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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2928/2024

ATAS/578/2025 du 05.08.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2928/2024 ATAS/578/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 5 août 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Éric MAUGUÉ, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1991, a obtenu un certificat fédéral de capacité (CFC) d’assistante en médecine vétérinaire en juin 2011, ainsi qu’un diplôme en éducation canine en septembre 2013. Par la suite, elle a exercé successivement les professions de stagiaire agente de détention à 100% (dès le 30 septembre 2013) et de surveillante de prison (du 1er janvier au 31 mai 2015), avant de travailler au service B______, d’abord en qualité de gardienne d’animaux à plein temps, du 1er juin 2015 au 30 novembre 2016, puis de contremaîtresse principale (au C______) à 80% du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2018.

b. Après une période d’activité indépendante, entamée en novembre 2018 en tant qu’éducatrice canine, elle a exercé, dès le 31 mars 2021, la profession d’assistante en médecine vétérinaire (ci-après : AMV) à 80% auprès du cabinet vétérinaire D______ (ci-après : l’employeur).

B. a. Le 30 novembre 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) en indiquant que l’endométriose qu’elle présentait depuis 2011, ainsi que les douleurs abdominales qui en découlaient, persistaient à ce jour malgré deux opérations réalisées en 2013 et 2016. À cela s’ajoutait un « problème intestinal », des douleurs dans les membres, une grande fatigue et des maux de tête. En arrêt de travail complet depuis le 31 octobre 2021, elle était suivie, pour l’endométriose, par le docteur E______, spécialiste en gynécologie et obstétrique et, pour les autres troubles, par la docteure F______, spécialiste en médecine interne générale.

b. Dans un rapport du 12 janvier 2022 à l’OAI, la Dre F______ a indiqué que l’endométriose, apparue en 2011, était le diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail. Une sécheresse oculaire – apparue après l’expression gastro-intestinale de la maladie était en revanche sans incidence sur la capacité de travail. Interrogée sur l’évolution de cette capacité, la Dre F______ a répondu que l’incapacité actuelle de l’assurée était de 60% dans toute activité, même adaptée aux limitations fonctionnelles. Celles-ci se manifestaient par des douleurs et de la fatigue. Dans l’activité habituelle d’AMV, la capacité de travail exigible était de « 100% » (sic). Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, cette capacité était de 40%. Les antécédents et l’évolution de l’état de santé étaient marqués par des douleurs abdominales chroniques sur endométriose. L’état actuel était caractérisé par des douleurs permanentes, des insomnies, des céphalées, de la fatigue, une dyspareunie, un état anxio-dépressif ainsi qu’une constipation chronique. Sur le plan professionnel, elle appréciait son activité d’AMV mais était frustrée de ne pas pouvoir l’exercer, surtout pendant les périodes de crise. Interrogée sur le potentiel de réadaptation de l’assurée, la Dre F______ a répondu que la douleur et la fatigue y faisaient (partiellement) obstacle. L’activité habituelle pouvait être exercée à hauteur de 4 heures par jour, au maximum. Il en allait de même de toute autre activité, tenant compte de l’atteinte à la santé. Quant aux tâches ménagères, l’assurée pouvait s’en charger, à condition de faire des pauses.

c. Le 4 mars 2022, GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA, assureur maladie perte de gain de l’employeur, a transmis à l’OAI un relevé des incapacités de travail sur la base desquelles cet assureur avait fourni des prestations (indemnités journalières compensant la perte de gain due à la maladie) :

Du 28.10.21 au 16.01.22

100%

Du 17.01.22 au 20.01.22

50%

Du 21.01.22 au 23.01.22

100%

Du 24.01.22 au 26.01.22

50%

Du 27.01.22 au 13.02.22

100%

Dès le 14.02.22

50%

d. Le 23 mars 2022, l’OAI a reçu, entre autres :

-          un courrier du 15 novembre 2021 du Dr E______ à la Dre F______, évoquant une consultation donnée en « semi-urgence », le 5 novembre 2021, à l’assurée, en raison de la dégradation de son état algique. Elle se trouvait alors globalement invalidée par la présence de douleurs abdominales, classiquement associées à des ténesmes et à une alternance de constipation et de diarrhées, mais aussi à des céphalées, des douleurs musculaires (dans les bras et les cuisses) et à une paresthésie des extrémités. Le Dr E______ suivait l’assurée depuis 2013. L’approche thérapeutique entreprise avait été multidisciplinaire, incluant, entre autres, une prise en charge sexologique (sans grand succès), hormonale et par consultation de la douleur. Sur les différentes investigations (chirurgie, examens gastroentérologiques et en laboratoire) et approches thérapeutiques effectuées, certaines interventions avaient permis d’adoucir les symptômes pour des durées relativement limitées (d’au maximum six mois). Au final, on était face à une impasse thérapeutique et le Dr E______ était relativement pessimiste quant à l’évolution de la situation, même s’il proposait de tenter un essai thérapeutique par antidépresseurs et myorelaxants ;

-          un rapport du 7 mars 2022 du Dr E______ à l’OAI, renvoyant au courrier du 15 novembre 2021 précité ;

-          un rapport du 16 mars 2022 du Dr E______ à l’OAI, indiquant que les pelvipathies chroniques avec épisodes d’exacerbation imprévisibles avaient une répercussion tout à fait claire sur la capacité de travail de l’assurée. Il n’existait pas de traitement d’urgence permettant de résoudre les crises algiques de l’assurée. Cette appréciation était d’ailleurs partagée par d’autres médecins, dont ceux que l’assurée consultait, en urgences aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en cas de douleurs paroxystiques. Invité à détailler les restrictions fonctionnelles qui découlaient de l’atteinte / des atteintes) retenue(s), le Dr E______ a indiqué que ces restrictions étaient celles que l’on pouvait observer chez une patiente dans un état algique absolu, devant se mettre en position de prostration et n’étant dès lors plus capable d’effectuer aucun travail. Interrogé sur les répercussions de l’atteinte / des atteintes retenue(s) dans les domaines courants de la vie (ménage / loisirs et activités sociales), le Dr E______ a mentionné que les problèmes algiques avaient une atteinte notoire sur ses activités de couple, avec des rapports sexuels très difficiles, et parfois une « mise en parenthèse de ses capacités d’échanges privés à même de compromettre le fonctionnement de sa vie privée ». Concernant les ressources disponibles ou mobilisables sur lesquelles elle pouvait compter, elle gardait une relation satisfaisante avec son conjoint. Interrogé sur la capacité de l’assurée à reprendre son / une activité professionnelle, le Dr E______ a indiqué que les difficultés liées aux épisodes paroxystiques avaient une incidence sur toutes sortes d’activités professionnelles. Ainsi l’activité intellectuelle était compromise, par défaut de concentration, et les déplacements et ports de charge étaient impossibles. La « reprise d’un travail normal » serait possible si on réussissait à juguler les épisodes douloureux. Quant à la capacité de travail dans l’activité habituelle, elle dépendait de l’état algique et pouvait varier entre 0 et 100%. À cet égard, le Dr E______ s’est dit « navré de ne pas pouvoir être plus précis » eu égard à la « volatilité des symptômes » de l’assurée. Il allait sans dire qu’en l’absence de symptôme, sa capacité de travail était entière ;

-          un courrier du 3 février 2022 du docteur G______, spécialiste en affections digestives, à la Dre F______, dans lequel ce médecin, qui suivait l’assurée depuis 2016, indiquait que deux interventions gynécologiques et de multiples explorations n’avaient pas permis d’amélioration significative de sa symptomatologie douloureuse pelvienne. En l’absence d’autre hypothèse probante, ce médecin penchait pour un syndrome de l’intestin irritable, raison pour laquelle il proposait, d’une part, un régime « food-map » à mettre en place par une diététicienne et, d’autre part, une adaptation de la médication prescrite, le traitement laxatif actuel occasionnant une diarrhée invalidante. Enfin, le Dr G______ se disait également tenté par un essai de traitement par antidépresseur, au moins à titre antalgique ;

-          un rapport (« lettre de sortie ») établi le 11 novembre 2019 par le service de gynécologie des HUG relatant un séjour hospitalier de 48 heures (du 6 au 8 novembre 2019) de l’assurée suite à une douleur pelvienne aiguë d’apparition brutale, due à une probable rupture de kyste du corps jaune.

e. Par courrier du 31 août 2022, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’assurée pour le 31 octobre 2022 en raison des répercussions que son incapacité de travail prolongée entraînaient sur l’organisation du cabinet.

f. Dans un rapport du 19 septembre 2022 à l’OAI, le Dr E______ a indiqué que le status clinique était marqué par des douleurs spasmodiques pelviennes et abdominales, accompagnées d’urgences défécatoires. On notait par ailleurs une dyspareunie invalidante et inconstante ainsi que des douleurs pelviennes à l’examen clinique abdomino-vaginal. Les plaintes n’avaient pas changé depuis la première consultation et l’évolution avait été marquée par diverses exacerbations, investigations et traitements, sans jamais permettre une cessation des symptômes. L’effet de la prise en charge multidisciplinaire avait été très partiel et la piste gastroentérologique semblait dominer actuellement. L’aspect invalidant était très cohérent.

Invité à détailler les restrictions et limitations qui découlaient des atteintes, le Dr E______ a mentionné qu’il s’agissait principalement d’épisodes non prévisibles et subits de douleurs paroxystiques avec prostration et « urgences défécatoires pouvant (en l’absence de WC) conduire à une débâcle défécatoire ». La vie socio-professionnelle et intime était dès lors impossible, pour une durée variable.

Interrogé sur la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée à son état de santé, le Dr E______ a indiqué que le caractère imprévisible (en durée et fréquence) des symptômes rendait la réponse difficile mais qu’une solution passait peut-être par une activité à temps partiel et du télétravail.

Sur le plan gynécologique, le traitement prescrit consistait notamment en un contraceptif hormonal (Nuvaring) en continu. Cependant, une « désescalade » avait été initiée, après de multiples traitements qui incluaient, entre autres, une ménopause artificielle induite à l’aide de médicaments analogues à la « GnRH » (hormone de libération des gonadotrophines).

g. Par communication du 31 octobre 2022, l’OAI a fait savoir à l’assurée que des mesures d’intervention précoce ainsi que d’éventuelles mesures de réadaptation professionnelle n’étaient actuellement pas indiquées.

h. Dans un rapport du 15 décembre 2022, la Dre F______ a fait état de douleurs abdominales diffuses et permanentes, ponctuées de crises et d’exacerbations. Ces douleurs étaient en aggravation depuis l’été 2021. Depuis début 2022, l’assurée était également sujette à des céphalées, à des douleurs dorsales et des membres ainsi qu’à un état anxio-dépressif. Elle ne pouvait pas garder la même position (assise ou allongée) plus de 5 à 10 minutes mais pouvait marcher pendant 30 minutes. De ce fait, elle ne pouvait ni [illisible], ni effectuer des tâches, ni se concentrer. Dans une activité adaptée à son état de santé (éventuellement dans l’éducation canine), sa capacité de travail était de 10%.

i. Dans un rapport du 7 mars 2023 à l’OAI, le Dr E______ a indiqué que l’examen clinique du 19 décembre 2022 démontrait la persistance d’une vive douleur à la mobilisation du col utérin, lors de l’examen gynécologique, et d’une hypersensibilité diffuse de l’ensemble abdominal à l’inspection manuelle. Depuis l’intervention du 16 novembre 2022 (laparoscopie, adhésiolyse et traitement d’endométriose mineure), les algies persistaient de manière presque inchangée. Il s’agissait de douleurs spasmodiques abdomino-pelviennes nécessitant la prise de Tramadol occasionnellement, en addition au traitement habituel (Dafalgan, Irfen, Pantoprazole et Visanne). Invité à détailler les restrictions qui découlaient des atteintes à la santé et à apprécier la capacité de travail de l’assurée dans l’activité habituelle ainsi que dans une activité adaptée, le Dr E______ a indiqué que la situation était parfaitement superposable avec celle décrite dans le rapport du « 20.09.2022 » (recte : 19 septembre 2022) Sur le plan du traitement, le Nuvaring en continu s’était soldé par un échec, ce qui avait conduit à la reprise du traitement précité.

Le Dr E______ a également joint à son rapport le protocole opératoire du 16 novembre 2022, dans lequel il concluait à un status relativement normal au regard des symptômes (pelvipathies invalidantes, atteignant de façon chronique et imprévisible la qualité de vie de l’assurée, en relation avec le cycle, et également en dehors du cycle ; douleurs vive à la mobilisation antérieure du col, ainsi qu’à l’ensemble de l’examen pelvien). Dans la région pelvienne gauche, les adhérences sigmoïdo-pariétales et les images suggestives d’une endométriose légère pouvaient participer aux douleurs de l’assurée. On attendait de la dénervation des ligaments utéro-sacrés une amélioration des symptômes algiques. Au total, les constatations opératoires ne permettaient pas d’expliquer l’ensemble des symptômes invalidants.

j. Par avis du 5 avril 2023, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a estimé, à la lumière des rapports versés au dossier, que l’assurée présentait une symptomatologie multiforme et chronique mais que les spécialistes consultés par l’assurée n’avaient pas pu établir de cause somatique précise, de sorte qu’on pouvait suspecter une atteinte de type « SPECDO » (syndrome sans pathogénèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique) nécessitant la réalisation d’une expertise bi-disciplinaire avec volets psychiatrique et de médecine interne, cela afin d’établir de manière claire et circonstanciée les atteintes à la santé ayant une répercussion sur la capacité de travail, l’évolution de l’incapacité de travail et la capacité de travail résiduelle.

k. Le 7 juin 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’une expertise médicale était nécessaire et que celle-ci serait réalisée par le centre d’expertise H______ (ci-après : H______) et comprendrait un volet de médecine interne générale – confié à la docteure I______, spécialiste en médecine interne générale – et un volet psychiatrique – confié au docteur J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

l. Le 20 juillet 2023, l’assurée a été examinée par ces deux experts, qui ont rendu leurs conclusions le 7 novembre 2023.

En l’absence d’atteinte à la santé psychique, les experts n’ont pas retenu de diagnostic psychiatrique. Ils ont estimé que les douleurs chroniques, qui étaient d’origine multifactorielle, s’expliquaient par les diagnostics suivants :

-          fibromyalgie (M79.7) ;

-          syndrome de l’intestin irritable ; perturbation du transit avec alternance constipation-diarrhées (K58) ;

-          migraine commune sans aura (G43.0). Traitement de fond, spray nasal, utilisé une fois par semaine. La fréquence et l’intensité des crises dépassaient l’évolution de céphalées de tension fréquemment rencontrées dans la fibromyalgie ;

-          endométriose sous traitement hormonal (N80).

Ces diagnostics étaient à l’origine de limitations fonctionnelles prenant la forme de douleurs chroniques qui entraînaient une baisse de rendement.

Dans l’activité habituelle d’AMV, la capacité de travail était (et avait toujours été) entière sur le plan psychiatrique. En revanche, sur le plan somatique, elle était de 80% (incapacité de 20% sous forme d’une baisse de rendement) depuis le début de l’incapacité de travail en octobre 2021. Invités à se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée, les experts ont indiqué que sur le plan psychiatrique, il n’existait aucune indication à l’exercice d’une activité adaptée et que sur le plan somatique, l’activité habituelle était adaptée.

Les experts ont considéré, en synthèse, que la capacité de travail était de 80% dans toute activité (soit 100% avec une diminution de rendement de 20% due au besoin de pauses récurrentes), ce depuis la décompensation de douleurs d’origine multifactorielle (fibromyalgie, endométriose, migraine commune et côlon irritable) qui coïncidait avec le début de l’incapacité de travail en octobre 2021. Aucun diagnostic psychiatrique n’était retenu, étant précisé que les douleurs chroniques n’avaient pas d’incidence significative sur l’humeur. Les symptômes pouvaient théoriquement être améliorés par une approche multimodale axée sur la prise en charge de la douleur, incluant un traitement antidépresseur à action duelle sur les douleurs, des thérapies cognitivo-comportementales (de manière à améliorer les stratégies d’adaptation) et la poursuite des thérapies physiques (fasciathérapie, application de TENS [neurostimulation électrique transcutanée]). Enfin, le traitement antidépresseur pourrait également avoir un effet bénéfique sur les symptômes de l’intestin irritable.

m. Par avis du 13 novembre 2023, le SMR a estimé au vu du rapport d’expertise que l’atteinte principale consistait en douleurs d’origine multifactorielle, prédominant au niveau abdomino-pelvien dans le cadre d’un syndrome de l’intestin irritable, perturbation du transit avec alternance constipation-diarrhées (K58) et en une endométriose sous traitement hormonal (N80). À cela s’ajoutaient d’autres atteintes (fibromyalgie M79.7) et migraine commune sans aura (G43.0). Le début de l’incapacité de travail (20%) remontait au 28 octobre 2021. Depuis lors, la capacité de travail exigible dans l’activité habituelle d’AMV (et dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles) était de 80% (100% avec une baisse de rendement de 20%). Il n’y avait pas à proprement parler de limitations fonctionnelles découlant du status clinique, mais les douleurs chroniques étaient à l’origine d’une baisse de rendement.

n. Dans une note du 17 novembre 2023, un collaborateur de l’OAI a relaté un entretien téléphonique avec l’assurée. Il en ressortait que lorsqu’elle avait commencé à travailler en tant qu’AMV à 80% en mars 2021, elle avait abandonné son activité indépendante dans la mesure où il avait été convenu avec son employeur qu’elle passerait à un taux d’activité de 100%. Sur la base de ces éléments, l’OAI a estimé que sans son atteinte à la santé, l’assurée aurait travaillé à 100%. Aussi lui a-t-il reconnu un statut d’actif / active.

o. Par projet de décision du 21 novembre 2023, l’OAI a envisagé de n’octroyer ni rente ni mesures professionnelles.

p. Par courrier du 8 janvier 2024, l’assurée a contesté ce projet en faisant grief à l’experte I______ d’avoir motivé de manière insuffisante ses conclusions en tant qu’elles s’écartaient de l’appréciation de l’incapacité de travail par les médecins traitants. En effet, elle présentait des douleurs d’origine multifactorielle de la sphère gastro-intestinale, ostéo-articulaire et gynécologique ainsi qu’une médication extrêmement lourde. Étant donné que ces deux facteurs limitaient fortement ses activités intellectuelles (par défaut de concentration) et ses déplacements et qu’ils rendaient les ports de charge impossibles, un emploi à 80% sur le marché équilibré du travail était parfaitement inenvisageable.

Le calcul du degré d’invalidité était également contesté. À cet égard, elle a fait valoir qu’elle avait été contrainte d’abandonner son emploi de gardienne de prison – et la formation pour le personnel pénitentiaire alors en cours, qui l’aurait menée jusqu’au brevet fédéral – en raison de ses douleurs ingérables et des efforts physiques que ce métier demandait. Ainsi, sans atteinte à la santé, elle aurait exercé à plein temps le métier d’agente de détention avec brevet fédéral, ce qui lui aurait permis de prétendre, en 2024, à un salaire annuel de CHF 84'170.- selon l’échelle des traitements de l’État de Genève.

Depuis le 1er janvier 2024, elle travaillait auprès du cabinet vétérinaire de son conjoint à hauteur de quelques heures par jour, soit à un taux maximum de 45%. Il s’agissait là de la seule activité qu’elle pouvait raisonnablement exercer. En effet, ce cabinet se trouvait à domicile. Son conjoint étant très flexible, il acceptait qu’elle travaille de manière aléatoire, soit en fonction de ses crises et douleurs. Lorsqu’elle était souffrante, les parents de son conjoint pouvaient la remplacer. Dans cette activité, le revenu mensuel qu’elle percevait s’élevait à environ CHF 1'200.- net, soit à environ CHF 1'325.- brut par mois ou CHF 15'900.- brut par an. En comparant le revenu sans invalidité (CHF 84'170.-) au revenu avec invalidité (CHF 15'900.-), la perte de gain était de CHF 68'270.- et le degré d’invalidité de 81%.

q. Par avis du 22 janvier 2024, le SMR a estimé qu’en tant que le courrier du 8 janvier 2024 évoquait le caractère inenvisageable d’un emploi à 80% du fait des limitations fonctionnelles causées par les douleurs d’origine multifactorielle et une médication qualifiée d’« extrêmement lourde », il s’agissait là de deux points qui avaient été pris en compte dans le rapport d’expertise, sans qu’un élément médical nouveau ne soit apporté. Partant, le précédent avis du SMR était toujours d’actualité.

r. Le 8 février 2024, l’OAI a permis à l’assurée d’accéder aux enregistrements sonores de l’expertise.

s. Par courrier du 23 mai 2024, l’assurée a soutenu que, sur le plan somatique, les constatations du rapport d’expertise étaient en contradiction manifeste, non seulement avec les propos qu’elle avait tenus – l’enregistrement en attestait –, mais aussi avec l’ensemble du dossier médical. Elle a également produit :

-          un rapport du 29 septembre 2023 du docteur K______, médecin assistant au Pôle santé Hôpital de la vallée de Joux, relatif à une consultation donnée le 26 septembre 2023 à l’assurée. Retenant le diagnostic principal de « péjoration de douleurs abdominales aigües chez une patiente connue pour endométriose », ce médecin a précisé que l’assurée présentait, depuis le 26 septembre 2023 au matin, des douleurs suspubiennes qui lui paraissaient d’intensité plus importante que celles dues à son endométriose. Elle avait pris trois comprimés d’Ibuprofène 600 mg, sans amélioration. En conséquence, le Dr K______ avait adapté l’antalgie en prescrivant du Vimovo 500 / 20mg à raison de trois fois par jour au plus pour deux semaines de traitement, puis une poursuite de l’antalgie par paracétamol ;

-          un rapport du 8 février 2024 du docteur L______, médecin assistant au Pôle santé Hôpital de la vallée de Joux, concernant une consultation donnée le 8 février 2024 pour une douleur abdominale diffuse dans le bas-ventre mais particulièrement dans la « FIG » (fosse iliaque gauche), d’origine indéterminée. Accueillie en urgence, l’assurée s’était vu administrer de la morphine et de la Novalgine par voie intraveineuse ;

-          une attestation du 22 avril 2024 dans laquelle le docteur M______, médecin-vétérinaire, indiquait que l’assurée travaillait depuis le 1er janvier 2024 au sein du cabinet vétérinaire qu’il exploitait et qu’à ce titre, ses tâches quotidiennes consistaient, entre autres, à répondre au téléphone, préparer les médicaments, réceptionner les colis à la Poste, prêter assistance lors des consultations, participer aux chirurgies, effectuer des tâches de secrétariat et s’occuper du ménage du cabinet. L’assurée, qui était également sa conjointe, organisait ses activités professionnelles en fonction de son état de santé et de ses douleurs. Elle travaillait à domicile, ce qui lui permettait de s’allonger dès que des douleurs survenaient ou lorsqu’elle prenait des médicaments qui la handicapaient à tout moment de la journée. Elle pouvait ainsi repousser le travail à plus tard en fonction de ses douleurs, qui étaient présentes plusieurs fois par jour et dont la durée pouvait varier de 15 minutes à plusieurs heures. Parfois, elle était incapable de travailler pendant un ou deux jours de suite. En raison de son état de santé, l’assurée rencontrait de nombreux empêchements au quotidien qui requéraient une grande flexibilité dans l’accomplissement des tâches. Ainsi, une femme de ménage intervenait toutes les deux semaines pour soulager l’assurée et effectuer les tâches qu’elle ne pouvait pas accomplir. Quant au Dr M______, il était également capable de s’organiser pour assumer ses responsabilités lors des moments / périodes d’incapacité de travail que l’assurée subissait en raison de son état de santé ;

-          un justificatif du Dr M______ concernant le paiement du salaire de l’assurée pour le mois de mars 2024 (CHF 1'437.- net).

Tirant argument des pièces citées, l’assurée a fait valoir que celles-ci témoignaient d’une évolution défavorable de son état de santé, contrairement à ce qu’indiquait la Dre I______. Par conséquent, son expertise ne revêtait aucune valeur probante.

t. Par avis du 11 juin 2024, le SMR a estimé que les points mentionnés en lien avec les écoutes des enregistrements avaient été pris en considération par les experts. Quant aux rapports de consultation récents des Drs K______ et L______, ils entraient dans le cadre des douleurs d’origine multifactorielle déjà évaluées dans l’expertise et n’apportaient aucun élément permettant de retenir une modification notable et durable de l’état de santé de l’assurée depuis l’avis du SMR du 13 novembre 2023. Quant à l’attestation du Dr M______, vétérinaire, qui rapportait des douleurs dont la durée variait de 15 minutes à plusieurs heures, empêchant ainsi l’assurée de travailler parfois pendant un à deux jours de suite, il s’agissait d’une attestation de l’employeur et non d’un médecin. De plus, les douleurs rapportées et leur incidence avaient déjà été évaluées par l’experte. En conséquence, le SMR maintenait son avis du 13 novembre 2023.

u. Par décision du 16 juillet 2024, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente et de mesures professionnelles à l’assurée. Les justificatifs médicaux remis dans le cadre de l’audition ne modifiaient pas l’appréciation de la capacité de travail de l’assurée qui était de 100% dans toute activité professionnelle avec une baisse de rendement de 20%. Concernant le revenu sans invalidité, on pouvait se baser sur les arguments apportés par l’assurée (revenu présumable de CHF 84'170.- en tant que gardienne de prison). Tel n’était cependant pas le cas pour le revenu avec invalidité. Étant donné que l’assurée n’avait pas repris une activité lucrative correspondant à l’exigibilité médicale, on pouvait se fonder sur les statistiques salariales de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), plus particulièrement sur le tableau T17. Selon cette statistique, une femme exerçant une activité de la ligne 54 (personnel des services de protection et de sécurité) pouvait réaliser un salaire de CHF 6'320.- en 2020. En tenant compte d’une durée hebdomadaire normale de travail de 41.7 heures dans ce secteur, cela représentait CHF 6'588.- par mois ou CHF 79'056.- par an, respectivement CHF 80'140.- par an en 2022 après indexation selon l’indice suisse nominal des salaires (ISS). En déduisant de ce montant une diminution de rendement de 20%, le revenu annuel brut avec invalidité s’élevait à CHF 64'112.- et le degré d’invalidité à 24% ([84'170 – 64'112]) x 100 / 80'170 = 23.83, arrondi à 24%). Un degré d’invalidité inférieur à 40% n’ouvrait pas droit à une rente. Pour le surplus, aucun mesure d’ordre professionnel n’était indiquée.

C. a. Le 11 septembre 2024, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière dès le 1er juin 2022, avec intérêts moratoires à 5% l’an sur les arriérés dès le 24e mois suivant l’exigibilité. Elle a également conclu, préalablement, à l’audition des Drs F______ et E______ et à la réalisation d’une expertise judiciaire.

À l’appui de sa position, elle a soutenu, en substance, que l’analyse de sa situation sur le plan somatique par l’experte I______ était extrêmement sommaire et sans discussion sérieuse de l’appréciation des médecins traitants. À cela s’ajoutait que l’experte s’écartait de manière considérable des déclarations (enregistrées) de l’assurée, en ce sens que celles-ci étaient en partie tronquées et / ou totalement ignorées dans le rapport d’expertise. En conséquence, les conclusions de cette expertise devaient être écartées et une nouvelle expertise – cette fois judiciaire – devait être ordonnée.

b. Par réponse du 7 novembre 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, motif pris que le rapport d’expertise du 7 novembre 2023 remplissait tous les réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

c. Le 19 décembre 2024, la recourante a répliqué et produit un rapport du 19 novembre 2024 du Dr E______ dans lequel ce spécialiste rappelait qu’il prenait soin de sa patiente depuis avril 2013 et qu’il avait ainsi suivi son long parcours de douleurs gynécologiques handicapantes. La prise en charge avait inclus plusieurs laparoscopies et investigations gastroentérologiques ainsi que des consultations dédiées chez le professeur N______ (spécialiste des algies pelviennes) à Zurich. Les différents traitements opératoires et médicamenteux pratiqués n’avaient pas permis de résoudre son problème algique, spasmodique, par moment totalement invalidant, et malheureusement imprévisible.

Pour étayer ce constat, le Dr E______ a annexé le rapport du 7 mars 2023 précité ainsi qu’un courrier qu’il avait adressé le 16 mars 2023 à la Dre F______. Il y expliquait avoir vu l’assurée en décembre 2022 pour les suites postopératoires d’une laparoscopie d’investigation, entreprise dans l’espoir de résoudre les problèmes algiques chroniques et à ce jour insolubles de l’assurée (cf. protocole opératoire du 16 novembre 2022). Lors de la dernière consultation, l’assurée était accompagnée de son conjoint vétérinaire et il lui avait été demandé de prescrire de l’Oxynorm, l’argument avancé en faveur de ce médicament étant son efficacité et sa marge thérapeutique supérieure à celle du Tramadol. Sur quoi, c’était avec une certaine réticence qu’il s’était résolu à prescrire 60 comprimés à 10 mg de ce dérivé de la morphine, tout en espérant ne pas avoir à réitérer de façon chronique une telle prescription dont on pouvait appréhender la dépendance qu’elle induisait et l’absence de résolution causale des symptômes.

d. Le 23 janvier 2025, l’intimé a dupliqué en relevant que le nouveau rapport du Dr E______ ne mentionnait aucun nouvel élément qui aurait été ignoré par l’experte I______. Celle-ci avait tenu compte de l’atteinte de l’assurée mais n’avait pas retenu le même caractère handicapant en découlant, vu les divergences observées au moment de l’expertise notamment au niveau de la fréquence et de l’intensité des plaintes.

e. Par courrier du 19 février 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une mission d’expertise gynécologique à la docteure O______, spécialiste en gynécologie et obstétrique et médecin adjointe auprès du service de gynécologie des HUG. Une copie de la mission d’expertise était jointe à son envoi et les parties avaient la possibilité de se prononcer à ce sujet et sur une éventuelle récusation de l’experte.

f. Par courrier du 12 mars 2025, la recourante a indiqué qu’elle n’avait pas de motif de récusation et que les questions libellées dans la mission d’expertise lui paraissaient appropriées.

g. Le 13 mars 2025, l’intimé a indiqué avoir pris connaissance de la mission d’expertise. Selon un avis du 24 février 2025, produit en annexe, le SMR n’avait pas de questions supplémentaires à ajouter mais estimait qu’au vu de l’étiologie multifactorielle de la symptomatologie algique abdomino-pelvienne présentée par la recourante, une expertise bi-disciplinaire (gynécologique et gastroentérologique) avec une évaluation consensuelle par les experts pouvait s’avérer utile.

h. Le 26 mars 2025, la recourante a indiqué qu’elle n’avait pas d’objection à l’ajout du volet gastroentérologique suggéré par l’intimé.

i. Par courrier du 24 avril 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier, en sus du volet gynécologique dont se chargerait la Dre O______, une mission d’expertise gastroentérologique au docteur
P______, spécialiste en gastroentérologie et médecin-chef de service auprès du service de gastroentérologie et d’hépatologie des HUG. Une copie de la mission d’expertise dans sa dernière version était jointe à son envoi et les parties avaient la possibilité de se prononcer à ce sujet et sur une éventuelle récusation du Dr P______.

j. Par pli du 15 mai 2025, l’intimé s’est référé à un avis du 29 avril 2025 dans lequel le SMR indiquait avoir pris connaissance du projet de mission d’expertise et n’avoir pas de questions supplémentaires à ajouter.

k. Le 19 mai 2025, la chambre de céans a transmis, pour information, une copie de ce courrier à la recourante.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

La procédure devant la chambre de céans est ainsi régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

3.2 En l’occurrence, au vu de la demande de prestations du 30 novembre 2021, il n’est pas contesté qu’un éventuel droit à une rente d’invalidité prendrait naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de cette date (cf. art. 29 al. 1 LAI) et donc postérieurement au 31 décembre 2021. Il s’ensuit que les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

 

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

4.2 La notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.3 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

4.4 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 ; 125 V 256 consid. 4). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.              

5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

5.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.2.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).

6.              

6.1 Lorsqu’il s'agit de déterminer la capacité résiduelle de travail d’une personne atteinte d’une maladie qui évolue par poussées, il convient d’intégrer dans le cadre de la réflexion la question de l’évolution dans le temps de la maladie, soit de tenir compte notamment de la fréquence et de l’intensité des poussées. Il n'est pas suffisant de se fonder sur une évaluation médicale qui ne reflète qu’une image instantanée de la situation ; celle-ci doit bien au contraire tracer de manière précise l’évolution - passée et future - de la capacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_153/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2). On relèvera à cet égard que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de tenir compte d'une capacité de travail moyenne en raison du caractère cyclique d'une maladie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2018 du 19 septembre 2018 consid. 6.2 et la référence).

6.2 Tant dans les cas de tableaux cliniques objectivables que non objectivables, le droit aux prestations de l’assurance-invalidité présuppose de la même manière une appréciation médicale compréhensible des effets de l’atteinte à la santé sur la capacité de travail et de gain. Des difficultés à clarifier des faits ou à fournir des preuves peuvent nécessiter la prise en compte – au besoin en se procurant des informations étrangères à l’anamnèse – d’autres domaines de la vie comme des comportements durant les loisirs ou des engagements familiaux. Si les effets d’une symptomatologie douloureuse objectivable ou non objectivable (par imagerie médicale) sur la capacité de travail restent vagues et indéterminés malgré des investigations consciencieuses et complètes et si les limitations ne peuvent pas être justifiées autrement que par les données subjectives fournies par la personne assurée, la preuve du fondement de la prétention n’est pas apportée et n’est pas rapportable. L’absence de preuve correspondante doit être supportée par la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_27/2015 du 26 août 2015 consid. 6.1).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 En l’espèce, il sied de rappeler que dans son avis du 5 avril 2023, le SMR a estimé que la recourante présentait une symptomatologie multiforme et chronique mais qu’au vu des rapports versés au dossier – dont le protocole opératoire du 16 novembre 2022 du Dr E______ –, qui n’avaient pas pu établir de cause somatique précise, la suspicion d’une atteinte de type SPECDO (syndrome sans pathogénèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique) nécessitait une expertise dont la réalisation a été confiée au SEM, soit au Dr J______ pour le volet psychiatrique et à la Dre I______ pour le volet de médecine interne. Ces experts sont parvenus à la conclusion qu’en l’absence de diagnostic psychiatrique, les répercussions de l’état de santé de l’assurée sur sa capacité de travail étaient exclusivement dues à des atteintes somatiques et que les douleurs chroniques, multifactorielles, s’expliquaient par une fibromyalgie, un syndrome de l’intestin irritable (perturbation du transit avec alternance constipation-diarrhées), une migraine commune sans aura et une endométriose sous traitement hormonal. Concernant l’absence de répercussion de ces atteintes sur la capacité de travail de la recourante – hormis une diminution de rendement de 20% –, l’experte I______ motive son appréciation par des plaintes qui sont qualifiées de « plausibles » dans le cadre d’une fibromyalgie mais qui ne le seraient qu’en partie pour l’endométriose – référence étant faite au protocole opératoire du 16 novembre 2022 du Dr E______ – ainsi que pour d’autres troubles (diarrhées récurrentes, hématochézie). Selon cette experte, l’endoscopie colique réalisée ne permettrait pas d’expliquer les symptômes, le poids de l’assurée étant stable et son état général conservé. De plus, il existerait une incohérence dans le fait que la recourante se soit tenue couchée en salle d’attente alors que la position assise avait été possible sans difficulté durant l’anamnèse. Selon l’experte, il existerait ainsi un décalage entre l’intensité des douleurs alléguées, « traitées par une antalgie simple », le status clinique dans la norme et le fonctionnement global de l’intéressée, celle-ci parvenant à rester autonome dans la vie quotidienne et la conduite automobile. Par ailleurs, des facteurs contextuels (mise en péril, par la crise du COVID-19, de l’activité indépendante exercée durant quelques années) participeraient possiblement à la chronicisation des douleurs selon le modèle biopsychosocial. En conclusion, les atteintes à la santé n’expliqueraient que partiellement les limitations fonctionnelles de la recourante, qui ne seraient d’ailleurs pas uniformes dans tous les domaines de la vie.

8.2 La chambre de céans relève à titre liminaire que dans ses rapports des 16 mars et 19 septembre 2022 à l’OAI, le Dr E______ indique que les pelvipathies chroniques avec épisodes d’exacerbation imprévisibles auraient une répercussion tout à fait claire sur la capacité de travail de la recourante et que leur « aspect invalidant [serait] très cohérent », les limitations découlant des atteintes à la santé se manifestant principalement par des épisodes non prévisibles et subits de douleurs paroxystiques avec prostration et urgences défécatoires […] rendant la vie socio-professionnelle et intime impossible pour une durée variable, ce avec une « mise en parenthèse de ses capacités d’échanges privés à même de compromettre le fonctionnement de sa vie privée ». Ce même caractère imprévisible (en durée et fréquence) des symptômes rendrait d’ailleurs difficile l’appréciation du taux d’activité exigible dans l’activité habituelle (de 0 à 100% en fonction des douleurs) comme dans une activité adaptée à l’état de santé de l’assurée, faisant ainsi dire au Dr E______ qu’une solution passerait peut-être par un travail à temps partiel et du télétravail, étant précisé qu’il n’existerait pas de traitement d’urgence permettant de résoudre les crises algiques. Concernant ce dernier point, « l’impasse thérapeutique » évoquée le 15 novembre 2021 par ce médecin aurait été toujours d’actualité au moment de la décision litigieuse (et même au-delà ; cf. le rapport du 19 décembre 2024 et ses annexes), le problème algique, spasmodique et par moment totalement invalidant étant inaccessible à une résolution causale des symptômes, y compris par une adaptation de l’antalgie (cf. les dérivés morphiniques évoqués dans le rapport du 8 février 2024 du Dr L______ et celui du 16 mars 2023 du Dr E______).

Il résulte, en synthèse, des explications du Dr E______ que l’incapacité de travail de la recourante serait fonction de la durée et de l’intensité variables de ses douleurs. D’apparition subite et imprévisible, ces dernières se répercuteraient également sur les domaines courants de la vie (vie sociale et intime impossible en cas de douleurs paroxystiques et « mise en parenthèse de ses capacités d’échanges privés à même de compromettre le fonctionnement de sa vie privée ») et, selon d’autres sources, sur l’accomplissement des tâches ménagères, la Dre F______ mentionnant la nécessité de faire des pauses dans ce cadre précis (cf. son rapport du 12 janvier 2022), alors que l’attestation de travail de l’employeur (et conjoint) de la recourante évoque l’intervention d’une femme de ménage toutes les deux semaines « pour soulager l’intéressée et effectuer les tâches qu’elle ne peut pas accomplir » (cf. attestation du 22 avril 2024 du Dr M______, vétérinaire). Pour sa part, l’experte I______ dénie partiellement le caractère invalidant des douleurs rapportées en notant une incohérence (position couchée de la recourante en salle d’attente, malgré une position assise maintenue sans difficulté durant l’anamnèse) et en retenant un décalage entre l’intensité des douleurs alléguées, le status clinique dans la norme et le fonctionnement global de l’intéressée. Par ailleurs, malgré les changements rapportés par cette dernière, qui seraient intervenus dans le déroulement d’une journée-type, depuis plus de deux ans (« actuellement, elle s’occupe principalement, la journée, à faire du crochet, assise sur son canapé ou au lit, environ 30 à 60 minutes par jour. Elle conduit son véhicule sur des trajets, allant jusqu’à une heure avec une pause pour rendre visite, par exemple, à ses parents qui habitent Versoix. Le jour de l’expertise, elle a été véhiculée par son père » ; cf. rapport d’expertise, p. 41), l’experte I______ n’en conclut pas moins que l’intéressée resterait autonome pour la gestion des activités quotidiennes et ses déplacements, notamment pour conduire (rapport d’expertise, p. 47) et que ses douleurs seraient « sans effet » sur sa capacité à effectuer les travaux habituels (préparer et servir les repas, nettoyer la cuisine et entretenir le logement, effectuer les achats et les démarches administratives, faire la lessive, étendre et plier le linge, repasser, etc. ; rapport d’expertise, p. 49).

La chambre de céans constate toutefois que malgré des arrêts de travail ayant fluctué entre 100, 50 et 0% entre le 21 octobre 2021 et le 24 janvier 2023 (cf. rapport d’expertise, p. 7) et les explications circonstanciées du Dr E______ sur le caractère variable du taux d’incapacité de travail en fonction de l’intensité et de la durée des douleurs, l’experte I______ estime que les douleurs chroniques d’origine multifactorielle justifient uniquement un besoin de pauses récurrentes et, ainsi, une baisse de rendement (capacité de travail de 80% et incapacité de travail de 20% sous forme d’une baisse de rendement) apparemment constante depuis le mois d’octobre 2021.

Or, selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit de déterminer la capacité résiduelle de travail d’une personne atteinte d’une maladie qui évolue par poussées – situation assimilable, en pratique, aux conséquences d’une endométriose (cf. par ex. l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_661/2023 du 21 mai 2024), il convient d’intégrer dans le cadre de la réflexion la question de l’évolution dans le temps de la maladie, soit de tenir compte notamment de la fréquence et de l’intensité des poussées. Il n’est pas suffisant de se fonder sur une évaluation médicale qui ne reflète qu’une image instantanée de la situation ; celle-ci doit bien au contraire tracer de manière précise l’évolution – passée et future – de la capacité de travail, en tenant compte, eu égard à l’évolution fluctuante de la maladie, aussi bien des phases actives que des phases moins actives de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 9C_153/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.2. et s.). Cela peut conduire, selon les circonstances, à l’établissement d’un taux d’activité moyen déterminé en fonction de la fluctuation du taux de capacité de travail (hors et en période de crise) et du nombre de jours de crise par mois (cf. par ex. l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2018 du 19 septembre 2018 consid. 6.2 ; cf. aussi l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_661/2023 précité consid. 6.2). En opposition avec ces principes, l’experte I______ n’effectue aucune distinction entre les périodes de manifestation – plus ou moins importantes – des douleurs, de sorte qu’elle ne se prononce pas, entre autres, sur la capacité de travail en cas d’épisodes douloureux paroxystiques. En lien avec les crises douloureuses plus importantes et la médication prévue à cet effet, l’experte n’examine pas non plus les éventuelles incapacités et / ou limitations fonctionnelles supplémentaires induites par la prise de dérivés de la morphine (Oxynorm).

8.3 Dans ces circonstances, le rapport du 7 novembre 2023 du H______ est impropre à établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’absence d’une situation médicale pertinente pour le droit aux prestations d’assurance-invalidité.

La chambre de céans ordonnera en conséquence une expertise bi-disciplinaire gynécologique et gastroentérologique de la recourante, qu’elle confiera aux Drs O______, spécialiste en gynécologie et obstétrique, et P______, spécialiste en gastroentérologie.

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise bi-disciplinaire gynécologique et gastroentérologique d'A______ et commet, à cette fin, la docteure O______, spécialiste en gynécologie et obstétrique, Genève, et le docteur P______, spécialiste en gastroentérologie, Genève.

II. Dit que la mission des experts sera la suivante :

A.       Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.       Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, voire auprès des membres de sa famille.

C.       Examiner et entendre la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d’autres examens, en particulier un examen neuropsychologique.

D.    Charge la Dre O______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants : (volet gynécologique)

1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status clinique et constatations objectives

4. Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Préciser quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable ? (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact)

4.5 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic, respectivement dans quelle mesure les troubles diagnostiqués limitent-ils les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée)

5.1.1 Préciser si possible la date d’apparition de ces limitations.

5.2 Les plaintes de l’assurée sont-elles objectivées ?

6. Traitement

6.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

6.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7. Personnalité

7.1 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8. Cohérence

8.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou existe-il des atypies ?

8.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

8.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autres termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

8.4 Quels sont les niveaux d’activités sociales et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

8.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

9. Capacité de travail

Sur la base des réponses aux questions précédentes, analyser la capacité de travail de l’assurée en indiquant son taux et l’évolution de celui-ci pour chaque diagnostic :

9.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.1.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.1.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.2.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adapté ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.2.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.4 Quel est votre pronostic quant à la reprise d’une activité lucrative ?

10.         Appréciation d'avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d’accord avec l’avis médical de la Dre F______, spécialiste en médecine interne générale, du 15 décembre 2022 ? Si non, pourquoi ?

10.2 Êtes-vous d’accord avec les avis médicaux du Dr E______, spécialiste en gynécologie et obstétrique, du 15 novembre 2021, 7 mars 2022, 16 mars 2022, 7 mars 2023 et 19 novembre 2024 ? Si non, pourquoi ?

10.3 Êtes-vous d'accord avec les conclusions de l’expertise administrative bi-disciplinaire des Drs J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et I______, spécialiste en médecine interne générale, du 7 novembre 2023 ? Si non, pourquoi ?

10.4 Etes-vous d’accord avec les avis médicaux du SMR du 5 avril 2023, 13 novembre 2023, 22 janvier 2024 et 11 juin 2024 ? Si non, pourquoi ?

11.         Quel est le pronostic ?

12.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles, à votre avis, envisageables ?

13.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E.     Invite l’experte à faire une appréciation consensuelle du cas avec le Dr P______ s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

F.      Invite l’experte à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

***

G.    Charge le Dr P______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants : (volet gastro-entérologique)

1.      Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.      Plaintes de la personne expertisée

3.      Status clinique et constatations objectives

4.      Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Préciser quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable ? (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact)

4.5 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.      Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic, respectivement dans quelle mesure les troubles diagnostiqués limitent-ils les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée)

5.1.1 Préciser si possible la date d’apparition de ces limitations.

5.2 Les plaintes de l’assurée sont-elles objectivées ?

6.      Traitement

6.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

6.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.      Personnalité

7.1 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.      Cohérence

8.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou existe-il des atypies ?

8.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

8.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autres termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

8.4 Quels sont les niveaux d’activités sociales et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

8.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

9.      Capacité de travail

Sur la base des réponses aux questions précédentes, analyser la capacité de travail de l’assurée en indiquant son taux et l’évolution de celui-ci pour chaque diagnostic :

9.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.1.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.1.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.2.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adapté ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.2.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.4 Quel est votre pronostic quant à la reprise d’une activité lucrative ?

10.  Appréciation d'avis médicaux du dossier

10.1 Êtes-vous d’accord avec l’avis médical de la Dre F______, spécialiste en médecine interne générale, du 15 décembre 2022 ? Si non, pourquoi ?

10.2 Êtes-vous d’accord avec l’avis médical du Dr G______, spécialiste en affections digestives, du 3 février 2022 ? Si non, pourquoi ?

10.3 Êtes-vous d'accord avec les conclusions de l’expertise administrative bi-disciplinaire des Drs J______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et I______, spécialiste en médecine interne générale, du 7 novembre 2023 ? Si non, pourquoi ?

10.4 Etes-vous d’accord avec les avis médicaux du SMR du 5 avril 2023, 13 novembre 2023, 22 janvier 2024 et 11 juin 2024 ? Si non, pourquoi ?

11.  Quel est le pronostic ?

12.  Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles à votre avis envisageables ?

13.  Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

H.    Invite l’expert à faire une appréciation consensuelle du cas avec la Dre O______ s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

I.        Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le