Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/650/2025 du 01.09.2025 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3630/2023 ATAS/650/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 1er septembre 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par Me Maëlle KOLLY, avocate
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1977, de nationalité portugaise, célibataire, père d’un enfant né en 2003, maçon, a déposé une demande de prestations d’invalidité le 6 mai 2005, en raison d’une fracture du 5e métacarpien à droite le 2 juillet 2004.
b. Le 15 octobre 2006, l’assuré, à la suite d’une bagarre dans un établissement public, a été victime d’une fracture du crâne et de la face.
B. a. Par décision du 24 novembre 2006, l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a alloué à l’assuré une demi-rente d’invalidité du 1er juillet au 31 décembre 2005.
b. L’assuré a été licencié pour le 31 octobre 2007.
c. Le 10 septembre 2007, l’assuré a sollicité un reclassement professionnel.
d. Par décision du 21 avril 2008, l’OAI a refusé à l’assuré une rente et un reclassement professionnel.
e. Par jugement du 15 septembre 2008 (ATAS/1008/2008), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision précitée et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
f. À la demande de l’OAI, le centre d’expertise médicale (ci-après : CEMED) (docteurs B______, spécialiste en neurologie, C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, D______, spécialiste en ophtalmologie, et E______ spécialiste en chirurgie de la main) a rendu un rapport d’expertise le 3 juillet 2009 (complété le 2 décembre 2009), concluant a une capacité de travail de 60% comme maçon et de 75% dans une activité adaptée (travail à l’intérieur, sans poussière et sans exposition aux engins vibrants).
g. Le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu, le 19 janvier 2010, une capacité de travail dès le 25 avril 2007 de 60% pour une activité à l’extérieur et de 75% pour une activité à l’intérieur.
h. Par décision du 27 septembre 2010, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d’invalidité était de 39%.
i. Le 14 janvier 2015, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, en raison d’hémicrânies droites suite à son accident de 2006, augmentées depuis 2010, de lombalgies avec sciatalgie droite, de cervicalgies, limitant sa capacité de travail à 50% (selon un rapport de la docteure G______, spécialiste en médecine interne, du 6 décembre 2015).
j. Par décision du 17 mai 2016, l’OAI a rejeté la demande de prestations, le SMR ayant estimé qu’il n’existait ni nouvelle atteinte, ni nouvelle limitation.
k. Le 1er novembre 2017, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, en raison de douleurs cervico-dorsolombaires, attestées par la docteure L______, spécialiste en rhumatologie (rapport du 22 septembre 2017).
l. Par projet de décision du 10 juillet 2018, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en relevant que le SMR avait estimé que l’ancienne activité n’était plus exigible mais qu’une capacité de travail de 75% était toujours donnée dans une activité adaptée. Le degré d’invalidité était de 28% (et non pas de 39% comme calculé de façon erronée dans la précédente décision).
m. Le 24 juillet 2018, le CENTRE G______ a écrit à l’OAI qu’une expertise psychiatrique de l’assuré était nécessaire, celui-ci présentant une dépendance à l’alcool, des traits de personnalité émotionnellement labile de type impulsif et dépendant et un trouble dépressif récurrent. Il avait été hospitalisé du 19 juin au 2 juillet 2018 à la clinique genevoise de Montana.
n. Le 24 juillet 2018, l’assuré a requis une mesure de réinsertion.
o. À la demande l’OAI, la docteure H______, spécialiste en médecine interne, du CENTRE G______, a donné des renseignements dans un rapport du 5 décembre 2018. L’assuré présentait une dépression et une labilité émotionnelle importante. Il nécessitait d’être en séjour résidentiel à la Maison de l’Ancre. Il était en incapacité de travail totale et pouvait fonctionner dans un atelier EPI (établissements publics pour l’intégration) à un taux de 50%.
p. À la demande de l’OAI, le Professeur I______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et J______, psychologue FSP, ont rendu le 10 avril 2019 un rapport d’expertise, posant les diagnostics de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, utilisation continue (F10.2) dès l’adolescence, de perturbation de l’activité et de l’attention (F90.0) et de traits de personnalité émotionnellement labile, type impulsif (Z73.1) dès le début de l’âge adulte. La capacité de travail était nulle et de 100%, uniquement en cas d’abstinence à l’alcool d’au moins six mois, dans une activité adaptée (peu d’expositions hiérarchiques, travail sans nécessité d’attention soutenue, de préférence solitaire).
q. Le 24 avril 2019, le SMR a estimé qu’à la date de l’expertise, l’assuré était abstinent depuis au moins six mois et que la capacité de travail était de 100% du point de vue psychiatrique. Il a retenu une capacité de travail nulle dans l’activité de maçon et de 75% dans une activité adaptée depuis mars 2019 avec les limitations fonctionnelles suivantes : limiter le port de charge à 10 kg près du corps et à 5 kg éloigné du corps, limiter le maintien de la position penchée en avant en porte-à-faux, limiter les mouvements répétitifs avec contrainte en flexion/extension et rotations ; l’assuré devait pouvoir changer de position à son gré entre assise et débout ; sur le plan psychiatrique, peu d’expositions hiérarchiques, travail sans nécessité d’attention soutenue, de préférence solitaire.
r. Par décision du 25 juillet 2019, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er mai 2018 au 31 mai 2019, l’assuré ayant présenté une incapacité de travail totale dans toute activité du 1er avril 2017 au 28 février 2019 et la demande de prestations ayant été déposée le 1er novembre 2017.
s. Le 29 septembre 2022, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations.
t. Du 31 mars au 26 avril 2022, l’assuré a séjourné à la clinique genevoise de Montana pour un diagnostic de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool avec syndrome de dépendance. Il avait augmenté sa consommation à la suite d’une accumulation de facteurs de stress depuis juin 2021 (rapport du 21 juillet 2022).
u. Le 15 août 2023, le SMR a estimé qu’aucune aggravation notable et durable de l’état de santé n’était constatée.
v. Par projet de décision du 22 août 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.
w. Le 21 septembre 2023, le SMR, après avoir pris connaissance du rapport de la Dre L______, a retenu une limitation fonctionnelle supplémentaire de mouvement des bras au-dessus du plan des épaules.
x. Par décision du 2 octobre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité du recourant était de 28%.
C. a. Le 6 novembre 2023, l’assuré, représenté par une avocate, a recouru auprès de la chambre de céans à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité. Il requérait son audition, celle de ses médecins et une expertise judiciaire pluridisciplinaire en psychiatrie, rhumatologie et neurologie. Le problème de dépendance à l’alcool rendait illusoire la reprise d’une activité et aurait dû être investigué. Par ailleurs, la Dre L______ estimait que seule une activité occupationnelle était possible.
b. Le 5 décembre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours.
c. Le 29 février 2024, le recourant a répliqué. Il présentait des rechutes de consommation d’alcool et n’avait pas réussi à tenir une abstinence complète durant six mois comme exigé par le Prof. I______ pour admettre une capacité de travail.
d. Le 2 avril 2024, l’OAI a dupliqué, en relevant que la Dre H______ avait attesté d’une abstinence d’au moins six mois en décembre 2018. Aucun élément concret ne permettait de soutenir que les problèmes de dépendance de l’assuré étaient actuellement incapacitants.
e. Le 6 mai 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. Le recourant a indiqué qu’il était abstinent depuis début 2022, ce qui avait augmenté ses douleurs. Il avait dû réduire son activité aux EPI depuis 2023, en raison de ses problèmes physiques et psychiques.
Le recourant a communiqué les pièces suivantes :
- Un rapport de la Dre H______ du 12 mars 2024, attestant d’une abstinence à l’alcool de l’assuré depuis avril 2022 et formellement depuis septembre 2022 selon des analyses capillaire et PETh (phosphatidyléthanol). Il avait réussi à maintenir une abstinence durant ses hospitalisations (du 19 juin au 2 juillet 2018 et du 31 mars au 28 avril 2022). De septembre 2017 à juin 2022, il avait résidé à la maison de l’Ancre dans le programme de la consommation contrôlée.
- Un rapport de K______, psychologue au CENTRE G______ selon lequel, depuis l’arrêt de l’alcool, les douleurs de l’assuré s’étaient aggravées, avec davantage de confusion et difficultés mnésiques et une plus grande fatigabilité.
- Une lettre de sortie du 14 décembre 2023 de la clinique genevoise de Montana suite à un séjour de l’assuré du 26 octobre au 22 novembre 2023 pour éloignement des facteurs de stress, prise en charge des douleurs chroniques, trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique.
- Un courrier de la Dre H______ du 26 février 2024 au Centre multidisciplinaire de la douleur, attestant d’un suivi depuis le 1er décembre 2015 et d’une abstinence depuis deux ans et indiquant qu’une prise en charge pour le syndrome douloureux chronique lui paraissait indiquée.
f. Le 26 juin 2024, le recourant a persisté dans sa demande d’expertise judiciaire pluridisciplinaire et, subsidiairement, à l’audition de la Dre L______. Il a communiqué les pièces suivantes :
- Une attestation de M______, socio-éducatrice au Bistro N______, selon laquelle le recourant y travaillait deux jours par semaine dès décembre 2017 et était sobre depuis deux ans. Depuis plusieurs mois, il présentait des douleurs qui l’obligeaient à s’allonger plusieurs heures et à l’heure actuelle, il avait suspendu son activité en raison de ses douleurs.
- Un rapport de la Dre L______ du 10 juin 2024, selon lequel le recourant présentait une capacité de travail de 40% en atelier protégé.
- Un rapport du docteur O______, spécialiste en neurologie, du 18 mars 2024, attestant de l’absence de polyneuropathie.
g. Le 1er juillet 2024, le SMR a considéré que les pièces médicales communiquées par le recourant ne modifiaient pas son appréciation et le 19 juillet 2024, l’intimé s’est rallié à cette appréciation.
h. Le 8 août 2024, le recourant a observé qu’il était hospitalisé à la clinique de Montana depuis le 11 juillet 2024. Il convenait d’apprécier ses problématiques dans leur globalité, son état de santé s’étant dégradé.
i. Le 22 octobre 2024, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise bidisciplinaire au docteur P______, spécialiste en rhumatologie, et à la docteure Q______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et leur a communiqué le projet de mission.
j. Le 29 octobre 2024, l’intimé, en se ralliant à un avis du SMR du 28 octobre 2024, a requis la réalisation d’un bilan neuropsychologique et validation des symptômes, et l’ajout d’une expertise neurologique.
k. Le 18 novembre 2024, le recourant s’est déclaré d’accord avec la proposition de l’intimé. Il présentait des céphalées qui s’étaient aggravées. Il a suggéré des questions complémentaires.
l. Par ordonnance du 26 novembre 2024, la chambre de céans a confié l’expertise au Dr P______ et à la Dre Q______, avec un bilan neuropsychologique, en considérant ce qui suit :
En l’occurrence, l’intimé, en se ralliant aux avis du SMR des 15 août 2023, 21 septembre 2023 et 1er juillet 2024, a estimé que l’état du recourant ne s’était pas aggravé depuis sa dernière décision du 25 juillet 2019.
Le recourant a produit, du point de vue somatique, deux rapports de la Dre L______ des 18 septembre 2023 et 10 juin 2024, attestant d’une capacité de travail limitée à une activité au sein d’un atelier protégé et des limitations fonctionnelles de port de charge maximum de 5 kg, station assise prolongée de maximum 5 à 15 minutes, de la marche sans douleurs de maximum 5 à 15 minutes, de douleurs présentes également en position couchée et de mouvements répétés des membres supérieurs limités. Les diagnostics étaient ceux de coxarthrose gauche débutante, d’hernies inguinales bilatérales, de péri arthrites scapulo-humérales bilatérales et de surpoids.
Ces limitations fonctionnelles sont plus importantes que celles retenues par le SMR dans ses avis des 24 septembre 2019, 15 août et 21 septembre 2023, même si dans ce dernier avis le SMR a inclus une limitation supplémentaire relative aux mouvements des bras au-dessus des épaules. En particulier, la Dre L______ souligne que les douleurs généralisées persistantes sont incapacitantes, ce qui a été confirmé par M______ le 26 avril 2024, laquelle a précisé que le recourant devait s’allonger plusieurs heures en raison de ses douleurs et avait dû cesser de travailler pour cette raison. Par ailleurs, la Dre H______ a adressé le 26 février 2024 le recourant au centre multidisciplinaire de la douleur des Hôpitaux universitaires du canton de Genève (HUG) pour la prise en charge de son syndrome douloureux chronique et la clinique de Montana a effectué une prise en charge en octobre/novembre 2023 des douleurs chroniques du recourant, ces deux avis témoignant également d’une sévère emprise des douleurs sur le fonctionnement du recourant.
Une instruction complémentaire par le biais d’une expertise judiciaire rhumatologique s’avère en conséquence nécessaire.
Par ailleurs, du point de vue psychique, au vu des avis de la Dre H______ des 26 février et 12 mars 2024, ainsi que le rapport de la clinique de Montana du 14 décembre 2023 (attestant d’un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et d’une personnalité émotionnellement labile de type impulsif), il convient également d’instruire cet aspect par le biais d’une expertise judiciaire psychiatrique.
m. Le 19 mars 2025, R______, psychologue diplômée et MAS en neuropsychologie clinique, a rendu un rapport d’évaluation neuropsychologique, concluant à une efficience intellectuelle globalement très faible ; les performances étaient plus basses que celles de l’évaluation de 2019. Il existait des déficits attentionnels majeurs, des troubles exécutifs, une altération de la mémoire épisodique, s’inscrivant dans le contexte d’une consommation chronique d’alcool avec une reprise en 2024 et pouvaient être influencés par une syndrome anxiodépressif, un probable TDAH et des apnées du sommeil non traitées. L’évaluation reflétait un état cognitif réel.
n. Le 27 mai 2025, le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise. Il a posé les diagnostics de fibromyalgie, en développement progressif depuis le début des années 2010 probablement, des lombalgies chroniques depuis probablement 2010, des dorsalgies chroniques depuis très probablement 2010, une épaule douloureuse chronique à gauche depuis environ 2015 (au moment du travail chez Genève-Roule) et des douleurs chroniques du poignet droit depuis 2004.
La capacité de travail était nulle comme maçon et de 25% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (permettre une alternance des positions assis/debout toutes les 15 minutes, limiter les ports de charges à 5 kg et 2 kg si répété, limiter les mobilisations du rachis dorsal en rotations/inclinaisons latérales, limiter les marches à plat à 500-1000 mètres, limiter les montées d’escaliers, limiter les mobilisations des deux épaules au-dessus de l’horizontale et limiter les efforts répétitifs avec le poignet droit), soit une capacité de travail de 50%, avec une diminution de rendement de 50%, depuis probablement 2017-2018 (problème rencontré depuis l’activité chez Genève-Roule, développement du tableau de fibromyalgie). L’estimation du SMR (24 avril 2019, 15 août 2023 et 21 septembre 2023) d’une capacité de travail de 75% était correcte, même si une estimation globale de la situation clinique manquait (dont un diagnostic psychiatrique). L’estimation par la Dre L______ (10 juin 2024) d’une capacité de travail de 40% dans un atelier protégé lui semblait correcte. La modification principale dans les diagnostics était l’apparition évidente, au jour de l’expertise d’une fibromyalgie, depuis décembre 2023. La capacité de travail dans une activité adaptée avait diminué (lente dégradation de l’état de santé) et atteignait au jour de l’expertise un taux de 25%.
o. Le 24 mai 2025, la Dre Q______ a rendu son rapport d’expertise. Elle a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans symptôme somatique, troubles mentaux et trouble du comportement lié à l’utilisation de l’alcool (syndrome de dépendance avec utilisation continue).
L’assuré avait été abstinent d’avril 2022 à juin 2024 et dix jours à Noël 2024. Il présentait une rechute dépressive qui semblait lui avoir fait perdre la possibilité de reprendre une abstinence. La capacité de travail était nulle hors abstinence et nulle depuis la rechute et la reprise de la consommation d’alcool. Les diagnostics actuels généraient d’importantes limitations, entrainant une incapacité de travail totale.
Selon une appréciation consensuelle, les experts ont conclu à une capacité de travail dans l’activité habituelle nulle et, dans une activité adaptée, de 25% du point de vue rhumatologique et nulle du point de vue psychiatrique.
p. Le 18 juin 2025, le SMR a estimé que l’expertise psychiatrique retenait une capacité de travail nulle depuis la rechute d’alcool en 2024, soit depuis une date postérieure à la décision litigieuse et que l’expert rhumatologue retenait une capacité de travail de 25% dans une activité adaptée, depuis août 2024, dès lors que l’expert reconnaissait lui-même les difficultés à évaluer la situation antérieurement. En conséquence, une aggravation de l’état de santé remontait, selon les experts, à l’année 2024.
q. Le 19 juin 2025, l’intimé s’est rallié à l’avis du SMR précité et a indiqué que le recourant avait la possibilité de déposer une nouvelle demande de prestations.
r. Le 24 juin 2025, le recourant s’est déclaré d’accord avec la conclusion des experts, mais a estimé que l’évaluation de sa capacité de travail n’était pas clairement établie. Une aggravation de son état de santé postérieurement à la décision de l’intimé du 25 juillet 2019 était indiscutable. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail était de 25%, à tout le moins dès 2022 et, du point de vue psychiatrique, nulle depuis le début du délai d’attente, étant relevé que l’activité au Bistro N______ n’était qu’occupationnelle. Ainsi, une incapacité de travail totale devait être retenue depuis 2020 (sic) à tout le moins et une rente entière d’invalidité être octroyée depuis le 1er avril 2023. Si une autre solution se dessinait, il demandait à pouvoir interroger les experts et entendre la Dre H______, K______ et M______ (socio-éducatrice au Bistro N______).
s. Le 10 juillet 2025, le recourant a rappelé son courrier précédent et indiqué que, pour préserver ses droits, il avait déposé une nouvelle demande de prestations.
t. Le 22 juillet 2025, la chambre de céans a requis de l’intimé qu’il se prononce sur une éventuelle extension de l’objet du litige, singulièrement sur celle d’un éventuel droit à une rente d’invalidité postérieurement à la décision litigieuse.
u. Le 13 août 2025, l’intimé a refusé une extension de l’objet du litige, en considérant que l’aggravation de l’état de santé du recourant, depuis août 2024, ne présentait pas un lien si étroit avec l’objet initial que l’on doive parler d’un état de fait commun.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en 2023, la demande de prestations ayant été déposée en septembre 2022 (art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
1.3 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail et la question de l’aggravation de son état de santé depuis la dernière décision de l’intimé du 25 juillet 2019.
3.
3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
3.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
3.2.1 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
3.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.2.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).
3.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),
A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)
Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).
B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)
C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)
- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)
Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).
Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).
3.4 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation (art. 87 al. 3 RAI), l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 141 V 585 consid. 5.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_12/2023 du 22 août 2023 consid. 3.2). Elle doit donc traiter l'affaire au fond et vérifier que la modification du degré d'invalidité rendue plausible par l'assuré est réellement intervenue (examen « allseitig »). Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés, le degré d'invalidité doit ainsi être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l'invalidité (ATF 141 V 9 consid. 6.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2023 du 11 décembre 2023 consid. 5.1 et les références).
La base de comparaison déterminante dans le temps pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).
Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l'état de santé motivant une révision, le degré d'invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l'invalidité (ATF 141 V 9).
4.
4.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
4.2 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).
4.3 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).
La procédure juridictionnelle administrative peut toutefois être étendue pour des motifs d'économie de procédure à une question en état d'être jugée qui excède l’objet de la contestation, c'est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l'on peut parler d'un état de fait commun et à la condition que l'administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins. Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l’objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes : la question (excédant l’objet de la contestation) doit être en état d'être jugée ; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l’objet initial du litige ; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins ; le rapport juridique externe à l’objet de la contestation ne doit pas avoir fait l’objet d'une décision passée en force de chose jugée (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1 et les références).
5. En l’occurrence, la chambre de céans a diligenté une expertise judiciaire bidisciplinaire afin de déterminer si le recourant a présenté une aggravation de son état de santé depuis la dernière décision de l’intimé du 25 juillet 2019, laquelle retient une capacité de travail du recourant nulle du 1er avril 2017 au 28 février 2019 (troubles psychiatriques) et de 75% (troubles somatiques) dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, depuis mars 2019.
Les rapports d’expertise judiciaire, fondés sur toutes les pièces médicales du dossier, comprenant une anamnèse complète, la description des plaintes du recourant, des diagnostics clairs, un examen clinique rhumatologique et un status clinique psychiatrique, un bilan neuropsychologique, ainsi qu’une appréciation motivée de la capacité de travail du recourant, répondent aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il leur soit reconnu une pleine valeur probante.
5.1 Du point de vue rhumatologique, l’expert a retenu un diagnostic principal de grave fibromyalgie, lequel apparaissait dans les rapports de la Clinique de Montana du 14 décembre 2023, puis dans celui de la Dre H______ du 26 février 2024 et dans celui de la Dre S______ d’août 2024 (rapport d’expertise judiciaire rhumatologique, p. 86).
La capacité de travail était de 25% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, en tous les cas depuis août 2024 (arrêt de l’activité au Bistro N______) et probablement depuis 2017-2018 (problèmes rencontrés par le recourant lors de son activité chez Genève-Roule et développement du tableau de fibromyalgie).
L’expert a relevé que les appréciations du SMR des 24 avril 2019, 15 août 2023 et 21 septembre 2023 d’une capacité de travail du recourant du point de vue somatique de 75% dans une activité adaptée était correcte, même si une estimation globale de la situation manquait, tout en relevant que le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique posé par la Clinique de Montana en décembre 2023 n’était, à l’époque de l’évaluation du SMR, pas encore apparu.
5.1.1 L’intimé, à la suite du SMR, estime que le diagnostic de fibromyalgie, posé sur des éléments objectifs, peut être suivi, avec une incapacité de travail survenue en août 2024.
Cette appréciation doit être suivie.
5.1.1.1 Contrairement à l’avis du recourant, l’expertise du Dr P______ est suffisamment claire pour qu’il soit retenu une capacité de travail limitée du recourant à un taux de 25% dès le 1er août 2024, en raison d’une aggravation du diagnostic de fibromyalgie, ayant entrainé l’arrêt de l’activité auprès du Bistro N______. L’expert rejoint d’ailleurs l’appréciation du SMR, d’une capacité de travail du point de vue somatique, de 75% dans une activité adaptée, pour la période antérieure, étant relevé que même s’il déplore l’échec d’une évaluation globale de la situation clinique, il relève aussi que le « syndrome somatique » évoqué en décembre 2023 par la Clinique de Montana n’était pas encre apparu au moment des évaluations du SMR. Il fonde ainsi l’incapacité de travail sur ce diagnostic principal, en soulignant qu’il est apparu en décembre 2023 (rapport d’expertise judiciaire rhumatologique, pp. 96 et 99), soit à une date bien postérieure à 2017/2018 mais que l’incapacité de travail en résultant était en tous les cas présente dès août 2024. L’expert conclut ainsi à une telle incapacité de travail en tous les cas depuis août 2024 et relève une diminution de la capacité de travail atteignant « au jour de l’expertise » un taux de 25% (rapport d’expertise judiciaire rhumatologique, p. 99), ce qui indique qu’il estime l’incapacité de travail clairement établie uniquement au jour de son expertise. Enfin, comme relevé par l’intimé, la date de 2017-2018 ne correspond pas à l’activité exercée par le recourant auprès de Genève-Roule (laquelle a eu lieu en 2012-2013), ce qui ne permet pas de retenir une incapacité de travail de 25% depuis cette date.
5.1.1.2 Au demeurant, le fait que l’expert cite une probable capacité de travail limitée à un taux de 25% dès 2017-2018 (rapport d’expertise judiciaire rhumatologique, p. 94) n’est pas convaincant et la date précitée doit être écartée au profit de celle du 1er août 2024. Il convient à cet égard de rappeler qu’il existe certaines constellations, comme c’est le cas en l’espèce, dans lesquelles il convient de s’écarter de l’incapacité de travail déterminée par une expertise médicale, sans que celle-ci n’en perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_316/2017 du 5 octobre 2017). A/2394/2019 du 7 février 2022.
5.2 Du point de vue psychiatrique, l’experte judiciaire retient un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans symptôme somatique, troubles mentaux et trouble du comportement lié à l’utilisation de l’alcool, syndrome de dépendance avec utilisation continue, entrainant une incapacité de travail totale du recourant, « actuellement » (rapport d’expertise judiciaire psychiatrique, point 9.1.1).
La capacité de travail était nulle hors abstinence (laquelle avait existé entre 2022 et 2024). Depuis la rechute et la reprise de la consommation d’alcool (à la suite de l’arrêt de son travail), la capacité de travail était nulle (rapport d’expertise psychiatrique, point 9.2). « Actuellement », les diagnostics généraient d’importantes limitations, totalement incapacitantes (rapport d’expertise judiciaire psychiatrique, point 11.1). L’anamnèse et la symptomatologie ainsi que l’échelle de dépression MADRS montraient « actuellement » le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel majeur, sans syndrome somatique (rapport d’expertise judiciaire psychiatrique, point 11.2).
5.2.1 L’intimé retient sur la base de cette expertise une capacité de travail nulle du recourant depuis sa rechute de consommation d’alcool en août 2024.
Cette appréciation doit être suivie.
5.2.1.1 Contrairement à l’avis du recourant, qui estime qu’une incapacité de travail totale pour des motifs psychiques doit être retenue au moins depuis 2022, celle-ci ne peut être déduite des conclusions de l’expertise judiciaire psychiatrique. En effet, l’experte judiciaire estime clairement que le recourant présentait une capacité de travail durant la période d’abstinence (2022-2024) et, surtout, que les deux diagnostics incapacitants sont présents au jour de l’expertise, ce qui ressort du terme « actuellement », mentionné par l’experte à plusieurs reprises. Celle-ci n’a, en particulier, pas attesté qu’entre novembre 2019 et décembre 2021, le recourant aurait présenté les mêmes limitations fonctionnelles incapacitantes que depuis août 2024.
5.2.1.2 Au demeurant, il convient de retenir à la suite de l’intimé, que le recourant a présenté une capacité de travail nulle du point de vue psychique, dès le 1er août 2024.
5.3 Au vu de ce qui précède, et par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans renoncera à ordonner un complément d’expertise, ainsi qu’à l’audition des médecins, tel que requis par le recourant.
6. L’aggravation de l’état de santé du recourant étant survenue postérieurement à la décision litigieuse, celle-ci ne peut qu’être confirmée et le recours rejeté.
Étant donné les conditions restrictives posées à l’admission d’une extension de l’objet du litige, celle-ci ne sera pas prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_598/2011 du 19 avril 2012), étant relevé qu’il incombera à l’intimé de statuer sur la nouvelle demande de prestations du recourant, tout en examinant si un motif de révision d’office s’applique (art. 87 RAI), au vu de la reddition du rapport d’expertise judiciaire de la Dre Q______, attestant d’une incapacité de travail totale du recourant dès août 2024, portée à la connaissance de l’intimé le 24 mai 2025.
Au vu du sort du recours, le recourant sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le