lesquelles de nombreux actes n'étaient pas documentés, de sorte qu'il ne pouvait pas être démontré qu'ils avaient été effectués, par exemple les ECG standards qui ne comportent aucune description. Il a rappelé que selon les règles du système TARMED, une prestation ne peut en principe être considérée comme ayant été effectuée que si elle est documentée, tout en précisant qu'une documentation raisonnable et pragmatique est attendue, pas une transcription exhaustive de chaque détail.

Il a ainsi admis qu'il était possible qu'une partie des prestations ait effectivement été réalisée, considérant que documenter chaque détail d'une consultation alourdirait inutilement le travail administratif au détriment de la qualité des soins prodigués.

Il a également suivi l'affirmation du Dr B______ quant à la présence d'anomalies de facturation conduisant à une surfacturation importante et systématique et l'a confirmée pour les 73 dossiers qu'il a analysés.

À noter que, selon l'expert, les 58 factures que lui ont adressées les demanderesses dans un second temps, sont comparables à celles précédemment examinées, ce qui confirme, partant, une application inadéquate de la structure tarifaire TARMED. Les conclusions de l’expertise ne sont pas modifiées.

7.3.2 L’expert, d'une façon générale, a qualifié le rapport du Dr B______ de détaillé et de bien structuré, tout en soulignant que certaines nuances pouvaient être apportées, notamment en ce qui concerne les recommandations de tarification.

7.4 L’expert a indiqué, en réponse à la question 3 de l’ordonnance d’expertise, que « l’analyse des dossiers révélait une utilisation systématiquement erronée du TARMED, non économique, et menant à une surfacturation notable. Cependant, je ne suis pas en mesure de me prononcer définitivement sur l’indication ou la justification des examens effectués, comme l’échocardiographie et l’ECG d’effort (ergométrie), sans information complémentaire sur le contexte médical spécifique de chaque cas. La documentation partielle rend difficile la vérification de l’adéquation entre les prestations facturées et les nécessités cliniques. » (question 3).

L’expert a en substance considéré, sur la base de trois constatations, que le défendeur avait appliqué le système de facturation TARMED de façon non conforme, ce qui avait conduit à une surfacturation, (cf. question 7 expertise), à savoir :

- un temps de consultation excessif

- une facturation exagérée et

- l’absence de documentation adéquate pour justifier les interventions facturées.

7.5 La question 6 de l’ordonnance d’expertise comprend plusieurs sous-questions, soit :

- L’étude de dossier du patient durant la consultation entre-t-elle dans la position tarifaire relative à consultation de base ? L’expert a précisé que « l’étude d’éléments nouveaux peut être facturée en plus, mais l’étude de ses propres notes est incluse dans la consultation de base et ne devrait pas être facturée séparément » (6.5).

- Est-il régulier qu’un patient vienne consulter un cardiologue directement, sans y être adressé par son médecin traitant ? Selon l’expert, les patients sont généralement référés par leur médecin traitant (6.6).

- Lorsque le patient a été adressé à un cardiologue par son médecin traitant, le spécialiste doit-il procéder aux mêmes actes médicaux qu’un spécialiste de premier recours (examen complet) ? L’expert considère que cela n’est pas justifié, tout comme le Dr B______ du reste. Seul un examen partiel spécifique à sa spécialité est nécessaire (6.7). Le Dr C______ a également indiqué, lors de l’audience du 2 novembre 2022, que « je procède à un examen partiel et pas à un examen complet … parce que je sais que ce dernier ne peut être facturé sur la base de l’assurance obligatoire des soins. ».

- Est-ce que le processus décrit par le défendeur en bas de la partie 2 du PV de son audition du 21 avril 2023 correspond à un examen complet, voire à un petit examen par le spécialiste ? L’expert a estimé que le processus en question correspondait plus probablement à un petit examen spécifique (6.8). Le défendeur était alors pourtant interrogé par la mandataire de TARIFSUISSE SA, sur la liste des gestes qu’il accomplissait lors d’un examen complet. Il apparaît ainsi que le défendeur facture comme un examen complet une prestation qualifiée par l’expert de petit examen.

7.6 Il se justifie, en conclusion, de suivre le Dr D______ dans ses réponses aux questions de l’ordonnance d’expertise. Ses explications sont claires. Il convient de relever que pour certaines positions, il considère que la facturation du défendeur est admissible. La cohérence de ses réponses ne peut être remise en question. Force est de constater qu’elles n’ont pas été valablement contestées.

Ainsi, c’est sur la base de ces constatations et de ces commentaires en relation avec les positions tarifaires utilisées par le défendeur que l’expert a établi des tableaux afin d’évaluer le surcoût de la facturation (cf. consid. infra 11).

8.             Le défendeur fait valoir qu’il a agi de bonne foi, et qu’il n’a commis ni faute intentionnelle, ni abus de facturation.

8.1 L'art. 56 al. 2 LAMal règle l'obligation de restitution du fournisseur de prestations, tandis que l'art. 25 LPGA a trait à l'obligation de restitution de l'assuré ou d'un tiers (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], soziale Sicherheit, 2016, ch. 919 p. 686). Selon cette dernière disposition, les prestations indûment touchées doivent être restituées, à moins que l'intéressé ait été de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation difficile.

Dans un arrêt du 23 juillet 2020, le Tribunal fédéral a confirmé que la base légale pour la restitution des prestations indûment perçues par des fournisseurs de prestations était l'art. 56 al. 2 LAMal, même si l'économicité de la pratique médicale n'était pas en cause (9C_571/2019 consid. 2.2). Il a ajouté que l'obligation de restitution était toutefois limitée par la protection de la bonne foi (arrêt précité consid. 5.5). C'est ainsi que, constatant que les assureurs-maladie avaient accepté pendant des années de prendre en charge des prestations facturées par la société mise en cause, au sein de laquelle plusieurs médecins travaillaient sous le numéro RCC du médecin répondant, il a considéré que cette société pouvait croire, de bonne foi, que ces médecins n'avaient pas besoin d'une autorisation individuelle de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (9C_571/2019).

Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; 128 II 112 consid. 10b/aa ; 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées), ainsi qu'à l'encontre des assureurs (arrêts du Tribunal fédéral 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 ; 9C_528/2016 du 28 février 2017).

Selon la jurisprudence, le droit à la protection de la bonne foi est soumis à la réalisation de cinq conditions cumulatives. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité ait donné un renseignement sans aucune réserve ; b) le renseignement se réfère à une situation concrète touchant l'administré personnellement ; c) l'autorité ait agi dans les limites de ses compétences ou l'administré eût des raisons suffisantes de la tenir pour compétente ; d) l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu ; e) l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice ; f) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée ; g) l'intérêt au respect du droit objectif n'est pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2021 du 15 mars 2022 consid. 6.2). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

8.2 Il convient de déterminer si les conditions susmentionnées sont ou non réalisées.

8.2.1 Les prestations ont été remboursées dans des situations concrètes, sur la base de notes d'honoraires mentionnant le n° RCC du défendeur et portant sur des traitements dispensés par celui-ci (cf. consid. supra 8.1, conditions let. a et b).

8.2.2 L'assureur est compétent pour rembourser les frais médicaux de ses assurés aux fournisseurs de prestations (cf. consid. supra 8.1, condition let. c).

8.2.3 Il s'agit ensuite de déterminer si le défendeur pouvait ou non se rendre compte immédiatement que l'assureur lui remboursait à tort les factures de prestations qu'il lui adressait (cf. consid. supra 8.1, let. d).

8.2.3.1.    Le défendeur conteste avoir eu une facturation excessive, insistant sur le fait qu’il n’avait fait que se conformer aux recommandations du Dr C______.

Il convient à cet égard de rappeler que la période concernée par le litige commence en août 2014 déjà, alors que le colloque du Dr C______ s’est déroulé bien plus tard, le 19 janvier 2018. Aussi les erreurs de facturation commises d’août 2014 à janvier 2018 ne sauraient être imputables à d’éventuelles recommandations erronées du Dr C______.

Il n’apparaît par ailleurs pas des déclarations de ce médecin en audience qu’il ait, d’une façon générale, livré des informations inadéquates lors de son colloque.

On ne saurait retenir que le défendeur ait été de bonne foi sur la base de cet argument.

À noter au surplus que le Dr C______ n’a pas été en mesure de communiquer au tribunal de céans le contenu de son séminaire du 19 janvier 2018, expliquant à cet égard que « des questions étaient posées, j’y répondais. Il n’y avait pas de structure particulière. Je n'ai pas gardé les slides. ». On ne peut ainsi avoir connaissance de ce qui s’est précisément dit lors du colloque. Il s’avère difficile dans ces conditions de vérifier complètement les allégations du défendeur selon lesquelles il aurait suivi les explications du Dr C______.

8.2.3.2.    À la question 4 de l’ordonnance d’expertise, libellée comme suit : « Est-il vraisemblable que le défendeur ait pu croire, de bonne foi, qu'il respectait les exigences TARMED ? », l’expert a indiqué qu’il en doutait. Selon lui en effet, « la facturation excessive et systématique sur une longue période suggère une connaissance de cette non-conformité. (…) Les informations fournies par TARIFSUISSE et les comparaisons cantonales et nationales ne confirment pas que les coûts étaient contrôlés ; au contraire, elles indiquent que les coûts étaient supérieurs à la moyenne, bien que dans une marge que pourrait juger acceptable le contrôleur ». L’expert a ajouté que la majorité des médecins et cardiologues libéraux en Romandie adhèrent à des services de contrôle de données TARMED et de facturation indépendante, tels que le Trust Center H______ SA, ce que l’Association des médecins du canton de Genève encourage vivement. Le défendeur l’avait toutefois informé qu’il ne connaissait pas de tels services.

8.2.3.3.    Le défendeur considère que les erreurs de facturation relevées par l'expert sont dues à des divergences d'interprétation du TARMED et rappelle du reste qu'il avait proposé à plusieurs reprises qu'un cardiologue soit mandaté, avec l’accord de TARIFSUISSE SA, afin de réaliser une expertise de l’ensemble des rapports médicaux relatifs aux factures produites. Il n’aurait pas soumis une telle proposition s’il avait eu une quelconque faute à se reprocher.

On ne saurait se fonder sur cette seule allégation pour admettre que le défendeur ait été de bonne foi. Elle ne suffit pas. Elle vient quoi qu’il en soit en contradiction avec son refus de transmettre aux demanderesses les rapports médicaux relatifs à ses factures, refus qu’il a réitéré dans son mémoire de réponse déposé le 18 septembre 2020 auprès du tribunal de céans, lorsqu’il a conclu au rejet de la demande de production de l’ensemble des rapports médicaux. On peut rappeler que, par arrêt sur partie du 25 août 2021, le tribunal de céans a considéré qu’il se justifiait d'ordonner l'apport des rapports médicaux relatifs à toutes les factures établies entre le 14 août 2014 et le 30 juin 2019.

8.2.3.4.    Le défendeur observe qu'il a facturé de la même façon pendant des années, ce qui « démontre des habitudes de pratique plutôt, et non une intention de maximiser artificiellement les revenus ».

Il est possible que le défendeur ait adopté une méthode de facturation au cours des années sans trop y réfléchir. Mais c’est précisément ce qui peut lui être reproché. Il est en effet exigé d’un fournisseur de prestations qu’il manifeste un minimum de diligence avec lequel il n’aurait pas manqué de se rendre compte que les demanderesses lui remboursaient à tort certaines de ses prestations.

On peut à l’inverse se demander si le fait que les factures qu'il avait adressées à l'assureur du 1er août 2014 au 30 juin 2019 avaient sans autre été remboursées avait pu le conforter dans l'idée qu'il respectait la structure tarifaire TARMED.

Il est vrai qu'il appartient aux caisses-maladies de contrôler les factures établies par les fournisseurs de prestations, afin de vérifier notamment qu'elles émanent de médecins autorisés à facturer à la charge de la LAMal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_252/2022 du 15 mai 2023 consid. 7.5).

Le système du code RCC vise toutefois à les dispenser de l'examen étendu des conditions d'admission. Elles peuvent ainsi présumer que les fournisseurs de prestations, qui disposent d'un code RCC et leur soumettent une facture, satisfont aux conditions d'admission pour effectuer leurs activités à la charge de l'assurance obligatoire des soins (ATF 135 V 237 consid. 2 ; 132 V 303 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_214/2017 du 2 février 2018).

En l'espèce, TARIFSUISSE SA a requis du défendeur, à plusieurs reprises, depuis 2018, qu’il lui communique les rapports médicaux relatifs aux factures qu’elle souhaitait contrôler. Constatant que le défendeur utilisait parfois une facturation de type « bloc » et pour la grande majorité de ses consultations, un schéma tarifaire quasi forfaitaire, elle lui a demandé des éclaircissements, et a attiré son attention sur le fait qu’il n’utilisait pas les positions tarifaires adéquates. Elle n’a pas reçu de réponse à ses questions. (cf. pièces 11 à 28 du chargé demanderesses du 9 août 2019).

On ne saurait dans ces conditions reprocher aux demanderesses d'avoir failli à leur devoir de contrôle et de n'avoir pas saisi le tribunal de céans plus tôt.

8.2.4 Le défendeur n'allègue pas avoir pris des dispositions auxquelles il ne peut plus renoncer sans subir de préjudice (cf. consid. supra 8.1, let. e).

8.2.5 Enfin, aucun changement susceptible d'avoir une influence sur la présente question litigieuse n'est intervenu depuis le moment où l'assureur a remboursé les factures du défendeur (cf. consid. supra 8.1, let. f).

8.2.6 Reste à relever que l'intérêt au respect des dispositions du TARMED, du concept et de son règlement, afin de réduire les frais médicaux à la charge des assurés, n'apparaît pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi. (cf. consid. supra 8.1 let. g).

8.3 Il résulte de ce qui précède que les conditions cumulatives auxquelles est soumis le droit à la protection de la bonne foi ne sont pas réunies. Aussi le défendeur ne peut-il se prévaloir du principe de bonne foi pour nier le droit de l'assureur de lui réclamer la restitution des montants qui lui ont été versés.

9.             Le défendeur a contesté le bien-fondé des prétentions des demanderesses, insistant sur le fait que son indice des coûts totaux par patient se situait dans les limites de tolérance admises.

9.1 Il importe de rappeler que lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts était en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). Lorsque ces coûts se situaient dans la marge de tolérance de 30, le principe de l'économicité était respecté. Dans la négative, il convenait alors d'examiner si l'indice des coûts directs dépassait la marge de tolérance. Une violation de ce principe était alors présumée. Tel n'est plus le cas depuis l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en décembre 2023 (9C_135/2022, publié : ATF 150 V 129). Celui-ci a en effet considéré que selon la nouvelle méthode de régression applicable à compter de 2017, l'établissement de l'indice de régression constituait la première phase et avait uniquement pour but de détecter le fournisseur de prestations hors normes. Il ne permet pas de considérer que la pratique de celui-ci est non économique et n'instaure pas de présomption dans ce sens. Un résultat hors normes selon la méthode de régression ne constitue pas la preuve d'une pratique médicale non économique.

9.2 En l'espèce, dans son ordonnance d'expertise du 21 mai 2024, le tribunal de céans a constaté que l'indice des coûts totaux par patient du défendeur restait dans l'indice de tolérance, le plus élevé se limitant à 128 pour l'année 2014, de sorte qu'il pourrait être considéré que le principe de l'économicité avait été respecté (ATAS/349/2024 consid. 5.2).

Il a alors souligné que le contrôle de l'économicité, pour lequel il s'agit d'examiner si le fournisseur de prestations a dépassé la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement (art. 56 al. 1 LAMal), se distinguait en principe du contrôle des factures, qui consiste à vérifier si les différentes positions de la note d'honoraires correspondent aux conventions tarifaires et aux conditions légales, auxquelles le remboursement de certains traitements est soumis, mais que la facturation de positions tarifaires plus chères que celles à disposition d'un coût inférieur ou le cumul prohibé de positions tarifaires pouvait également être considérée comme un dépassement de la mesure de ce qui est nécessaire au sens de l'art. 56, al. 1 LAMal et ainsi constituer une polypragmasie (arrêts du Tribunal fédéral K 116/03 du 23 novembre 2004 ; K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6.1.2 ; K 108/1 et K 118/1 du 15 juillet 2003 consid. 3b et consid. 4.2 avec réf. à Gebhard EUGSTER, Wirtschaftlichkeitskontrolle ambulanter ärztlicher Leistungen mit statistischen Methoden, 2003, p. 86 ch. 211).

Le tribunal de céans a également rappelé que les deux types de contrôle, celui de l'économicité et celui des factures, étaient différents, en ce sens que pour le premier, les statistiques servent de comparatif pour évaluer l'activité économique d'un fournisseur de prestations, sans pour autant instaurer de présomption dans ce sens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_135/2022 du 12 décembre 2023, publié in ATF 150 V 129), alors qu'elles sont inutiles pour le second, qui consiste avant tout à examiner la conformité des différentes positions des factures d'honoraires avec les conventions tarifaires et les prescriptions légales.

Aussi le tribunal de céans a-t-il considéré que le fait que l'indice des coûts totaux par patient du défendeur soit en deçà de la limite de tolérance, et que celui des coûts directs ne dépasse que de peu cette limite, n'importait pas à ce stade, puisqu'il s'agissait en l'espèce d'examiner la conformité de la facturation à la structure tarifaire TARMED, et non de contrôler le respect du principe de l'économicité (ATAS/349/2024 du 21 mai 2024 consid. 5.5).

Il a en conséquence laissé en suspens la question de l'influence de ces indices, en tant qu'éléments de contrôle de l'économicité, précisant qu'elle serait prise en considération, dans l'arrêt au fond, lorsque la conformité des différentes positions des factures d'honoraires du défendeur avec les conventions tarifaires et les prescriptions légales aurait été examinée (ATAS/349/2024 du 21 mai 2024 consid.5.5). Le contrôle des factures peut en effet aussi comprendre des éléments de contrôle de l'économicité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6.2.1 ; ATAS/856/2015 du 13 novembre 2015). 

9.3 Le défendeur a fait valoir que son indice RSS des coûts totaux, respectivement de 128 pour chacune des quatre premières années, de 119 pour 2015, de 115 pour 2016, de 114 pour 2017, de 117 pour 2018 et de 96 pour 2019 était resté largement en deça de l'indice de tolérance de 130.

TARIFSUISSE SA, se fondant sur les indices RSS coûts directs et sur les indices ANOVA sans médicaments, a au contraire relevé que le coût moyen par malade était au-dessus de la norme tolérée de 130 pour 2014, 2015, 2017 et 2018 et à la limite supérieure du tolérable pour 2016.

9.3.1 Selon la jurisprudence, c'est l'indice des coûts totaux qui est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3 changement de jurisprudence) lors de l'examen de l'économicité. Un indice des coûts totaux inférieur à l’indice de tolérance de 120-130, tel que l’indique le défendeur, devrait permettre de considérer qu’il a respecté une pratique économique.

9.3.2 En l'occurrence, la conformité des positions utilisées par le défendeur dans ses factures avec les directives TARMED a été examinée au considérant supra 7.

9.3.3 Reste à savoir si l'indice des coûts totaux par patient du défendeur peut être pris en considération et avoir un impact sur la question de l'économicité.

Les deux types de contrôle sont distincts. On peut ainsi parfaitement concevoir, par exemple, qu’un fournisseur de prestations applique de façon non conforme les directives TARMED, tout en restant dans la norme statistique.

Force est d’observer que la demande déposée par les assureurs vise la condamnation du défendeur à la restitution d’un montant perçu en vertu d'une mauvaise application du système de facturation TARMED. L’objet du présent litige est ainsi la conformité de la facturation du défendeur à la structure tarifaire TARMED. Le tribunal de céans ne saurait aller au-delà. Or, selon le Tribunal fédéral en effet, le Tribunal arbitral va au-delà de l’objet du litige s’il examine la demande des assureurs sous l'angle du contrôle « statistique » selon la méthode de régression, alors que c’est le contrôle des factures qui est invoqué (K 124/2003). Rien n’empêche en revanche que le contrôle des factures comprenne des éléments de contrôle de l'économicité d’un traitement, ce qui englobe l’efficacité et l’adéquation.

On peut également rappeler que, dans le cadre d’une expertise analytique, il ne s’agit pas de faire référence aux médecins du groupe de comparaison, mais d’examiner les dossiers in concreto, afin de vérifier que le fournisseur de prestations incriminé n’a pas multiplié les prestations inutilement ou abusé dans la facturation de celles-ci. Les particularités peuvent tout au plus expliquer et permettre de comprendre pourquoi, globalement, le coût moyen par patient du fournisseur de prestations est supérieur au coût moyen de son groupe de comparaison, selon les statistiques. Le Tribunal arbitral ne saurait par conséquent entrer en matière sur l'examen de la question de savoir si oui ou non les éléments relevés dans la pratique du défendeur diffèrent de celle de ses confrères et constituent ainsi des particularités (ATAS/856/2015 du 13 novembre 2015).

Il y a enfin lieu de constater que les demanderesses ne se sont pas fondées, à juste titre, sur les indices des coûts totaux du défendeur pour lui réclamer quoi que ce soit en restitution.

9.3.4 Il s’avère en conséquence que les indices des coûts totaux du défendeur, bien qu’ils soient inférieurs à la valeur de tolérance, ne peuvent être pris en considération dans le cadre d’un litige portant sur la conformité de la facturation de celui-ci au système TARMED.

10.         Le défendeur a fait valoir que les prétentions des demanderesses étaient prescrites.

10.1 Dans son arrêt sur partie du 25 août 2021 (ATAS/863/2021), le tribunal de céans, après avoir rappelé que selon le Tribunal fédéral, le point de départ du délai de péremption d’un an devait être fixé selon le moment où les statistiques des factureurs de SANTÉSUISSE sont portées à la connaissance des assureurs‑maladie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012 du 12 avril 2013 consid. 4.2), quelle que soit la méthode – statistique ou analytique – sur laquelle se fonde la remise en cause du caractère économique des prestations dispensées (arrêts K 116/03 du 23 novembre 2004 consid. 4.4 et K 39/95 du 11 juillet 1996 consid. 5g), a retenu comme point de départ du délai de péremption d'un an la date à laquelle les statistiques avaient été portées à la connaissance des assureurs-maladie, soit au plus tôt le 15 juillet de l’année qui suit l’année statistique analysée, ce qui correspond à la date de la préparation des données figurant sur ces statistiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2 ; ATAS/1155/2022).

Le tribunal de céans a ainsi constaté que, la demande ayant été déposée le 9 août 2019, le délai légal d'une année, courant à compter du 15 juillet au plus tôt de l’année suivant l’année statistique visée, était dépassé, s'agissant des prétentions en remboursement relatives aux factures établies entre août 2014 et août 2018 (cf. ATAS/863/2021 du 25 août 2021 consid. 9 let.f.).

Il a en revanche reporté au présent arrêt sur le fond l'examen du délai de prescription plus long du droit pénal, dès lors que cet examen s'avérait prématuré au moment où l'arrêt sur partie a été rendu, aucun rapport médical relatif aux factures litigieuses n'ayant alors été produit.

10.2 Reste ainsi, à ce stade, à examiner si l'art. 25 al. 2 LPGA, stipulant que « si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant », est en l'espèce applicable.

10.2.1 Lorsqu'il statue sur la créance de l'institution d'assurance en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 118 V 193 consid. 4a p. 197 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.3 et les références). Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai plus long, celui-ci est déterminant (art. 25 al. 2, 2ème phr., LPGA).

En l’absence d’un jugement pénal, il appartient au juge administratif d’examiner à titre préjudiciel si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies. Ce faisant, ce sont les exigences en matière de preuve dans la procédure pénale qui sont applicables, de sorte que le degré de vraisemblance prépondérante applicable en assurances sociales ne suffit pas. L’autorité qui invoque le délai de prescription pénale doit en tous les cas produire des éléments démontrant le comportement punissable (ATF 138 V 74 consid. 6.1). Un acte punissable au sens de l’art. 25 al. 2, 2ème phr. LPGA, suppose la réunion des éléments tant objectifs que subjectifs de l’infraction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_213/2016 du 4 novembre 2016 consid. 5.2).

10.2.2 Ce sont principalement les infractions réprimées aux art. 146, 148a et 251 CP qui entrent en considération dans le cas d’espèce au titre d'infractions pouvant impliquer l'application d'un délai de péremption plus long.

Aux termes de l’art. 146 CP,

« Quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers, est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire ».

L’art. 148a CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, sanctionne celui qui, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale. L'art. 148a CP trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. L'infraction englobe toute tromperie. Elle peut être commise par le biais de déclarations fausses ou incomplètes ou en passant sous silence certains faits.

Sous l'angle subjectif, l'art. 148a CP décrit une infraction intentionnelle et suppose, s'agissant de la variante consistant à « passer des faits sous silence », que l'auteur ait conscience de l'existence et de l'ampleur de son devoir d'annoncer, ainsi que la volonté de tromper. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3 et les références).

L'art. 251 CP dispose que :

« Celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire ».

L’art. 92 al. 1 let. b LAMal enfin vise « celui qui obtient pour lui-même ou pour autrui, sur la base de la présente loi, une prestation qui ne lui revient pas, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière ».

10.2.3 Selon la jurisprudence, la feuille de maladie constitue un titre propre à établir l'exactitude des indications que le médecin y a inscrites. La seule production des factures, lesquelles constituent des faux intellectuels, dans le but avéré de procurer un avantage illicite au médecin, suffit à fonder sa condamnation pour faux dans les titres au sens de l’art. 251 CP.

Il y a faux dans les titres lorsqu'un médecin établit une feuille de maladie ou une facture mensongère et fait valoir pour lui ou son patient des prestations auprès d'une caisse-maladie, dès lors que ces documents émanent d'un professionnel qui bénéficie d'une position privilégiée et jouit de ce fait d'une confiance particulière (ATF 117 IV 165 consid. 4 ; 103 IV 178 consid. 2c ; 6B.491/1999 consid. 7 ; 6B.22/2007 consid. 9.2 ; 6B 589/2009 consid. 2.1.1).

Le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 14 septembre 2009 (6B 589/2009), a traité le cas d’un fournisseur de prestations qui avait facturé aux caisses-maladie, des assistances opératoires, alors que celles-ci n'avaient pas été effectuées et n'avaient, partant, pas à être comptabilisées. Ce faisant, il avait induit les assureurs en erreur par des affirmations fallacieuses. Le Tribunal fédéral a considéré que la question de savoir si ces protocoles opératoires – qui n'étaient pas transmis aux assureurs avec les factures d'honoraires et restaient dans les dossiers des patients – constituaient réellement des titres au sens de l'art. 251 CP pouvait rester ouverte, dès lors que la seule production des factures, lesquelles constituent des faux intellectuels dans le but avéré de procurer un avantage illicite au centre médical, suffit à fonder la condamnation du médecin pour faux dans les titres au sens de l’art. 251 CP.

Dans un arrêt plus récent rendu le 17 octobre 2017 (6B_50/2017), le Tribunal fédéral a rappelé que commet une escroquerie (146 CP) et un faux dans les titres (251 CP), le médecin qui utilise faussement le code TARMED dans ses factures afin d'en justifier le remboursement par l'assurance obligatoire des soins, cette tromperie devant être qualifiée d'astucieuse, puisqu'il agit en sa qualité de médecin.

10.2.4  

10.2.4.1.En l'espèce, les demanderesses considèrent qu'elles ont respecté le délai de prescription plus long du droit pénal, par le dépôt de leur demande du 9 août 2019. Elles citent plus particulièrement un arrêt rendu par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois le 31 août 2020 condamnant un médecin notamment pour faux dans les titres en raison d’une facturation indue aux assurances maladie.

10.2.4.2.Le défendeur, quant à lui, soutient au contraire que son comportement n'est en aucun cas constitutif d’une infraction pénale réprimée à l’art. 92 LAMal.

Il considère que la référence de TARIFSUISSE SA à l’arrêt vaudois du 31 août 2020 n’est pas pertinente, dans la mesure où cet arrêt concerne un médecin qui avait facturé des prestations sans les exécuter réellement, ce qui n’est précisément pas son cas, puisqu'il a effectué toutes les prestations facturées.

10.2.5  

10.2.5.1.Dans son rapport du 20 août 2024, l’expert a relevé une utilisation systématiquement erronée du TARMED, non économique, et menant à une surfacturation notable (cf. consid. supra 7). Il a en substance considéré, sur la base de trois constatations, que le défendeur avait appliqué le système de facturation TARMED de façon non conforme, (cf. question 7 expertise), à savoir :

- un temps de consultation excessif

- une facturation exagérée et

- l’absence de documentation adéquate pour justifier les interventions facturées.

Il a conclu à une pratique non économique constitutive d'une polypragmasie (cf. question 3).

Selon le Dr D______, confirmant du reste les constatations du Dr B______ , de nombreux actes n'étaient pas documentés, de sorte qu’il ne peut précisément pas être admis, contrairement à ce que le défendeur allègue quant à l’arrêt vaudois cité par TARIFSUISSE SA, qu'ils ont été véritablement effectués.

L’expert a relevé que plusieurs positions tarifaires avaient été utilisées de façon non conforme au système TARMED (cf. consid. supra 7).

S’agissant de la facturation des consultations selon un schéma tarifaire quasi forfaitaire sans utilisation des positions tarifaires adéquates, il s’est certes montré nuancé, indiquant qu’il lui « semblait » que tel était le cas jusqu’en 2018, il a toutefois ajouté qu’ensuite, il avait observé des facturations sur deux jours différents pour des prestations clairement documentées comme ayant eu lieu le même jour dans les dossiers, ce qui n’est pas autorisé, et a finalement déclaré que « ce qui frappe, c’est le caractère systématique des facturations et les montants presque identiques pour chaque consultation, ce qui n’est pas conforme à une facturation basée sur les prestations réellement fournies ». (cf. consid. supra 7).

Au vu de ce qui précède, on doit conclure que les éléments objectifs des art. 148a et 251 CP sont remplis. L’application de l’art. 146 CP dans le cas d’espèce peut être laissée ouverte.

10.2.5.2.Sur le plan subjectif, il convient d'examiner si le défendeur a agi intentionnellement, c'est-à-dire avec conscience et volonté, étant précisé que le dol éventuel, lequel suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable et s'en accommode, voire l'accepte comme tel, suffit (ATF 138 V 74 consid. 8.2 p. 83 et les références citées).

Il importe de rappeler à cet égard qu’il a été considéré que le défendeur ne pouvait se prévaloir du principe de la bonne foi pour nier le droit des demanderesses de lui réclamer la restitution des montants qui lui ont été versés (cf. consid. supra 8).

L’expert a indiqué qu’il doutait que le défendeur ait pu croire, de bonne foi, qu'il respectait les exigences TARMED, précisant que « la facturation excessive et systématique sur une longue période suggère une connaissance de cette non‑conformité » (cf. question 4).

Il résulte également de la partie en fait qui précède que TARIFSUISSE SA a attiré l’attention du défendeur, à plusieurs reprises, sur le fait qu’il n’utilisait pas les positions tarifaires adéquates. Il ne pouvait ainsi ignorer qu’il appliquait de façon non conforme les règles du TARMED. Il n’a du reste pas répondu à ces demandes d’éclaircissements.

Il sied, par conséquent, d'admettre que l'élément subjectif de l'infraction est réalisé.

10.2.5.3.Il ressort des constatations et conclusions de l’expert qu’une grande partie des factures du défendeur constituait sans aucun doute des faux intellectuels produits dans le but avéré de se procurer un avantage illicite, justifiant une condamnation pour faux dans les titres au sens de l’art. 251 CP, selon la jurisprudence susmentionnée. Il y a lieu de retenir, au terme de cet examen préjudiciel, que le défendeur, par son utilisation du système tarifaire TARMED, a réalisé les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’art. 251 CP, ainsi que l'infraction pénale réprimée à l'art. 148a CP depuis le 1er octobre 2016, à tout le moins par dol éventuel.

10.2.6 TARIFSUISSE SA était en conséquence fondée à se prévaloir du délai de prescription plus long du droit pénal. En l'occurrence, et conformément à l'art. 97 al. 1 let. d CP, le délai de prescription de l'action pénale, au vu des peines encourues en cas d'infractions à l’art. 251 CP, ainsi qu’à l'art. 148a CP depuis le 1er octobre 2016, est de sept ans (cf. arrêt du Tribunal fédéral K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 6.6).

10.2.7  

10.2.7.1.En renvoyant, à l'art. 25 al. 2, 2ème phr., LPGA, au délai de prescription plus long prévu par le droit pénal, le législateur avait pour but d'éviter la péremption d'une créance en restitution de prestations indûment versées, en raison d'un acte punissable, aussi longtemps que l'auteur de l'infraction reste exposé à une poursuite pénale, généralement plus lourde de conséquences. Il est conforme à cet objectif que le point de départ du délai au sens de l'art. 25 al. 2, 2ème phr., LPGA, se détermine selon les critères établis à l'art. 98 CP (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2 p. 79 ; 126 III 382 consid. 4a/bb p. 383 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.4.3). Ainsi, le délai commence à courir dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a) ; dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ; dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c). En cas de délit d'omission, le début de la prescription coïncide avec le moment où l'auteur aurait dû agir (voir FRANZ WERRO, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2ème éd. 2012, n. 35 ad art. 60 CO ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_213/2016 du 4 novembre 2016).

10.2.7.2.En l’espèce, le délai de 7 ans n'était à l'évidence pas échu au moment où TARIFSUISSE SA a déposé le 9 août 2019 sa demande en restitution relative aux factures établies par le défendeur entre août 2014 et juin 2019, que l’on applique l’art. 98 let. a CP (le délai court à partir d’août 2014) ou l’art. 98 let. b CP (le délai court à partir d’août 2019).

Il est inutile dans ces conditions d’examiner l’allégation des demanderesses selon lesquelles le défendeur semblant continuer à facturer ses prestations « en bloc », par analogie aux cas de délit continu du droit pénal, le délai de prescription/péremption ne peut commencer à courir qu'à partir de la commission de la dernière infraction (Christian FAVRE/Marc PELLET/Patrick STUDMANN code pénal annoté art. 98 N. 1.10).

10.3 Force est en conclusion de constater que la demande en restitution des montants remboursés à tort au défendeur d’août 2014 à juin 2019, déposée par TARIFSUISSE SA le 9 août 2019, l’a été en temps utile.

11.         Il résulte de ce qui précède, et plus particulièrement du considérant supra 7, que le défendeur n’a pas appliqué de façon conforme le système de facturation TARMED, de sorte qu’il y a lieu d'admettre la demande de TARIFSUISSE SA tendant à la restitution des montants qui ont été remboursés à tort.

Reste à déterminer si les calculs auxquels l’expert a procédé pour évaluer le montant à restituer peuvent être retenus.

11.1 Il sied préalablement de rappeler que le degré de preuve dans les actions selon la LAMal, en particulier celle pour la polypragmasie, est celui de la vraisemblance prépondérante. Ce standard est plus élevé que la simple vraisemblance, mais nettement moins élevé que la preuve exigée en matière civile et a fortiori pénale (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n. 40-2008, p. 33).

11.2 TARIFSUISSE SA a, dans sa demande du 9 août 2019, réclamé au défendeur le paiement d'une somme à préciser après l'administration des preuves, mais au moins de CHF 664'633.-, somme qu'elle a finalement fixée, dans ses écritures du 22 février 2022, à CHF 921'837.-, au vu des pièces produites et du rapport du Dr B______ du 11 janvier 2022 et sur la base d’un tableau établi pour chacune des trois périodes concernées. Le premier de ces tableaux permet de constater un total de CHF 366.94 par facture et par année, de 2014 (dès le 1er août) à 2017, le second, de CHF 207.31, pour 2018 et le troisième, de CHF 243.42, pour 2019 (jusqu’au 30 juin).

11.3 Le Dr D______ a expliqué, dans son rapport d'expertise, la méthodologie globale qu’il avait utilisée pour calculer le montant à restituer, s'agissant des 3’046 dossiers critiqués par les demanderesses (cf. expertise p. 9 question 5). Il s'y réfère à nouveau dans le complément d'expertise, tout en tenant compte au surplus des factures complémentaires transmises par TARIFSUISSE le 2 décembre 2024. Constatant que son évaluation de la restitution financière théorique s'avère alors différente de la précédente, « notamment en raison d'éléments laissant présumer l'existence de doubles facturations systématiques pour l'année 2018 », il a modifié son calcul du montant à restituer. Finalement, ce montant, selon l’expert, est de CHF 276.81 par facture et par année de 2014 à 2017, de CHF 129.89 pour 2018, et de CHF 121.13 pour 2019. Les CHF 593'918.-, initialement prévus dans l'expertise, ont ainsi été augmentés à CHF 643'955.82 dans le complément d'expertise, (cf. tableaux récapitulatifs in expertise p. 11 et complément d'expertise p. 4).

11.4 Dans sa réponse du 18 septembre 2020, le défendeur a fait valoir qu’il n’était redevable d’aucun montant en faveur des demanderesses. Après avoir pris connaissance de l'expertise du Dr D______, le défendeur a, dans ses écritures du 2 décembre 2024, contesté les calculs en résultant, considérant qu'ils reposent sur « une interprétation biaisée et insuffisamment contextualisées » et qu’ils ne tiennent pas compte « des spécificités culturelles et organisationnelles de la pratique médicale genevoise ».

Le défendeur ne précise toutefois pas pourquoi les calculs de l’expert seraient erronés. Il n’explique pas non plus comment des particularités genevoises pourraient avoir une influence sur ces calculs. On peut quoi qu’il en soit rappeler que selon l'expert, rien ne permet de conclure à une différence significative à Genève par rapport aux standards en vigueur en Suisse (cf. consid. supra 7. 3). À noter au surplus que le défendeur ne s’est pas déterminé après avoir eu connaissance du complément d’expertise

11.5 Dans leurs écritures du 2 décembre 2024, les demanderesses font état d’erreurs de calcul commises par l’expert et d’omissions. Des tableaux comparatifs entre l’expert et son médecin-conseil qu’elles ont dressés pour chaque période concernée, il résulte les montants suivants :

Années

Expert

Dr B______

2014-2017

CHF 311.93

CHF 366.94

2018

CHF 139.37

CHF 222.76

2019

CHF 121.13

CHF 274.31

Il est intéressant de rappeler que selon l’expert, et ce quand bien même il qualifiait le rapport du Dr B______ de détaillé et de bien structuré, certaines nuances pouvaient y être apportées, notamment en ce qui concernait les recommandations de tarification. On peut précisément se demander si ces nuances étaient de nature à venir expliquer les différences entre les montants réclamés par TARIFSUISSE SA et ceux avancés par l’expert.

Il est vrai par ailleurs que les explications données par les demanderesses pourraient paraître fondées, à quelques exceptions près, ce qui justifierait le cas échéant que l’on corrige les résultats obtenus par l’expert. Il s’avère toutefois inutile de se déterminer à cet égard, dès lors que l’expert les a de lui-même modifiés dans son complément d’expertise, d’une part, et que les demanderesses ne se sont finalement pas opposées aux nouveaux chiffres retenus, d’autre part, et ce, quand bien même ceux-ci restaient inférieurs aux leurs. Elles ont en effet pris acte du montant « de l’ordre de » CHF 645'000.-.

11.6 Les chiffres donnés par l’expert pour évaluer le surcoût sont clairs, convaincants, et résultent de commentaires motivés de manière convaincante.

Il a pris soin de souligner, tant dans son rapport d’expertise que dans son complément d'expertise, qu'il s'agissait-là d'estimations. Il emploie les verbes au conditionnel pour le confirmer. Il démontre ce faisant combien il est soucieux de tenir compte de tous les éléments. Le fait de se montrer aussi modéré est du reste à mettre en lien avec l’absence de documentation relevée à plusieurs reprises. Aussi, par exemple, l’expert a-t-il confirmé l’observation du Dr B______ selon laquelle la documentation est souvent absente ou incomplète, ajoutant toutefois qu’il était possible qu’une partie des prestations ait été effectivement réalisée. À noter enfin que le tribunal de céans, dans son ordonnance d’expertise, lui avait confié le mandat d’« d'évaluer le montant à restituer par le défendeur aux demanderesses, ce par extrapolation ». Il a ainsi respecté les instructions qui lui ont été données.

Les chiffres retenus par l’expert tiennent ainsi compte des précautions qu’il a prises. On peut quoi qu’il en soit constater que l’estimation à laquelle a procédé l’expert n’apparaît au demeurant pas arbitraire en l’état du dossier.

11.7 Le tribunal de céans retient en conséquence, au degré de la vraisemblance prépondérante requis par la jurisprudence, et en l'absence d'éléments pertinents propres à remettre en doute les chiffres énoncés par l’expert dans son complément d’expertise, les montants à restituer de CHF 475'283.- pour la période de 2014 à 2017, de CHF 114'043.-pour 2018, et de CHF 54'630.- pour 2019, soit au total CHF 643'956.- (montants arrondis).

Le défendeur doit en conséquence aux demanderesses, représentées par TARIFSUISSE SA, et prises conjointement et solidairement, le montant de CHF 643'956.-.

12.         Il y a lieu de considérer que la demande est en l’espèce admise, ce même si le montant à restituer retenu est celui articulé par l’expert de CHF 643'955.82, et non celui figurant dans la demande du 9 août 2019, puis rectifié par les conclusions du 22 février 2022. TARIFSUISSE SA ne s’est en effet pas opposée, dans sa détermination du 19 mai 2025, au montant auquel a conclu l’expert.

13.         La procédure devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), dans sa version en vigueur à compter du 11 mai 2024, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers, ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 50'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMal).

Eu égard au sort du litige, les frais du Tribunal, y compris les frais d’expertise, par CHF XXX, ainsi que l'émolument fixé à CHF 2'000.-, sont mis à la charge du défendeur.

14.         Me SURCHAT, au nom et pour le compte des demanderesses, a réclamé l'octroi de dépens, dont elle a établi le montant sur la base de time sheets qu'elle produit.

L'art. 87 al. 2 LPA prévoit en effet que la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant obtenu entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours. L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) prescrit que la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10 000.-. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice de Genève, seuls les plaideurs privés ou les entités publiques trop modestes pour se défendre par eux-mêmes (par ex. les communes en-dessous de 10'000 habitants) ont droit à une indemnité. Les collectivités publiques qui possèdent un service juridique et sont susceptibles d'être couramment confrontées à des problèmes, sont considérées comme étant capables de traiter elles-mêmes les procédures (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, ch. 1041, p. 272 s. et les références citées). Or, comme le Tribunal fédéral l'a confirmé encore récemment, les assurances qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins sont qualifiées d’organisations chargées de tâches de droit public. À ce titre, les demanderesses ne peuvent prétendre à une participation à leurs honoraires d'avocat (ATF 149 II 381 consid. 7.3 p. 382 ss).

15.         Enfin, TARIFSUISSE SA a demandé au tribunal de céans qu’il avertisse formellement le défendeur qu'en cas de nouveau manquement à son obligation de collaborer avec les assureurs et de respecter les exigences TARMED relatives à la facturation de ses prestations, il sera définitivement exclu de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

15.1 Aux termes de l’art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de qualité des prestations prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat font l’objet de sanctions. Celles-ci sont :

a. l’avertissement ;

b. la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée ;

c. l’amende ;

d. en cas de récidive, l’exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

Le Tribunal arbitral prononce la sanction appropriée sur proposition d’un assureur ou d’une fédération d’assureurs (cf. art. 59 al. 2 LAMal ; voir aussi Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 258). Il sied en effet de rappeler que les assureurs-maladie sont tenus, de par la loi, à veiller eux-mêmes à ce que les prestations allouées soient efficaces, appropriées et économiques (cf. François-X. DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement dans l'assurance‑maladie sociale, en particulier en ce qui concerne le médecin, in : Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances, Berne 1992, p. 537). S'agissant de la mesure de la sanction, il convient d'appliquer le principe de proportionnalité (ATF 120 V 481 consid. 4 ; 106 V 43 consid. 5c).

L’art. 59 al. 3 LAMal précise que constituent notamment des manquements aux exigences légales ou contractuelles visées à l’al. 1 :

a. le non-respect du caractère économique des prestations au sens de l’art. 56 al. 1 ;

b. l’inexécution ou la mauvaise exécution du devoir d’information au sens de l’art. 57 al. 6 ;

c. l’obstruction aux mesures de garantie de la qualité prévue à l’art. 58 ;

d. le non-respect de la protection tarifaire visé à l’art. 44 ;

e. la non-répercussion d’avantages au sens de l’art. 56 al. 3 ;

f. la manipulation frauduleuse de décomptes ou la production d’attestations contraires à la vérité.

Selon l'art. 59 al. 1 let. d et al. 3 let. a LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique des prestations au sens de l'art. 56 al. 1 LAMal s'exposent ainsi, en cas de récidive, à l'exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins. L'exclusion, temporaire ou définitive, de pratiquer à la charge de la LAMal consacre la rupture du lien de confiance qui doit exister entre les caisses-maladie et les médecins pratiquant à leur charge (ATF 120 V 481 consid. 2b). Le but en est notamment d'amener son destinataire à modifier son comportement pour qu'il se conforme à l'avenir aux exigences légales de sa profession ; il ne vise pas, au premier plan, à punir le médecin concerné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_774/2020 du 31 janvier 2022 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2016 du 20 avril 2017 consid. 3.4).

15.2 En l’espèce, TARIFSUISSE SA, craignant que le défendeur continue à facturer de manière non conforme au système de tarification TARMED, a sollicité du tribunal de céans qu’il lui adresse formellement un avertissement au sens de l’art. 59 al. 1 let. a LAMal.

On peut comprendre l’importance pour les assureurs que le défendeur soit rendu attentif au lien de confiance indispensable qui doit exister entre eux.

Avertir le défendeur qu'en cas de nouveau manquement à son obligation de collaborer avec les assureurs ou aux exigences relatives à la facturation, il pourrait être exclu de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour une période à définir est en effet de nature à créer chez le médecin une prise de conscience utile si l’on craint qu’il demeure hermétique à toute forme de remise en question.

Un avertissement pourrait en l’occurrence paraître redondant, dès lors que le tribunal de céans a admis la demande en restitution du 9 août 2019 et condamne le défendeur à verser aux demanderesses la somme de CHF 643'956.-. Il s’agit toutefois d’attirer l’attention du défendeur sur le risque d’une exclusion de toute activité à la charge de l’assurance obligatoire des soins s’il ne procédait pas à un changement sensible de sa pratique. Un avertissement lui est donc adressé, selon lequel il pourrait être exclu de toute activité à charge de l’assurance obligatoire des soins, ce quand bien même le prononcé d’un avertissement ne constitue pas une mesure obligatoire avant l’exclusion elle-même. Le médecin doit être conscient qu’il risque l’exclusion s’il est à nouveau établi que sa pratique a été polypragmasique. Il ne saurait en revanche être question de prévoir d’ores et déjà une exclusion définitive. La durée de l’exclusion sera si nécessaire examinée en temps voulu et dans le respect du principe de la proportionnalité.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :

Statuant

À la forme 

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Condamne le défendeur à verser à TARIFSUISSE SA, à charge pour elle de le répartir en faveur des demanderesses, le montant de CHF 643'956.-.

4.        Le condamne au paiement des frais du Tribunal arbitral, dont les frais d’expertise de CHF 12'250.- et de CHF 3'750.-, soit au total CHF 39'630.-, et à un émolument de CHF 2'000.-.

5.        Adresse au défendeur un avertissement au sens de l’art. 59 al. 1 let. a LAMal.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le