Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/519/2025 du 30.06.2025 ( LPP ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3712/2024 ATAS/519/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 30 juin 2025 Chambre 4 |
En la cause
HELVETIA LPP INVEST FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE PERSONNELLE
| demanderesse |
contre
A______
| défenderesse |
A. a. La société A______ (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce depuis le 17 février 2023, a pour but « l’agence, le courtage, le conseil et le commerce international de produits sidérurgiques, produits semi-finis en acier, matières premières et charbon […] ». Ayant son siège à B______ et son adresse route C______, dans cette même commune, elle a pour administratrice (avec signature individuelle) D______ (cf. extrait du registre du commerce).
b. La société a conclu un contrat d’affiliation avec HELVETIA LPP INVEST FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL, Bâle (ci‑après : la fondation), institution de prévoyance inscrite au registre de la prévoyance professionnelle, pour appliquer la prévoyance professionnelle, déployant ses effets à compter du 1er avril 2023.
c. Les contributions 2023 et 2024 (CHF 10’528.70 par an) ont été facturées sur la base du salaire annoncé pour l’employée E______ (CHF 48’000.-) et se répartissaient entre les primes de risque (CHF 2’339.50) et les primes d’épargne (CHF 8’189.20).
d. Le 9 avril 2024, la fondation a adressé une sommation à la société concernant le versement d’arriérés de cotisations au 8 avril 2024 (CHF 1’655.80) et d’une indemnité de CHF 300.- à titre de frais de gestion supplémentaires, conformément au règlement sur les frais de gestion. La société était invitée à verser le montant de CHF 1’955.80 dans les 14 jours suivant l’envoi de cette sommation. À défaut, elle se verrait dans l’obligation d’exiger cette somme « par la voie juridique » et de réclamer le paiement d’une indemnité de CHF 500.- pour frais de gestion supplémentaires. Par ailleurs, à défaut de paiement à l’expiration du délai imparti, elle se réservait la possibilité de résilier la convention d’affiliation avec effet immédiat.
e. Par pli du 17 juin 2024, la fondation a adressé une facture de CHF 4’795.30 à la société, se composant du solde actuel, résultant d’anciens mouvements de compte à sa charge (CHF 2’455.80) et de la prime de risque de CHF 2’339.50 échue au 1er janvier 2024, de sorte que le total des contributions actuellement à la charge de la société s’élevait à CHF 4’795.30. Outre la facture précitée, ce courrier comportait également un décompte de cotisations dont il ressortait qu’au vu de la prime de risque de CHF 2’339.50 – échue le 1er janvier 2024 – et de la prime d’épargne de CHF 8’189.20, qui arriverait à échéance le 31 décembre 2024, le total des contributions dues s’élevait à CHF 10’528.70.
f. Le 22 juillet 2024, la fondation a résilié le contrat de prévoyance du personnel pour le 1er septembre 2024 au motif que la collaboration avec la société se heurtait à des difficultés majeures depuis un certain temps.
g. Le 22 juillet 2024 également, la fondation a adressé à la société une facture de contributions de CHF 9’475.-. Ce montant se composait du « solde actuel résultant d’anciens mouvement de compte à [la] charge [de la société] », à hauteur de CHF 4’795.30, et d’un montant de CHF 4’679.70 résultant d’une adaptation des contributions dues prorata temporis, soit jusqu’au dernier jour de l’affiliation de la société. En lieu et place du montant de CHF 8’189.20, c’était donc un montant de CHF 4’679.70 qui était dû au 1er septembre 2024 au titre des primes d’épargne.
h. Faute de paiement par la société des montants que la fondation lui réclamait, cette dernière a introduit une poursuite à son encontre et, le 27 septembre 2024, un commandement de payer lui a été adressé dans la poursuite n° 1______, mentionnant, à titre de créance ou de cause de l’obligation, les primes LPP découlant du « contrat n°2______/ créance du 18.09.2024 » pour un montant de CHF 9’443.95 avec intérêts à 5% dès le 18 septembre 2024. S’y ajoutaient des frais de sommation et administratifs à hauteur de CHF 500.- ainsi que des frais de poursuite pour CHF 74.- (soit CHF 60.- pour l’établissement du commandement de payer et CHF 14.- à titre [d’] « autres frais de notification »).
i. Le 2 octobre 2024, la société a formé opposition totale à ce commandement de payer.
j. Le 9 octobre 2024, la fondation a envoyé un extrait de compte du même jour à la société. Il en ressortait que la créance en capital s’élevait à CHF 9’307.95 le 10 septembre 2024 mais que le 18 septembre 2024, ce montant avait été majoré de CHF 500.- en « frais poursuite et faillite – Umtriebsentschädigung » puis, le 7 octobre 2024, de CHF 74.- en « frais poursuites et faillite – Betreibungskosten ».
B. a. Le 7 novembre 2024, la fondation a déposé une demande en paiement par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) à l’encontre de la société, concluant à la condamnation de celle-ci à lui payer une créance en capital de CHF 9’443.95 avec intérêts à 5% à partir du 18 septembre 2024 ainsi qu’au prononcé de la mainlevée définitive dans la poursuite n° 1______ à concurrence de la créance précitée « (hormis les frais du commandement de payer qui pouvaient être décomptés préalablement des paiements de la défenderesse selon l’art. 68 al. 2 LP) ».
À l’appui de ses conclusions, la demanderesse a fait valoir en substance qu’en ne payant pas les cotisations de prévoyance échues qu’elle lui devait, la défenderesse avait enfreint les dispositions légales topiques et le contrat d’affiliation.
La demanderesse a notamment produit ledit contrat, le courrier du 22 juillet 2024 résiliant celui-ci, le décompte de cotisations du 17 juin 2024, l’extrait de compte du 9 octobre 2024 et le commandement de payer (poursuite n° 1______).
b. Le 8 novembre 2024, la chambre de céans a adressé copie de cette demande à la défenderesse et lui a octroyé un délai au 6 décembre 2024 pour lui faire parvenir sa réponse et son dossier.
c. Par pli du 6 janvier 2024, la chambre de céans s’est référée à son courrier du 8 novembre 2024, demeuré sans réponse, et a invité la défenderesse à y donner suite jusqu’au 27 janvier 2025.
d. Par courrier recommandé du 3 février 2025, la chambre de céans a adressé une nouvelle fois une copie de la demande en paiement à la défenderesse et lui a imparti un délai au 24 février 2025 pour lui faire parvenir sa réponse et son dossier.
e. Notifié le 6 février 2025 à D______, ce courrier est également resté sans suite.
f. Invitée par la chambre de céans à fournir des explications sur l’absence de mise en demeure et/ou sommation relative au montant de CHF 9’307.95 ressortant de l’extrait de compte du 9 octobre 2024 et la différence de CHF 136.- par rapport à la créance de CHF 9’443.95 mentionnée dans le commandement de payer du 27 septembre 2024 (poursuite n° 1______), la demanderesse a répondu le 2 mai 2025 en ces termes : à l’expiration de la date d’échéance prévue pour le versement des cotisations de l’employeur et de l’employé à l’institution de prévoyance, l’employeur se trouvait automatiquement en demeure, ce qui permettait à l’institution de prévoyance de faire valoir ses prétentions en paiement des cotisations par voie de poursuite sans mise en demeure préalable. Dans le cas particulier, la demanderesse avait « fait preuve de souplesse » en adressant, le 6 février 2024, un rappel pour le versement des arriérés de cotisations au 5 février 2024 (CHF 1’655.80), suivi d’un rappel payant (« sommation ») le 9 avril 2024 pour ce même montant de CHF 1’655.80, désormais majoré de CHF 300.- pour frais de gestion supplémentaires. Quant à la créance en capital de CHF 9’443.95, elle se composait des primes de risque et d’épargne non payées, de frais de rappel et de poursuite ainsi que d’intérêts débiteurs. Avant la réquisition de poursuite, la créance en capital se montait à CHF 9’307.95. À cette créance en capital, la fondation avait ajouté l’intérêt couru au 18 septembre 2024, de CHF 136.-, qui ne ressortait pas de l’extrait de compte du 9 octobre 2024, ce qui expliquait pourquoi la poursuite portait sur une créance en capital de CHF 9’443.95. Le droit des obligations interdisait en principe les intérêts composés (anatocisme) mais il était possible, par convention, de déroger à cette règle, ce qui était précisément prévu par le ch. 5.4 du contrat d’affiliation. Cette disposition prévoyait que tout solde en faveur de la fondation à la fin d’une année, ainsi que les intérêts débiteurs, étaient reportés à l’année civile suivante à titre de créance en capital.
En vue de corroborer ses explications, la demanderesse a produit notamment :
- le courrier de rappel du 6 février 2024 précité ;
- un relevé des intérêts du « compte 3______ – compte d’encaissement », daté du 11 avril 2025, mentionnant les intérêts courus du 1er janvier jusqu’au 18 septembre 2024 sur les montants arrivés à échéance au cours de cette période.
g. Le 8 mai 2025, la chambre de céans a transmis à la défenderesse un exemplaire de la dernière écriture de la demanderesse et lui a accordé un délai au 22 mai 2025 pour faire part de sa détermination.
h. La demanderesse ne s’étant pas manifestée à ce jour, la cause a été gardée à juger.
i. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO – RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).
Aux termes de l’art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1, 1ère phrase). Le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans lequel l’assuré a été engagé (al. 3).
1.2 En l’espèce, la présente cause oppose une institution de prévoyance professionnelle à une employeuse, dont le siège se situe dans le canton de Genève, en lien avec les cotisations dues par ce dernier.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.3 L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, in Recueil de jurisprudence neuchâteloise 1984, p. 19 ; Hans Rudolf SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182).
La demande respecte en outre la forme prévue à l’art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui régit la procédure en matière de prévoyance professionnelle à Genève.
Partant, elle est recevable.
2.
2.1 En matière de prévoyance professionnelle, le juge saisi d’une action doit se prononcer sur l’existence ou l’étendue d’un droit ou d’une obligation dont une partie prétend être titulaire contre l’autre partie (arrêt du Tribunal fédéral B 91/05 du 17 janvier 2007 consid. 2.1).
L’objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite par l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral B 72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). C’est ainsi la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure qui détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral B 59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).
2.2 Le litige porte sur porte sur le bien-fondé de la demande du 7 novembre 2024.
3.
3.1 La LPP institue un régime d’assurance obligatoire des salariés (art. 2 al. 1 LPP).
Sont obligatoirement soumis à l’assurance les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur à CHF 22’050.- pour les risques de décès et d’invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans (art. 7 al. 1 LPP, dans sa teneur en vigueur au 1er janvier 2023). L’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail et prend fin, notamment, en cas de dissolution des rapports de travail, le salarié restant assuré auprès de l’institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité, durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance (art. 10 LPP).
La convention dite d’affiliation d’un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l’art. 11 LPP (ATF 120 V 299 consid. 4a et les références). L’employeur affilié à une institution de prévoyance par un tel contrat est tenu de verser à celle-ci les cotisations qu’elle fixe dans ses dispositions réglementaires (art. 66 al. 1, 1ère phrase LPP).
L’employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement (art. 66 al. 2 LPP). Le taux d’intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102 ss CO (SVR 1994 BVG n° 2 p. 5 consid. 3b/aa ; RSAS 1990 p. 161 consid. 4b).
Aux termes de l’art. 102 al. 1 CO, le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier. Lorsque le jour de l’exécution a été déterminé d’un commun accord, ou fixé par l’une des parties en vertu d’un droit à elle réservé et au moyen d’un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (art. 102 al. 2 CO). Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d’une somme d’argent doit l’intérêt moratoire à 5% l’an, dans la mesure où un taux d’intérêt plus élevé n’a pas été convenu par contrat (art. 104 al. 1 et 2 CO ; ATF 130 V 414 consid. 5.1 ; 127 V 377 consid. 5e/bb et les références). Des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans les intérêts moratoires (art. 105 al. 3 CO ; RSAS 2003 p. 500 consid. 6.1).
L’art. 105 al. 3 CO interdit la composition (anatocisme) de l’intérêt moratoire : le créancier ne peut en principe pas faire courir un (nouvel) intérêt moratoire sur une dette d’intérêt moratoire déjà échue par une (nouvelle interpellation), ni même par une poursuite ou une demande en justice. En vertu de la loi, l’intérêt moratoire est donc un intérêt simple, et non un intérêt composé, ce que le créancier ne peut modifier unilatéralement. Les parties peuvent cependant convenir d’ajouter l’intérêt moratoire échu au capital et faire courir l’intérêt sur le tout : il s’agit en principe d’une novation (cf. art. 116 CO), c’est-à-dire d’une convention portant ici sur une dette d’intérêt déjà échue (cf. Luc THÉVENOZ, in THÉVENOZ/WERRO [éd.], Commentaire romand – Code des obligations I, 3e éd. 2021, n. 6 et s. ad art. 105 et les références).
En l’occurrence, le ch. 5.4 al. 3, 1ère phrase du contrat d’affiliation prévoit que tout solde en faveur de la fondation à la fin d’une année, ainsi que les intérêts débiteurs, sont reportés à l’année civile suivante à titre de créance en capital.
3.2 L’employeur transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues (art. 66 al. 4 LPP). L’échéance du délai prévue à l’art. 66 al. 4 LPP est un terme fixe au sens de l’art. 102 al. 2 CO. Une règle analogue se trouve également à l’art. 331 al. 3 CO. Il s’agit là d’un délai qualifié. Partant, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce délai. Il n’est pas nécessaire que l’institution de prévoyance procède à une mise en demeure. Après écoulement du délai légal, l’institution de prévoyance a le droit de procéder au recouvrement des cotisations arriérées auprès de l’employeur par la voie de la poursuite. L’art. 66 al. 4 LPP n’empêche toutefois par l’institution de prévoyance de prévoir une disposition réglementaire. Celle-ci ne doit cependant pas violer la réglementation légale (Jürg BRECHBÜHL/ Maya GECKELER HUNZIKER, in Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.], Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n. 35 ad art. 66).
En l’occurrence, sous la section 5 (« Paiement des cotisations/Échéance »), le ch. 5.3 du contrat d’affiliation de la défenderesse dispose que les contributions pour les prestations de risque, celles pour l’adaptation de celles-ci à l’évolution des prix et celles pour les frais ainsi que les contributions éventuelles perçues par la fondation pour la constitution des provisions techniques sont payables au début de l’année, respectivement dès l’admission d’un collaborateur à la prévoyance du personnel ou à la date d’une mutation en cours d’année. Les bonifications de vieillesse ainsi que les contributions au fonds de garantie viennent à échéance en fin d’année et, en cas de sortie, à la date à laquelle la dissolution des rapports de travail devient effective, en cas de décès, à la date du décès, et, en cas de diminution du salaire en dessous de la limite d’admission réglementaire, à la date à laquelle l’assurance prend fin.
3.3 Les institutions de prévoyance ont des frais administratifs, pour le financement desquels elles peuvent prévoir des cotisations et adopter des dispositions dans leurs règlements (cf. art. 65 al. 3 LPP et 48a de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 [OPP 2 - RS 831.441.1] ; Jürg BRECHBÜHL/ Lara FRETZ/ Maya GECKELER HUNZIKER, in Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER, Commentaire LPP et LFLP, 2020, n. 35ss. ad art. 65 LPP et n. 5ss. ad art. 66 LPP ; cf. aussi ATAS/1055/2021 du 13 octobre 2021 consid. 5d).
En l’occurrence, le règlement des frais, auquel renvoie le ch. 2.1 du contrat d’affiliation, prévoit des frais pour « travaux administratifs spéciaux », entre autres pour une sommation par lettre signature (CHF 300.-), une réquisition de poursuite (CHF 500.-) ou le travail occasionné à la fondation par le non-respect des obligations de coopération par l’entreprise affiliée (CHF 500.- ; cf. ch. 2.1 du règlement des frais).
3.4 Aux termes de l’art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.
Le versement des cotisations à l’institution de prévoyance tombe sous le délai de prescription de cinq ans. Le délai de prescription commence à courir uniquement à partir du moment où la prestation est devenue exigible. En effet, l’art. 41 al. 2 LPP renvoie notamment à l’art. 130 al. 1 CO, qui associe le début du délai de prescription à l’exigibilité de la créance, déterminée selon l’art. 66 al. 4 LPP (cf. ci-dessus : consid. 3.2). Avant l’entrée en vigueur de cette dernière disposition (au 1er janvier 2005), les règles d’échéance réglementaires et contractuelles étaient seules déterminantes (Sylvie PÉTREMAND in Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.], Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n. 23 et 29 ad art. 66).
Dans la mesure où en l’espèce, les créances impayées les plus anciennes sont arrivées à échéance en 2023 selon l’extrait de compte du 9 octobre 2024, la demande du 7 novembre 2024 est intervenue dans le délai de prescription de cinq ans.
3.5 En matière de prévoyance professionnelle, le juge saisi d’une action doit se prononcer sur l’existence ou l’étendue d’un droit ou d’une obligation dont une partie prétend être titulaire contre l’autre partie (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 91/05 du 17 janvier 2007 consid. 2.1). L’objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite par l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). La partie qui déclenche l’ouverture de la procédure détermine ainsi l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).
Il sied de rappeler que les décisions des autorités administratives fédérales portant condamnation à payer une somme d’argent sont exécutées par la voie de la poursuite pour dettes et sont, une fois passées en force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l’art. 80 al. 2 ch. 2 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP ; Pierre-Robert GILLIÉRON, Commentaire de la LP, 1999, p. 1226, ch. 45).
Il en est de même des décisions passées en force des autorités administratives cantonales de dernière instance qui statuent, dans l’accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération, en application du droit fédéral, mais qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit fédéral – autrement dit, dont les décisions sont susceptibles d’un recours administratif auprès d’une autorité fédérale ou d’un recours de droit administratif (Carl JAEGER, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1999 p. 621). Par autorités administratives fédérales, et par extension autorités administratives cantonales de dernière instance, il faut entendre les tribunaux fédéraux et les autres autorités ou organisations indépendantes de l’administration fédérale en tant qu’elles statuent dans l’accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération (art. 1 al. 2 lit. b et e de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).
La chambre des assurances sociales statuant en dernière instance cantonale et dans l’accomplissement de tâches de droit public peut, selon ce qui précède, prononcer la mainlevée définitive d’une opposition à un commandement de payer puisque, statuant au fond, la condamnation au paiement est assimilée à un jugement exécutoire. Cette solution est d’ailleurs la conséquence du fait que, dans les matières qui sont de son ressort, le juge des assurances est effectivement le juge ordinaire selon l’art. 79 LP et qu’il a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 51).
À teneur de l’art. 88 al. 2 LP, le droit du créancier de requérir la continuation de la poursuite se périme par un an à compter de la notification du commandement de payer (première phrase) ; si opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l’introduction de la procédure judiciaire ou administrative et le jugement définitif (seconde phrase).
En l’occurrence, le commandement de payer a été notifié à la défenderesse le 2 octobre 2024, date à laquelle le délai de péremption d’un an a commencé à courir (ATF 125 III 45 consid. 3b). Par conséquent, la poursuite n’était pas périmée lorsque la demanderesse a saisi la chambre de céans, le 7 novembre 2024.
3.6 En sa qualité d’employeuse occupant des salariés, la défenderesse devait être affiliée à une caisse de prévoyance professionnelle.
La défenderesse a signé un contrat d’affiliation le 11 mai 2023, entré en vigueur (rétroactivement) le 1er avril 2023 et ayant pris fin le 1er septembre 2024.
En sa qualité d’employeuse, la défenderesse était donc tenue de verser les primes convenues avec la demanderesse durant cette période.
3.7 La somme de CHF 9’443.95 réclamée dans la demande correspond au montant de CHF 9’307.95 arrêté au 10 septembre 2024 – ressortant de l’extrait de compte du 9 octobre 2024 –, incluant les primes impayées pour les années 2023 et 2024, des frais de rappel, des frais administratifs et les intérêts de l’année 2023 convertis en capital au 31 décembre 2023, majoré des intérêts ayant couru du 1er janvier au 18 septembre 2024 pour un total de CHF 136.- (cf. pièce 10).
La défenderesse n’a formulé aucune remarque au sujet de ces décomptes, dont le montant est établi par les divers documents fournis par la demanderesse. La chambre de céans observera en particulier que les cotisations retenues ont été déterminées sur la base du salaire annoncé. Les différents frais retenus par la demanderesse sont effectivement prévus au ch. 2.1 du règlement des frais, de sorte que celle-ci était en droit de les retenir sans avoir à démontrer l’ampleur du dommage subi.
S’agissant des intérêts sur la créance en capital de CHF 9'443.95, ils sont dus en vertu des art. 66 al. 2 et 104 al. 1 CO, étant précisé qu’en application du ch. 5.4
al. 3 précité du contrat d’affiliation, la créance de CHF 9'443.95 inclut l’intérêt moratoire échu (CHF 136.-) converti en capital.
Quant aux « Fr. de som./ Fr. de adm. » (sic), à hauteur de CHF 500.-, s’ajoutant à la créance de CHF 9’443.95, ils sont certes mentionnés dans le commandement de payer, poursuite n° 1______. En tout état, la justification de ce montant à la lumière du règlement des frais – point que la demanderesse n’explicite pas – peut rester indécise dans la mesure où les conclusions de la demande ne s’étendent pas à ces frais de CHF 500.- et concernent uniquement le paiement de la créance en capital de CHF 9’443.95.- avec intérêts à 5% à partir du 18 septembre 2024 et le prononcé de la mainlevée définitive à concurrence de cette créance.
La mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______ sera ainsi prononcée à concurrence de CHF 9’443.95.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 18 septembre 2024.
En ce qui concerne les frais de poursuite, ils sont d’office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit (JdT 1974 III 32). Il n’y a donc pas lieu de prononcer la mainlevée définitive pour les frais du commandement de payer, dont le sort suit celui de la poursuite (art. 68 LP ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 4).
4. La demanderesse conclut également à ce que la défenderesse soit condamnée aux frais et dépens de la procédure.
À cet égard, l’art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite.
L’art. 89H al. 1 LPA prévoit quant à lui que la procédure est gratuite pour les parties, sous réserve de procédures relatives à l’assurance-invalidité (cf. al. 4).
Toutefois, les débours et un émolument peuvent être mis à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou témoigne de légèreté. En effet, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l’a admis, la possibilité de limiter la gratuité en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère est un principe général de procédure prévu pour toutes les branches des assurances sociales (ATF 126 V 151 consid. 4b).
Les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause en procédure cantonale et sont représentés par un avocat ou, d’une autre manière, par une personne qualifiée, peuvent prétendre des dépens lorsque l’adverse partie procède à la légère ou de manière téméraire. En l’absence d’une telle représentation, les autres conditions pour l’octroi de dépens à une partie non représentée doivent être données, en sus de celles liées à la témérité ou la légèreté (ATF 128 V 323).
En l’espèce, la chambre de céans de céans constate que la demanderesse n’est pas représentée par un mandataire professionnellement qualifié, il ne lui sera dès lors pas octroyé de dépens.
*****
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Condamne A______ à payer à HELVETIA LPP INVEST FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL la somme de CHF 9’443.95.- avec intérêts à 5% l’an dès le 18 septembre 2024.
4. Prononce la mainlevée définitive de l’opposition faite au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ pour le montant de CHF 9’443.95 avec intérêts à 5% l’an dès le 18 septembre 2024.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le