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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3525/2023

ATAS/568/2025 du 25.07.2025 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3525/2023 ATAS/568/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise du 25 juillet 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Emilie CONTI MOREL, avocate

 

 

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né en 1970, travaillait en qualité de chauffeur poids lourds pour la société B______ (ci-après : l'employeuse) depuis le 1er juin 2016 et était à ce titre assuré contre le risque d'accidents, professionnels ou non, par la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).

b. Le 8 décembre 2021, l'assuré a eu un accident au travail. Selon la déclaration d'accident remplie le 14 décembre 2021, en montant une machine sur le plateau de son camion, l'assuré a glissé, s'est cogné et a perdu l'équilibre sur le côté droit. Des contusions du thorax, du bras et de l'œil droits ont été annoncées, ainsi qu'une incapacité de travail dès le 12 décembre 2021.

c. Des radiographies réalisées le 12 décembre 2021 n'ont pas mis en évidence de fracture et ont conclu à une image thoracique dans la norme. S'agissant plus particulièrement de l'épaule droite, aucune anomalie n'a été détectée au niveau des articulations, des structures osseuses ou des parties molles.

d. Le 16 décembre 2021, le docteur C______, médecin généraliste, a attesté d'une incapacité totale de travail de l'assuré du 17 au 19 décembre 2021.

e. Dans un rapport du 17 décembre 2021, la docteure D______, spécialiste en médecine interne générale, a posé le diagnostic de traumatisme crânien sans perte de connaissance avec hématome en monocle de l'œil droit et de l'arcade sourcilière, hémorragie conjonctivale de l'œil droit et contusions du thorax antérieur droit, de l'épaule et de la hanche droites. Le rapport mentionne, concernant le déroulement de l'accident, que l'assuré se trouvait à l'arrière du camion, à environ 1 m. 20 du sol, qu'il a glissé et est tombé du véhicule en avant au sol, tête la première, qu'il a avancé les mains, s'est réceptionné sur l'orbite droite et a heurté le thorax antérieur, l'épaule et la hanche droites.

f. La SUVA a versé des indemnités journalières du 12 au 19 décembre 2021.

g. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) pratiquée le 1er mars 2022 a montré une tendinopathie fissuraire du supra-épineux, une tendinose du sous-scapulaire, des kystes synoviaux au niveau de la tête humérale avec œdèmes intraspongieux, une arthropathie acromio-claviculaire, un épanchement intra-articulaire gléno-huméral et une bursite sous-coracoïdienne. Le muscle du supra-épineux était décrit comme de forme normale, de signal conservé avec une tendinopathie fissuraire. Il n'y avait pas de lésion de l'infra-épineux ou du petit rond.

h. Une infiltration du supra-épineux a été pratiquée le 16 mars 2022.

i. Le 12 août 2022, le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a proposé une intervention chirurgicale de l'épaule droite. Son rapport mentionne que l'assuré a chuté d'une plate-forme d'environ 1 m. 50, le 8 décembre 2021, qu’il a ressenti une douleur subite à l'épaule droite et que, par la suite, le port de charges lourdes, le travail des mains en hauteur et le passage de vitesse lors de la conduite ont été douloureux. L'infiltration pratiquée en mars n'avait pas amélioré la symptomatologie, mais l'assuré n'avait pas bénéficié de physiothérapie. L’examen clinique mettait notamment en avant une palpation douloureuse du trochiter et de la gouttière du long chef du biceps, des amplitudes relativement conservées et une force de la coiffe antérieuro-postérieure conservée, mais douloureuse. Selon le médecin, l'IRM du 1er mars 2022 montrait une lésion transfixiante du supra-épineux avec une rétraction Patte 2, une lésion de l'infra-épineux, une tendinopathie fissuraire du long chef du biceps et une arthropathie acromio-claviculaire. L'examen radiologique réalisé aux HUG dans le cadre de la consultation montrait une tête humérale centrée sur sa glène avec un espace sous-acromial conservé à 1 cm et un Critical Shoulder Angle de 38°.

B. a. Le 7 octobre 2022, l'employeuse a annoncé à la SUVA une rechute depuis le 19 juillet 2022 et indiqué que l'assuré devrait prochainement se faire opérer de l'épaule.

b. Le 21 octobre 2022, une arthroscopie de l'épaule droite par ténodèse du long chef du biceps, suture du sus-épineux et de l'infra-épineux, acromioplastie antéro-latérale et résection du centimètre externe de clavicule a été pratiquée par le Dr E______. Les diagnostics mentionnés dans le compte-rendu opératoire sont ceux de rupture du sus-épineux et de l'infra-épineux, tendinopathie fissuraire subluxante du long chef du biceps et arthropathie acromio-claviculaire. Le descriptif de l'intervention chirurgicale fait état d'une bursite importante au niveau sous-acromial, excisée, et d'une zone de rupture couverte, testée au crochet avec passage aisé, signifiant une rupture quasiment transfixiante.

c. Suite à cette intervention, l'assuré a été en arrêt total de travail du 21 octobre 2022 au 20 avril 2023, puis à 50% du 21 avril au 2 juin 2023.

d. Dans un rapport reçu le 3 avril 2023 par la SUVA, le Dr C______ a posé le diagnostic de fissure du supra-épineux de l'épaule droite à la suite de la chute du 8 décembre 2021. L'évolution avait été bonne depuis l'opération réalisée aux HUG. De la physiothérapie était en cours. La reprise de travail dépendait des orthopédistes. Le médecin a aussi mentionné que l’arrêt de travail à 100% dès le 17 décembre 2021, toujours en cours, était justifié chez un chauffeur de poids lourds.

e. Le 27 avril 2023, la docteure F______, médecin praticien et médecin d'arrondissement de la SUVA, a estimé que l'événement du 8 décembre 2021 n'avait pas entraîné de lésion structurelle. L'assuré avait continué à travailler durant quelques jours et, lors de la consultation auprès de la Dre D______, les douleurs étaient localisées à un point précis et lors des amplitudes extrêmes. L'IRM du 1er mars 2022 mettait en évidence des lésions de nature dégénérative, préexistantes à la chute. L'opération du 21 octobre 2022 n'était donc pas en lien de causalité pour le moins probable avec l'événement incriminé, mais avec les atteintes dégénératives. L'accident avait tout au plus entraîné une contusion de l'épaule droite qui avait décompensé progressivement l'état antérieur. Selon le guide de réinsertion de l'association suisse d'assurances, version 1.0, année 2010, une contusion de l'épaule guérissait en une à trois semaines selon qu'elle était légère ou moyenne. L'événement du 8 décembre 2021 avait ainsi totalement cessé de déployer ses effets au plus tard depuis le 21 décembre 2021, date de reprise de l'activité après une incapacité de travail inférieure à dix jours.

f. Par décision du 19 mai 2023, notifiée à l'assuré le 23 mai 2023, la SUVA a indiqué mettre fin à sa prise en charge avec effet au 20 octobre 2022, veille de l'intervention chirurgicale, au motif que le statu quo sine pouvait être considéré comme atteint quelques semaines après l'accident au plus tard.

g. Le 21 juin 2023, l'assuré a s’est opposé à cette décision en arguant que les atteintes dont il avait souffert à la suite de l'accident étaient constitutives de lésions assimilées au sens de la loi et que la Dre F______, généraliste et non spécialiste de l'épaule, n'avait pas apporté la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elles seraient dues à l'usure ou à une maladie. En vertu de la présomption instituée par la loi, la SUVA devait donc prester. Subsidiairement, l'assuré contestait que le statu quo sine ait été atteint, les douleurs n'ayant jamais cessé depuis l'accident, malgré une infiltration et de la physiothérapie.

h. Le 3 août 2023, la Dre F______ a maintenu ses précédentes conclusions, arguant que, lors d'un traumatisme de l'épaule avec rupture d'un tendon de la coiffe, les douleurs et l'impotence fonctionnelle sont immédiates. Or, l'assuré n'avait consulté que quatre jours plus tard, alors qu'il travaillait comme chauffeur poids lourds. La Dre D______ avait par ailleurs mentionné une douleur à la palpation d'un point précis au niveau de la tête humérale et lors des amplitudes extrêmes, mais aucune impotence ; l’assuré avait d’ailleurs continué à travailler jusqu'à la veille de l'opération. Lors de l'examen du 19 juillet 2022 aux HUG, les amplitudes articulaires étaient quasi normales et les petits déficits étaient dus aux lésions dégénératives, non à une atteinte traumatique d'un tendon de la coiffe des rotateurs.

i. Par décision du 26 septembre 2023, la SUVA a rejeté l'opposition.

L’événement du 8 décembre 2021 étant constitutif d’un accident, le droit aux prestations de l'assurance-accidents ne devait pas être examiné sous l'angle des lésions assimilées. En cas de rechutes ou de séquelles tardives, il appartenait à l'assuré d'établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre la nouvelle atteinte et l'accident. Plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection était long, plus les exigences quant à la preuve du rapport de causalité naturelle devaient être sévères. En l'occurrence, le mécanisme de la chute était peu clair et il n’était pas établi que l'assuré avait tenté de se protéger avec les mains. Cela étant, selon la jurisprudence, il n'y avait pas lieu d'accorder une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l'examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l'accident sur la base des déclarations de la victime. Il fallait bien plutôt, sous l'angle médical, mettre en présence et pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l'état de fait selon la vraisemblance prépondérante. Dans le cas d'espèce, la première consultation avait eu lieu quatre jours après l'accident, motivée par des douleurs costales et l'incapacité de travail n'avait duré que jusqu'au 19 décembre 2021, avec une reprise à 100% dans une activité relativement lourde et contraignante pour les épaules. Selon les indications du médecin-conseil, en présence d'une rupture des tendons de la coiffe des rotateurs d'origine traumatique, l'assuré n'aurait vraisemblablement pu poursuivre son activité jusqu'au 12 décembre 2021, durant trois jours ouvrés (les 8, 9 et 10 décembre). Le Dr E______ avait constaté des troubles discrets, sans impotence fonctionnelle, ni perte de force majeure, ce qui parlait aussi pour des troubles d'origine non traumatique. Enfin, les examens par imagerie n'avaient pas révélé de fracture ou luxation qui pourraient témoigner d'une rupture tendineuse d'origine traumatique, mais d'autres lésions dégénératives.

C. a. Par acte du 27 octobre 2023, l'assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans en concluant, préalablement, à la mise sur pied d’une expertise confiée à un médecin chirurgien orthopédiste spécialiste des problématiques de l'épaule, principalement, à ce que l'intimée soit condamnée à lui verser les prestations dues, en particulier les indemnités journalières du 21 octobre 2022 au 2 juin 2023, et prenne en charge des frais médicaux, le tout sous suite de frais et dépens.

Le recourant allègue que, le 8 décembre 2021, en montant une machine sur le plateau de son camion, il a glissé, fait une chute d'environ 1 m. 20, et heurté son épaule droite au sol. Pensant initialement qu'il s'agissait d'une simple chute, il s'est rendu au travail les jeudi 9 et vendredi 10 décembre 2021, mais a constaté que ses douleurs de l'épaule droite ne s'apaisaient pas et que la mobilité de son épaule était très limitée. Il a demandé à son employeuse de conduire un camion automatique. Il explique qu’hormis l'acte de conduite, son activité professionnelle n'était pas particulièrement contraignante pour l'épaule et qu’il portait peu de charges lourdes, spécialement lors de la période de fin d'année. Du fait de la structure de l'entreprise - qui ne comptait que quelques employés - et de la difficulté à organiser des remplacements, il évitait de s'absenter, pour ne pas risquer d'être licencié. Il avait repris le travail le 20 décembre 2021, malgré ses douleurs, l'activité étant ralentie à cette période de l'année, tous les chantiers étant à l'arrêt et les vacances de Noël approchant. L’usage de l'épaule droite n’avait donc pas été indispensable lors de sa courte reprise, du 20 au 23 décembre 2021. Il s'était ensuite rendu au Portugal pour les fêtes de fin d'année et, constatant que les douleurs à l'épaule droite s'exacerbaient et que sa mobilité ne s'améliorait pas, il avait consulté dans une clinique privée le docteur G______, qui avait procédé à une échographie le 4 janvier 2022. À sa reprise de travail, le 17 janvier 2022, le port de charges lourdes, le travail des mains en hauteur et le passage de vitesses étaient encore douloureux, le contraignant à solliciter l'aide de ses collègues et à poursuivre la conduite automatique. Il avait alors consulté le Dr C______, qui avait suggéré une IRM et évoqué la nécessité d'une opération, qu'il avait souhaité éviter tant que faire se peut, raison pour laquelle une infiltration avait en premier lieu été pratiquée. Face à l'absence d'amélioration, le Dr C______ l'avait redirigé vers des spécialistes des HUG, qui avaient confirmé la nécessité d'une intervention.

Le recourant conteste que le statu quo sine ait été atteint quelques mois après la chute et souligne qu'il se serait fait opérer bien plus tôt s'il n'avait pas rencontré des problématiques liées à son emploi et n'avait pas entendu des échos négatifs au sujet de l'opération.

Il souligne n’avoir jamais consulté de médecin pour des problématiques relatives à son épaule droite avant l'accident.

Le recourant produit le résultat des examens pratiqués au Portugal. Selon le rapport d'échographie du 4 janvier 2022, sur la face articulaire de la moitié antérieure du tendon du supra-épineux, est identifiée une image de rupture en position juxta-insertionnelle, mesurant 6 mm dans le plan coronal et 5 mm dans le plan sagittal, affectant environ un tiers de son épaisseur, sans rétraction myotendineuse. Les autres éléments de la coiffe ne présentent pas d'images de rupture sans équivoque. Une légère distension liquide de la bourse sous acromiale/sous-deltoïdienne ipsilatérale est observée, dont la nature méta-traumatique est évoquée.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 22 novembre 2023, a conclu au rejet du recours.

Elle rappelle que le fait que des troubles se manifestent après la survenance d'un accident ne suffit pas à admettre l’existence d’un lien de causalité au degré de la vraisemblance prépondérante.

Elle considère que l'avis de la Dre F______ n’est mis en doute par aucun autre médecin. Elle ajoute que le fait que ce médecin ne soit pas spécialiste en chirurgie orthopédique ou membre FMH ne permet pas remettre en ses conclusions, les médecins de la SUVA étant considérés, selon la jurisprudence, comme des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale.

L’intimée relève que l'adaptation du poste de travail alléguée par le recourant n’est nullement documentée. Elle s’étonne, vu l'importance des douleurs et des limitations fonctionnelles rapportées, que des incapacités de travail, de la physiothérapie ou une médication antalgique n'aient pas été prescrites.

c. Par écriture du 19 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et sollicité l'audition du Dr C______, de son employeur, ainsi que de collègues, afin d'attester des douleurs qu'il présentait après la chute et du suivi médical entrepris, respectivement des aménagements à son poste de travail.

d. En date du 22 août 2024, la Cour de céans a procédé à l'audition des parties et des Drs C______ et E______.

En substance, le Dr C______ a déclaré avoir constaté, lors de la consultation du 16 décembre 2021, une épaule très douloureuse au niveau du sus-épineux, ainsi que du tendon bicipital et une impotence fonctionnelle de l'épaule se manifestant par l'impossibilité de l'abduction et de la flexion antérieure. Il souhaitait mettre le recourant en arrêt de travail pour un mois, mais ce dernier ne le voulait pas et avait repris son activité le 20 décembre 2021, puis l'avait continuée durant six à huit mois, alors qu'il se plaignait toujours de l'épaule. Des antalgiques avaient été prescrits. Le lien de causalité entre l'accident et l'intervention est, à son avis, clair, puisque l'IRM de mars 2022 avait montré une tendinite fissuraire correspondant bien aux douleurs décrites, dont il ne voyait pas comment elle aurait pu se produire autrement. Une origine maladive peut être envisagée chez les personnes exerçant un sport violent ou un travail à mouvements répétitifs, mais le recourant ne s'est jamais plaint de l'épaule avant l'accident. Les autres diagnostics retenus par l'IRM (kyste synovial de la tête humérale, arthrose acromio-claviculaire, bursite et tendinopathie sous-scapulaire) sont clairement d'origine maladive.

Le Dr E______ a déclaré avoir reçu le recourant en mars 2022 et avoir objectivé des douleurs de l'épaule lors de l'examen clinique. L'indication chirurgicale principale était due à une rupture transfixiante du sus-épineux, terme qu'il préfère à celui de tendinite fissuraire, qui évoque plutôt un problème chronique. Dans le cas du recourant, la rupture était totale, ce qui a été confirmé lors de l'opération. Il est toujours difficile de dire quelle est l'origine d'une lésion, l'idéal étant d'avoir une IRM avant l'accident, une autre après. Le témoin a exposé pencher plutôt en faveur d'une lésion traumatique dans le cas d'espèce, compte tenu des algorithmes des HUG, de la notion d'accident au sens de la loi, de la chute décrite de 1 m. 50, ainsi que du type de lésion. Il n'a pas été précisé, lors de l'anamnèse, si le mécanisme lésionnel consistait en un choc direct sur l'épaule, suite à une chute de 1 m. 50, ou si l’assuré s’est réceptionné bras tendus vers l’avant mais, dans les deux cas, cela demeure compatible avec la lésion. Le témoin a indiqué qu’il n’est pas expert, mais qu’il se souvient avoir lu que l'hypothèse du choc direct sur l'épaule peut occasionner ce type d'atteinte. En cas de chute bras en avant, il n'y a dans son esprit pas de doute sur l’existence d’un lien de causalité. Le témoin a indiqué ignorer si une telle lésion peut être asymptomatique, mais n’avoir pas connaissance que cela puisse être le cas. Le délai qui s’est écoulé entre son premier examen et l'intervention était dû à l'organisation des HUG.

e. Le 17 septembre 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions.

Selon elle, les raisonnements des médecins traitants au sujet de l'origine traumatique de l'atteinte ne peuvent être suivis, le Dr C______ se fondant sur le fait que son patient ne s'est jamais plaint de douleurs à l’épaule avant l’accident et le Dr E______ l’expliquant par le mécanisme lésionnel, dont il ne connaissait pas les détails.

L’intimée se réfère à une nouvelle appréciation de la Dre F______, datée du 11 septembre 2024. La Dre F______, se référant à certaines études et auteurs, relève que l'évolution naturelle de la coiffe des rotateurs se fait vers une détérioration tendineuse. La proportion de lésions partielles asymptomatiques après l'âge de 50 ans est importante et les symptômes ne se développent souvent qu'après une lésion transfixiante ou après une décompensation par un traumatisme mineur, tel qu'une contusion. Le fait que le Dr E______ ait déclaré que la lésion était transfixiante lors de l'intervention chirurgicale – alors même que, selon le compte-rendu opératoire, la rupture était quasi transfixiante – ne prouve pas son origine traumatique, compte tenu que la tendinopathie fissuraire se fait en fonction de facteurs intrinsèques et extrinsèques en fonction de l'âge et est très souvent asymptomatique. Dans le cas du recourant, l'IRM du 1er mars 2022 est le reflet d'un phénomène de détérioration progressive des tendons.

f. Par écriture du 11 octobre 2024, le recourant a souligné qu'il appartient à l'assureur d'instruire précisément la question du lien de causalité entre un événement accidentel et une atteinte et de déterminer si le stade sine vel ante lui permettant d'interrompre sa prise en charge a été atteint.

Il argue qu’en l'occurrence, le médecin d'arrondissement développe des considérations théoriques générales, alors que ses médecins traitants ont exprimé l’avis que l'opération du 21 octobre 2022 n'aurait pas été réalisée à ce moment-là si la chute ne s'était pas produite, et ont établi une continuité entre l'intervention et la première consultation, lors de laquelle le Dr C______ a constaté une douleur très intense et une impotence fonctionnelle sévère.

Quant au mécanisme lésionnel, le rapport de la Dre D______ du 17 décembre 2021 mentionne que l’assuré s'est réceptionné sur les mains.

Le recourant conclut à nouveau à la mise en œuvre d'une expertise par un chirurgien orthopédiste ou un rhumatologue spécialiste de l'épaule.

g. Le 17 octobre 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions et contesté la nécessité d'une expertise, les appréciations de son médecin d'assurance, selon elle, étant pleinement probantes.

L’intimée soutient que les considérations de la Dre F______ ne sont pas de nature générale, mais fondées sur les faits du dossier, notamment les plaintes initiales du recourant - localisées principalement au niveau costal -, l'évolution de l'incapacité de travail dans une activité professionnelle jugée lourde et contraignante au niveau des épaules, l'absence d'impotence fonctionnelle immédiate après l'accident, ainsi que la présence de nombreuses atteintes de l'épaule droite témoignant d'une articulation très largement dégénérative.

h. Par courrier du 16 juin 2025, la Cour de céans a informé les parties qu’elle envisageait d’ordonner une expertise judiciaire qu’elle entendait confier au docteur H______, spécialiste en chirurgie orthopédique. Un délai leur a été accordé pour se déterminer sur la mission d’expertise et faire valoir d’éventuels motifs de récusation.

i. Le 30 juin 2025, l’intimée a indiqué qu’elle n’avait pas de remarques à formuler au sujet de la mission d’expertise. En revanche, elle s’est opposée à la désignation du Dr H______ au motif que celui-ci n’étant au bénéfice d’aucune formation en assécurologie, il risquait « donc de rendre un rapport d’expertise qui ne [serait] pas exploitable » (sic). L’intimée a suggéré le nom de plusieurs autres experts qui lui agréeraient.

j. La recourante, pour sa part, a fait remarquer que le Dr H______, au contraire des médecins suggérés par l’intimée, dispose d’une spécialisation reconnue en chirurgie de l’épaule. Elle ajoute que le fait qu’il ne dispose pas d’un titre d’expert SIM n’est pas déterminant.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimée de mettre un terme à sa prise en charge avec effet au 20 octobre 2021, plus particulièrement sur la question de l’existence d’un lien de causalité entre l'événement du 8 décembre 2021 et l'opération du 21 octobre 2022, ainsi que la période d'incapacité de travail postérieure.


 

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l'atteinte, le caractère involontaire de l'atteinte, le facteur extérieur de l'atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur ; il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

L'art. 6 al. 2 LAA, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, contient une liste de lésions corporelles pour lesquelles l'assurance verse également des prestations, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie.

En l'espèce, l'intimée ne conteste pas - à juste titre - que l'événement du 8 décembre 2021 constitue un accident. Dès lors, le droit aux prestations s'analyse exclusivement en vertu de l'art. 6 al. 1 LAA, même si l'atteinte causée par l'accident est une lésion corporelle énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1 et les références).

3.2 Les prestations que l'assureur-accidents doit prendre en charge comprennent notamment le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA) et les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l'accident (art. 16 LAA).

3.3 La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n. U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

3.4 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_331/2024 du 29 novembre 2024 consid. 4.2).

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). À cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (cf. ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).

3.5 Les prestations d'assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents, du 20 décembre 1982 - OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n. U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid.1.1).

Il incombe à l'assuré d'établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre la nouvelle atteinte et l'accident. À cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (arrêt du Tribunal fédéral 8C_302/2023 du 16 novembre 2023 consid. 6.1 et les références). En l'absence de preuve, la décision sera défavorable à l'assuré (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références ; RAMA 1994 n. U 206 p. 327 consid. 1 et les références).


 

4.              

4.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

4.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

4.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).

En ce qui concerne les rapports et avis des médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

4.4 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).

5.              

5.1 En l'espèce, au stade de l'instruction de la demande et de l'opposition, l'intimée s'est fondée sur deux avis de son médecin d'arrondissement pour conclure que l'opération réalisée le 21 octobre 2022 n'était pas en lien de causalité avec l'événement du 8 décembre 2021. Ces prises de position ont été complétées d'une nouvelle appréciation de son service médical dans le cadre de la procédure de recours, après audition des médecins traitants du recourant.

Le médecin d'arrondissement estime en substance que l'événement du 8 décembre 2021 a tout au plus entraîné une contusion de l'épaule droite ayant décompensé temporairement un état maladif préexistant, mis en évidence par l'IRM du 1er mars 2022. L'historique des incapacités de travail, l'impotence fonctionnelle et les douleurs constatées par la Dre D______ permettraient de conclure que l'accident n'a pas causé de lésion structurelle et n'a en particulier pas entraîné de rupture de tendon de la coiffe des rotateurs. L'opération du 21 octobre 2022 n'était ainsi pas en lien de causalité pour le moins probable avec l'accident. La Dre F______ a ensuite précisé, dans son évaluation du 11 septembre 2024, que chez les sujets de plus de 50 ans, une rupture de la coiffe des rotateurs est fréquemment causée par une détérioration tendineuse progressive, asymptomatique avant d'atteindre le stade de rupture transfixiante ou d'être décompensée par un traumatisme mineur.

Pour sa part, le recourant s'appuie sur l'opinion de ses médecins traitants, lesquels, entendus par la Cour de céans, ont indiqué privilégier l'origine traumatique de la lésion du supra-épineux, d’une part, parce que le recourant ne s’était jamais plaint de l'épaule droite auparavant et n'exerçait pas d'activité professionnelle ou sportive contraignante pour ce membre (Dr C______), d’autre part, au vu du type de lésion constatée lors de l'intervention chirurgicale et du mécanisme de la chute (Dr E______).

5.2 Au vu des prises de position médicales au dossier, la Cour de céans se trouve dans l'impossibilité de se déterminer sur les points litigieux et de statuer sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.

S'agissant des avis des médecins traitants du recourant, si le Dr C______ a en effet été affirmatif quant à l'origine traumatique de la tendinite fissuraire, il a motivé sa réponse par le fait qu'il ne pensait pas qu'une telle affection puisse se déclarer autrement et par l'absence de déficit préalable de l'épaule. De telles considérations n'emportent pas la conviction, au vu des explications données par le médecin d'arrondissement concernant le processus dégénératif naturel de l'épaule et compte tenu qu'elles sont essentiellement basées sur un raisonnement « post hoc, ergo propter hoc », qui n'est pas suffisant, selon la jurisprudence, pour établir la causalité naturelle entre un événement accidentel et un état pathologique.

Le Dr E______ a, pour sa part, souligné que l'intervention chirurgicale avait été menée principalement en raison de l'atteinte du sus-épineux et s'est référé au mécanisme de la chute et au type de lésion constatée lors de l'opération pour affirmer qu'elle était d'origine traumatique. Il a cependant aussi exposé ne pas savoir si le mécanisme accidentel avait consisté en une chute avec choc direct sur l'épaule ou bras tendus en avant, ce qui pouvait selon lui avoir une influence sur la question du lien de causalité, celui-ci étant plus facilement admis dans la seconde hypothèse. En outre, alors qu'il a déclaré que l'opération avait montré une rupture totale du sus-épineux, le compte-rendu opératoire fait seulement état d'une rupture quasiment transfixiante, comme le relève à juste titre le médecin d'arrondissement. Les algorithmes auxquels il s'est référé pour admettre l'origine traumatique de la lésion ne sont par ailleurs pas précisés.

Bien que le Tribunal fédéral ait tempéré les effets de la controverse médicale entourant la question de la rupture du supra-épineux en cas de choc direct sur l'épaule et ait jugé qu'il n'y a pas lieu de donner une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l'examen du lien de causalité, mais qu'il convient bien plutôt, sous l'angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2023 du 8 mai 2024 consid. 3, 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.3 et 8C_59/2020 du 14 avril 2020 consid. 5.4), les éléments susvisés ne permettent pas de retenir que l'opération du 21 octobre 2022 et ses suites sont, au degré de la vraisemblance prépondérante, en relation de causalité avec l'accident du 8 décembre 2021.

Quant à l'opinion du médecin d'arrondissement, les arguments tirés de l'absence d'incapacités de travail suivies dans le temps et de limitations fonctionnelles légères les jours qui ont suivi l'accident apparaissent relativisés par les déclarations du Dr C______, qui a attesté d'une impotence fonctionnelle lors de sa première consultation, et exposé que des arrêts de travail plus longs auraient été justifiés, mais que l’assuré les avait refusés. Une telle position concernant l'incapacité de travail du recourant ressortait déjà de son rapport d'avril 2023, dans lequel il mentionnait une incapacité totale depuis le 17 décembre 2021. Par ailleurs, il sied de constater que le médecin d'arrondissement ne prend pas en considération l'IRM réalisée peu après l'accident, le 4 janvier 2022. Or, d'après le rapport du Dr G______, une image de rupture du supra-épineux a alors été identifiée, ainsi qu'une légère distension liquide de la bourse sous-acromiale/sous-deltoïdienne, que le médecin a relevé pouvoir être de nature méta-traumatique. La conclusion de la Dre F______ selon laquelle l'accident n'aurait pas causé de lésion structurelle n'apparaît par conséquent pas non plus probante, dès lors qu'elle ne se prononce pas sur l'ensemble de l'imagerie, mais se fonde exclusivement sur l'IRM du 1er mars 2022.

L'on rappellera par ailleurs que, même si la tendinopathie fissuraire du supra-épineux était, comme l'affirme le médecin d'arrondissement, d'origine maladive et préexistante à l'accident du 8 décembre 2021, il serait néanmoins nécessaire de déterminer si cet événement a provoqué une aggravation de l'état antérieur et, dans l'affirmative, jusqu'à quelle date. Tant que le statu quo sine vel ante n'est pas atteint, l'assureur-accidents est en effet tenu de verser des prestations (cf. consid. 3.4 ci-dessus). À cet égard, la Dre F______ a succinctement exposé que le recourant n'avait souffert que d'une contusion de l'épaule ayant temporairement décompensé l'état antérieur, durant une à trois semaines. Outre que cette affirmation pourrait être mise en cause par le résultat de l'IRM du 4 janvier 2022 et semble minimiser les constations cliniques des médecins ayant examiné le recourant peu après l'accident (les Drs C______ et D______ retiennent tous deux des limitations dans les amplitudes de l'épaule et le premier a déclaré avoir constaté une épaule très douloureuse), elle se base sur des données abstraites du guide à la réintégration de l'association suisse des assurances qui ne permettent pas, dans le cas concret, de vérifier la question du statu quo sine vel ante. Le guide précité retient au demeurant des périodes d'incapacité de travail plus longues qu'une à trois semaines en cas d'entorse à la coiffe des rotateurs, notamment en cas de rupture.

Dans le cas d'espèce, des doutes subsistent donc s'agissant de la nature des lésions causées par l'événement du 8 décembre 2021, de leur effet dans le temps, ainsi que du statu quo ante ou du statu quo sine, que la Cour de céans ne peut lever, puisqu’il s’agit de questions médicales.

Le refus de prestations de l'intimée n'est pas fondé sur une expertise externe au sens de l'art. 44 LPGA, mais sur les seuls avis de son médecin d'arrondissement, qui sont remis en cause par les médecins traitants de façon suffisamment précise. Dans ces circonstances, il y a lieu d'ordonner une expertise judiciaire orthopédique afin de statuer sur la question de la causalité naturelle (cf. consid. 4.3 et 4.4 supra).

Cette expertise sera confiée au docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. En effet, force est de constater que l’intimée ne fait valoir aucun motif de récusation valable. Le fait de ne pas disposer d’une « formation en assécurologie » ne saurait disqualifier d’emblée ce spécialiste de l’épaule.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise orthopédique. La confie au docteur H______.

II. Dit que la mission d'expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment les Drs E______ et C______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivantes :

1. Quelle est l'anamnèse détaillée ?

2. Quelles sont les plaintes de la personne expertisée ?

3. Quelles sont vos constatations objectives ?

4. Quels sont les diagnostics, en particulier ceux révélés par les imageries et radiographies ?

5. Depuis quand ces atteintes sont-elles présentes chez la personne expertisée et comment ont-elles évolué ?

6. Causalité

6.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l'événement du 8 décembre 2021 ? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50%), probable (probabilité de plus de 50%) ou certain (probabilité de 100%) ?

Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

6.2 La personne expertisée présente-t-elle des atteintes dégénératives préexistantes de l'épaule droite ?

Dans l'affirmative, quelles sont ces atteintes ?

6.2.1 L'accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

6.2.2 À partir de quel moment le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l'état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident) ?

Veuillez indiquer la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé.

6.2.3 À partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l'état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire) ?

Veuillez indiquer la date du statu quo sine pour chaque diagnostic posé.

6.3 L'intervention du 21 octobre 2022 était-elle en relation de causalité naturelle avec l'accident d'une façon possible (moins de 50%), probable (plus de 50%) ou certaine (100%) ?

Veuillez motiver votre réponse pour chaque atteinte ayant nécessité cette opération.

6.4 L'intervention du 21 octobre 2022 était-elle due à une rechute ou à une séquelle tardive de l'accident du 8 décembre 2021 avec, sur le plan médical, une date de stabilisation et une guérison (apparente) après l'accident, ou l'état de santé était-il resté déficitaire après celui-ci ?

7. Capacité de travail

Les incapacités de travail délivrées après l'opération, du 21 octobre 2022 au 20 avril 2023 (100%) et du 21 avril au 2 juin 2023 (50%), étaient-elles justifiées ?

8. Appréciation d'avis médicaux au dossier

Êtes-vous d'accord avec les appréciations de la Dre F______, respectivement des Drs C______ et E______ ?

Veuillez motiver votre réponse et exposer les raisons de vos éventuelles divergences.

9. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E. Invite l'expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la Cour de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu'à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le