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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3117/2025

ATAS/885/2025 du 17.11.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3117/2025 ATAS/885/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 novembre 2025

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 13 juin 2018, A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1966, a déposé une demande de prestations d’invalidité, en mentionnant une dépression et une incapacité de travail totale depuis le 5 octobre 2017.

b. À la demande de l’office de l’assurance invalidité (ci-après : OAI), les médecins traitants de l’assuré ont donné des renseignements médicaux (rapports de la docteure B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, des 3 juillet et 30 novembre 2018, et du docteur C______, spécialiste en médecine interne, du 18 juillet 2018).

c. Par décision du 22 janvier 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

B. a. Le 26 août 2024, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, en mentionnant un trouble dépressif récurrent depuis 2017.

b. La Dre B______ a rendu un rapport médical le 19 septembre 2024, attestant d’une péjoration de l’état de santé début 2023.

c. Le 27 novembre 2024, le service médical régional (ci-après : SMR) a estimé qu’une aggravation de l’état de santé était rendue plausible.

d. Le 14 mars 2025, la Dre B______ a rendu un rapport médical, attestant d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère et d’un trouble du déficit de l’attention et hyperactivité, d’une absence d’évolution significative et une capacité de travail nulle.

e. Le 3 avril 2025, le SMR a estimé qu’il ne pouvait suivre l’avis de la psychiatre traitante et qu’une expertise psychiatrique avec un bilan neuropsychologique était nécessaire.

f. Par communication du 22 avril 2025, l’OAI a envisagé de mandater le docteur D______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, pour une expertise psychiatrique.

g. Le 30 avril 2025, le médecin du travail de l’office du personnel de l’État a estimé qu’il n’existait aucune perspective de reprise d’une activité au sein de l’administration cantonale à court ou moyen terme.

h. Le 1er mai 2025, l’assuré a récusé le Dr D______, en relevant qu’une expertise psychiatrique n’était pas nécessaire, les médecins l’ayant reconnu incapable de travailler. Il a proposé la docteure E______ ou un psychiatre de son équipe.

i. Par communication du 22 mai 2025, l’OAI a accepté de renoncer au Dr D______ et a requis de l’assuré de fournir deux autres noms d’experts, autre que celui de la Dre E______.

j. Le 2 juin 2025, l’assuré a notamment proposé la docteure F______, spécialiste en psychiatre et psychothérapie.

k. Le 10 juin 2025, l’OAI a informé l’assuré qu’il retenait le nom de la Dre F______.

l. Le 1er juillet 2025, la Dre F______ a refusé le mandat en raison d’un accident.

m. Par communication du 22 juillet 2025, l’OAI a envisagé de mandater le Professeur G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

n. Le 4 août 2025, l’assuré a récusé le Prof. G______ et relevé que les médecins lui reconnaissaient une incapacité de travail totale. Il a proposé d’autres noms d’experts.

o. Par décision incidente du 11 août 2025, l’OAI a confié une expertise psychiatrique au Prof. G______.

C. a. Le 12 septembre 2025, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation, subsidiairement à la désignation de la Dre F______ en qualité d’experte, voire tout autre expert ne figurant pas sur la liste des experts mandatés par l’intimé. Il a relevé que l’intimé n’avait pas motivé la nécessité d’une expertise, qui était superflue, et que la Dre F______ était disposée à effectuer l’expertise.

b. Le 9 octobre 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise psychiatrique était nécessaire, selon l’avis du SMR du 3 avril 2025, et que le Prof. G______ était en mesure de remplir la mission d’expertise de manière neutre et objective.

c. À la demande de la chambre de céans, la Dre F______ a indiqué le 10 octobre 2025 qu’elle acceptait de réaliser une expertise psychiatrique du recourant.

d. Le 23 octobre 2025, l’intimé a accepté de confier l’expertise psychiatrique à la Dre F______.

e. Le 31 octobre 2025, le recourant a contesté le principe d’une expertise psychiatrique et, subsidiairement, a notamment conclu à la nomination de la Dre F______.

f. Le 5 novembre 2025, le recourant a indiqué que si l’expertise était jugée nécessaire, il acceptait qu’elle soit confiée à la Dre F______.

 

 

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur la décision de l’intimé de confier une expertise psychiatrique du recourant au Prof. G______, étant relevé que le 23 octobre 2025 l’intimé a accepté que le mandat soit confié à la Dre F______ au lieu du Prof. G______, comme requis subsidiairement par le recourant. Reste ainsi litigieuse le principe même d’une expertise psychiatrique.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2). Quant à l’incapacité de travail, elle est définie par l’art. 6 LPGA comme toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.

L’assuré a droit à une rente si sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, s’il a présenté une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et si, au terme de cette année, il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

3.2 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).

3.3 Selon l’art. 44 al. 1 à 4 LPGA, si l’assureur juge une expertise nécessaire dans le cadre de mesures d’instruction médicale, il en fixe le type selon les exigences requises ; trois types sont possibles : a. expertise monodisciplinaire, b. expertise bidisciplinaire et c. expertise pluridisciplinaire (al. 1).

Si l’assureur doit recourir aux services d’un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d’une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l’art. 36 al. 1 et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours (al. 2)

Lorsqu’il communique le nom des experts, l’assureur soumet aussi aux parties les questions qu’il entend poser aux experts et leur signale qu’elles ont la possibilité de remettre par écrit des questions supplémentaires dans le même délai. L’assureur décide en dernier ressort des questions qui sont posées aux experts. (al. 3).

Si, malgré la demande de récusation, l’assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente (al. 4).

4.             En l’occurrence, l’intimé a estimé qu’une expertise psychiatrique était nécessaire et s’est finalement déclaré d’accord avec la désignation de la Dre F______, experte proposée par le recourant, étant précisé que la Dre F______ a accepté de réaliser l’expertise.

La question de la personne de l’expert n’est ainsi plus litigieuse.

Reste litigieux le principe même d’une expertise psychiatrique, le recourant concluant, principalement, à l’annulation de la décision attaquée, en relevant que les médecins consultés estiment unanimement qu’il n’est pas capable de travailler et que le stress d’une expertise est susceptible de péjorer son état de santé.

Cependant, au vu de la jurisprudence précitée concernant l’évaluation des troubles psychiques, notamment l’exigence d’une évaluation du trouble psychique par l’analyse d’indicateurs, ainsi que l’avis du SMR du 3 avril 2025 qui relève notamment l’absence de précision de la Dre B______ quant à la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, on ne saurait reprocher à l’intimé d’instruire l’aspect médical par la réalisation d’une expertise psychiatrique du recourant.

5.             Au demeurant, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse réformée dans le sens que l’expertise psychiatrique est confiée à la Dre F______.

Le recourant, bien qu'ayant obtenu partiellement gain de cause, a agi en personne, de sorte qu'il ne se justifie pas de lui octroyer des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/595/2022 du 9 juin 2022 consid. 9).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 11 août 2025, dans le sens que l’expertise psychiatrique est confiée à la Dre F______.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le