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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1268/2021

ATAS/1055/2021 du 13.10.2021 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1268/2021 ATAS/1055/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 octobre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

AXA FONDATION LPP SUISSE ROMANDE, WINTERTHUR, sise c/o AXA VIE SA, General Guisan-Strasse 40, WINTERTHUR

 

 

demanderesse

 

contre

A______ SA, sise à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jacques ROULET

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

A.    a. A______ SA (ci-après : la société) s’est affiliée auprès de AXA fondation LPP Suisse romande, Winterthur (ci-après : AXA) pour assurer la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidités de ses employé·e·s, à partir du 1er janvier 2014.

b. Par courrier du 22 février 2018, AXA a mis la société en demeure de s’acquitter de la somme de CHF 82'907.50, soit le solde dû au 31 décembre 2017
(CHF 82'364.75), les frais de rappel (CHF 100.-) et la contribution au fonds de garantie pour 2017 (CHF 442.75).

Le 16 mars 2018, la société a signé un plan d’amortissement pour le remboursement de CHF 163'088.75, correspondant au solde encore dû pour 2017 (CHF 82'364.75), à la prime annuelle pour 2018 (CHF 79'681.25), au fonds de garantie pour 2017
(CHF 442.75) et aux frais de rappel (CHF 100.-) et du plan d’amortissement
(CHF 600.-). Elle s'est engagée à rembourser ce montant en dix versements mensuels, la dernière échéance étant fixée au 31 décembre 2018.

Le 19 février 2019, AXA a mis la société en demeure d'honorer le solde encore dû au 31 décembre 2018 (CHF 71'842.50) et les frais de rappel (CHF 100.-) avant le
11 mars 2019.

Le 25 février 2019, la société a sollicité un nouveau plan de remboursement pour régler le montant de CHF 71'842.50.

Le 26 février 2019, AXA a prolongé le délai de paiement au 30 avril 2019. La somme réclamée s'élevait à CHF 72'142.50 (CHF 100.- de frais de rappel et
CHF 200.- de participation aux frais liés à la prolongation du délai de paiement étaient ajoutés au montant de CHF 71'842.50). Elle a précisé qu'à défaut de paiement dans le délai imparti, le contrat d'affiliation serait résilié sans autre sommation.

c. Par courrier du 25 juillet 2019, AXA a résilié le contrat d’adhésion avec effet au 31 août 2019, la société n’ayant pas respecté le délai de paiement des cotisations. Elle a indiqué que le décompte final serait envoyé ultérieurement et qu'elle réclamerait si nécessaire le versement des cotisations dues par la voie légale.

B.     a. Le 28 avril 2020, AXA a envoyé à la société un décompte final à hauteur de
CHF 107'883.70, correspondant au solde du compte de contributions en souffrance (CHF 105'438.30), aux frais de résiliation (CHF 700.-) et aux intérêts pour la période du 1er janvier au 28 mai 2020 (CHF 1'745.40). AXA a prié la société de régler le montant de CHF 107'883.70, d'ici au 28 mai 2020.

Le 16 juillet 2020, AXA a requis la poursuite de la société pour les montants de
CHF 107'883.70 avec intérêts à 5% dès le 29 mai 2020 selon le décompte final du 28 avril 2020, et CHF 1'000.- de frais de traitement et CHF 190.- d’établissement du commandement de payer.

Le 6 août 2020, la société a formé opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié le jour même.

b. La société a été dissoute pour suite de faillite, prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 30 novembre 2020, avec effet à partir du jour même.

Par décision du 16 décembre 2020, la Cour de justice civile a annulé le jugement déclaratif de faillite du 30 novembre 2020, de sorte que la dissolution de la société a été révoquée.

C.     a. En date du 9 avril 2021, AXA a déposé une demande en paiement devant la chambre de céans à l’encontre de la société.

Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de CHF 107'883.70, augmentée d’un intérêt de 5% à partir du 29 mai 2020, outre les frais de traitement de CHF 1'000.- et les frais de poursuite de CHF 203.30, à ce que l’opposition à la poursuite n° 1______ de l’office des poursuites de Genève notifiée le 6 août 2020 soit levée dans cette proportion et à ce que la mainlevée définitive lui soit accordée.

b. Dans sa réponse du 11 juin 2021, la défenderesse a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions.

c. La demanderesse n’a pas répliqué dans le délai qui lui a été accordé à cet effet.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.      a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du
25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

Aux termes de l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1, 1ère phrase). Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans lequel l'assuré a été engagé (al. 3).

b. En l’espèce, la présente cause oppose une institution de prévoyance professionnelle à un employeur, dont le siège se situe dans le canton de Genève, en lien avec les cotisations dues par ce dernier.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.      a. Selon l’art. 73 al. 2 LPP, les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite ; le juge constatera les faits d'office.

La procédure devant la chambre de céans est soumise, de manière générale, à la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et, plus particulièrement, aux art. 89Ass LPA.

b. Les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre des décisions à l'égard de leurs affiliés. Les prétentions émises en matière de prévoyance professionnelle - que ce soit par les institutions de prévoyance elles-mêmes, les ayants droit ou les employeurs - doivent l'être par voie d'action (ATF 115 V 224 consid. 2 ; ATAS/1168/2019 du 16 décembre 2019 consid. 1e).

L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (ATAS/708/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2 et la référence ; Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, recueil de jurisprudence neuchâteloise 1984, p 19).

c. La présente demande respecte la forme prévue à l'art. 89B LPA, de sorte qu’elle est recevable.

3.      Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de la demanderesse, par laquelle cette dernière requiert le paiement des montants de CHF 107'883.70 avec intérêts à 5% dès le 29 mai 2020, de CHF 1'000.- et de CHF 203.30, ainsi que le prononcé de la mainlevée définitive de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de ces montants.

4.      a. Selon l'art. 11 al. 1 LPP, tout employeur occupant des salariés soumis à l'assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle.

La convention dite d'affiliation d'un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l'art. 11 LPP
(ATF 120 V 299 consid. 4a et les références).

b. À teneur de l’art. 66 LPP, l’institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l’employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment (al. 1). L’employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement (al. 2).

Le taux d'intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102ss CO (SVR 1994 BVG n. 2 p. 5 consid. 3b/aa ; RSAS 1990 p. 161 consid. 4b).

5.      a. Conformément à l'art. 102 CO, le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier (al. 1). Lorsque le jour de l’exécution a été déterminé d’un commun accord, ou fixé par l’une des parties en vertu d’un droit à elle réservé et au moyen d’un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (al. 2).

L'interpellation est une déclaration de volonté que le créancier adresse au débiteur pour lui faire savoir qu'il exige la prestation sans délai. L'interpellation doit désigner la prestation à effectuer d'une manière suffisamment exacte pour que le débiteur comprenne ce que le créancier entend réclamer. S'il s'agit d'une créance d'argent, il faut en règle générale préciser son montant (ATF 129 III 535 ;
JdT 2003 I 590 consid. 3.2.2). L’interpellation est sujette à réception et déploie, en principe, ses effets dès que le débiteur la reçoit, par exemple lors de la notification d’un commandement de payer. L’interpellation est reçue lorsqu’elle entre dans la sphère de puissance du débiteur, qui supporte donc le risque de ne pas en avoir pris effectivement connaissance (Luc THÉVENOZ, Commentaire romand Code des obligations I, 2012, n. 19 ad art. 102 CO). Une interpellation n'est pas nécessaire lorsque le débiteur sait ou peut savoir avec suffisamment de précisions qu'il est tenu d'exécuter une dette. L'art. 102 al. 2 CO prévoit donc deux exceptions au principe de l'interpellation, auxquelles la jurisprudence a ajouté d'autres cas
(Luc THÉVENOZ, op. cit., n. 25 ad art. 102 CO). Une interpellation est superflue lorsque le jour de l'exécution a été fixé par l'une des parties en vertu d’un droit à elle réservé et au moyen d’un avertissement régulier. Cette dénonciation peut se rapporter à une obligation en particulier, ou peut consister dans la résiliation de l'ensemble du rapport contractuel, laquelle entraîne l'exigibilité des obligations résultant de sa liquidation (Luc THÉVENOZ, op. cit., n. 30 ad art. 102 CO).

b. En vertu de l'art. 104 al. 1 et 2 CO, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit un intérêt moratoire à 5%, dans la mesure où un taux d'intérêt plus élevé n'a pas été convenu par contrat (ATF 130 V 414
consid. 5 ; ATF 127 V 377 consid. 5e/bb et les références).

L'intérêt moratoire doit être distingué de l'intérêt conventionnel, qui est la dette d'intérêt stipulée contractuellement à la charge du débiteur d'une somme d'argent indépendamment de sa demeure ; ainsi, l'emprunteur d'une somme d'argent est généralement tenu de verser des intérêts en rémunération de la jouissance de cette somme alors même qu'il n'est pas en demeure de la restituer (Luc THÉVENOZ,
op. cit., n. 3 ad art. 104 CO).

c. Selon l'art. 105 al. 3 CO, des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans le paiement des intérêts moratoires.

Cette disposition interdit la composition (anatocisme) de l'intérêt moratoire : le créancier ne peut pas faire courir un (nouvel) intérêt moratoire sur une dette d'intérêt moratoire déjà échue par une (nouvelle) interpellation, ni même une poursuite ou une demande en justice, le but étant de protéger le débiteur contre une augmentation exponentielle imprévue de sa dette qui résulterait de la composition des intérêts. Les parties peuvent cependant convenir d'ajouter un intérêt moratoire échu au capital et faire courir un intérêt sur le tout : il s'agit en principe d'une novation. Celle-ci peut être convenue d'avance, notamment par une convention de compte courant (art. 117 CO). C'est pourquoi, le Tribunal fédéral considère que l'art. 105 al. 3 CO est une règle de droit dispositif qui interdit au créancier de provoquer unilatéralement une capitalisation des intérêts, mais pas aux parties de la stipuler (Luc THÉVENOZ, op. cit., n. 6 et 7 ad art. 105 CO, et les références).

d. Les institutions de prévoyance ont des frais administratifs, pour le financement desquels elles peuvent prévoir des cotisations et adopter des dispositions dans leurs règlements (art. 65 al. 3 LPP ; Jürg BRECHBÜHL, in SCHNEIDER, GEISER, GÄCHTER, Commentaire LPP et LFLP, n. 32ss. ad art. 65 LPP, n. 5ss. ad
art. 66 LPP).

6.      a. Les parties ont conclu un contrat d’adhésion, entré en vigueur le 1er janvier 2014. Selon ce document, les contributions réglementaires comprennent les contributions aux frais de gestion. Les dépenses extraordinaires sont facturées conformément au règlement des frais de gestion (ch. 1.3).

La Fondation est chargée de tenir, pour l’employeur et sa caisse de prévoyance, les comptes nécessaires. Aucun montant ne peut être prélevé sur l’un de ces comptes pour être restitué à l’employeur. Font exception à cette règle les contributions versées en trop. Tous les comptes portent intérêt. Les intérêts en faveur de l’employeur ou dus par celui-ci sont crédités ou débités à la fin de l’année d’assurance. Les taux d’intérêts sont fixés par la Fondation et peuvent être adaptés en tout temps (ch. 2.2).

Les contributions sont calculées trimestriellement et facturées à l’employeur à la fin du trimestre. Les bonifications de vieillesse sont calculées à leur valeur escomptée. Si le versement n’est pas effectué dans les délais, l’employeur est tenu de payer un intérêt (ch. 3.2, 1er §). Les contributions aux frais supplémentaires facturées à l’employeur conformément au règlement des frais de gestion viennent à échéance 30 jours après l’établissement de la facture. En cas de résiliation partielle ou totale du contrat, les contributions aux frais viennent à échéance à la date de résiliation (ch. 3.2, 2ème §). Les contributions pour le fonds de garantie ne sont pas comprises dans les montants susmentionnés. Elles sont payables à terme échu et figurent dans le décompte à la date d’effet de l’année suivante (ch. 3.2, § 3). Les paiements sont effectués au moyen du compte contrat, qui porte intérêt (ch. 3.2, § 4). À la fin de l’année d’assurance, le solde du compte contrat doit être compensé. Un solde en faveur de l’employeur est reporté sur l’exercice suivant. Lorsque le compte contrat présente un solde en faveur de la Fondation les montants qui doivent encore être payés sont exigés par sommation légale (ch. 3.2, § 5). Si l’employeur ne respecte pas la sommation qui lui a été adressée, la Fondation peut réclamer par voie légale les montants non encore payés ainsi que les intérêts et les frais d’encaissement. Des contributions aux frais supplémentaires sont facturées à l’employeur conformément au règlement des frais de gestion. Par ailleurs, la Fondation peur résilier le contrat d’adhésion avec effet immédiat, la couverture du risque prenant ainsi fin. Les salariés sont alors informés par la Fondation (ch. 3.2, § 6). À défaut d’une opposition écrite et motivée de la part de l’employeur dans les vingt jours suivant leur réception, les décomptes de contributions et les sommations sont considérés comme reconnus (ch. 3.2, § 7).

Une participation supplémentaire aux frais administratifs découlant de la résiliation du contrat figure dans le décompte final conformément au règlement des frais de gestion (ch. 6.9).

b. Le plan de prévoyance pour la prévoyance professionnelle de base, valable du
1er janvier 2014 au 31 décembre 2018, mentionne notamment que les contributions sont versées annuellement (ch. 4.2).

c. Le règlement des frais de gestion de la demanderesse, auquel renvoie le contrat d'adhésion, prévoit notamment des contributions de coûts pour dépenses spéciales à hauteur de CHF 100.- pour les mises en demeure, CHF 200.- pour les prolongations du délai de paiement, CHF 600.- pour les conventions de paiement pour un montant supérieur ou égal à CHF 50'000.-, CHF 800.- pour les réquisitions de poursuite pour des montants compris entre 50'000.- et 100'000.-, CHF 1'000.- pour les procédures de mainlevée, étant précisé que les émoluments des offices des poursuites et faillites sont imputés en sus (ch. 3 n°4). Un montant de CHF 700.- est prévu en cas de résiliation partielle ou totale du contrat d’adhésion (ch. 3 n° 6).

Les contributions de coûts selon ce règlement sont payables 30 jours après la facturation. En cas de résiliation partielle ou totale du règlement selon le chiffre 3.6, les contributions de coûts accumulées à la date de résiliation sont dues. Les contributions de coûts conformément au chiffre 3.7 sont dues avec les répartition des fonds libres (ch. 6).

7.      En matière de prévoyance professionnelle, le juge saisi d'une action doit se prononcer sur l'existence ou l'étendue d'un droit ou d'une obligation dont une partie prétend être titulaire contre l'autre partie (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.91/05 du 17 janvier 2007 consid. 2.1).

L'objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 72/04 du
31 janvier 2006 consid. 1.1). C'est ainsi la partie qui déclenche l'ouverture de la procédure qui détermine l'objet du litige (maxime de disposition). L'état de fait doit être établi d'office selon l'art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l'objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d'étendre l'objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées
(ATF 129 V 450 consid. 3.2).

Le juge n'est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

8.      Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré
(ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.      a. En l’espèce, dans sa demande en justice du 9 avril 2021, la demanderesse a requis le paiement de la somme de CHF 107'883.70, augmentée d’un intérêt de 5% à partir du 29 mai 2020, des frais de traitement de CHF 1'000.- et des frais de poursuite de CHF 203.30, ainsi que la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Cette dernière portait sur les montants de CHF 107'833.70 avec intérêts à 5% dès le 29 mai 2020 (selon le décompte final du 28 avril 2020), CHF 1'000.- de frais de traitement et CHF 190.- d’établissement du commandement de payer.

b. La défenderesse a conclu à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions.

En substance, elle a invoqué l’interdiction de l’anatocisme, soutenant qu’un créancier ne pouvait faire courir un nouvel intérêt moratoire sur une dette d’intérêt moratoire déjà échue par une nouvelle interpellation, ni même par une poursuite ou une demande en justice. Or, il ressortait des allégués de la demanderesse que le montant réclamé comprenait déjà la somme de divers intérêts moratoires. Partant, en concluant au paiement du montant de CHF 107'883.70 avec intérêt à 5%, la demanderesse réclamait qu’elle soit condamnée à payer des intérêts sur des intérêts, ce qui était proscrit, étant encore précisé qu’elle n’avait jamais consenti à une novation.

La défenderesse a également soutenu que, selon l’art. 106 al. 1 CO, le débiteur devait réparer le dommage éprouvé par le créancier dans la mesure où il serait supérieur à l’intérêt moratoire. Ce dommage supplémentaire se calculait comme la différence entre le dommage total subi par le créancier pendant toute la durée où le débiteur en répondait et l’intérêt moratoire calculé conformément à l’art. 104 CO. En l’occurrence, la demanderesse réclamait des frais de traitement de CHF 1'000.- et intégrait en sus dans le montant réclamé de CHF 107'833.70 des frais de mise en demeure, de résiliation du contrat, de prolongation du paiement et de contentieux, soit des dommages supplémentaires. Cependant, aucun de ces frais n’était étayé par pièce et il n’était pas non plus allégué qu’ils seraient supérieurs à l’intérêt moratoire. Il apparaissait d’ailleurs extrêmement douteux que la demanderesse ait eu à subir ces frais dans la mesure où le dossier avait été traité par ses propres employés et non par un mandataire externe. En réclamant également que des dépens lui soient versés, la demanderesse cherchait en réalité à tripler ces prétendus frais et à obtenir d’elle qu’elle assume les salaires de ses employés.

10.  a. La chambre de céans rappelle que la demanderesse a résilié, par courrier du
25 juillet 2019, le contrat de la défenderesse avec effet au 31 août 2019, la société n'ayant pas honoré le paiement des contributions encore dues dans le délai prolongé au 30 avril 2019. À cette époque, la somme réclamée s'élevait à CHF 72'142.50 (CHF 71'842.50, ainsi que CHF 100.- de frais de rappel et CHF 200.- de frais liés à la prolongation du délai de paiement).

La défenderesse n’a formulé aucune remarque à l’encontre de ce décompte dans le délai de 20 jours, de sorte que celui-ci doit être considéré comme reconnu, conformément au contrat d’adhésion (ch. 3.2, §7).

b. La chambre de céans observera tout de même à l'attention de la défenderesse, laquelle soutient dans sa réponse que la demanderesse n'a pas étayé par pièces les frais administratifs retenus, que les montants facturés (CHF 100.- pour des rappels, CHF 600.- pour le plan d'amortissement, CHF 200.- pour la prolongation du délai de paiement) sont conformes au règlement des frais de gestion de la demanderesse, de sorte que cette dernière était en droit de les retenir sans avoir à démontrer l'ampleur du dommage subi.

11.  a. Le décompte final de la demanderesse, établi le 28 avril 2020, se monte à
CHF 107'883.70. Ce relevé englobe le solde des contributions dues jusqu'à l’échéance du contrat d'affiliation (CHF 105'438.30), les frais de résiliation du contrat (CHF 700.-), ainsi que les intérêts pour la période du 1er janvier au
28 mai 2020 (CHF 1'745.40).

b. En ce qui concerne le solde des contributions dues (CHF 105'438.30), la chambre de céans relève que la différence entre ce montant et celui réclamé le
26 février 2019 (CHF 72'142.50) s'explique par le fait que les cotisations de l'année 2019 ont été calculées sur la base salariale de 2018, et que la demanderesse a ensuite pris en considération les nouvelles annonces, les modifications salariales et la sortie des assuré·e·s, comme exposé dans sa demande en justice du 9 avril 2021.

Selon le relevé du « compte contribution » de la demanderesse pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021 (cf. annexe 33.3), le solde en sa faveur se montait à CHF 106'138.30 au 31 décembre 2019, ce qui correspond bien à la somme réclamée dans le décompte final à titre de contributions
(CHF 105'438.30), auxquelles ont été ajoutés des frais de résiliation anticipée
(CHF 700.-).

Cependant, il ressort également clairement du relevé précité que le solde de
CHF 106'138.30 comprend des intérêts de CHF 3'404.80 au 31 décembre 2019. Or, une fois le contrat résilié, les dispositions contractuelles, dont le ch. 2.2 du contrat d'adhésion qui prévoit que tous les comptes portent intérêts et que ces derniers sont crédités ou débités à la fin de l’année d’assurance, ne pouvaient plus s'appliquer. La demanderesse ne pouvait donc pas ajouter à la dette de cotisations les intérêts calculés sur ce montant au 31 décembre 2019, dès lors que les intérêts conventionnels n'étaient plus exigibles suite à la résiliation des rapports d'assurance. Elle ne pouvait pas davantage retenir des intérêts moratoires puisque la somme totale réclamée n'était même pas encore exigible au moment de la fin du rapport d'affiliation, les contributions n'ayant pas été définitivement arrêtées. En effet, il ressort du relevé concernant la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021 que de nouveaux décomptes de contribution ont été comptabilisés postérieurement au courrier de résiliation, et ce à quatre reprises (CHF 10'257.05 en mai 2019,
CHF 11'852.60 en août 2019, CHF 7'763.65 en novembre 2019, CHF 17.70 en décembre 2019).

Il convient donc de soustraire les intérêts de CHF 3'404.80 du montant dû à titre de contributions en souffrance lors de résiliation des rapports. Ledit montant s'élève donc à CHF 102'033.50 (CHF 105'438.30 - CHF 3'404.80), étant encore précisé à toutes fins utiles que la défenderesse ne soutient pas que le calcul des contributions en tant que telles serait erroné.

c. S'agissant des frais de résiliation anticipée, arrêtés à CHF 700.-, ils concordent avec le montant stipulé dans le règlement des frais de gestion de la demanderesse (ch. 3 n° 6), de sorte qu'ils ne sont pas critiquables.

d. Quant aux intérêts moratoires de CHF 1'745.40, fixés sur la base d'un taux de 4% (cf. relevé de compte du 1er janvier au 28 mai 2020, annexe 29.2), il sied de rappeler que ce n'est qu'au mois d'avril 2020 que la demanderesse a communiqué le montant final des contributions dues pour 2019 à la défenderesse. Cette dernière n'a reçu ni décompte, ni facture, entre le 26 février 2019 et le 28 avril 2020. Compte tenu des fréquentes corrections du calcul des contributions, la défenderesse ne pouvait pas connaître le montant réellement exigible.

Dans ces circonstances, on ne saurait considérer que la seule résiliation du rapport contractuel faisait courir des intérêts moratoires. Au contraire, une interpellation précisant la somme encore due était indispensable.

e. La demanderesse n’a pas formellement interpellé la défenderesse entre le
28 avril 2020, date à laquelle la créance réclamée a été arrêtée, et le 16 juillet 2020, date de la réquisition de poursuite. Partant, il y a lieu de considérer que le solde de la créance, qui n’a pas fait l’objet d’une sommation, portera intérêt à partir du lendemain de la notification du commandement de payer, soit dès le 7 août 2020.

12.  Partant, la chambre de céans tiendra pour établi que la défenderesse doit à la demanderesse un montant de CHF 102'733.50, comprenant les contributions impayées à l’échéance du contrat d'affiliation (CHF 102'033.50) et les frais de résiliation anticipée du contrat (CHF 700.-), avec intérêts à 5% dès le 7 août 2020.

13.  a. La demanderesse a également conclu au paiement de CHF 1'000.- à titre frais de traitement.

b. La chambre de céans constate que lesdits frais ont été fixés conformément au règlement de la demanderesse en cas de procédure de mainlevée (ch. 3 n°6).

Les conclusions de la demanderesse tendant à leur paiement ne prêtent donc pas le flanc à la critique.

En outre, cette créance était déjà mentionnée dans la réquisition de poursuite, de sorte qu'elle peut s'accumuler au montant de la dette de contributions et porter intérêts à 5% dès le 7 août 2020.

14.  Reste à examiner la conclusion de la demanderesse tendant l'obtention de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

15.  a. Les décisions des autorités administratives fédérales portant condamnation à payer une somme d'argent sont exécutées par la voie de la poursuite pour dettes et sont, une fois passées en force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du
11 avril 1889 (LP - RS 281.1) (Pierre-Robert GILLIÉRON, Commentaire de la LP, 1999 p. 1226 ch. 45).

Il en est de même des décisions passées en force des autorités administratives cantonales de dernière instance qui statuent, dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération, en application du droit fédéral, mais qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit fédéral - autrement dit, dont les décisions sont susceptibles d'un recours administratif auprès d'une autorité fédérale ou d'un recours de droit administratif (GILLIÉRON, op. cit., p. 1227 ;
Carl JEAGER, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1999 p. 621). Par autorités administratives fédérales, et par extension autorités administratives cantonales de dernière instance, il faut entendre les tribunaux fédéraux et les autres autorités ou organisations indépendantes de l'administration fédérale en tant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération (art. 1 al. 2 let. b et e de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 ; LPA - RS 172.021).

La chambre des assurances sociales statuant en dernière instance cantonale et dans l'accomplissement de tâches de droit public peut, selon ce qui précède, prononcer la mainlevée définitive d'une opposition à un commandement de payer puisque, statuant au fond, la condamnation au paiement est assimilée à un jugement exécutoire. Cette solution est d'ailleurs la conséquence du fait que, dans les matières qui sont de son ressort, le juge des assurances est effectivement le juge ordinaire selon l'art. 79 LP et qu'il a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 51).

b. À teneur de l'art. 88 al. 2 LP, le droit du créancier de requérir la continuation de la poursuite se périme par un an à compter de la notification du commandement de payer (1ère phrase) ; si opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de la procédure judiciaire ou administrative et le jugement définitif (2ème phrase).

16.  a. En l'occurrence, le commandement de payer a été notifié à la défenderesse le
6 août 2020, date à laquelle le délai de péremption d'un an a commencé à courir (ATF 125 III 45 consid. 3b). Par conséquent, la poursuite n'était pas périmée lorsque la demanderesse a saisi la chambre de céans le 9 avril 2021.

En outre, la défenderesse n'a soulevé aucune exception énumérée à l'art. 81 LP (extinction de la dette, obtention d'un sursis ou de la prescription).

b. Elle a en revanche fait valoir que les frais de poursuite, à la charge du débiteur, étaient prélevés sur le produit de la réalisation, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la mainlevée sur le montant de CHF 203.30.

c. La chambre de céans rappelle que les frais de poursuite sont d'office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit (JdT 1974 III 32). Il n'y a donc effectivement pas lieu de prononcer la mainlevée définitive pour les frais du commandement de payer, dont le sort suit celui de la poursuite (art. 68 LP ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 4).

17.  Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’admettre partiellement les conclusions de la demanderesse, en ce sens que la défenderesse sera condamnée à lui payer la somme de CHF 103'733.50 (CHF 102'733.50 + CHF 1'000.-), avec intérêts à 5% dès le 7 août 2020.

18.  La mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, poursuite
n° 1______ sera ainsi prononcée à concurrence de ce montant.

19.  Enfin, la demanderesse a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée aux frais et dépens de la procédure.

20.  a. L'art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite.

L'art. 89H al. 1 LPA prévoit que la procédure est gratuite pour les parties, sous réserve de l'al. 4 (relatif à l'assurance-invalidité). Toutefois, les débours et un émolument peuvent être mis à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou témoigne de légèreté. Une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause (art. 89H al. 3 LPA).

b. En sa qualité d'institution chargée d'une tâche de droit public, la demanderesse n'a en principe pas droit à des dépens. Toutefois, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause en procédure cantonale et sont représentés par un avocat ou, d'une autre manière, par une personne qualifiée, peuvent prétendre à des dépens lorsque l'adverse partie procède à la légère ou de manière téméraire
(ATF 128 V 323 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_927/2010 du 4 août 2011 consid. 6 et les références citées).

c. En l'espèce, la demanderesse agit par l'intermédiaire de ses propres organes et n'est pas assistée par un avocat indépendant. Elle agit en qualité d'organisme chargé de tâches de droit public et n'a pas droit à des dépens. En outre, une témérité de la part de la défenderesse ne sera pas retenue, de sorte que celle-ci ne sera pas condamnée au paiement d’un émolument.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.      L'admet partiellement.

3.      Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse le montant de
CHF 103'733.50, avec intérêts à 5% dès le 7 août 2020.

4.      Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer (poursuite n° 1______ ) à concurrence de ce montant.

5.      Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument.

6.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le