Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/795/2025 du 20.10.2025 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/1900/2025 ATAS/795/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 20 octobre 2025 Chambre 6 | ||
En la cause
| A______
| recourant |
contre
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HELSANA ACCIDENTS SA
|
intimée |
A. A______(ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1964, ingénieur, a travaillé en tant que directeur commercial pour une entreprise d’informatique dès le 1er mars 2015. A ce titre, il était assuré contre les accidents et les maladies professionnelles auprès de HELSANA ASSURANCES SA (ci-après : HELSANA ou l’intimée).
B. a. Le 8 mai 2024, l’assuré a subi un accident. Alors qu’il était à l’arrêt dans sa voiture, il a été heurté à grande vitesse par un autre véhicule. Il a été conduit au service des urgences de la clinique des Grangettes. Le médecin a noté une perte de connaissance de quelques secondes, sans amnésie circonstancielle. L’assuré présentait des céphalées modérées, mais il n’y avait pas de nausées ni de vomissements. Les diagnostics retenus étaient une contusion cervicale simple post‑traumatique, et un traumatisme crânio-cérébral léger avec commotion cérébrale. Un scanner réalisé le même jour n’a pas mis en évidence de lésion post‑traumatique du rachis cervical, mais des remaniements dégénératifs étagés du rachis cervical, plus marqués en C5-C6. Un nouveau scanner cérébral du 14 mai 2024 n’a pas non plus mis en évidence de légion post-traumatique, et en particulier pas d’hémorragie.
b. Selon la fiche documentaire pour première consultation après un traumatisme crânio-cérébral remplie le 8 juillet 2024 par la docteure B______, spécialiste en médecine interne et médecin à la clinique des Grangettes, l’assuré avait immédiatement signalé des céphalées et des troubles de la nuque après l’accident. Il ne se plaignait pas de vertiges, ni de nausées, de vomissements, de troubles de l’audition, de la vue ou du sommeil. Le diagnostic selon la Québec Task Force relevait de douleurs de la nuque sans signes somatiques, avec une mobilité normale.
c. Dans un questionnaire rempli le 24 juin 2024, l’assuré a décrit le déroulement de l’accident. Il a indiqué que ses symptômes consécutifs à l’accident étaient une perte de connaissance, un état de choc, une fatigue, un étourdissement, des maux de tête et de la nuque, puis environ trois jours après l’accident une détérioration progressive de la mémoire, des difficultés à parler, des difficultés de concentration, des déséquilibres avec une douleur à la tête et une sensation de fourmillements sur le crâne avec de fortes démangeaisons. Il prenait des antalgiques.
d. Dans un rapport du 26 juin 2024, la docteure C______, spécialiste en neurologie, a relevé que l’assuré n’était pas certain d’avoir perdu connaissance quelques secondes, mais il se souvenait que sa tête avait heurté l’appuie-tête lors de l’accident. Il était sorti de sa voiture sonné. Il aurait apparemment eu sur place des problèmes d’élocution, ce qui avait motivé son transfert en ambulance au service des urgences de la clinique des Grangettes. Il avait eu d’importantes céphalées, des nausées sans vomissement, pas de dysesthésie ou de faiblesse au niveau des voies longues, et le bilan était sans particularité. Une douleur à la palpation de la vertèbre C4 avait motivé un scanner, qui s’était révélé sans anomalie. Après le retour à domicile de l’assuré, d’importantes céphalées persistaient ainsi que des paresthésies dans la partie postérieure du crâne, irradiant en antérieur. Il avait pris des antalgiques. Une IRM cérébrale avait été réalisée et était normale. Il n’y avait pas de lésion axonale diffuse visible. L’assuré se plaignait de difficultés de concentration, d’oublier les choses récentes, de manque du mot, de paresthésies et de céphalées. À l’issue du status, la neurologue a retenu un traumatisme crânien cérébral léger sans lésions visibles à l’imagerie. Les plaintes actuelles étaient compatibles avec un syndrome post commotionnel et devraient en principe s’amender dans les deux à trois mois. L’assuré signalait des difficultés professionnelles dans ses tâches habituelles. Elle proposait une diminution transitoire d’activité pour lui permettre une meilleure récupération et lui avait conseillé de se reposer. Concernant les céphalées et les dysesthésies, il existait une contracture cervicale et un probable whiplash ayant justifié un traitement par physiothérapie. En absence d’amélioration, l’ostéopathie permettrait peut-être d’améliorer les symptômes. La Dre C______ avait rassuré l’assuré, en lui indiquant qu’il s’agissait de l'évolution habituelle d'un traumatisme crânio-cérébral. En cas de persistance ou d’aggravation des plaintes, une prise en charge spécialisée, par exemple dans le service de neuro-rééducation ambulatoire de Beauséjour, pourrait se discuter.
e. Dans un rapport du 4 juillet 2024, le médecin du service des urgences de la clinique des Grangettes a attesté une incapacité de travail totale jusqu’au 13 mai 2024.
L’incapacité de travail de l’assuré s’est ensuite poursuivie jusqu’au 30 juin 2024, avant de diminuer progressivement.
f. Le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de HELSANA, s’est prononcé dans un premier avis établi en juin 2024. Il a retenu le diagnostic d’entorse cervicale de stade II et admis que l’incapacité de travail attestée était due à l’accident. On pouvait escompter une reprise partielle ou totale du travail dès le 1er juillet 2024.
Dans un deuxième avis répondant à une demande du 8 juillet 2024 de HELSANA, le Dr D______ a retenu que le processus de guérison était un peu long, mais acceptable. Une durée de traitement de trois à quatre mois était encore indiquée. Il espérait une reprise de travail plus importante à mi-juillet, et totale en août.
g. Le 9 juillet 2024, HELSANA a indiqué à l’assuré qu’elle mettait en œuvre une expertise en neurologie, confiée au docteur E______, spécialiste en neurologie, et lui a soumis le questionnaire auquel ce médecin serait chargé de répondre.
h. Le 22 juillet 2024, HELSANA a noté que l’assuré avait été en incapacité totale de travail du 8 mai au 30 juin 2024 et à 80 % du 1er juillet au 14 juillet 2024. Elle a invité le Dr D______ à se prononcer. Celui-ci a répété que le processus de guérison était acceptable pour l’instant, les traitements restant indiqués pendant trois mois après l’évènement. La capacité de travail était acceptable en cas de reprise totale du travail en août.
i. Le Dr E______ a établi son rapport d’expertise le 20 août 2024. Il avait ausculté l’assuré le 16 août précédent. Celui-ci pensait avoir perdu connaissance quelques secondes. Il avait d’emblée développé d'importantes céphalées et des douleurs cervicales. Il décrivait également, dès le lendemain, quelques difficultés d'élocution, une tendance à bégayer, des troubles mnésiques, une sensation de déséquilibre et des difficultés de concentration. Un scanner et une IRM s’étaient révélés normaux. L’assuré avait surtout été traité par des antidouleurs. Il avait fait quatre séances de physiothérapie, puis il avait interrompu ce traitement. L’évolution était favorable avec une nette diminution des céphalées, qui persistaient à l'heure actuelle, mais de façon beaucoup plus modérée. Il était encore gêné par des difficultés de concentration. L’assuré avait pu reprendre le travail progressivement. Actuellement, il travaillait à 40% et envisageait d’augmenter son taux à 60% dès le 19 août 2024. Il pensait qu’il serait en mesure de reprendre son activité professionnelle à 100% en augmentant progressivement son taux d’activité, comme il en avait discuté avec son médecin traitant. Les céphalées étaient intermittentes, en fonction du stress et de la fatigue, et s’étaient très nettement améliorées. Elles étaient cotées actuellement à maximum 5/10 sur l'échelle subjective. L'assuré mentionnait encore quelques difficultés de concentration, et oubliait parfois un aliment lorsqu'il cuisinait. Il signalait une fatigue. Il n’avait pas d’autre plainte neurologique, en particulier pas de trouble visuel ou de vertige. Il n’avait aucune plainte psychique. Le Dr E______ a conclu à un status après accident le 8 mai 2024, avec probable traumatisme crânio-cérébral mineur et traumatisme cervical indirect de degré II selon la classification de la Québec Task Force. En effet, il y avait vraisemblablement eu une perte de connaissance brève, et les examens paracliniques, en particulier neuroradiologiques, n’avaient pas mis en évidence d'anomalie à caractère traumatique. Dans la phase aiguë, une importante contracture cervicale avait été constatée. L’accident était au degré de la vraisemblance prépondérante la cause de l’atteinte à la santé. Le statu quo ante devrait être rétabli au plus tard à six mois après l'événement assuré, soit le 8 novembre 2024. Actuellement, la capacité de travail dans l’activité de l’assuré, exercée en télétravail, était de 40%. D’entente avec celui-ci, le Dr E______ avait convenu d’une augmentation à 60% de la capacité de travail dès le 19 août 2024 pendant deux semaines, puis à 80% pendant un mois, puis à 100% au plus tard le 8 novembre 2024. L’assuré était encore limité par le tableau commotionnel, avec des céphalées et des difficultés de concentration dans son activité professionnelle. L’état n’était pas encore stabilisé, et pouvait être amélioré par le traitement, consistant en paracétamol pris à la demande.
j. À la demande de HELSANA du 26 août 2024, le Dr D______ a rendu une nouvelle appréciation. Il modifiait son avis, dès lors qu’un traumatisme crânien mineur avait été reconnu. On pouvait escompter une reprise du travail totale ou partielle en octobre 2024, au plus tard le 8 novembre 2024.
k. La docteure F______, spécialiste en ophtalmologie, a été consultée par l’assuré le 20 septembre 2024. Elle a noté dans les antécédents un accident avec des myiodésopsies, des flashes au début, mais pas de baisse de l’acuité visuelle. Elle a conclu à un décollement postérieur du vitré non compliqué à l’œil gauche, probablement à la suite de l’accident, sans signe de trauma oculaire ou orbitaire, et à une sécheresse évaporative aux deux yeux.
l. Le docteur G______, spécialiste en médecine générale et médecin traitant de l’assuré, a attesté une incapacité de travail de 50% du 30 septembre au 3 novembre 2024, de 40% du 4 novembre au 1er décembre 2024 et de 20% en décembre 2024.
m. Par décision du 30 janvier 2025, HELSANA a retenu que son médecin-conseil et le Dr E______ considéraient que depuis le 8 novembre 2024, il n’y avait plus de lien entre les troubles de l’assuré et l’accident, si bien que le droit aux prestations prenait fin à cette date.
n. L’assuré s’est opposé à cette décision le 27 février 2025. Il a dit souffrir encore des séquelles causées par l’accident. Néanmoins, pour essayer de retrouver un rythme de vie normal, il avait décidé, avec l’accord de son médecin, d’augmenter progressivement son taux de travail avant de reprendre à 100% au 1er janvier 2025. Ses séquelles, soit le manque de concentration, les problèmes de mémoire, la fatigue et les troubles de la vue, étaient uniquement imputables à l’accident. Il proposait de mettre un terme aux prestations à fin décembre 2024, car son incapacité de travail était de 20% en décembre. L’expert lui avait indiqué que le délai de guérison pouvait être de six mois, et HELSANA n’avait pas consulté son médecin traitant. Il sollicitait un délai de quelques mois pour compléter son opposition, afin que son assurance de protection juridique puisse consulter le dossier.
o. Par décision du 2 mai 2025, HELSANA a écarté l’opposition de l’assuré. L’expertise du Dr E______ avait valeur probante. Les arguments de l’assuré ne suffisaient pas à la contrer. Par appréciation anticipée des preuves, il n’y avait pas lieu d’attendre que l’assuré complète son opposition.
C. a. Par écriture du 30 mai 2025, l’assuré, par son mandataire, a interjeté recours contre la décision de HELSANA auprès de la chambre de des assurances sociales de la Cour de justice. Il a conclu, sous suite de dépens, à son annulation, à la reconnaissance de son droit aux prestations de l’intimée au-delà du 8 novembre 2024 ; et subsidiairement au renvoi à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision. L’intimée n’avait pas consulté les Drs G______ et C______ et ne leur avait pas soumis l’expertise du Dr E______, ce qui aurait été nécessaire puisque le Dr G______ considérait que les atteintes à la santé du recourant en lien avec l’accident avaient perduré au-delà du 8 novembre 2024. Ce médecin avait attesté une incapacité de travail de 40% en novembre et de 20% en décembre 2024. La Dre F______ avait en septembre 2024 attesté les conséquences ophtalmologiques de l’accident du 8 mai 2024. Le recourant produirait prochainement un rapport du Dr G______.
b. Dans sa réponse du 25 juin 2025, l’intimée a conclu au rejet du recours, sous suite de dépens. Elle a soutenu que le recours n’était pas motivé. L’expertise du Dr E______ était convaincante et il n’y avait pas lieu de s’en écarter. Ses conclusions avaient été confirmées par le « médecin interne » de l’intimée, et aucun avis médical contraire n'existait. La fixation de la reprise du travail par le Dr G______ au 1er janvier 2025 ne suffisait pas à mettre en cause les conclusions de l’expert neurologue.
c. Le 15 juillet 2024, la chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la nouvelle mandataire du recourant et lui a imparti un délai au 22 août 2025 pour le dépôt d’une éventuelle réplique.
d. L’avocate du recourant a informé la chambre de céans le 18 août 2025 qu’elle avait cessé d’occuper.
e. Le 4 septembre 2025, la chambre de céans a transmis cette écriture à l’intimée, en précisant que le recourant ne s’était pas manifesté en personne dans le délai imparti pour le dépôt de sa réplique.
f. À la même date, elle a adressé une copie de ces correspondances au recourant.
g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA). En particulier, contrairement à ce que semble soutenir l’intimée, il est suffisamment motivé dès lors qu’il contient un exposé des faits et des motifs ainsi que des conclusions claires (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_761/2015 du 3 mai 2016 consid. 4).
2. Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l’assurance-accidents au‑delà du 8 novembre 2024.
3. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA) (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1).
Les prestations dues en raison d’un accident couvrent le droit au traitement médical (art. 10 LAA), le droit à une indemnité journalière (art. 16 et 17 LAA) en cas d’incapacité de travail, puis dès la stabilisation de l’état de santé le droit à une rente d'invalidité (art. 18 ss LAA) ainsi que le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (art. 24 et 25 LAA).
4. Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose notamment qu'il y ait un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'évènement assuré d'une part et l'atteinte à la santé, le traitement médical et l'incapacité de travail de la personne assurée d'autre part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2019 du 11 septembre 2020 consid. 5.2.1).
4.1 L'exigence de la causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Pour admettre l'existence d'un lien de causalité naturelle, il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l'évènement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci (ATF 142 V 435 consid. 1).
4.2 En tant que principe répondant à la nécessité de fixer une limite raisonnable à la responsabilité de l'assureur-accidents social, la causalité adéquate n'a pratiquement aucune incidence en présence d'une atteinte à la santé physique en relation de causalité naturelle avec l'accident, du moment que dans ce cas l'assureur répond aussi des atteintes qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale. En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_890/2012 du 15 novembre 2013 consid. 3.5). La notion de séquelles organiques objectivables d’accident – en tant que critère de distinction nécessitant l’examen d’une causalité adéquate – est définie par le Tribunal fédéral comme suit : sont considérés comme objectivables les résultats de l'investigation médicale susceptibles d'être confirmés en cas de répétition de l'examen, lorsqu'ils sont indépendants de la personne de l'examinateur ainsi que des indications données par le patient. On ne peut ainsi parler de lésions traumatiques objectivables d'un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d'appareils diagnostiques ou d'imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1, cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_614/2020 du 7 septembre 2021 consid. 2.2).
4.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). Il faut cependant que l'existence d'un tel traumatisme et de ses suites soit dûment attestée par des renseignements médicaux fiables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_826/2019 du 13 mai 2020 consid. 3.3). Dans un tel cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_727/2016 du 20 octobre 2017 consid. 9.3 et les références).
5. En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). À contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales, étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2). Déterminer l’avènement du statu quo sine d'une manière abstraite et théorique en se référant à l'évolution prévisible de l'atteinte à la santé à défaut d'autres éléments objectifs ne suffit pas pour établir au degré de la vraisemblance prépondérante l'extinction du lien de causalité entre une atteinte et un accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.3, cf. pour un cas d’application arrêt du Tribunal fédéral 8C_473/2017 du 21 février 2018 consid. 5).
6. Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le juge apprécie librement les preuves médicales sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, il est déterminant que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1). Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.4).
7. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1). En revanche, l’existence d’un rapport de causalité adéquate entre l'événement assuré et l'atteinte à la santé est une question de droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 6.1.3).
8. En l’espèce, l’intimée a fondé sa décision sur l’appréciation du Dr E______ et sur les déterminations du Dr D______.
Au sujet de ces dernières, on notera qu’elles sont pour le moins sommaires et ne sont guère motivées, de sorte qu’on ne saurait leur reconnaître la moindre valeur probante. En revanche, en ce qui concerne le rapport du Dr E______, il contient une anamnèse et un résumé du dossier et relate les plaintes du recourant. Cet expert a également procédé à un examen clinique dont il a consigné les résultats. Sur le fond, il a reconnu que les troubles du recourant étaient en lien de causalité naturelle avec l’accident subi, et que l’état de santé n’était pas stabilisé au moment de son examen, mais que l’accident n’aurait plus d’effet sur l’état du recourant à partir du 8 novembre 2024. Il a également émis des conclusions quant à la reprise du travail dans les mois suivant son examen. S’agissant de ces conclusions, elles paraissent sujettes à caution, dès lors qu’elles ne sont guère motivées, et semblent résulter d’un accord avec le recourant. Or, convenir avec un assuré d’une reprise du travail dans le futur, sans expliquer les fondements médicaux sur lesquels l’expert base son pronostic de l’évolution de la capacité de travail, n’est pas suffisant en termes de motivation. On ne connaît pas les éléments qui ont permis à l’expert de fixer le statu quo ante de manière pronostique à six mois de l’accident, à défaut d’explications sur ce point. Il sied ici de rappeler que s’il devait s’agir là uniquement d’une hypothèse fondée sur le délai de décours usuel d’une telle atteinte – ce qu’on ignore en l’absence de toute justification médicale – cela ne suffirait pas à dater la survenance du statu quo à satisfaction de droit, conformément à la jurisprudence citée. Il est vrai que la Dre C______ évoquait elle-même dans son rapport du 26 juin 2024 que les troubles que présentait le recourant disparaissent généralement en quelques mois, mais il s’agit là également d’une indication théorique et abstraite fondée sur des généralités médicales, et non d’une appréciation du cas concret du recourant.
Celui-ci a versé au dossier des attestations d’incapacité de travail partielle établis par le Dr G______ portant sur la période postérieure au 8 novembre 2024. De manière générale, de simples certificats d’arrêt de travail ne sont certes pas suffisants pour remettre en cause les conclusions d’une expertise revêtant valeur probante. Dans le présent cas toutefois, dès lors que les conclusions du Dr E______ ne peuvent se voir reconnaître valeur probante en tant qu’elles portent sur la date de survenance du statu quo ante, ces certificats – établis en temps réel – ne peuvent être simplement écartés, et tendent à infirmer le pronostic de l’expert neurologue.
Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans ne dispose pas de renseignements suffisants pour déterminer si c’est à bon droit que l’intimée a considéré que le statu quo ante était atteint au 8 novembre 2024 et qu’elle a mis un terme aux prestations à cette date.
9. Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise. Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand elle n’a pas du tout instruit une question, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.1.3 et 4.4.1.4). Tel est bien le cas en l’espèce, l’intimée s’étant contentée du rapport du Dr E______ sans vérifier si les prévisions de cet expert se sont vérifiées.
Partant, il convient de renvoyer la cause à l’intimée, à charge pour celle-ci de compléter l’instruction sur l’évolution de l’état de santé du recourant après l’examen du Dr E______, en sollicitant des rapports détaillés des médecins traitants, et en requérant au besoin un complément d’expertise de cet expert ou d’un autre spécialiste en neurologie. Ce complément pourra être établi sur dossier si l’instruction complémentaire devait confirmer que les troubles du recourant se sont amendés dans l’intervalle. Il appartiendra ensuite à l’intimée de statuer une nouvelle fois sur le droit aux prestations après le 8 novembre 2024, cas échéant en l’examinant sous l’angle de la causalité adéquate.
10. Le recours est partiellement admis.
Le recourant, dont le recours a été interjeté avec le concours d’un mandataire professionnel, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 800.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimée du 2 mai 2025.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 800.-.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le