Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/652/2025 du 01.09.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2897/2024 ATAS/652/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 1er septembre 2025 Chambre 6 |
En la cause
A______ représentée par Maître Marc MATHEY-DORET
| recourante |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
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intimée |
A. a. A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1986, a travaillé en tant qu’architecte pour un cabinet d’architecture dès le 1er août 2018. À ce titre, elle était assurée contre les accidents auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci‑après : SUVA ou l’intimée).
b. L’assurée a eu un accident, le 2 avril 2019, alors qu’elle circulait à vélo. Selon la déclaration de sinistre, elle a été heurtée par un autre cycliste. Sous l’effet du choc, elle a « fait un soleil », a souffert d’une luxation de la mâchoire, d’un écrasement du thorax et d’une élongation de la colonne cervicale.
Les médecins du service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG), où l’assurée a été transportée après son accident, ont fait état d’un traumatisme cérébral sans perte de connaissance. Après avoir chuté en avant à la suite de la collision, l’assurée s’était relevée immédiatement toute seule. Elle présentait une plaie au niveau du menton et une douleur à la mâchoire à droite avec tuméfaction. Il n’y avait pas d’autre plainte ni d’autre traumatisme.
L’assurée a été en incapacité de travail dès cette date, les arrêts de travail ayant été notamment attestés par le docteur B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
c. Dans un rapport du 6 mai 2019, le docteur C_____, médecin adjoint auprès du service de neurologie de l’Hôpital de Nyon, a indiqué que la situation anamnestique et clinique de l’assurée était compatible avec des céphalées de tension, nécessitant un traitement par massages locaux, mais également des thérapies visant à diminuer le stress général qui semblait alors au premier plan chez l’assurée. L’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) cervicale et deux scanners cérébraux étaient dans la norme, sans argument pour une lésion à la suite d’un premier traumatisme crânien sans perte de connaissance ni amnésie lors d’une chute à cheval le 22 décembre 2018 et du second traumatisme crânien du 2 avril 2019. L’avis ophtalmologique demandé était également dans la norme.
d. Dans un rapport du 18 juin 2019, le docteur D_____, spécialiste en neurologie, a indiqué que l’IRM effectuée à l’Hôpital de Nyon n’avait révélé aucune lésion traumatique mais des hyperintensités de la substance blanche, asymptomatiques et à banaliser, de sorte que l’examen neurologique était normal. L’assurée présentait de nombreux stigmates permettant au Dr D_____ de retenir un syndrome post-traumatique subjectif. Elle présentait une anxiété importante.
e. Dans un questionnaire reçu par la SUVA le 26 août 2019, le Dr B______ a indiqué que l’assurée l’avait consulté le 9 janvier 2019 en raison d’un épisode dépressif et d’un trouble de l’anxiété secondaire à ses difficultés professionnelles et à un conflit de couple. Après avoir posé les diagnostics d’épisode dépressif moyen (F32.1), de trouble de l’anxiété généralisée (F41.1) et de probable trouble somatoforme, ce médecin a précisé qu’il pensait que l’assurée présentait également un trouble de la personnalité limite ou émotionnellement labile. Les conflits de couple, le stress du travail et l’accident de vélo avec commotion cérébrale l’avaient déstabilisée.
Dans un avis du 18 septembre 2019, le docteur E_____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin d’arrondissement de la SUVA, a estimé au vu de ces éléments que des facteurs majeurs autres que l’accident du 2 avril 2019 intervenaient de manière prédominante dans le déclenchement du trouble psychiatrique. Initialement, le traitement avait été motivé par des difficultés professionnelles et de couple. Dans cette situation, le Dr E_____ ne retenait pas de lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’accident. Même si l’accident avait pu participer à une forme d’aggravation, les deux tiers étaient liés au contexte décrit par le Dr B______.
f. Dans un rapport du 9 juillet 2019, le docteur F______, spécialiste en ophtalmologie, a posé le diagnostic de « fatigue après vision de près post commotion cérébrale » et d’exotropie résiduelle après opération d’un strabisme dans l’enfance. L’évolution était bonne et le traitement consistait dans le port de lunettes.
g. Le 24 juillet 2019, le professeur G______, médecin chef de l’unité de neuro-ophtalmologie de l’Hôpital ophtalmique H______, a écrit au Dr D_____ que depuis l’accident du 2 avril 2019, l’assurée se plaignait de céphalées fréquentes, d’une photophobie très gênante l’empêchant notamment de travailler devant un écran d’ordinateur, d’une vision floue de loin et de près, et de douleurs oculaires profondes bilatérales. Il existait des antécédents, à savoir une opération de strabisme convergent en 1993, ainsi que des lunettes portées entre les âges de 3 et 15 ans. Les examens du jour avaient notamment révélé une performance visuelle normale des deux côtés, malgré une légère hypermétropie non corrigée, un examen oculaire strictement normal des deux côtés, un status après opération de strabisme convergent avec persistance d’une ésophorie assez marquée, bien compensée actuellement, ainsi qu’une insuffisance de convergence possiblement post-opératoire, bien qu’il fût aussi possible qu’une partie de cette insuffisance soit en rapport avec des séquelles du traumatisme cranio-cérébral (ci‑après : TCC) subi. Il était possible que l’effort actuellement nécessaire pour accomplir la fusion binoculaire contribue à la sensation de douleurs profondes rétrooculaires bilatérales et aux céphalées dont se plaignait l’assurée. Il n’y avait aucune explication strictement neuro-ophtalmologique à la photophobie, qui se rencontrait assez souvent après un TCC, sans qu’il y ait de base anatomique. Il proposait pour la photophobie une consultation auprès du service de basse vision, afin de voir si des filtres bloquant certaines longueurs d’ondes pourraient être bénéfiques à l’assurée. Ceci pouvait lui permettre de reprendre partiellement son travail, étant relevé qu’elle présentait actuellement une intolérance à la luminosité de l’écran d’ordinateur.
h. Le 22 août 2019, la docteure I______, spécialiste en ophtalmologie, a posé le diagnostic différentiel d’ésophorie décompensée versus strabisme accommodatif. À la suite de l’accident du 2 avril 2019, l’évolution avait été marquée par une vision floue et une photophobie. Le strabisme convergent préalable pouvait influencer de manière défavorable le processus de guérison. Le traitement consistait dans le port de lunettes adaptées avec filtres, éventuellement complété par une rééducation orthoptique.
i. Par décision du 9 septembre 2019, la SUVA a mis un terme à la prise en charge du traitement des troubles psychiques au 15 août 2019, un lien de causalité certain, ou du moins probable, ne pouvant être établi avec l’accident du 2 avril 2019.
Par courrier adressé à la même date à l’assurée, la SUVA lui a indiqué qu’elle mettrait un terme au versement des indemnités journalières en lien avec l’accident du 2 avril 2019 au 15 août 2019. Pour le surplus, elle demeurait dans l’attente des rapports médicaux relatifs aux troubles de la vue, en vue d’une éventuelle prise en charge de ceux-ci.
j. Invité à se déterminer sur le lien de causalité entre l’accident du 2 avril 2019 et les troubles de la vue, ainsi que sur la prise en charge de leur traitement, notamment la consultation auprès de J______, opticienne, à laquelle le Prof. G______ avait adressé l’assurée le 9 septembre 2019, le docteur K______, médecin-conseil de la SUVA et spécialiste en ophtalmologie et ophtalmochirurgie, a indiqué dans son appréciation du 4 octobre 2019 que de tels problèmes pouvaient surgir à la suite d’un accident, mais qu’ils n’avaient aucune explication objective. S’agissant du traitement auprès de J______, ce médecin-conseil partait de l’idée qu’il consisterait en port de lunettes, éventuellement équipées d’un filtre. Aussi proposait-il de prendre en charge ces lunettes une seule fois, mais plus par la suite. Des traitements ultérieurs ne seraient plus en lien de causalité avec l’accident.
La SUVA a informé l’assurée de l’avis de son médecin-conseil par pli du 15 octobre 2019, dans lequel elle a accepté la prise en charge d’une unique paire de lunettes avec un filtre optique.
k. Le 8 octobre 2019, l’assurée a formé opposition à la décision de la SUVA du 9 septembre 2019. Elle a contesté que ses troubles, en particulier psychiques, ne fussent pas en relation de causalité avec l’accident.
Elle a produit un nouveau rapport du 12 septembre 2019 du Dr B______, qui indiquait « rectifier [son] récit de cette façon » : l’assurée avait débuté une psychothérapie en janvier 2019, alors qu’elle pouvait travailler, faire du sport et vivre sa relation affective avec plus ou moins de problèmes. Elle avait des émotions de tristesse et d’angoisse qui correspondaient aux difficultés de sa vie. C’était à partir de l’accident du 2 avril 2019 que son équilibre s’était déstabilisé avec les problèmes physiques et psychiques apparus à sa suite. Les arrêts de travail, la rupture sentimentale, les troubles de la vue de même que « l’épisode dépressif et d’anxiété » étaient donc des conséquences directes de cet accident.
l. Dans un rapport du 9 octobre 2019, le Dr F______ a indiqué que le travail à l’écran et la lecture restaient très difficiles. De même, la photophobie et les douleurs oculaires persistaient. Le traitement actuel consistait dans le port de lunettes correctrices avec filtres. L’assurée était en arrêt de travail complet depuis le 15 août 2019. Une reprise du travail à 50% était prévue pour le 28 octobre 2019. La persistance d’un problème était possible. Le diagnostic était un micro-strabisme convergent résiduel de l’œil droit, avec insuffisance de convergence importante probablement séquellaire ou très augmentée par le TCC en avril 2019.
m. Par pli du 6 novembre 2019, l’assurée a confirmé son opposition à la décision du 9 septembre 2019 et a produit les pièces suivantes :
- courrier du 29 octobre 2019 par lequel le Prof. G______ demandait la prise en charge d’une rééducation par un optométriste spécialisé dans la rééducation de la convergence. En effet, les tentatives d’adaptation de filtres pour atténuer la photophobie s’étaient soldées par un échec ;
- rapport du 30 octobre 2019 du Dr F______, indiquant que même si l’assurée avait subi une opération de strabisme dans l’enfance, sa capacité de travail jusqu’à l’accident du 2 avril 2019 était bonne. Ce n’était que depuis cet événement qu’elle présentait une fatigabilité extrêmement importante pour le travail sur écran, associée à des migraines importantes. Son arrêt de travail était ainsi imputable à l’accident ;
- attestation établie le 4 octobre 2019 par le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie, selon laquelle l’assurée, qu’il suivait depuis le 31 juillet 2019, avait des symptômes psychiques apparus après l’accident du 2 avril 2019.
n. Par pli du 8 novembre 2019 à la SUVA, le Prof. G______ est revenu sur son courrier du 29 octobre 2019. Contrairement à ce qu’il y avait indiqué, l’utilisation de filtres ne s’était pas soldée par un échec, mais avait permis d’améliorer une partie des symptômes, sans toutefois résoudre la totalité des troubles visuels. Ces filtres seraient donc prescrits à l’assurée. Par ailleurs, la proposition de rééducation de la convergence restait d’actualité. Aussi le Prof. G______ avait‑t-il demandé la prise en charge de ces deux moyens de rééducation.
o. Le 13 novembre 2019, l’assurée a transmis à la SUVA un courrier du
15 octobre 2019 de J______, attestant une relation de causalité entre l’accident et ses troubles visuels et, partant, la nécessité d’utiliser des filtres. Celle-ci y a indiqué que selon son expérience, il n’était pas rare qu’un accident ou un choc cérébral perturbe la fragilité du système visuel, tant en ce qui concernait la gestion de la lumière que la fixation. Dans la situation de l’assurée, la stabilité de la vision était déjà précarisée par un micro-strabisme congénital et il paraissait « logique » que l’accident ait perturbé « [son] équilibre et [ses] stratégies visuels ».
p. Par appréciation du 15 novembre 2019 portant uniquement sur les atteintes somatiques, à l’exclusion des troubles psychiatriques et ophtalmologiques, le docteur M______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a considéré que l’arrêt de travail en rapport avec les troubles somatiques n’était plus justifié au-delà du mois de juin 2019.
q. Interpellé par la SUVA au sujet du courrier du 8 novembre 2019 du Prof. G______, le Dr K______ a indiqué le 22 novembre 2019 qu’il avait bien « accepté une relation de causalité » dans son appréciation du 4 octobre 2019. Il proposait de prendre en charge les neuf séances orthoptiques prescrites par le Prof. G______.
Dans une nouvelle appréciation du 6 décembre 2019, le Dr K______ a en outre précisé qu’avec les lunettes et la rééducation orthoptique, une capacité de travail de 100% était concevable. Selon les documents médicaux, on pouvait admettre que cet état existait depuis quelques mois, même s’il était difficile d’être plus précis d’un point de vue strictement ophtalmique. On était désormais à plus de six mois de l’accident, de sorte qu’une reprise du travail à temps complet paraissait possible.
r. Par pli du 18 décembre 2019, l’assurée a transmis à la SUVA les pièces suivantes :
- rapport du 25 novembre 2019 du docteur N______, spécialiste en médecine interne, attestant que l’assurée l’avait consultée dès le 2 mai 2019 avec plusieurs plaintes et symptômes survenus suite à l’accident du 2 avril 2019 et dont elle ne souffrait pas auparavant, à savoir de très fortes migraines et des douleurs cervicales persistantes, malgré de nombreuses séances d’ostéopathie et d’acupuncture, deux côtes fissurées, des douleurs inguinales d’origine incertaine, et des douleurs récurrentes de l’articulation temporo-mandibulaire gauche à la suite du choc sur le menton lors de l’accident. On notait par ailleurs une cicatrice faciale, un état de stress post-traumatique se manifestant par des accès de panique à l’approche de vélos électriques, des difficultés de concentration, une perte de repères dans l’espace (désorientation), une sensation d’instabilité et perte d’équilibre, ainsi qu’une photophobie post-traumatique ;
- rapport du 25 novembre 2019 du Dr L______, mentionnant des plaintes de « la sphère état de stress post-traumatique », une insomnie majeure, une fatigue, de l’anxiété, une tension psychique, des ruminations, une humeur triste avec des idées noires, ainsi que des difficultés de concentration et de mémoire ;
- rapport du 6 décembre 2019 du Dr D_____, indiquant qu’il avait revu l’assurée le 4 novembre 2019. Les troubles visuels demeuraient superposables au précédent examen. Il persistait des céphalées parfois pulsatiles, associées à une sono- et une photophobie entrant dans le cadre de migraines et de céphalées tensionnelles. Par ailleurs, il existait une asthénie importante, des troubles de la concentration apparaissant à l’effort ou lorsque l’assurée était fatiguée. Il était important de régler ses problèmes visuels, ce qui lui permettrait de reprendre ses activités professionnelles. L’examen neurologique était normal ;
- rapport du 16 décembre 2019 du docteur O______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dans lequel ce médecin indiquait suivre l’assurée depuis le 16 mai 2019 pour des séquelles psychologiques consécutives à son accident du 2 avril 2019. Actuellement, malgré le traitement médicamenteux et la psychothérapie, il existait encore des séquelles post-traumatiques, notamment une hypervigilance et des peurs avec évitement, une instabilité émotionnelle et des reviviscences.
s. Invité à se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée d’un point de vue ophtalmologique, le Dr K______ a estimé dans son avis du 7 février 2020 qu’à la lumière des rapports médicaux récents, en particulier celui du Dr F______ du 9 octobre 2019, il n’était pas vraiment concevable que des incapacités de travail si tardives pour les seuls troubles de la vue soient mises en relation avec un accident ayant eu lieu le 2 avril 2019. Dès lors qu’il n’existait aucune attestation d’incapacité pour des raisons ophtalmologiques entre l’accident et le 15 août 2019, l’incapacité de travail de 100% du 15 août au 27 octobre 2019 établie par le Dr F______ était d’autant plus difficile à comprendre. Le Dr K______ était d’avis qu’il n’y avait pas vraiment d’incapacité de travail pour les seuls troubles visuels. Les traitements qu’il avait proposés le 22 novembre 2019 n’entraînaient pas d’incapacité de travail.
B. a. Par décision du 28 février 2020, la SUVA a annulé sa décision du 9 septembre 2019 et a admis un lien de causalité entre l’événement du 2 avril 2019 et les troubles mentionnés dans son courrier du 15 octobre 2019. Elle a admis la prise en charge de lunettes équipées de filtres optiques et de neuf séances orthoptiques, à l’exclusion d’une incapacité de travail résultant des troubles de la vue. La SUVA a également reconnu le droit à la prise en charge du traitement de la mâchoire par le docteur P______, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale et l’incapacité de travail en découlant, à concurrence de deux jours au maximum. Pour le surplus, selon l’avis de son service médical, une incapacité de travail n’était plus justifiée pour les suites de l’accident du 2 avril 2019. Sous l’angle des seules suites de cet événement, on pouvait considérer que l’assurée avait pu reprendre son activité professionnelle à plein temps à compter du 16 août 2019. Au-delà du 15 août 2019, les troubles résiduels étaient d’origine maladive. En conséquence, le versement des indemnités journalières prenait fin le 15 août 2019 au soir. En ce qui concernait les troubles psychiques, leur prise en charge dépendait de l’existence d’un lien de causalité avec l’accident du 2 avril 2019, qui n’était cependant pas établi. Par conséquent, c’était à bien plaire que la SUVA avait accepté de prendre en charge ces troubles jusqu’au 15 août 2019 au soir. En exceptant les deux jours d’arrêt de travail pour la mâchoire et le traitement médical y relatif, la prise en charge de l’incapacité de travail et du traitement médical incombait à l’assureur-maladie.
b. Dans un rapport du 30 avril 2020, le docteur Q______, spécialiste en ophtalmologie, a indiqué en synthèse que malgré les démarches thérapeutiques incluant la prise en charge optométrique, l’assurée présentait toujours une importante photophobie ainsi qu’une grande difficulté à maintenir un équilibre binoculaire. Il a précisé que le Dr F______ avait délivré un arrêt de travail du 9 avril au 29 mai 2020.
c. Les 4 et 9 juin 2020, la SUVA a reçu un certificat d’arrêt de travail à 80% du 1er au 30 juin 2020 établi par le Prof. G______, ainsi qu’un courrier de ce médecin adressé le 28 octobre 2019 au Dr D_____, dans lequel il indiquait que l’assurée avait fait plusieurs tentatives de reprise de travail, mais ne pouvait pas travailler plus de 40 à 50 minutes devant un écran, qu’elle avait consulté plusieurs optométristes/orthoptistes ou opticiens qui lui avaient signifié que son intolérance à la lumière était peut-être due à un diamètre pupillaire trop grand, et que l’examen de ce jour était superposable à celui décrit en juillet 2019. L’assurée présentait une anisocorie essentielle physiologique, les pupilles mesurant 7.5 mm à droite et 7 mm à gauche en lumière forte. La réactivité pupillaire à la lumière était symétrique, sans anomalie notable. Le Prof. G______ n’avait donc aucune explication neuro-ophtalmologique à l’intolérance à la luminosité de l’écran et à la difficulté à garder sa concentration au-delà de 40 à 50 minutes. En résumé, l’assurée présentait une photophobie et une difficulté à maintenir un équilibre binoculaire durant son travail. Devant l’échec des traitements à ce jour, le Prof. G______ proposait une rééducation par un optométriste. Il n’avait aucune autre proposition d’investigation ou de traitement.
d. Dans une appréciation du 25 septembre 2020, le Dr K______ s’est déterminé sur les rapports du Dr Q______ du 30 avril 2020 et du 24 juillet et 28 octobre 2019 du Prof. G______. Il a retenu des troubles visuels survenus après un TCC, mais sans corrélation anatomique pathologique et sans possibilité d’amélioration par des mesures thérapeutiques. En l’absence d’explication objectivable pour les troubles de la vue, incluant la photophobie, on pouvait difficilement retenir une incapacité de travail ou une baisse de rendement, quelle que soit l’activité professionnelle. En particulier, le travail à l’écran d’ordinateur était exigible moyennant l’utilisation de lunettes adaptées.
e. Par courrier du 5 novembre 2020 au conseil de l’assurée, la SUVA a indiqué que si elle avait admis un lien de causalité naturelle entre les troubles et l’accident dans la mesure indiquée dans la décision du 28 février 2020, elle n’avait pas analysé l’existence d’un lien de causalité adéquate. Or, l’examen des critères jurisprudentiels en la matière conduisait à exclure un tel lien. Aussi la SUVA entendait-elle modifier la décision précitée au détriment de l’assurée concernant les prestations pour les troubles de la vue. Elle a offert à celle-ci la possibilité de retirer partiellement ou totalement son opposition. À défaut, une décision sur opposition niant le droit aux prestations d’assurance pour les troubles de la vue serait rendue, la SUVA renonçant toutefois à exiger la restitution des prestations déjà versées à ce titre. Pour le surplus, cette nouvelle décision se prononcerait sur les autres troubles de la santé évoqués dans l’opposition du 30 mars 2020.
f. Par pli du 21 décembre 2020, l’assurée a informé la SUVA qu’elle maintenait intégralement son opposition à la décision du 28 février 2020. Elle a contesté l’absence de cause organique à ses troubles de la vue. En effet, elle présentait une diplopie binoculaire, conséquence d’une décompensation phorique post‑accidentelle, comme l’attestait un rapport établi le 23 novembre 2020 à la suite d’une consultation du 28 juillet 2020 par le professeur R______ du Centre universitaire de la vision de l’Université polytechnique de Catalogne, qu’elle a produit. Dans cet avis, établi en anglais, ce médecin concluait que les altérations binoculaires de l’assurée étaient parfaitement justifiées par une lésion cérébrale due au traumatisme crânien subi lors de l’accident. Les séquelles visuelles chez les patients atteints de lésions cérébrales traumatiques étaient bien documentées dans la littérature scientifique, ce médecin mentionnant plusieurs références bibliographiques. Le fait que les exercices d’entraînement visuel n’aient apporté qu’une amélioration limitée des troubles révélait la chronicité de la lésion cérébrale. Par conséquent, les limitations dont l’assurée continuait à faire état dans les activités visuelles ne pouvaient pas être corrigées par un traitement. Cette situation ne lui permettait pas d’exercer ses activités professionnelles de manière normale.
g. Le 12 janvier 2021, l’assurée a encore versé au dossier un rapport du 22 décembre 2020 de la docteure P______, spécialiste en neurologie, indiquant que l’examen neurologique du jour était strictement normal, hormis une diplopie horizontale dans le regard latéral des deux côtés, disparaissant en vision extrême. L’assurée présentait les symptômes d’un syndrome post-commotionnel chronicisé avec, au premier plan, non seulement des difficultés visuelles largement investiguées et à l’origine de nombreuses tentatives de prise en charge, mais également des céphalées, dont certaines d’allure migraineuse, des cervicalgies et, à l’examen neuropsychologique effectué le 15 décembre 2020 par S______, neuropsychologue, une atteinte attentionnelle, exécutive et mnésique. Ce profil cognitif confirmait le diagnostic de syndrome post-commotionnel. Comme le relevait la neuropsychologue S______, les observations lors de son évaluation, décrites comme marquées, étaient indépendantes de la problématique visuelle. En soi, elles étaient elles-mêmes à l’origine d’une baisse de rendement et d’une incapacité de l’assurée à reprendre son activité professionnelle habituelle. La chronicisation des troubles avait mené petit à petit l’assurée à développer un état anxieux. En l’absence de difficultés antérieures à l’accident, tous les troubles décrits, dont les difficultés visuelles, étaient directement consécutifs à l’accident. Les troubles visuels s’apparentaient quant à eux à une diplopie post-traumatique telle qu’on pouvait la voir dans les suites d’un syndrome post-commotionnel. À cela s’était ajouté un whiplash, soit un traumatisme de type « coup du lapin ».
Dans son rapport du 19 décembre 2020, S______ a conclu à une atteinte attentionnelle, exécutive et mnésique. Au niveau visuel, il n’y avait pas de difficulté majeure qui ressortait de l’examen. Le profil cognitif était celui retrouvé dans les syndromes post-commotionnels. L’intensité marquée de ce tableau pouvait s’expliquer par une anxiété significative, qui accentuait la symptomatologie cognitive.
h. Dans une appréciation du 15 janvier 2021, le Dr K______ a estimé que le rapport du Prof. R______ n’apportait pas d’éléments nouveaux. Un examen orthoptique avait déjà été réalisé en octobre 2019. Il proposait un avis neurologique, éventuellement neuropsychologique, sur la causalité entre l’événement du 2 avril 2019 et les plaintes de l’assurée.
i. Par appréciation du 5 mars 2021, le docteur T______, spécialiste en neurologie et médecin-conseil de la SUVA, a retenu que du point de vue neurologique, le traumatisme du 2 avril 2019 n’avait pas provoqué de lésion au niveau du tronc cérébral ou des nerfs crâniens qui en émergeaient, alors qu’une étiologie neurologique de la diplopie se trouverait au niveau desdites structures. En l’absence de lésions structurelles objectivées sur le plan cérébral, les résultats de l’examen neuropsychologique du 15 décembre 2020 ne pouvaient pas être attribués à l’accident du 2 avril 2019 au degré de la vraisemblance prépondérante. On retenait un lien de causalité peu probable, tout au plus possible, étant donné que les performances étaient parasitées par un trouble psychique significatif.
j. Par décision du 12 mars 2021, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assurée. Celle‑ci avait subi un traumatisme crânien simple après une chute à vélo le 2 avril 2019. Dans un tel cas, en l’absence de troubles organiques objectivement démontrables pouvant être imputés à l’accident et en présence de troubles persistants de la sphère psychique, il convenait de déterminer l’existence d’un lien de causalité adéquate de ces troubles à la lumière des critères jurisprudentiels applicables en cas de traumatisme de type « coup du lapin ». Ceux-ci n’étaient pas réalisés en l’espèce, l’accident pouvant être qualifié de gravité moyenne stricto sensu. En l’absence d’un tel lien, c’était à bon droit que la SUVA avait mis un terme à ses prestations avec effet au 15 août 2019 au soir pour les suites de l’accident du 2 avril 2019, sous réserve de la prise en charge du traitement médical de la mâchoire et de deux jours d’arrêt de travail au plus en lien avec cette affection.
C. a. L’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et sur le fond à la reconnaissance d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 2 avril 2019 et ses troubles visuels et au versement des indemnités journalières dues en raison de sa capacité de travail nulle depuis le 2 avril 2019, et subsidiairement à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire confiée à des spécialistes en optométrie, orthoptique et neuro-ophtalmologie.
Ce recours a été transmis à la chambre de céans comme objet de sa compétence ratione loci.
b. Par réponse du 27 juillet 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours.
c. Par arrêt du 9 août 2022 (ATAS/695/2022), la chambre de céans a partiellement admis le recours et a renvoyé la cause à la SUVA pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Elle a en substance retenu que les seuls troubles somatiques objectivables consécutifs à l’accident d’avril 2019 étaient ceux pris en compte par le Dr M______ et les troubles de la mâchoire. Les troubles ophtalmologiques n’étaient quant à eux pas objectivés, et les explications du Prof. R______ ne permettaient pas de retenir le contraire. Le Dr K______ n’en considérait pas moins que l’accident du 2 avril 2019 avait causé des troubles de cette nature. L’avis de ce médecin-conseil n’emportait toutefois pas la conviction en tant qu’il admettait une pleine capacité de travail à l’issue des traitements pris en charge par la SUVA, soit le port de lunettes adaptées et d’une rééducation orthoptique. Celle-ci ayant admis un lien de causalité naturelle entre l’accident d’avril 2019 et les troubles de la vue, il lui incombait en principe de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire afin de déterminer la capacité de travail de l’assurée après les traitements des troubles visuels. Cet examen serait cependant inutile si un lien de causalité adéquate avec l’accident devait être niée. Dès lors que l’existence d’un rapport de causalité adéquate en cas de coup du lapin devait être examinée au moment où aucune amélioration significative de l’état de santé ne pouvait être attendue de la poursuite du traitement médical de cette atteinte, il y avait lieu de déterminer à quelle date le traitement était achevé, sous réserve d’éventuelles séquelles psychiques du TCC au-delà de cette date. Si la SUVA devait confirmer à l’issue de l’instruction de l’état psychique que la jurisprudence en matière de coup du lapin était applicable, il lui incomberait de déterminer le taux d’incapacité de travail du 16 août 2019 jusqu’au terme de la rééducation orthoptique en intégrant les troubles psychiques, voire au-delà si des séquelles psychiques subsistaient, puis de procéder à l’examen d’un lien de causalité adéquate. Il était nécessaire pour déterminer en fonction de quels critères jurisprudentiels l’existence d’un tel lien devait se faire que l’instruction au plan psychique fût complétée. La chambre de céans a encore précisé au plan psychiatrique que l’appréciation du Dr E_____ n’avait pas valeur probante en tant qu’elle écartait un lien de causalité naturelle, dès lors qu’elle se fondait sur un rapport initial du Dr B______ que celui-ci avait rectifié par la suite.
D. a. A la suite de cet arrêt, les parties ont eu plusieurs échanges de vue au sujet des experts à désigner et de leur mission d’expertise.
b. La SUVA a en définitive désigné le docteur U______, spécialiste en ophtalmologie, expert proposé par l’assurée, auquel elle a également soumis les questions posées par celle-ci. Pour le volet psychique, elle a désigné le docteur V______, spécialiste en psychiatrie, au sujet duquel l’assurée n’a soulevé aucun motif de récusation. Elle a soumis à cet expert les questions formulées par l’assurée.
Elle en a informé l’assurée par courrier du 6 mars 2023.
c. Le Dr V______ a établi son rapport le 22 juin 2023, après deux entretiens avec l’assurée.
Il a retenu qu’après l’accident, susceptible d’entraîner l’émergence d’un état de stress post-traumatique, l’assurée avait développé des souvenirs intrusifs et un évitement des situations potentiellement similaires, une anxiété anticipatoire des sorties du domicile, ainsi qu’une hypervigilance touchant le risque d’être percutée à la tête, symptômes caractéristiques d’un diagnostic d’état de stress post-traumatique au sens de la CIM-10 et du DM-5. En parallèle, elle avait développé une altération de l’humeur perceptible pour ses proches, associée à une baisse de l’énergie dans des proportions fluctuantes, sans diminution significative de ses intérêts et activités – qui n’étaient restreints que par ses symptômes somatiques –et avec un cortège de symptômes dépressifs secondaires tels qu’une altération du sommeil et de la libido, un pessimisme et des difficultés cognitives, ces dernières ayant pu s’inscrire au moins en partie dans ce cadre. Au vu de ces éléments, le Dr V______ retenait que l’assurée avait vraisemblablement développé un épisode dépressif moyen dans le contexte de l’incertitude professionnelle ayant suivi l’accident, mais aussi de la souffrance induite par les symptômes somatiques et de la vulnérabilité liée à l’état de stress post-traumatique. Les diagnostics étaient ceux d’état de stress post-traumatique (F43.1) et d’épisode dépressif moyen (F32.1) en relation de causalité naturelle avec l’événement. L’avis divergent du Dr E_____ n’était pas convaincant, car il reposait sur le rapport du Dr B______, lequel n’était pas fiable. Le Dr L______ avait mentionné dans son rapport du 25 novembre 2019 des symptômes compatibles avec les deux diagnostics retenus. L’assurée avait toutefois indiqué ne plus avoir vu ce psychiatre après octobre 2019. Les Drs N______ et O______ avaient également retenu un état de stress post-traumatique dans leurs rapports de novembre et décembre 2019. Le Dr D_____ avait quant à lui fait part d’une amélioration très substantielle des symptômes dans un rapport daté du 16 juin 2020. L’assurée exprimait une nette amélioration de ses symptômes après quelques mois, sous l’effet de la médication et des séances d’EMDR prodiguées par le Dr O______ jusqu’en avril 2020. Lors de l’expertise, elle ne présentait pas d’atteinte à la santé ayant valeur de maladie sur le plan psychiatrique, en l’absence d’une altération significative de l’humeur, de l’énergie ou des intérêts et plaisirs, et bien qu’un certain degré de tristesse puisse être ressenti. Le trouble dépressif était à présent en rémission, avec la persistance de symptômes discrets et non objectivables n’ayant pas valeur de maladie. L’assurée ne présentait plus non plus d’état de stress post-traumatique. Partant, ces deux atteintes n’avaient pas persisté à un degré pouvant être qualifié de pathologique au-delà du mois d’avril 2020. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles d’ordre psychique, et la capacité de travail était entière dans toute activité. Entre le 2 avril 2019 et avril 2020, l’état de stress post-traumatique et l’épisode dépressif moyen avaient entraîné les limitations fonctionnelles suivantes : limitation de l’endurance liée au poids de l’anxiété, à la fatigue et à l’altération fluctuante de l’élan vital ; sensibilité accrue au stress ; persévérance moindre et tendance au découragement lors des efforts prolongés ; et difficulté pour se rendre dans des endroits fréquentés par des vélos ou surmontés par des structures hautes. Compte tenu de ces limitations, mais aussi des activités personnelles et du faible poids des symptômes psychiatriques sur le lieu de travail comparativement aux symptômes somatiques, l’expert estimait que les symptômes de l’assurée avaient nécessité en moyenne – des fluctuations étant très vraisemblables – un temps de repos supplémentaire équivalent à la moitié du temps de travail dans une activité d’architecte sur cette période d’une année. L’assurée avait ainsi présenté sur le plan psychiatrique une incapacité de travail de 50% dans l’activité d’architecte du 2 avril 2019 au mois d’avril 2020.
d. Dans l’expertise ophtalmologique établie le 23 juin 2023, le Dr U______ a rapporté que l’assurée avait pris conscience des problèmes visuels et de la vision double une semaine après l'accident. Elle avait alors aussi beaucoup d'autres problèmes. Les maux de tête, la sensibilité à la lumière et au bruit avaient duré longtemps. Elle aurait eu beaucoup de rééducation orthoptique, c'est-à-dire de nombreux exercices oculaires à Genève et en Espagne et à la maison, sans effet durable. L’assurée se sentait sensible à la lumière et au contraste et portait des lunettes de soleil même par temps couvert. Elle était également sensible à l'éblouissement la nuit et le soir, et ne conduisait que rarement. Son principal problème était la vision de près. Elle disait avoir du mal à ne voir qu'une seule image, surtout pour la lecture ou le dessin. Le problème se posait dès qu'elle se concentrait, puis devenait plus difficile au fil du temps. Après environ 30 minutes, les images commençaient à bouger. Ces problèmes étaient encore plus marqués à l'écran. Ce type d'activité visuelle provoquait des douleurs périoculaires et, plus tard, des maux de tête. Après un long temps de récupération, l’assurée pouvait fonctionner une heure sans douleur. Les mauvais jours, elle signalait plus rapidement des maux de tête. Elle avait également des problèmes avec les marches et devait se tenir, mais elle pouvait s’en accommoder. Après l'accident, elle avait tenté quatre à cinq fois une reprise du travail à divers taux, mais cela n’avait pas été concluant. L’assurance-invalidité lui avait octroyé une reconversion en tant que cheffe de chantier et gestionnaire de projet, sans succès car cela impliquait beaucoup de travail sur ordinateur. Ensuite, une reconversion en art-thérapie avait été entreprise, mais l’assurée était sceptique car elle n’était pas sûre de pouvoir subvenir à ses besoins à long terme. Elle travaillait actuellement à 50% en tant que responsable de la coordination des travaux, avec beaucoup de réunions et de contrôles sur les chantiers, mais devait aussi beaucoup utiliser l'ordinateur. Elle avait l'impression de ne pas être très productive : elle devait faire beaucoup de pauses et se considérait comme peu efficace dans ce travail.
Le Dr U______ a constaté que l’assurée présentait une ésophorie décompensante. Cela signifiait qu'elle ne parvenait à garder les yeux droits qu’au prix d'un effort visuel. Dans cet état, elle avait une vision spatiale, des fonctions binoculaires et pas de vision double. Cependant, le strabisme se décompensait régulièrement, en particulier lors d'un regard prolongé de près. En état de strabisme, elle percevait les images à double. Les résultats subjectifs et les constatations objectives concordaient. Pendant l'examen, l’expert pouvait amener l’assurée à décompenser en vision de près. Ces résultats expliquaient également l'asthénopie, c'est-à-dire les symptômes d'effort qui résultaient de l'effort permanent de compensation de l'angle de déviation. Par ailleurs, on constatait une papille avec des drusen, c'est-à-dire une insertion congénitale dans le nerf optique du côté droit, qui provoquaient une neuropathie optique de faible degré, laquelle n'entraînait toutefois pas de déficits fonctionnels importants. La sensibilité accrue à l'éblouissement décrite par l’assurée pouvait éventuellement aussi être attribuée à l'ésophorie décompensante. Les patients qui louchaient étaient le plus souvent sensibles à l'éblouissement. Le strabisme actuel n'avait pas de lien direct et causal avec le traumatisme crânien de 2019. Un strabisme latent préexistant pouvait toutefois devenir manifeste, c'est-à-dire se décompenser, à la suite d'un traumatisme. En ce sens, il existait un lien de causalité direct plausible avec le traumatisme, qui avait provoqué la décompensation du strabisme préexistant. Un traumatisme crânien était également une cause fréquente et connue d'une sensibilité transitoire à l'éblouissement. Il était toutefois très probable que la sensibilité à l'éblouissement encore présente aujourd'hui ne soit pas causée par le traumatisme crânien.
Le Dr U______ n’a retenu aucun diagnostic en lien avec l’accident. Les atteintes étrangères à l’accident étaient une ésophorie décompensante des deux yeux, [H50.5], état après opération de strabisme dans l’enfance, et des drusen de la pupille à l’œil droit [H47.3]. S’agissant du pronostic, dans l’état actuel, il existait effectivement une restriction visuelle importante qui s'expliquait par la double vision et les symptômes d'effort. Une opération du strabisme afin de rétablir l'état binoculaire était possible, et de bon pronostic. Après une opération de strabisme réussie, au plan ophtalmologique et neuro-ophtalmologique, on attendait une absence de symptômes et une capacité de travail complète sans diminution de rendement quatre semaines plus tard. Il était parfois nécessaire d’effectuer plus d'une opération pour atteindre ce but. Sans intervention, l’état était stable. Avec une mesure interventionnelle concernant le strabisme, une amélioration significative de l'état de santé était attendue, avec une résolution complète espérée des problèmes de vision double. De même, le Dr U______ espérait la disparition complète des maux de tête d'origine visuelle et des « visions floues » rapportées, dont il supposait qu’il s’agissait d'un type de perception d'images doubles. En revanche, s’agissant du pronostic de la photophobie, il avait des doutes, bien qu’une amélioration fût également possible dans ce domaine. Il existait une alternative moins invasive à l’opération du strabisme, consistant en une injection unique de botox dans les muscles oculaires. Les mesures avec des prismes n’étaient toutefois pas prometteuses pour ce grand angle de strabisme.
En l’état, le Dr U______ concluait à l’exigibilité d’un taux de travail de 80%. Durant le temps de présence de 80%, il existait toutefois une capacité de travail de 50%, due aux courtes pauses nécessaires et à la nécessité de se concentrer et de faire plus d’efforts pour des tâches visuelles plus complexes. Cette estimation était valable pour l'activité d’architecte, exigeante sur le plan visuel, avec beaucoup de travail sur ordinateur et des plans complexes.
Dans une activité adaptée, l’assurée devait fermer un œil, ce qui rendrait acceptable une activité à 80% avec un rendement complet. La capacité de travail réduite s’expliquait par un besoin de récupération accru dans une situation de monocle non habituelle. Les travaux visuellement non exigeants étaient ceux n’impliquant que des performances rudimentaires du système visuel (par ex. téléphoniste, de nombreuses professions dans le domaine des soins ou également la profession visée avec l'art-thérapie).
À la question sur l’indemnité pour atteinte à l'intégrité, le Dr U______ a indiqué « Une invalidité de longue durée chez cette personne jeune, qualifiée et éveillée ne me semble pas du tout adaptée à la situation. Elle a certes actuellement un problème ophtalmologique important, mais qui peut être résolu facilement »
e. Dans leur évaluation consensuelle, les experts ont retenu que l’assurée avait développé à la suite de la chute à vélo et en relation de causalité naturelle avec cet événement une décompensation d’un strabisme précédemment opéré, un état de stress post-traumatique et un épisode dépressif moyen. Les données cliniques et anamnestiques recueillies au cours des examens révélaient une authenticité dans l’expression des plaintes, avec une bonne cohérence du tableau clinique allégué. Sur le plan ophtalmologique, l’atteinte entraînait une incapacité de travail de 50%, avec une présence possible de 80% et un rendement de 62.25% dans une activité d’architecte depuis le 2 avril 2019. En tenant compte des atteintes psychiatrique et ophtalmologique, l’assurée avait dans la profession d’architecte une incapacité de travail de 100% du 2 avril 2019 au mois de mai 2020, et depuis lors une incapacité de travail de 50%, avec une présence possible de 80% et un rendement de 62.25% dans une activité d’architecte. Dans une activité adaptée aux troubles visuels, elle présentait une incapacité de travail de 20%, avec une présence possible à 90% et un rendement de 89%. Une chirurgie oculomotrice pouvait être proposée et devait lui permettre de retrouver une capacité de travail entière dans toute activité.
f. Le 24 août 2023, la SUVA a fait parvenir à l’assurée les questions complémentaires qu’elle entendait soumettre au Dr U______. L’assurée s’y est opposée le 25 septembre 2023, soutenant que ces questions étaient inutiles. En effet, l’expert attestait que la décompensation des troubles visuels entraînait encore à ce jour une incapacité de travail, et qu’une opération permettrait de résoudre ce problème. Elle a exigé une reformulation des questions.
g. La SUVA a répondu à l’assurée le 30 octobre 2023 que l’expert n’avait pas répondu précisément à la question de savoir si la décompensation des troubles visuels était temporaire ou durable, de sorte qu’elle maintenait ses questions, qu’elle a cependant reformulées dans le sens souhaité par l’assurée.
h. L’expert a répondu aux questions complémentaires dans un rapport du 19 janvier 2024.
À la question « L’accident du 02.04.2019 a-t-il entraîné une décompensation temporaire ou durable des troubles visuels (strabisme) ? », il a répondu que l’accident avait provoqué une décompensation durable du strabisme préexistant. À la question « En cas de décompensation durable : à partir de quel moment les suites de l’accident du 02.04.2019 ne jouent plus aucun rôle au degré de la vraisemblance prépondérante ? », l’expert a répondu que pour rétablir la compensation, une opération était nécessaire. À défaut, la décompensation persistait. La décompensation du strabisme préexistant avait très probablement été causée par une réduction temporaire des possibilités de compensation due à l’accident. Cette réduction, qui avait finalement conduit le strabisme à la décompensation, n’avait très probablement joué un rôle que pendant les premières semaines ou les premiers mois. L’expert partait ainsi du principe qu’au plus tard six mois après l’accident, c’est-à-dire à partir d’octobre 2019, il n’existait plus aucune séquelle d’origine accidentelle. Sur le point de savoir si l’opération du strabisme qu’il préconisait aurait été nécessaire même sans accident, le Dr U______ a souligné qu’elle n’était indiquée qu’en cas de décompensation d’un strabisme, laquelle se produisait généralement de manière spontanée, c’est-à-dire sans influence extérieure, mais pouvait également être causée par un accident. Une décompensation pouvait survenir à n’importe quel moment de la vie. Il supposait que même sans accident, l’assurée aurait eu besoin d’une opération de strabisme à un moment ou à un autre de sa vie. Il considérait que la probabilité d’une deuxième opération était élevée même sans l’accident. Cependant, le moment de l’indication pour une opération de strabisme était très probablement arrivé plus tôt en raison de l’accident. Il était fort possible qu’une opération n’aurait été nécessaire que dans des années, voire des décennies plus tard.
i. L’assurée s’est déterminée le 27 février 2024. Elle a retenu qu’il était établi qu’elle n’avait pas recouvré son état de santé d’avant l’accident, dès lors qu’une intervention était nécessaire. La durée de la réduction de la compensation consécutive à l’accident n’était pas pertinente, puisque la décompensation qui en avait résulté déployait encore ses effets. L’obligation de prester de la SUVA perdurait.
j. Par décision du 5 mars 2024, la SUVA a retenu que les troubles psychogènes ne présentaient pas un lien de causalité adéquate avec l’accident, et l’assurée n’avait ainsi pas droit aux prestations. Elle clôturait ainsi le cas au 2 octobre 2019 et mettait un terme au versement des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement à cette date.
k. L’assurée s’est opposée à cette décision le 15 avril 2024. Les explications du Dr U______ ne pouvaient être interprétées dans le sens d'une interruption de la relation de causalité avec l’accident au 2 octobre 2019. Dans le cas contraire, il y aurait lieu de constater que les conclusions de ce spécialiste étaient manifestement contradictoires et, partant, de faire procéder à une nouvelle expertise. Elle a conclu à l'annulation de la décision de la SUVA et à l'octroi des prestations tant et aussi longtemps que la décompensation du strabisme aurait des effets.
l. Par décision du 9 juillet 2024, la SUVA a écarté l’opposition de l’assurée. Elle a soutenu que l’expertise du Dr U______ avait valeur probante, et que ses conclusions étaient bien motivées. S’agissant des troubles psychiques, dont la décision refusait la prise en charge, la SUVA a soutenu qu’ils n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec l’accident.
E. a. L’assurée a interjeté recours contre la décision de la SUVA devant la chambre de céans par écriture du 9 septembre 2024. Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement et au besoin à la mise en œuvre d’une expertise sur la causalité entre l'accident et les troubles visuels, confiée à un spécialiste en ophtalmologie, optométrie et orthoptique ; principalement à l’annulation de la décision, à ce que l’intimée soit condamnée à lui allouer les prestations pour accident au-delà du 2 octobre 2019, et au renvoi de la cause à l’intimée pour qu’elle procède conformément à ce qui précédait. S’agissant des troubles psychiques, elle a soutenu que les critères permettant de retenir un lien de causalité adéquate avec l’accident étaient remplis, notamment le caractère impressionnant de l’accident, la durée anormalement longue du traitement, et les difficultés survenues et l’incapacité de travail. C’était par conséquent à tort que l’intimée avait nié la relation de causalité adéquate entre l'accident et les troubles psychiques. La recourante a pour l’essentiel répété que l’intimée devait prester tant que les effets de la décompensation du strabisme persistaient et jusqu’à ce que le traitement soit effectué avec succès.
b. Par projet de décision du 25 novembre 2024, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente à la recourante, dès lors que celle-ci avait bénéficié d’un reclassement professionnel avec versement d’indemnités journalières jusqu’au 31 juillet 2024. Celle-ci présentait une capacité de travail entière dans une activité adaptée après ces mesures, et avait débuté le 1er août 2024 une activité adaptée à 80%. Son nouveau revenu, ramené à 100%, se montait à CHF 118'857.-, de sorte qu’elle ne subissait aucune perte de gain.
c. Dans sa réponse du 16 septembre 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.
d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à la recourante et lui a imparti un délai pour d’éventuelles observations.
e. À l’issue de ce délai, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations d’accident au-delà du 15 août 2019 en raison de ses troubles visuels et psychiques.
3. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).
Les prestations que l’assureur-accidents doit cas échéant prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d’incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l’accident (art. 16 LAA), la rente en cas d’invalidité de 10% au moins à la suite d’un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l'intégrité si l’assuré souffre par suite de l’accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).
4. À teneur de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.
La loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par « une sensible amélioration de l'état de l'assuré ». Eu égard au fait que l'assurance-accident est avant tout destinée aux personnes exerçant une activité lucrative (cf. art. 1a et 4 LAA), ce critère se détermine notamment en fonction de la diminution ou disparition escomptée de l'incapacité de travail liée à un accident. L'ajout du terme « sensible » par le législateur tend à spécifier qu'il doit s'agir d'une amélioration significative, un progrès négligeable étant insuffisant (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Ainsi, ni la simple possibilité qu'un traitement médical donne des résultats positifs, ni l'avancée minime que l'on peut attendre d'une mesure thérapeutique ne confèrent à un assuré le droit de recevoir de tels soins (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 2). La stabilisation de l'état de santé doit être estimée de manière pronostique, et non à l'aune de constatations rétrospectives (RAMA 3/2005 n. U 557 p. 389 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_388/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.2).
5. La responsabilité de l'assureur-accident s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2).
5.1 Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
5.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Si l'on peut admettre qu'un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_315/2023 du 9 janvier 2024 consid. 3.2). L'obligation de l'assureur-accidents de prester lorsqu’un état pathologique préexistant a été aggravé ou est devenu manifeste en raison de l’accident ne s’éteint ainsi que si l'accident n'est plus la cause naturelle, soit lorsque l'atteinte à la santé ne résulte que de causes étrangères à l’accident (ATF 146 V 51 consid. 5.1). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2018 du 23 octobre 2019 consid. 4.2).
5.3 Les causes partielles déterminantes au sens de l’art. 6 al. 1 LAA comprennent également les circonstances à défaut desquelles l'atteinte à la santé ne serait pas survenue au même moment. Un traumatisme fonde ainsi le droit aux prestations même lorsque le dommage qu’il entraîne serait survenu tôt ou tard, de sorte que l’accident ne représente la condition sine qua non de l’atteinte qu’en ce qui concerne le moment de sa survenance. Il en va autrement lorsque l'accident n'est qu'une cause occasionnelle ou aléatoire (Gelegenheits- oder Zufallursache), qui rend manifeste un risque existant dont on pouvait attendre qu’il se réalise à tout moment, mais que cet accident n'a pas de signification propre en terme de cause à effet (Andreas TRAUB, Natürlicher Kausalzusammenhang zwischen Unfall und Gesundheits-schädigung bei konkurrierender pathogener Einwirkung : Abgrenzung der wesentlichen Teilursache von einer anspruchshindernden Gelegenheits- oder Zufallsursache, SZS 2009 p. 479). Le droit aux prestations est ainsi ouvert lorsque le dommage se serait inévitablement produit tôt ou tard, mais qu’il ne serait pas survenu au même moment sans l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_380/2011 du 20 octobre 2011 consid. 4.2.1). Les cas dans lesquels l’accident n’est que la cause occasionnelle ou aléatoire du dommage sont ceux dans lesquels l’accident a activé un état clinique pathologique auparavant muet, mais n’était pas nécessaire à cet effet (André NABOLD in Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfall-versicherung, 5e éd. 2024, p. 58 ad art. 6 LAA). Dans de telles situations, la réalisation du risque de décompensation de la pathologie devait être escomptée en tout temps, sans que l’accident ne revête une portée autonome dans le rapport de causalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2012 du 26 février 2013 consid. 5.3). Il n’est pas question de cause occasionnelle ou aléatoire en cas de processus causal inhabituel, dans lequel une prédisposition constitutionnelle joue un rôle essentiel avec une tendance particulière à développer un dommage (Schadensneigung). On peut citer à titre d’exemple un ouvrier souffrant d’un diabète grave, qui subit une brûlure chimique au pied, et dont la blessure, en conjonction avec le diabète, conduit à une réaction inflammatoire qui ne peut être jugulée et mène à l’amputation du pied. L’assureur-accidents doit alors prester bien que l’état pathologique joue un rôle prépondérant dans le dommage, car le diabète n’exposait pas l’assuré à un tel risque en tout temps (arrêt du Tribunal fédéral U 413/05 du 5 avril 2007 consid. 4.2.1). On peut également citer dans ce cadre la jurisprudence en matière de lésions dentaires, qui rappelle qu’une dent parfaitement saine résiste à des contraintes plus fortes qu'une dent réparée, mais qu’une dent traitée reste en général tout à fait fonctionnelle pour l'acte normal de mastication. Si une telle dent ne résiste pas à une contrainte soudaine, non intentionnelle et exceptionnelle, l'hypothèse d'un accident ne peut être exclue au motif qu'une dent parfaitement intacte y aurait résisté. Demeurent réservés les cas où la dent est tellement affaiblie qu'elle n'aurait pas non plus résisté à une sollicitation normale (ATF 149 V 218 consid. 5.3).
5.4 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans les assurances sociales (ATF 142 V 435 consid. 1). L'existence d'un rapport de cause à effet ne doit pas être simplement possible. Elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l'accident doit être nié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_383/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.1). Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_383/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.2). En effet, le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement post hoc, ergo propter hoc). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_117/2020 du 4 décembre 2020 consid. 3.1 et les références).
6. Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1)
6.1 La causalité adéquate répond à la nécessité de fixer une limite raisonnable - et supportable pour la communauté - à la responsabilité de l'assurance sociale. Si la causalité adéquate coïncide pratiquement avec la causalité naturelle en présence d'une atteinte à la santé physique, la jurisprudence soumet cet examen à des règles particulières en cas d'atteinte à la santé sans déficit organique objectivable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_867/2014 du 28 décembre 2015 consid. 4.2).
6.2 Lorsque des symptômes consécutifs à un accident ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement. En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques. En cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de traumatisme crânio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'examen se fait en revanche sur la base de critères particuliers n'opérant pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan. Toutefois, lorsque les troubles psychiques constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé aux traumatismes en cause, il y a lieu de se fonder sur les critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2023 du 19 février 2024 consid. 3.2, cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_558/2023 du 27 novembre 2024 consid. 3.2).
En cas de traumatisme de type « coup du lapin », l’examen de la causalité adéquate doit se faire au moment où on n’attend plus de la poursuite du traitement des troubles une amélioration sensible de l’état de santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2017 du 5 septembre 2017 consid. 6.1)
En cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, l’examen de la causalité adéquate doit se faire au moment où l'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l'atteinte physique une amélioration de l'état de santé de l'assuré, au sens de l'art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5).
7. Pour trancher le droit aux prestations, le juge a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2). Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit la provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2017 du 6 mars 2018 consid. 4.2).
8. En 2015, le Tribunal fédéral a établi une nouvelle procédure pour déterminer la capacité de travail réellement exigible dans les cas de syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées, nécessitant désormais un établissement des faits structuré et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de l’assuré d’autre part. Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères ressortant de la jurisprudence rendue jusque-là, mais sur une grille d’analyse comportant des indicateurs rassemblant les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique, concernant les catégories du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 3.6). Ces indicateurs sont les éléments pertinents pour le diagnostic et les symptômes, le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers, les comorbidités, les diagnostics de la personnalité et les ressources personnelles, le contexte social, le comportement de l’assuré, la limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie, et le poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (ATF 141 V 281 consid. 4.3 et 4.4).
Notre Haute Cour a par la suite étendu cette jurisprudence à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5). Ainsi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (arrêt du Tribunal fédéral 9C_115/2018 du 5 juillet 2018 consid. 4.1).
9. En l’espèce, dans son arrêt du 9 août 2022, la chambre de céans a renvoyé la cause à l’intimée, à charge pour celle-ci d’examiner notamment à quelle date l’état était stabilisé.
Au sujet des expertises que l’intimée a mises en œuvre à la suite de cet arrêt, on relèvera s’agissant du rapport du Dr V______ qu’il satisfait en tous points aux réquisits jurisprudentiels en matière de rapports médicaux. Ce médecin a procédé à deux entretiens avec la recourante, il a pris connaissance de son dossier, de ses plaintes, et a soigneusement consigné l’historique rapporté par la recourante et ses propres observations. Ses diagnostics sont clairs et bien motivés, à l’instar de ses conclusions. Cet expert a en outre pris soin d’indiquer pour quels motifs il s’écartait cas échéant des avis de ses confrères, d’une manière qui emporte la conviction. Par ailleurs, les indicateurs développés par la jurisprudence en matière de gravité de troubles psychiques ont été analysés, et les bonnes ressources de la recourante prises en compte dans ce cadre paraissent incontestables au vu de la description que celle-ci a faite d’une journée-type. Il convient du reste de souligner que la recourante n’émet aucune critique concrète à l’encontre de cette expertise – elle a du reste déclaré à l’expert ne pas comprendre que son état psychique fasse l’objet d’investigations, dès lors qu’elle considère que son problème est principalement d’ordre ophtalmologique. Enfin, aucun rapport médical ultérieur ne vient par ailleurs infirmer l’appréciation du Dr V______.
Il y a ainsi lieu de reconnaître une pleine valeur probante à ce rapport, aux conclusions duquel la chambre de céans se ralliera.
Au plan ophtalmologique, le rapport du Dr U______ est en revanche sujet à caution.
En ce qui concerne la capacité de travail dans l’activité d’architecte, on relève en premier lieu une contradiction entre le volet ophtalmologique et l’évaluation consensuelle. Dans ses propres conclusions, le Dr U______ a fait état d’une capacité de travail de 50%, avec un temps de présence de 80%. Dans l’évaluation consensuelle, les experts ont cependant conclu, de manière assez sibylline, à un rendement de 62.25% avec un temps de présence de 80%, et une capacité de travail de 50%. Si un rendement de 62.25% appliqué à un taux de 80% correspond bien à une capacité de travail de 50%, on s’étonne d’un rendement aussi précisément articulé, qui ne s’explique pas par la conjonction de l’incapacité de travail psychiatrique, puisque le Dr V______ s’en est tenu à une capacité de travail de 50% pendant une période limitée au mois d’avril 2020, sans évoquer de diminution de rendement, alors que l’incapacité de travail en tant qu’architecte avancée par l’expert ophtalmologue perdure au-delà de cette date. Par ailleurs, la capacité de travail dans une activité adaptée diverge : dans son rapport individuel, le Dr U______ a mentionné une capacité de travail de 80%, sans baisse de rendement, alors qu’il mentionne dans l’appréciation consensuelle une capacité de travail de 90% avec un rendement de 89%. Cette imprécision suscite certains doutes quant à la fiabilité des conclusions de l’expert ophtalmologue.
De plus, il semblerait que la question sur une éventuelle indemnité pour atteinte à l'intégrité a été mal comprise par le Dr U______, celui-ci confondant cette notion avec celle d’invalidité.
Surtout, on peine à suivre le Dr U______ lorsqu’il soutient que le strabisme actuel n’a pas de lien direct et causal avec le traumatisme crânien de 2019, dès lors qu’il expose simultanément que ledit traumatisme a décompensé ce strabisme. Cet expert écrit d’ailleurs deux lignes plus loin que le strabisme a un lien de causalité direct avec le traumatisme (p. 9 de son rapport).
L’intimée n’a du reste pas ignoré ces contradictions, puisqu’elle a invité l’expert à préciser ses réponses. Le complément que celui-ci a établi le 19 janvier 2024 ne permet toutefois aucunement de dissiper les ambiguïtés majeures subsistant à la lecture de son rapport initial. Le Dr U______ y soutient en effet que l’accident a causé une décompensation durable, tout en retenant à la fois que la réduction des possibilités de compensations du strabisme liée à l’accident n’avait plus d’effet après les premiers mois après l’accident – sans du reste indiquer les motifs qui lui permettent de retenir que cette réduction se serait amendée –, mais que la décompensation que cette réduction a elle-même entraînée perdure. Les thèses selon laquelle la décompensation causée par l’accident selon l’expert perdure d’une part, et selon laquelle l’accident ne déploierait plus d’effets d’autre part, sont absolument inconciliables, à défaut d’explication scientifique nuancée sur ces points.
On soulignera en outre que l’avis du Dr U______ paraît isolé, notamment quant à l’indication d’une intervention chirurgicale. Il est vrai que sa mission d’expertise ne l’invitait pas à se prononcer sur les rapports des autres ophtalmologues, si bien qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas les avoir discutés. Il n’est néanmoins pas anodin de souligner qu’aucun des nombreux autres ophtalmologues consultés n’a suggéré une nouvelle intervention du strabisme, si bien qu’il paraît difficile de retenir sans autres qu’une telle opération permettrait une amélioration sensible de l’état de la recourante.
Au vu de ce qui précède, l’expertise du Dr U______ ne peut se voir reconnaître valeur probante, et n’est ainsi pas suffisante pour trancher le droit aux prestations de la recourante.
10. Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise. Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand elle n’a pas du tout instruit une question, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).
Dans le cas d’espèce, dès lors que l’intimée ne pouvait ignorer les contradictions flagrantes ressortant de l’expertise du Dr U______ – qui se manifestent du reste également par le fait que les parties en tirent des conclusions diamétralement opposées –, elle ne pouvait considérer ce rapport comme probant et se fonder sur son contenu pour considérer que l’état de la recourante était stabilisé au 2 octobre 2019, mais devait compléter l’instruction. Au vu de ces circonstances, il se justifie de lui renvoyer la cause, à charge pour elle de mettre en œuvre une nouvelle expertise ophtalmologique.
L’expert à désigner devra déterminer le moment de la stabilisation de l’état de santé de la recourante au plan ophtalmologique, se prononcer sur sa capacité de travail jusqu’à cette date et sur sa capacité de travail et de gain après la stabilisation. Dans ce cadre, il conviendra que cet expert se détermine en particulier sur l’indication à l’intervention du strabisme proposée par le Dr U______. S’il devait confirmer cette indication en raison d’une décompensation (prématurée) du strabisme imputable à l’accident du 2 avril 2019, il y aurait alors lieu de considérer que cet événement ne relève pas dans ce contexte d’une cause occasionnelle ou aléatoire, puisqu’il a précipité la nécessité d’une nouvelle opération du strabisme, et fonde ainsi a priori le droit à la poursuite du versement des indemnités journalières et de la prise en charge du traitement médical jusqu’à stabilisation de l’état de santé après l’intervention, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus.
Dans la nouvelle décision que l’intimée devra rendre par la suite, celle-ci sera fondée à statuer sur le lien de causalité adéquate lors de la stabilisation de l’état de santé, en tenant compte des résultats de la nouvelle expertise ophtalmologique, et cas échéant des conclusions du Dr V______, dans la mesure conforme aux principes rappelés ci-dessus au sujet des critères applicables à l’analyse d’un tel lien.
11. Le recours est partiellement admis.
La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimée du 9 juillet 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.
5. Condamne l’intimée à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le