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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2868/2024

ATAS/643/2025 du 28.08.2025 ( AF ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2868/2024 ATAS/643/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 août 2025

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

SERVICE CANTONAL D'ALLOCATIONS FAMILIALES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’intéressé), né en 1991, a épousé B______ le ______2012 à C______ (Israël).

b. L’intéressé et son épouse sont parents de quatre enfants, D______, E______, F______ et G______ nés à H______ (Israël) les ______ 2013, ______ 2016, ______ 2020 et ______ 2023.

Les quatre enfants vivent principalement à H______, en Israël, avec leur mère.

c. Le 1er septembre 2023, l’intéressé, alors domicilié à Paris, a été engagé par la société I______ SA, sise à Genève.

d. Il a ensuite été détaché en Israël, à H______, à partir du 3 juin 2024, pour une durée prévisible de deux ans, soit jusqu’au 2 juin 2026.

B. a. Le 15 novembre 2023, l’intéressé a déposé auprès du Service des allocations familiales (ci-après : SCAF) de la Caisse cantonale genevoise de compensation une demande d’allocations familiales pour ses quatre enfants à compter du 1er septembre 2023.

b. Par décision du 11 décembre 2023, le SCAF a rejeté sa demande, au motif qu’aucune convention avec Israël ne prévoyait le versement des allocations familiales pour des enfants résidant dans cet État.

c. Le 9 janvier 2024, l’intéressé s’est opposé à cette décision en alléguant avoir demandé le maintien du droit suisse des assurances sociales durant son détachement. Dès lors que son employeur était suisse et que ses revenus et cotisations étaient soumis au régime suisse, il estimait avoir droit aux allocations familiales suisses.

d. En juillet 2024, l’intéressé a transmis au SCAF une attestation établie en hébreu, dont il ressortirait, selon ses explications, que son épouse bénéficie d’allocations familiales pour les quatre enfants (à hauteur de 811 shekel par mois, soit 202.75 shekel par enfant, l’équivalent de 50.- CHF/mois par enfant).

e. Par décision du 7 août 2024, le SCAF a rejeté l’opposition.

Le SCAF a nié à l’intéressé le droit aux allocations familiales pour la période du 1er septembre 2023 au 3 juin 2024, au motif que la convention conclue entre la Suisse et Israël ne prévoit pas l’export des allocations familiales en Israël.

L’intéressé ne pouvait pas non plus prétendre à des allocations familiales à compter du 4 juin 2024, le but des dispositions légales applicables n’étant pas de permettre le versement de prestations supplémentaires en cas de détachement.

C. a. Le 6 septembre 2024, l’intéressé a interjeté recours contre cette décision en arguant en substance que ses droits doivent le suivre et que ses enfants étaient domiciliés en Israël avant son détachement.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 19 novembre 2024, a conclu au rejet du recours.

L’intimé se réfère à la motivation de la décision litigieuse et précise que les exceptions prévues par la loi concernent des enfants ayant un lien étroit avec la Suisse et ne résidant à l’étranger que temporairement.

c. Par écritures des 18 novembre 2024, 16 et 23 janvier 2025, les parties se sont essentiellement exprimées sur la question du domicile du recourant, persistant pour le surplus dans leurs précédentes conclusions.

d. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1  

1.1.1 La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

1.1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la LAFam n’y déroge expressément (cf. art. 1 LAFam). Il en va de même en ce qui concerne les allocations familiales prévues par la loi cantonale (cf. art. 2B let. b LAF).

À teneur de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège.

Par ailleurs, selon l’art. 22 LAFam, en dérogation à l’art. 58 al. 1 et 2 LPGA, les décisions prises par les caisses de compensation pour allocations familiales peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal des assurances du canton dont le régime d’allocations familiales est applicable.

1.1.3 En l’espèce, d’une part, l’employeur du recourant est sis à Genève, d’autre part, le régime d’allocations familiales du canton de Genève est applicable, de sorte que la compétence ratione materiae et loci de la Cour de céans est établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'allouer des allocations familiales au recourant, singulièrement sur la question de l’exportation desdites allocations.

3.              

3.1 Les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam et 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Leur but consiste à compenser, partiellement du moins, les charges familiales, soit les coûts engendrés par la venue au monde d’un enfant (cf. Stéphanie PERRENOUD, Les allocations familiales, in CGSS n° 51 – 2015, p. 149ss, p. 152). Les allocations familiales représentent une des pierres angulaires de la politique familiale (Message relatif à l’initiative populaire « Pour de plus justes allocations pour enfant ! » di 18 février 2004, FF 2004 1195, p. 1201-1202).

Selon l'art. 3 al. 1 LAFam, l'allocation familiale comprend notamment l'allocation pour enfant (let. a) et l'allocation de formation professionnelle, qui est octroyée à partir du mois qui suit celui au cours duquel l'enfant atteint l'âge de 16 ans jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à l'âge de 25 ans (let. b).

Aux termes de l'art. 4 LAFam – dont la teneur est reprise sur le plan cantonal à l’art. 3 al. 1 let. a LAF –, donnent droit à des allocations, les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (al. 1 let. a). Pour les enfants vivant à l'étranger, le Conseil fédéral détermine les conditions d'octroi des allocations (al. 3, 1ère phrase).

3.2 En exécution de ce mandat, le Conseil fédéral a adopté l'art. 7 de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam - RS 836.21), entré en vigueur le 1er janvier 2009.

Selon cette disposition, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2011, applicable au cas d’espèce :

1 Pour les enfants ayant leur domicile à l’étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit.

1bis Pour les enfants quittant la Suisse afin de suivre une formation, il est présumé pendant cinq ans au plus qu’ils conservent leur domicile en Suisse. Ce délai commence au plus tôt dès que l’enfant atteint l’âge de 15 ans.

2 Les salariés assurés obligatoirement à l’AVS conformément à l’art. 1a, al. 1, let. c, ou al. 3, let. a, LAVS ou en vertu d’une convention internationale ont droit aux allocations familiales pour les enfants domiciliés à l’étranger même si aucune convention internationale ne le prévoit.

Selon l’art. 1a al. 1 let. c LAVS – auquel renvoie l’art. 7 al. 2 OAFam –, sont assurés au sens de la LAVS les ressortissants suisses qui travaillent à l’étranger au service de la Confédération, au service d’organisations internationales avec lesquelles le Conseil fédéral a conclu un accord de siège et qui sont considérées comme employeurs au sens de l’art. 12 LAVS ainsi qu’au service d’organisations d’entraide privées soutenues de manière substantielle par la Confédération en vertu de l’art. 11 de la loi fédérale du 19 mars 1976 sur la coopération au développement et l’aide humanitaire internationales.

Quant à l’art. 1a al. 3 let. a LAVS - également mentionné à l’art. 7 al. 2 OAFam -, il prévoit que peuvent rester assurées les personnes qui travaillent à l’étranger pour le compte d’un employeur dont le siège est en Suisse et qui sont rémunérées par lui, pour autant qu’il y consente. Toutefois, selon l’art. 5 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS, RS 831.101), pour rester assurées, ces personnes doivent avoir été soumises pendant cinq années consécutives au moins à l’assurance, immédiatement avant le début de l’activité à l’étranger (let. a), ou le terme de la période de détachement admise par une convention internationale (let. b). Pour continuer l’assurance, une requête doit être présentée à la caisse de compensation compétente par écrit ou par un système d’information spécifique au domaine de l’assujettissement à l’assurance (art. 5a RAVS). L’assurance est continuée sans interruption si la requête est déposée dans un délai de six mois à compter du jour où les conditions de l’art. 5 sont remplies (art. 5b al. 1 RAVS) ; passé le délai, il n’est plus possible de continuer l’assurance (art. 5b al. 2 RAVS).

À noter qu’en matière d'assurance-vieillesse, il y a application stricte du principe de la légalité : la législation est impérative et exhaustive (GREBER/ KAHIL-WOLFF/ FRÉSARD-FELLAY/ MOLO, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. I, 2010, p. 25 ch. 38). Par ailleurs, il ne suffit pas de verser des cotisations AVS/AI pour être obligatoirement assuré au système de sécurité sociale suisse, le versement des cotisations étant notamment une conséquence du statut d’assuré. Il incombe le cas échéant à l’intéressé de réclamer la restitution des cotisations versées à tort (cf. art. 41 RAVS) (voir notamment l’arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4970/2023 du 19 novembre 2024 consid. 8.2.5.2).

3.3 S’agissant des conventions visées par l’art. 7 al. 1 LAFam, la situation est la suivante (cf. annexe 1, Directives pour l’application de la loi sur les allocations familiales LAFam [DAFam], état au 1er janvier 2024) :

catégorie

salariés

pays de domicile
des enfants

allocations
selon la LAFam

CH

ressortissants suisses

états de l’UE/AELE

exportation, sans adaptation au pouvoir d’achat

ALCP/Convention AELE

ressortissants d’états de l’ue/de l’aele

états de l’UE/AELE

exportation, sans adaptation au pouvoir d’achat

ressortissants d’états de l’ue/de l’aele

autres États

pas d’exportation, sauf pour les Slovènes

états ayant conclu avec la Suisse une convention de sécurité sociale

Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Monténégro, Saint Marin, Turquie

pays d’origine du salarié ou autre État étranger

pas d’exportation

accord sur les droits des citoyens CH-UK (jusqu’au 31 décembre 2020)

ressortissants UK/UE/CH

UK/UE/CH

exportation, sans adaptation au pouvoir d’achat

autres Etats

pas d’exportation

accord CH-UK en vigueur depuis le 1er novembre 2021

ressortissants UK/UE/CH

CH ou UK

pas d’exportation

ressortissants UK/CH

autres états

pas d’exportation

autres États

ressortissants d’autres États

quel que soit le pays de domicile de l’enfant

pas d’exportation

exception partout

salariés visés à l’art. 7 al. 2 OAFam (quelle que soit leur nationalité)

quel que soit le pays de domicile de l’enfant

exportation, avec adaptation au pouvoir d’achat

 

Le Tribunal fédéral a déjà eu à examiner la conformité de l’art. 7 al. 1 OAFam à l’art. 4 al. 3 LAFam, au principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et du droit à tout enfant de bénéficier de la sécurité sociale, y compris les assurances sociales, inscrit aux art. 3 et 26 Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107). Il est parvenu à la conclusion qu’en soumettant l'octroi d'allocations familiales pour les enfants domiciliés dans un État étranger à la condition que celui-ci ait conclu avec la Suisse, sur ce point, une convention en matière de sécurité sociale, l'art. 7 al. 1 OAFam restait dans les limites de l'art. 4 al. 3 LAFam et ne violait ni l'art. 8 al. 1 et 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2019 du 10 juillet 2019 consid. 6.3 citant l’ATF 138 V 392 consid. 4 et l’ATF 136 I 297), ni les art. 3 al. 1 et 26 CDE (ATF 136 I 297 consid. 8 et l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_295/2008 du 22 novembre 2008 consid. 4.2), étant précisé que ces deux dernières dispositions ne sont pas directement applicables en Suisse.

4.             En matière d'interprétation de dispositions légales, il faut, en premier lieu, se fonder sur la lettre de la disposition en cause (interprétation littérale). Si le texte de cette dernière n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté de son auteur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important (ATF 128 II 347 consid. 3.5 ; 128 V 105 consid. 5 ; 128 V 207 consid. 5b ; 125 II 484 consid. 4).

Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 143 II 202 consid. 8.5 ; 143 I 109 consid. 6.1 ; 134 I 184 consid. 5.1).

Par ailleurs, les dispositions d'exception ne doivent être interprétées ni restrictivement, ni extensivement, mais conformément à leur sens et à leur but, dans les limites de la règle générale (ATF 131 V 279 consid. 2.4 ; 130 V 229 consid. 2.2 ; 130 V 472 consid. 6.5.6 ; 118 Ia 175 consid. 2d ; 117 Ib 114 consid. 7c ; 114 V 298 consid. 3e).

Conformément à la méthode téléologique, la loi s'interprète pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but, ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose. Le juge s'appuiera sur la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et doit aboutir à un résultat satisfaisant fondé sur la ratio legis. Ainsi, une norme dont le texte est à première vue clair peut être étendue par analogie à une situation qu'elle ne vise pas ou, au contraire, si sa teneur paraît trop large au regard de sa finalité, elle ne sera pas appliquée à une situation par interprétation téléologique restrictive (ATF 121 III 219 consid. 1d; 128 I 34 consid. 3b; 128 III 113 consid. 2a et les références).

5.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATF 125 V 352  consid. 3).

6.              

6.1 En l’espèce, le recourant est de nationalités française et israélienne. Il était domicilié à Paris lorsqu’il a commencé à travailler pour une société suisse le 1er septembre 2023, date à compter de laquelle il demande l’octroi d’allocations familiales pour ses quatre enfants, lesquels vivent en Israël avec leur mère.

Selon le formulaire « demande de maintien du droit suisse des assurances sociales durant l’exercice temporaire d’une activité professionnelle à l’étranger » rempli par le recourant et son employeur en date du 30 septembre 2023, le premier devait exercer son activité professionnelle en Israël temporairement, du 1er octobre 2023 au 1er août 2026. En fin de compte, le détachement semble avoir été effectif dès le 3 juin 2024 (cf. attestation de détachement – pièce 6, int.).

6.2 L’intimé nie au recourant le droit aux allocations familiales.

Concernant la période du 1er septembre 2023 au 2 juin 2024, le recourant était domicilié en France et travaillait en Suisse. Or, il n’existe aucune convention prévoyant l’exportation des allocations familiales en Israël.

S’agissant de la période postérieure au 2 juin 2024, le recourant ne remplissait pas les conditions de l’art. 7 OAFam, dès lors que ses enfants étaient domiciliés en Israël avant même que leur père n’y soit détaché.

6.3 Le recourant conteste cette approche et estime avoir droit aux allocations familiales, indépendamment du domicile de ses enfants antérieurement à son détachement, dès lors qu’il est resté soumis au droit suisse.

6.4 Il y a lieu d’examiner d’abord la période du 1er septembre 2023 au 2 juin 2024, durant laquelle le recourant était domicilié en France et travaillait en Suisse, ce qu’il ne conteste pas. Il n’était pas encore détaché en Israël, pays de résidence de ses enfants.

Seul s’applique à cette situation l’art. 7 al. 1 OAFam, lequel prévoit le versement des allocations familiales si une convention internationale le prévoit.

Dès lors qu’il était domicilié en France tout en travaillant en Suisse, le recourant, de nationalité française notamment, est soumis aux règles prévues par l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et par le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 (ci-après : règlement n° 883/2004).

À teneur de l’art. 67 dudit règlement, une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l'État membre compétent – y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre – comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d'une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l'État membre compétent pour sa pension.

Or, dès lors que ses enfants ne résident pas dans un État membre, le recourant ne saurait se fonder sur l’ALCP et le règlement n°883/2004 pour obtenir le versement des allocations familiales.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue le recourant, la Suisse et Israël n’ont pas conclu de convention portant sur les allocations familiales. La seule convention conclue entre ces deux États concerne l’assurance-vieillesse et survivants et l’assurance-invalidité (cf. art. 2 §1 let. A de la convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l’État d’Israël du 23 mars 1984 ; RS 0.831.109.449.1 ; ci-après : la convention bilatérale).

N’étant pas encore détaché en Israël durant cette première période litigieuse, le recourant ne saurait non plus invoquer l’art. 7 al. 2 OAFam.

Aussi, c’est à juste titre que l’intimé a nié au recourant le droit aux allocations familiales pour la période du 1er septembre 2023 au 2 juin 2024.

La décision querellée doit donc être confirmée sur ce point.

6.5 À compter du 3 juin 2024, le recourant a été détaché en Israël, pays dans lequel vivent ses enfants depuis leur naissance.

Dès lors qu’Israël et la Suisse n’ont pas conclu de convention de sécurité sociale prévoyant l’exportation des allocations familiales, le recourant ne peut pas non plus invoquer l’art. 7 al. 1 OAMal pour demander des allocations familiales pour cette période.

Reste à examiner s’il peut se prévaloir de l’art. 7 al. 2 LAFam pour obtenir le versement de telles allocations.

6.5.1 Le recourant s’est marié en février 2012 en Israël, où ses enfants sont nés en 2013, 2016, 2020 et 2023, et où ils vivent toujours avec leur mère (cf. demande d’allocations familiales du 15 novembre 2023 et livret de famille, produits sous pièce 1, int.).

Il en découle que les enfants du recourant ont, selon toute vraisemblance, toujours résidé en Israël auprès de leur mère et jamais en Suisse, tout comme le recourant, qui était domicilié à Paris et pour lequel il n’existe aucune adresse – passée ou présente – connue à Genève (cf. extrait du registre de l’Office cantonal de la population et des migrations). Le fait que le recourant n’avait pas encore obtenu de numéro AVS lorsqu’il a déposé sa demande d’allocations, permet également de considérer comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il n’a jamais travaillé en Suisse antérieurement au 1er septembre 2023.

Il ne s’agit donc pas d’une situation classique de détachement, dans laquelle le requérant, domicilié avec sa famille en Suisse, quitte le pays de domicile avec sa famille et s’installe, pour une certaine durée, dans un autre Etat, pour y travailler de manière temporaire, avant de revenir dans son pays d’origine. La situation est ici toute autre : le recourant, domicilié en France, a trouvé en Suisse un emploi, lui permettant de rejoindre sa famille en Israël, pays où son épouse et ses enfants ont toujours résidé.

6.5.2 En l’absence de convention prévoyant l’exportation des prestations, le droit du recourant aux allocations familiales doit s’examiner au regard de l’art. 7 al. 2 OAFam, lequel prévoit que les salariés assurés obligatoirement à l’AVS – conformément à l’art. 1a al. 1 let. c ou al. 3 let. a LAVS ou en vertu d’une convention internationale – ont droit aux allocations familiales pour les enfants domiciliés à l’étranger, même si aucune convention internationale ne le prévoit.

L’art. 7 al. 2 OAFam n’est toutefois pas applicable en cas de recrutement à l’étranger pour un détachement immédiat (cf. REICHMUTH, op. cit., n° 88 in fine ad Art. 4 LFam), ce qui semble être le cas du recourant. En effet, celui-ci était domicilié à Paris lorsqu’il est entré en fonction, le 1er septembre 2023, et il ressort de la demande de maintien du droit suisse des assurances sociales durant l’exercice temporaire d’une activité professionnelle à l’étranger du 30 septembre 2023, qu’il devait être détaché en Israël dès le 1er octobre 2023, soit seulement un mois après avoir commencé son activité pour l’employeur suisse (pièce 3, int.), ce qui peut être considéré comme un détachement immédiat.

Dans ces conditions, l’art. 7 al. 2 OAFam ne s’applique pas et le recourant ne peut prétendre sur cette base à des allocations familiales pour ses enfants résidant en Israël.

6.5.3 Il en irait de même dans l’hypothèse où le détachement du recourant n’était pas qualifié d’immédiat.

Selon le texte littéral de l’art. 7 al. 2 OAFam, un salarié assuré obligatoirement à l’AVS conformément à l’art. 1a al. 1, let. c ou al. 3 let. a LAVS ou en vertu d’une convention internationale a droit aux allocations familiales pour ses enfants domiciliés à l’étranger, même si aucune convention internationale ne le prévoit.

Le recourant n’étant pas de nationalité suisse, l’art. 1a al. 1 let. c LAVS ne lui est pas applicable. Il en va de même de l’art. 1a al. 3 let. a LAVS, lequel implique, conformément à l’art. 5 RAVS, que la personne assurée ait été soumise à la LAVS pendant cinq ans, soit immédiatement avant le début de l’activité à l’étranger, soit au terme de la période de détachement admise par la convention internationale applicable (24 mois selon l’art. 6 § 1 de la convention bilatérale), ce qui n’est pas le cas du recourant, celui-ci ayant été soumis à la LAVS pour la première fois le 1er septembre 2023.

Seule la troisième variante entre donc en considération en l’espèce, à savoir l’assurance obligatoire à la LAVS en vertu d’une convention internationale.

La lettre de l’art. 7 al. 2 OAFam ne permet toutefois pas de déterminer si ce droit n'existe que lorsque l'enfant accompagne le demandeur de prestations à l'étranger ou aussi lorsque l'enfant séjourne à l'étranger indépendamment du demandeur.

Il convient donc de se pencher sur les autres méthodes d’interprétation reconnues par la jurisprudence.

À titre liminaire, on rappellera que le droit public ne s'applique en principe que dans l'État qui le promulgue. Il est ainsi subordonné au principe de la territorialité. À l'extérieur de ses frontières, il peut exceptionnellement s'appliquer, par exemple si cela a été convenu par un traité ou parce que le droit étranger l'autorise ou encore en raison du droit international coutumier. Ces considérations sont également valables au droit de la sécurité sociale (ATF 112 V 397 consid. 1b ; MAURER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, Tome I, p. 202). Il est ainsi admis, en application du principe de territorialité, d'exclure l'exportation des prestations du droit national à l'étranger (ATF 136 I 297 consid. 5).

Or, il ressort d’une interprétation historique et téléologique que c’est justement ce principe de la non-exportation des allocations familiales, sauf convention internationale ou rares exceptions, que le législateur suisse entendait privilégier.

En effet, le premier projet d’ordonnance sur les allocations familiales (P-OAFam), mis en consultation de mars à juin 2007, comporte un art. 7 libellé comme suit :

Pour les enfants ayant leur domicile à l’étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit et lorsque :

a.        aucun droit aux allocations familiales n’existe à l’étranger ;

b.       le droit aux allocations en Suisse se fonde sur l’exercice d’une activité lucrative ;

c.        l’allocation pour enfant est due pour un enfant avec lequel l’ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (art. 4 al. 1, let. a LAFam) ; et

d.       l’enfant n’a pas encore atteint l’âge de 16 ans.

Ce premier projet retenait la solution la plus restrictive encore compatible avec les engagements internationaux pris par la Suisse. Les prestations n’étaient exportées que si la Suisse y était obligée par des conventions internationales. De plus, le droit aux allocations familiales suisses ne s’appliquait que subsidiairement : il tombait si la personne qui travaillait en Suisse ou une autre personne pouvait toucher des allocations familiales à l’étranger (cf. rapport explicatif établi en vue de la procédure de consultation de la fin mars à la fin juin 2007 sur le projet d’ordonnance sur les allocations familiales[P-OAFam]).

La solution restrictive concernant le versement des allocations familiales pour les enfants vivant à l’étranger a été approuvée par douze cantons et expressément refusée par trois. Onze cantons, dont deux connaissaient déjà une solution restrictive dans leur législation, ne se sont pas prononcés explicitement sur le sujet. Quant aux partis politiques représentés à l’Assemblée fédérale, trois ont approuvé la solution, deux l’ont rejetée et un ne s’est pas exprimé sur le sujet. Enfin, les participants non officiels à la consultation ont – entre autres – évoqué la situation des ressortissants suisses engagés à l’étranger au service de la Confédération et du personnel à l’étranger de certains organismes, restant assurés à l’AVS aux termes de l’art. 1a al. 3 let. a et c LAVS (cf. rapport relatif aux résultats de la procédure de consultation, daté du 3 septembre 2007).

Suite à la procédure de consultation, l’art. 7 OAFam a été modifié et c’est la teneur suivante qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009 :

1 Pour les enfants ayant leur domicile à l’étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit et à condition :

a.     qu’aucun droit aux allocations familiales n’existe à l’étranger ;

b.     que le droit aux allocations en Suisse se fonde sur l’exercice d’une activité lucrative ;

c.     que l’allocation familiale soit due pour un enfant avec lequel l’ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (art. 4, al. 1, let. a, LAFam), et

d.     que l’enfant n’ait pas atteint l’âge de 16 ans.

2 Pour les salariés assurés obligatoirement à l’AVS conformément à l’art. 1a, al. 1, let. c ou al. 3, let. a, LAVS ou en vertu d’une convention internationale, le droit aux allocations familiales pour les enfants domiciliés à l’étranger existe même si aucune convention internationale ne le prévoit, pour autant que les conditions prévues à l’al. 1, let. a et c, soient remplies.

Dans son commentaire de l’ordonnance, l’office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) a notamment relevé que, dès lors qu’elle a été majoritairement approuvée, la réglementation restrictive prévue dans le projet mis en consultation était maintenue (commentaire de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales [OAFam] et des modifications du règlement du 11 novembre 1952 sur les allocations familiales dans l’agriculture [RFA], édité par l’OFAS en octobre 2007, [ci-après : commentaire 2007] p. 6). Cependant, au vu des résultats de la consultation, quelques exceptions à cette règle ont été prévues dans la version finale de l’ordonnance - notamment pour les personnes qui travaillent à l’étranger pour un employeur ayant son siège en Suisse et qui reçoivent de lui leur salaire, tout en restant obligatoirement assurées à l’AVS, ainsi que pour les travailleurs détachés de Suisse à l’étranger, assurés à l’AVS en vertu d’une convention internationale. L’OFAS a notamment relevé que ces exceptions se justifiaient du fait qu’elles concernaient des enfants ayant un lien étroit avec la Suisse et ne résidant à l’étranger que temporairement (cf. commentaire 2007, p. 7).

6.5.4 Avec effet au 1er janvier 2011, le Conseil fédéral a supprimé les restrictions prévues à l’art. 7 al. 1 let. a à d OAFam. En effet, il est apparu que les conventions internationales existantes excluaient de telles restrictions, de sorte que celles-ci ne trouvaient pas à s’appliquer dans la pratique et étaient à l’origine de malentendus (cf. Commentaire de la modification du 26 octobre 2011 de l’OAFam et du règlement du 11 novembre 1952 sur les allocations familiales dans l’agriculture [RFA ; RS 836.11], édité par l’OFAS le 26 octobre 2011 [ci-après : commentaire 2011], p. 2 et 3).

Le Conseil fédéral a également supprimé les restrictions prévues à l’art. 7 al. 2 OAFam. En effet, il a constaté que la lettre a était presque sans effet en pratique (pas de droit à l’étranger ou droit portant sur des prestations d’un montant très faible) et qu’un éventuel concours de droits pouvait être traité en appliquant par analogie l’art. 7 LAFam. L’exclusion prévue par la let. c n’était pas non plus justifiée et conduisait dans la pratique à des résultats choquants, dès lors qu’il s’agissait de familles et d’enfants domiciliés en règle générale en Suisse avant de partir pour l’étranger (ibidem).

6.5.5 Il ressort de ce qui précède que la volonté du Conseil fédéral, en adoptant l’art. 7 OAFam dans la teneur applicable au cas d’espèce, était clairement de n’exporter les allocations familiales que si une convention internationale le prévoit (principe) et dans quelques cas particuliers exceptionnels, visés à l’al. 2 (exceptions), concernant des enfants ayant un lien étroit avec la Suisse et ne résidant à l’étranger que temporairement, étant précisé que le lien étroit avec la Suisse est notamment donné en raison du domicile (cf. ATAS/584/2011 du 31 mai 2011).

Dans le cas d’espèce, les enfants du recourant étaient domiciliés en Israël déjà avant son détachement. Bien plus, selon toute vraisemblance, ils y résident depuis leur naissance, y ayant de ce fait constitué le centre de leurs intérêts et de leurs relations amicales.

Dans de telles circonstances, on ne saurait admettre l’existence d’un lien étroit avec la Suisse et d’une résidence temporaire en Israël.

Reconnaître le droit aux allocations familiales irait clairement à l'encontre du but visé par la LAFam (art. 4 al. 3), qui entend réglementer de manière spécifique la prise en charge par les assurances sociales des frais d'entretien des enfants qui ne vivent pas sur le sol suisse, que le Conseil fédéral a décidé de concrétiser de la manière la plus stricte possible, ainsi que cela ressort des travaux législatifs.

En outre, cela reviendrait à accorder plus de droits au recourant durant son détachement que pendant son activité professionnelle sur sol suisse – les prestations n’étant alors pas exportables, faute de convention internationale dans ce sens. Or, de toute évidence, le but de l’art. 7 OAFam n’est pas de favoriser le travailleur détaché par rapport au travailleur actif en Suisse, mais de permettre une continuité des prestations versées dans les cas où le travailleur ne quitte la Suisse que temporairement, avec sa famille.

Au vu de ce qui précède, c’est donc à juste titre que l’intimé a rejeté la demande d’allocations familiales formulée par le recourant.

7.             Le recours s’avère mal fondé et doit être rejeté.

Le recourant, qui agit en personne et succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES
 :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le