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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/315/2023

ATAS/436/2025 du 10.06.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/315/2023 ATAS/436/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 juin 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

représentée par Maître Maëlle KOLLY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1971, originaire de Bosnie, arrivée en Suisse en 1998, titulaire d’un livret C, mariée et mère de trois enfants, nés en 1991, 1995 et 2010, a travaillé dans le domaine du nettoyage dès 2000.

b. Le 2 juin 2004, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), mentionnant être en incapacité de travail partielle depuis 2000 en raison de douleurs aux niveaux de la colonne vertébrale et des membres inférieurs, ainsi que d’une dépression.

c. Le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a procédé à des examens rhumatologique et psychiatrique, les 10 octobre et 19 décembre 2007.

Au niveau somatique, a été diagnostiqué un syndrome lombaire, ayant des répercussions sur la capacité de travail, dans le cadre d’un trouble statique, d’un antérolisthésis L5 sur spondylodèse bilatérale, de discopathies modérées L3-S1 avec une hernie sous-ligamentaire L3-L4 et L4-L5, et d’une possible instabilité segmentaire et des dysbalances musculaires. Ont également été constatés, sans effets sur la capacité de travail, des cervicobrachialgies persistantes non déficitaires dans le cadre d’un léger trouble statique et d’une ébauche d’uncarthrose C5-C6, un excès pondéral, un status post cholécystectomie en 1999 et une tendance à l’hypotension artérielle. L’assurée devait éviter les positions debout, assise prolongée, en porte-à-faux et avec des flexions-rotations du tronc, le travail sur des machines vibrantes ou à la chaîne, et le port de charges était limité à 10 kg occasionnellement. Dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles biomécaniques, la capacité de travail était entière avec une diminution de rendement en raison de la nécessité de changer fréquemment de position. Elle pouvait être estimée à 80% dans une activité adéquate, depuis le mois de mars 2004, étant relevé que le poste actuel semblait adapté et que l’assurée n’avait jamais travaillé à plus de 50%.

Sur le plan psychiatrique, l’assurée ne souffrait d’aucun diagnostic ayant des répercussions sur sa capacité de travail. Ont toutefois été relevées une expérience de guerre dans le contexte du conflit en Bosnie entre 1992 et 1995, et une tristesse liée au deuil de sa mère décédée au mois de juin 2007. La capacité de travail était donc entière sur le plan strictement psychiatrique.

d. Par décision du 6 février 2009, l’OAI a reconnu le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité du 1er mars 2003 au 30 mai 2004. Il a considéré que la capacité de travail de l’intéressée s’élevait à 50% dans son activité habituelle depuis le mois de mars 2002, et à 80% dans une activité légère adaptée à son atteinte à la santé et à ses limitations fonctionnelles depuis le mois de mars 2004. La comparaison des revenus avec et sans invalidité était effectuée sur la base des mêmes tabelles statistiques, de sorte que le degré d’invalidité se confondait avec l’incapacité de travail et se montait à 20%, insuffisant pour maintenir le droit à une rente.

e. L’intéressée a été engagée par Samsic SA comme employée d’entretien à partir du 1er décembre 2010, à raison de 8.5 heures par semaine. Elle a été en incapacité totale de travail dès le 5 mars 2018 et a perçu des indemnités journalières de la part de l’assurance perte de gain.

B. a. Le 8 octobre 2018, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, faisant état de douleurs dorsales depuis 2012 et d’une opération de la colonne vertébrale.

b. Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’OAI a notamment recueilli des rapports du docteur B______, responsable de la chirurgie de la colonne vertébrale aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG ; rapports des 27 avril, 6 juin, 19 juillet et 8 novembre 2018), du docteur C______, spécialiste en médecine interne (rapports des13 novembre 2018, 23 avril, 21 juin et 2 octobre 2019, 15 janvier 2020), de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG (rapport du 13 novembre 2019), de la docteure D______, médecin au service de rhumatologie des HUG (rapport du 13 mars 2020), de la docteure E______, psychiatre (rapport du 30 mars 2020), et du docteur F______, médecin au service de rhumatologie des HUG (rapport du 3 avril 2020).

c. Par communication du 29 janvier 2019, l’OAI a octroyé à l’assurée des mesures d’intervention précoce, sous la forme d’un cours de français intensif. Celui-ci devait se dérouler du 4 février au 3 mai 2019, mais a été interrompue après deux mois pour des raisons médicales.

d. L’OAI a confié une expertise bidisciplinaire au G______ (ci-après : G______), comportant des volets rhumatologique et psychiatrique.

e. Dans leur rapport du 10 mai 2021, le docteur H______, spécialiste en rhumatologie, et la docteure I______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, médecins au G______, ont retenu les diagnostics incapacitants de syndrome lombo-vertébral par déconditionnement musculaire, de discopathies dégénératives L3-L4, L4-L5 et L5-S1, et de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4). À titre de diagnostics non incapacitants, ils ont mentionné un status post-arthrodèse L5-S1, avec mise en place d’une cage intersomatique, et une personnalité dépendante (F60.7).

L’examen rhumatologique n’avait pas mis en évidence de pathologie incapacitante dans une activité adaptée. Seul était retrouvé un syndrome
lombo-vertébral persistant par déconditionnement musculaire global, sans syndrome radiculaire ou irritatif. L’examen neurologique était normal. Il n’y avait pas de critères en faveur d’une fibromyalgie ou d’un rhumatisme inflammatoire. L’IRM lombaire complémentaire du 23 mars 2021 avait mis en évidence un status
post-arthrodèse L5-S1, avec pose d’une cage intersomatique, en place, sans signe de complication, ainsi qu’un antélisthésis résiduel de L5 sur S1 de grade II. Une présence maximale était possible à raison de 6h30 par jour dans une activité sans port de charges de plus de 5 kg, sans montée et descente d’échafaudages, sans marche sur des terrains accidentés, sans surcharge pour le rachis dans sa totalité, sans agenouillement. La performance de l’intéressée serait réduite, durant ce temps de présence, de 20% en rapport avec le status post-chirurgical. La capacité de travail était évaluée à 80% sur le marché ordinaire du travail et pourrait évoluer favorablement en respectant les limitations fonctionnelles. En conclusion, la capacité de travail était de 0% dans l’activité habituelle depuis avril 2018 et de 80% dans une activité adaptée six mois après l’intervention chirurgicale.

Au niveau psychiatrique, l’experte a noté que l’assurée avait présenté « par le passé au moins deux épisodes de dépression, en 2004 et en 2018, avec un intervalle de rémission entre les deux épisodes un épisode en 2008 et un autre en 2018 ce qui permet de poser ce diagnostic ». L’assurée adhérait au traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré, étant relevé que la fréquence des séances était trop espacée et sans l’appui d’une structure de jour. La capacité de travail était entière, depuis toujours, quelle que soit l’activité.

f. Le 14 mai 2021, le SMR a considéré qu’il n’y avait pas de raison de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise.

g. Le 28 septembre 2021, l’OAI a informé l’assurée qu’il envisageait de rejeter sa demande de prestations.

h. L’intéressée a contesté ce projet de décision, soulignant que ses problèmes rhumatologiques ne l’autorisaient à travailler ni en position assise, ni en position debout. Ses genoux, ses hanches, ses épaules et son dos l’empêchaient d’exercer une activité dite simple ou répétitive. Elle avait subi une ponction et une infiltration du genou gauche au mois de septembre 2021. Le 23 novembre 2021, elle se soumettrait à une nouvelle infiltration en péri-hanche gauche, trouble qui l’empêchait de marcher sans appui. De plus, son état psychique s’était fortement dégradé ces dernières années et elle souffrait d’un état anxio-dépressif avec des idées noires, intensifiées depuis un an, des pertes de mémoire, des difficultés à se concentrer et à apprendre de nouvelles choses. Elle était dans l’attente de tests neuropsychologiques et continuait ses suivis psychiatrique et rhumatologique, et la physiothérapie.

i. L’OAI a reçu plusieurs documents médicaux, établis par le Dr F______ (rapport du 25 octobre 2021), le docteur J______, psychiatre (rapport du 21 octobre 2021, courriel du 17 novembre 2021), la docteure K______, spécialiste en médecine interne générale (certificat du 25 octobre 2021), le professeur L______, médecin adjoint agrégé au service de rhumatologie des HUG (rapport du 17 mai 2022).

j. Par avis du 31 août 2022, le SMR a préconisé une nouvelle expertise rhumatologique et psychiatrique, avec un bilan neuropsychologique incluant des tests de validation des symptômes, afin d’établir les atteintes à la santé ayant un impact sur la capacité de travail et de pouvoir se déterminer sur l’exigibilité du traitement, sa durée et le pronostic.

k. Sur demande de l’OAI, le G______ a procédé à une nouvelle expertise, confiée au docteur M______, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, et à la docteure N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, transmise à l’OAI par courriel le 20 décembre 2022.

Au niveau physique, ont été retenus les diagnostics incapacitants de syndrome lombaire non déficitaire sur un status après correction de spondylolisthésis et mise en place d’une cage le 16 avril 2018 et une spondylodèse L5-S1 le
23 avril 2018 pour un spondylolisthésis de L5 sur S1, de syndrome sous-acromial des deux côtés sur une tendinopathie probable, de bursite supra-tendineuse en regard du grand trochanter droit, de syndrome rotulien bilatéral prédominant à gauche sur une chondromalacie rotulienne, et d’enthésopathie du carré plantaire des deux côtés. Les diagnostics non incapacitants étaient un syndrome cervical non déficitaire sur une probable discopathie et une obésité.

Sur le plan psychique, il n’y avait aucun diagnostic incapacitant, seuls étaient retenus, sans influence sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4) et une expérience de guerre (Z65.4).

Au niveau physique, les limitations fonctionnelles concernaient le port de charges fréquent de plus de 5 kg, les stations debout, assise et accroupie prolongées, la marche prolongée, en particulier sur un terrain irrégulier, le travail sur des échelles, ainsi que les activités au-dessus de l’horizontale. Dans une fonction adaptée, la capacité de travail était de 80%, soit 6.5 heures par jour. La performance de l’intéressée était également réduite de 20% depuis décembre 2018. Interrogé sur le pourcentage de la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée sur le marché ordinaire du travail, l’expert a indiqué que la capacité avait toujours été de 100%, à l’exception de l’incapacité de travail nécessitée par les interventions des 16 et 23 avril 2018, jusqu’au
8 novembre 2018, soit six mois post-opératoires, date à laquelle le
Dr B______ avait constaté une très bonne évolution avec la disparition complète des douleurs ayant motivé la chirurgie. Depuis décembre 2018, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 80%. Les nouveaux diagnostics n’entraînaient pas un changement de la capacité de travail globale de 80%, telle qu’évaluée lors de l’expertise du 10 mai 2021.

Du point de vue psychiatrique, l’assurée devait éviter les tâches multiples simultanées ou nécessitant des changements ou un apprentissage continu. Étaient notamment relevées des difficultés d’apprentissage (barrière linguistique), de concentration et d’apprentissage en cas de fortes douleurs ou troubles du sommeil. Sur le plan psychique, la capacité de travail était de 100% depuis
mai 2020, date de la dernière expertise.

L’incapacité de travail était liée aux problèmes somatiques et motivée principalement par un problème vertébral lombaire, ayant nécessité une intervention chirurgicale.

l. Le 9 janvier 2023, le SMR a proposé de suivre les conclusions de l’expertise et de retenir une capacité de travail de 0% dès le 6 mars 2018 dans l’activité d’employée d’entretien et de 80% dès le 1er décembre 2018 dans une fonction respectant les restrictions énoncées par les experts.

m. Par décision du 10 janvier 2023, l’OAI a nié le droit de l’assurée à une rente. Après avoir relevé que le statut retenu était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle, il a constaté que le complément d’instruction médicale mis en place ne lui permettait pas de revoir son appréciation globale initiale. L’incapacité de travail avait été totale dans l’activité habituelle depuis le 6 mars 2018, mais une activité adaptée était exigible à 80% depuis le mois de décembre 2018. Après comparaison des revenus sans invalidité (CHF 50'395.-) et avec invalidité (CHF 35'342.-), la perte de gain s’élevait à
CHF 15'053.-, soit un degré d’invalidité de 30%.

C. a. Par acte du 31 janvier 2023, l’assurée a recouru contre cette décision
par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l’octroi d’une pleine rente d’invalidité, subsidiairement à des mesures de réadaptation. En substance, elle a contesté la valeur probante de l’expertise.

b. Le 13 février 2023, l’intéressée a été mise au bénéfice de l’assistance juridique.

c. Par écriture du 3 mai 2023, la recourante, par l’intermédiaire de son avocate, a complété son recours. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire et à son audition, ainsi qu’à celle de ses proches et de ses médecins. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision litigieuse, à l’octroi d’un quart de rente minimum dès le 1er avril 2019, subsidiairement à l’octroi de mesures de réadaptation professionnelle. Elle a relevé que le rapport d’expertise contenait des contradictions, que les experts n’avaient pas discuté l’interaction des troubles incapacitants et des limitations fonctionnelles, que l’aspect neuropsychologique n’avait pas été investigué. Elle a contesté le refus de rente, mais également celui de toute mesure professionnelle, car un reclassement lui permettrait de se former à des tâches plus administratives. En l’absence de formation et en raison d’une mauvaise maîtrise du français, ses perspectives de réinsertion étaient quasi nulles, sans autre mesure d’aide.

La recourante a produit un rapport du 27 février 2023 du Dr J______, mentionnant les diagnostics d’état de stress post-traumatique en 1992 (F43.1), de modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F62.0) et d’anxiété généralisée (F41.1). Il a en outre rapporté des troubles rhumatologiques dans le cadre d’un syndrome douloureux chronique avec des composantes somatiques, ainsi qu’une fibromyalgie. Compte tenu de la description de la patiente par l’hétéro-anamnèse (troubles mnésiques, de mémoire, d’acquisition du savoir et des troubles de concentration), des tests neuropsychologiques devraient être mis en place, de préférence dans sa langue et pas par un homme d’origine serbe, afin de déterminer la composante dépressive, ou de type démentiel ou de type post-traumatique.

d. Dans sa réponse du 7 juin 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. La motivation de la recourante consistait essentiellement à souligner la divergence d’opinions entre les experts et ses médecins traitants quant à sa capacité de travail. L’intéressée n’établissait pas de manière convaincante en quoi des activités simples ne seraient pas exigibles au regard des restrictions retenues.

Il a joint un avis du SMR du 5 juin 2023, selon lequel le Dr J______ n’avait pas amené de nouvel élément médical objectif. Les troubles cognitifs mis en avant provenaient de l’hétéro-anamnèse et étaient donc subjectifs. Les experts psychiatres mandatés en 2021 et 2022 n’avaient pas constaté de tels troubles et n’avaient ainsi pas effectué de bilan neuropsychologique complémentaire. La
Dre N______ avait analysé les indicateurs standards de gravité et les experts avaient considéré que les données subjectives et objectives étaient cohérentes et plausibles. Par ailleurs, un trouble somatoforme douloureux ou une fibromyalgie n’avait pas été retenu.

e. Dans sa réplique du 18 août 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle produisait de nouveaux rapports de la Dre D______ et du Dr J______, qui démontraient que les diagnostics retenus ou exclus par les experts étaient incorrects ou incomplets, et que leur évaluation consensuelle n’était pas aboutie et ne tenait pas compte de l’interaction entre les troubles somatiques et psychiques. Elle éprouvait de grandes difficultés à s’ouvrir et à faire confiance, raison pour laquelle le Dr J______ préconisait que les tests et entretiens soient réalisés par une personne de sexe féminin maîtrisant la langue bosniaque. Les stratégies d’évitement expliquaient que les experts psychiatriques n’aient pas identifié les éléments cliniques pertinents. Les exemples cités par le Dr J______ démontraient que les troubles découlant des traumatismes de guerre étaient profondément ancrés, impactaient quotidiennement sa vie et restreignaient sa capacité de travail, à hauteur de 25% dans toute activité. Quant à la Dre D______, elle se fondait sur ses propres constatations cliniques sur la durée, qui rentraient en contradiction avec celles des experts lors de leur unique entretien. Son incapacité était totale dans toutes les activités et une rente entière devait par conséquent lui être allouée jusqu’au mois de mai 2023. Dès le 1er juin 2023, sa capacité résiduelle de travail n’excédait pas 30% sous l’angle somatique, avec un rendement susceptible d’être réduit en raison des troubles psychiques, eu égard aux conclusions du Dr J______, de sorte que l’octroi d’une rente entière devrait également être constatée.

Dans son rapport du 17 juillet 2023 annexé, la Dre D______ a indiqué suivre la patiente depuis le 17 octobre 2019, à raison de deux à trois fois par année, et fait état de douleurs articulaires et musculaires, chroniques, avec un syndrome douloureux chronique de type fibromyalgie, ainsi que de lombosciatalgies bilatérales avec un antélisthésis persistant. Les limitations fonctionnelles concernaient la marche, la station debout prolongée, l’inclinaison du tronc, le port de charges lourdes, les génuflexions répétées et la position agenouillée. D’un point de vue strictement somatique, la capacité de travail dans l’ancienne activité était de 0% depuis sa première consultation, sans amélioration sous traitement physique et médicamenteux bien conduit. Dans une activité adaptée, la capacité de travail avait été de 0% de mars 2018 à février 2023 au moins, et de 20% à 30% depuis mai 2023, soit la date de la dernière consultation, en raison d’une amélioration globale de son état. Une activité manuelle en position assise avec la possibilité de faire des pauses pourrait être envisagée, dans le respect des restrictions mentionnées. L’interaction entre les troubles psychiques et somatiques avait une influence sur le rendement, car la patiente souffrait d’un état dépressif qui limitait ses capacités cognitives et d’adaptation, et était à l’origine d’un ralentissement idéo-moteur. Elle a en outre évoqué de possibles troubles cognitifs et mnésiques. S’agissant de l’appréciation du Dr H______, premier expert rhumatologue, celui-ci n’avait pas évoqué les sciatalgies et les omalgies. Il avait décrit un examen normal des épaules, ce qui n’était pas le cas, et considéré le syndrome lombo-vertébral comme non incapacitant, alors qu’il était majeur. Concernant les conclusions du Dr M______, second expert rhumatologue, elle était en désaccord avec ses arguments pour ne pas retenir un diagnostic de sensibilisation centrale, les anomalies organiques (gonarthrose, tendinopathie de la coiffe, etc.) n’excluant pas la possibilité d’un syndrome douloureux chronique secondaire. Elle contestait la capacité de travail retenue par ces deux experts dans une activité adaptée. Il était essentiel de prendre en considération les aspects psychologiques qui entravaient de manière importante la rééducation et la réinsertion professionnelle.

La recourante a en outre remis un rapport du 25 juillet 2023 du Dr J______, indiquant que les symptômes décrits permettaient de poser le diagnostic de trouble de stress post-traumatique complexe selon la CIM-11. La patiente était venue, les premières fois, accompagnée de sa fille, infirmière, qui servait d’interprète et fut utile à titre d’hétéro-anamnèse. Au vu des troubles mnésiques, de mémoire, d’acquisition du savoir et troubles de la concentration signalés, il était nécessaire de réaliser des tests neuropsychologiques dans la langue natale, par une femme bosniaque ou maîtrisant cette langue, afin d’évaluer les capacités cognitives et, à terme, d’en assurer le suivi. La patiente recevait du Cymbalta 60 mg par jour depuis 2020 et la tentative de retrait de cette médication ne fut pas tolérable. Elle prenait d’autres médications somatiques. Il retenait une incapacité de travail psychique de 25% en raison des troubles décrits. Il convenait d’y joindre les troubles ostéo-articulaires. Une activité en atelier protégé ou dans une entreprise type « Caran d’Ache » serait la bienvenue afin de valoriser la patiente et de détourner son investissement dans les situations politiques présentes qui réactivaient et même entretenaient les souvenirs de moments pénibles.

f. Par duplique du 18 septembre 2023, l’intimé a maintenu ses conclusions, estimant que l’instruction du dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail de la recourante.

Il a produit un nouvel avis du SMR du 14 septembre 2023, selon lequel le rapport de la Dre D______ n’amenait pas de nouvel élément médical objectif. L’expert rhumatologue avait retenu le diagnostic de syndrome sous-acromial bilatéral sur une tendinopathie probable au niveau des épaules, en s’appuyant sur son examen clinique objectif qui n’avait pas révélé de limitation de la mobilité articulaire, ainsi que sur les examens radiologiques. Par ailleurs, le diagnostic de trouble somatoforme douloureux devait être évalué par l’expert psychiatre, qui ne l’avait pas retenu, compte tenu de l’absence de détresse ou de difficultés psychosociales graves. L’expert rhumatologue n’avait pas posé ce diagnostic, car la plupart des plaintes de la recourante étaient en relation avec le status clinique et les examens complémentaires effectués. S’agissant du rapport du Dr J______, le SMR a rappelé l’appréciation de la Dre N______ qui n’avait pas pu mettre en évidence de manière objective une atteinte cognitive lors de son examen clinique. Par ailleurs, dans son précédent avis du 5 juin 2023, le SMR avait repris les indicateurs standards de gravité pris en compte par les experts, étant rappelé que les activités quotidiennes ne montraient pas de limitations hormis les travaux lourds et l’administratif.

g. En date du 20 novembre 2023, la recourante a maintenu que l’évaluation consensuelle des experts ne tenait pas correctement compte de l’interaction entre les différents diagnostics somatiques et psychiques.

Elle a produit un rapport établi le 27 octobre 2023 par le Dr J______, confirmant le diagnostic de trouble de stress post-traumatique complexe et rappelant qu’il demandait depuis longtemps des tests neuropsychologiques, l’atteinte cognitive de la patiente nécessitant un examen sérieux et quantitatif. Il a relaté une idéation suicidaire non scénarisée presque tous les jours, des contacts sociaux restreints, notamment par un sentiment de honte et de dévaluation.

h. Le 14 décembre 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

Dans un nouvel avis du 14 décembre 2023, le SMR a estimé que le dernier rapport du Dr J______ n’amenait aucun élément médical objectif, de sorte qu’il maintenait sa précédente appréciation du cas.

i. Le 1er février 2024, la recourante a produit un rapport du Dr J______, rédigé le 16 janvier 2024. Le psychiatre traitant a relevé, sur le plan clinique, que l’état de la patiente s’aggravait, dans la mesure où elle était désespérée en raison de l’incertitude et de la lenteur de l’avancement de son dossier, ce qui était de nature à entraîner une régression psychique avec une bradypsychie et un retour à un stade moins avancé du développement. L’isolement et le repli social s’accentuaient. Selon l’ICD 11 de 2018, le trouble de stress post-traumatique complexe était nouvellement défini et le syndrome ajoutait une gamme de symptômes plus large que le PTSD (pour post-traumatic stress disorder) connus sous le nom de perturbations de l’auto-organisation. Il a mentionné un groupe de trois symptômes supplémentaires, présentés par sa patiente. Un emploi à temps partiel l’aiderait utilement et apporterait une aide thérapeutique, et des tests neuropsychologiques permettraient d’évaluer ses capacités cognitives, ce qui accompagnerait la démarche de recherche d’activité adaptée.

j. Par ordonnance du 3 juillet 2024, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire bidisciplinaire à la docteure O______, psychiatre, et au docteur P______, rhumatologue (ATAS/555/2024).

k. Le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise le 21 janvier 2025 et la Dre O______ le sien le 30 janvier 2025, accompagné du rapport de l’examen neuropsychologique du 15 octobre 2024 de Q______ et R______, psychologues FSP.

l. Le 4 février 2025, la chambre de céans a reçu l’appréciation consensuelle des experts, établies après leurs contacts écrits et téléphoniques qui ont eu lieu en décembre 2024 et janvier 2025.

Au plan rhumatologique, l’expert a retenu que l’intéressée souffrait d'un status post-spondylodèse L5-Sl avec vis transpédiculaires et tiges postérieurs, ALIF (pour Anterior Lumbar Interbody Fusion) L5 par deux vis, sans signes de complication et persistance d'un antélisthésis de L5 de grade I-II, de lombalgies chroniques d'origine mixte, de chondromalacie fémoropatellaire stade IV du genou gauche, de tendinopathie du tendon sus-épineux bilatérale aux épaules prédominant à droite, d'arthrose des auriculaires, et d'obésité modérée. La mobilité lombaire était limitée en flexion, extension et rotation du tronc, la durée de la position assise était restreinte à une heure de suite, la position statique debout devait être évitée, le port de charges était limité à 5kg, les activités les coudes au-dessus de l'horizontale et les gestes répétitifs étaient contre-indiqués, la marche était possible jusqu'à 30 minutes sur terrain plat. La capacité de travail dans l’activité habituelle de nettoyeuse était nulle depuis 2004. Dans un métier adapté, elle était restée stable depuis cette date, en dehors de la période de convalescence et de rééducation après les opérations du rachis lombaire entre avril et novembre 2018. On pouvait estimer que dans l'hypothèse où l’intéressée exercerait une activité adaptée à un taux horaire de 100%, les lombalgies chroniques provoqueraient une baisse de rendement d'environ 10% en raison de la fatigabilité induite par les douleurs.

Au niveau psychiatrique, étaient retenus les diagnostics de trouble de l'humeur secondaire, avec symptômes dépressifs (6E62.0), d’exposition à une catastrophe, à la guerre ou à d'autres hostilités (QE81), et de troubles dissociatifs, sans précision (6B6Z). Seul le trouble de l'humeur secondaire avec symptômes dépressifs était responsable d'une baisse de la capacité de travail. Ce diagnostic était de gravité moyenne et persistait depuis au moins le mois de janvier 2020. Il provoquait notamment un ralentissement psychomoteur et des troubles de la concentration. Par conséquent, seule une activité à un taux quotidien horaire de maximum 50% restait possible, pour permettre un temps de récupération quotidien. Cette incapacité horaire était documentée du point de vue psychiatrique depuis janvier 2020. Il n'y avait pas d'éléments objectivables qui permettraient une évaluation psychiatrique antérieure à janvier 2020.

Au plan bidisciplinaire et global, les experts ont estimé, consensuellement, qu’il fallait respecter les limitations rhumatologiques énoncées et ne pas dépasser
quatre heures de travail par jour pour permettre un temps de récupération adaptée du point de vue psychiatrique. À ce taux horaire réduit, ils considéraient que le rendement n’était pas diminué. La capacité de travail dans l’activité de nettoyeuse était donc nulle depuis 2004 et la capacité horaire dans une activité adaptée était de 50% depuis janvier 2020. Ils manquaient d’éléments objectivables, notamment au niveau psychiatrique, pour pouvoir se déterminer de manière consensuelle sur la capacité de travail dans une fonction adaptée avant le mois de janvier 2020.

m. Dans son écriture du 25 février 2025, la recourante a conclu à l'annulation de la décision du 10 janvier 2023, à ce que l'intimé soit condamné au versement d'une pleine rente d'invalidité entre le 1er avril et le 31 décembre 2019, au versement d'une rente d'invalidité de 56% dès le 1er janvier 2020 et de 62% dès le 1er janvier 2024, sous suite de frais et dépens. Elle a indiqué se rallier aux conclusions de l'expertise s'agissant de sa capacité de travail à compter du mois de janvier 2020, mais persister à affirmer que ses douleurs rhumatologiques la limitaient dans une mesure plus importante, dans toutes ses activités, que ce qui avait été retenu par l'expert. Le revenu avec invalidité devait être établi en se référant à l'ESS 2018, TA1, pour une femme, tous secteurs confondus, niveau de compétence 1, soit un salaire mensuel de CHF 4'316.-. Rapporté à une durée hebdomadaire normale de 41.7 heures, le salaire annuel brut s'élevait à CHF 53'988.- et à CHF 54'522.- après indexation à 2019. Il convenait d'appliquer une réduction de 50% sur ce montant, conformément aux conclusions de l'expertise. Par ailleurs, un abattement supplémentaire de 20% devait être appliqué, comme admis par l’intimé dans sa décision initiale, afin de tenir compte du fait que seule une activité à temps partiel était exigible (réduction de 10%), et de l'ampleur de ses limitations fonctionnelles, de la nature de l'activité exigible et des années de service dans la même profession (10%), ce qui menait à un revenu annuel brut avec invalidité de CHF 21'809.-. À compter du 1er janvier 2024, un abattement supplémentaire de 10% devrait être appliqué sur le revenu statistique avec invalidité, de sorte que le revenu annuel brut avec invalidité s'élevait à CHF 19'082.-. Rapporté au salaire annuel brut sans invalidité de CHF 50'395.- retenu par l'intimé, le degré d'invalidité s'élevait à 56% dès le 1er janvier 2020, respectivement à 62% à compter du 1er janvier 2024, ce qui lui ouvrait le droit à une rente correspondante. Pour la période comprise entre les 1er avril et 31 décembre 2019, elle concluait à l'octroi d'une pleine rente d'invalidité, dès lors que sa capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle et que les experts n'avaient pas été en mesure de se prononcer sur l'exigibilité d'une activité adaptée avant le 1er janvier 2020.

n. Par écriture du 1er avril 2025, l'intimé a persisté dans ses conclusions. Il a considéré que la situation était, d'un point de vue rhumatologique, superposable à celle évaluée lors de l'expertise de 2022 effectuée par le Dr M______. Sur le plan psychiatrique, l'experte avait retenu comme diagnostic incapacitant un trouble de l'humeur secondaire avec symptômes dépressifs, et considéré que la capacité de travail résiduelle s'élevait à 50% depuis janvier 2020. Cette évaluation ne pouvait être suivie, car l'examen des indicateurs permettait de conclure à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La recourante ne présentait pas de comorbidité psychiatrique ayant une influence sur la capacité de travail, ni de trouble de la personnalité, ni de trouble psychotique, et l'épisode dépressif était qualifié de moyen. S'agissant du traitement, la recourante avait un suivi bimensuel, environ une fois par mois sans interprète, n'avait jamais été hospitalisée en milieu psychiatrique, n'avait subi aucune modification de son traitement psychotrope depuis 2020. Ces éléments plaidaient indirectement contre un trouble incapacitant, contre une décompensation du trouble de la personnalité et contre des limitations fonctionnelles significatives. La description de la vie quotidienne n’était du reste pas prise en considération pour expliquer l'impact des atteintes sur la capacité de travail, sous l'angle de la cohérence. Dans ces circonstances, l'expertise judiciaire ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante et devait être écartée.

L'intimé a joint un avis du 28 mars 2025 de la docteure S______, médecin auprès du SMR, laquelle a relevé, sur le plan rhumatologique, que l'expert arrivait globalement aux mêmes conclusions que l'expert en 2022, hormis qu'il estimait que la capacité de travail résiduelle était de 90% et non de 80%. Au niveau psychiatrique, l'experte avait mis en évidence, à l'examen clinique, de manière objective, la présence de moments de dissociation, qui lui faisaient retenir ce diagnostic, mais elle avait estimé qu'il n'était pas incapacitant. Sur le plan dépressif, elle avait retrouvé une symptomatologie dépressive d'intensité moyenne, avec un ralentissement psychomoteur et des troubles de la concentration, une baisse drastique de l'estime de soi, une tristesse. Elle avait retenu, en se basant sur les critères de la CIM 11, un trouble de l'humeur secondaire avec symptômes dépressifs d'intensité moyenne, et non un trouble dépressif récurrent, car la survenue de ces épisodes dépressifs semblait reliée aux épisodes de douleurs relatés depuis presque deux décennies. L'experte ne retenait pas de troubles psychotiques, ni de troubles de la personnalité, ni d'incohérences, ni de signes en faveur d'une simulation. L'échec au bilan neuropsychologique pouvait s'expliquer, selon elle, par des moments de dissociation, et/ou par le manque de compréhension des enjeux des tests. L’experte avait analysé l'expertise de la Dre N______ effectuée en 2022 et relevé que cette médecin avait noté que les difficultés consistaient en la « maîtrise du français », quelques troubles cognitifs en cas de douleurs plus intenses ou troubles du sommeil, avec une concentration diminuée ou des difficultés d'apprentissage et de mémorisation. Selon l'experte judiciaire, ces troubles ne permettaient pas d'affirmer que le trouble dépressif récurrent était en rémission, et le profil de cette symptomatologie dépressive faisait plutôt évoquer un trouble dont l'intensité fluctuait, mais qui ne s'était jamais complètement améliorée depuis janvier 2020, relevant le lien entre les douleurs et les symptômes dépressifs. Le SMR n'était pas d'accord avec ces propos, car lors de l'expertise de 2022, l'examen clinique n’avait pas mis en évidence d'éléments objectifs pour retenir le diagnostic de trouble dépressif. Initialement triste, l’intéressée souriait par la suite en évoquant son petit-fils. Il n’y avait pas de sentiment de culpabilité, d'idéation thanatique, de sentiment de ruine, de perte de confiance en soi, d'isolement social ou d'aboulie, de ruminations permanentes ou de manifestations neurovégétatives laissant suggérer la présence de phénomènes anxieux marqués, ni de ralentissement psychomoteur constaté, ni de troubles cognitifs. L’experte judiciaire avait relaté des baisses de thymie occasionnelles, en lien avec les douleurs et la météo, des variations thymiques, d'ordre physiologique et adaptatif, qui n'étaient pas suffisamment prononcées pour retenir un diagnostic séparé ou de trouble anxio-dépressif ou de dysthymie. Les quelques troubles cognitifs retenus en cas de douleurs plus intenses ou troubles du sommeil, avec une concentration diminuée ou des difficultés d'apprentissage et de mémorisation, étaient des données subjectives de l’intéressée, de même que les difficultés dans l'apprentissage de la langue française. L’experte avait effectué une comparaison avant/après, mais il manquait la description de la journée-type décrite lors de l'expertise de 2022. L'analyse des indicateurs standards relevait que l'épisode dépressif était qualifié de moyen, que le trouble dissociatif n'était pas retenu comme incapacitant, et qu’il n'avait pas été retenu de trouble de la personnalité. L'experte n'avait pas retenu de discordances, de démonstrativité ou d'exagération. Toutefois, le SMR s'étonnait de la non validité des tests de validation des symptômes lors du bilan neuropsychologique, que l’experte avait mis sur le compte du trouble dissociatif ou d'un problème de compréhension de consignes, ce qui était peu cohérent en présence d'un interprète. Ceci rendait le test invalide. Les ressources internes avaient été évaluées comme limitées en raison d'un niveau intellectuel limité et du manque d'introspection. Le SMR rappelait toutefois que l’intéressée avait pu émigrer en Suisse avec sa famille et travailler en tant que femme de ménage pendant plusieurs années, et que c'était principalement les lombalgies qui avaient motivé l’incapacité de travail. Lors de l'expertise de 2022, elle avait déclaré souhaiter retrouver une activité professionnelle et être indépendante financièrement. Cependant elle n'arrivait pas à maitriser le français malgré la participation à des cours, encore en 2022. Ses ressources externes étaient assurées par la famille, les soignants, et en 2022, elle déclarait voire encore quelques amies, moins actuellement. Elle était suivie par un psychiatre, ne parlant pas sa langue maternelle, une fois par mois, et sa fille était présente pour la traduction. Le traitement antidépresseur était inchangé depuis pleureurs années et l’experte avait proposé de le poursuivre. L’intéressée n'avait pas effectué de mesures de réadaptation hormis des cours de français. En 2022, elle avait souhaité reprendre une activité professionnelle, alors qu'actuellement elle s'en sentait incapable. L'analyse des activités quotidiennes relevait des différences entre 2022 et actuellement, que l'experte n'avait pas relevées. En 2022, l'assurée déclarait faire quelques courses légères, mettre et débarrasser la table de temps à autre, se promener deux fois par jour une demi-heure, mettre en marche les lessives, confectionner du pain à la main, tricoter, sans autres loisirs (qu'elle n'avait jamais eus), rencontrer au moins des amies régulièrement chez elle et au café, partir en vacances une fois par an en Bosnie, en avion ou en voiture. Elle n'avait jamais fait l'administratif. Actuellement, elle déclarait ne plus tricoter, ne participait à aucune tâche ménagère, les vacances n'étaient pas modifiées, mais elle ne sortait plus, et avait juste deux amies qui venaient la voir à domicile. Au vu de ces éléments, le SMR estimait qu'il ne pouvait suivre les conclusions de l’expertise psychiatrique, de sorte qu’il maintenait sa précédente appréciation.

o. Les parties ont été invitées à se déterminer sur les écritures de la partie adverse.

p. Le 17 avril 2025, la recourante a considéré que les arguments du SMR n'étaient pas suffisants pour remettre en cause le bienfondé des conclusions de l'expertise psychiatrique. Elle a souligné que l'avis du SMR revêtait une force probante moindre face à celui d'un expert judiciaire, et que le rapport de la Dre O______ répondait à tous les réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante.

q. Par écriture du 24 avril 2025, l'intimé a persisté à nier toute valeur probante à l'expertise judiciaire. Il a maintenu ses conclusions dans le sens où la recourante ne pouvait plus exercer son activité habituelle, mais présentait une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles dès le mois de décembre 2018. S’agissant du degré d'invalidité, il a rappelé que le revenu sans invalidité, fixé à CHF 50'395.- pour l’année 2019 sur la base de la moyenne des revenus des quatre dernières années avant le début de l'incapacité de travail, n'était pas contesté par la recourante. Le revenu avec invalidité devait être établi en fonction du revenu d'invalide exigible, sur la base de l'ESS 2018 indexé à 2019, TA1, pour une femme, tous secteurs confondus, pour une activité simple et répétitive. Le montant obtenu était de CHF 44'177.- pour un taux de 80%. Après réduction de 20%, laquelle tenait compte du fait que seul une activité légère était possible, des années de service dans la même profession et du taux d'occupation, le revenu d'invalide était de CHF 35'342.-. Il en résultait un taux d'invalidité de 30%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. Il a ajouté que la décision litigieuse avait été rendue le 10 janvier 2023, de sorte que c'était la situation antérieure à cette date qui était déterminante pour juger de la présente cause. Il a rappelé, à toute fin utile, que l'abattement dû à l'atteinte à la santé avait été remplacé en 2022 par les dispositions réglementaires sur l'évaluation du taux d'invalidité, et que l'appréciation complète de la capacité fonctionnelle et l'éventuel abattement pour un travail à temps partiel avait désormais un rôle prépondérant. En l'occurrence, à partir du 1er janvier 2024, seule la réduction forfaitaire de 10% serait opérée sur le revenu avec invalidité, conformément à l'art. 26bis al. 3 RAI. Dès lors, à partir du mois de janvier 2024, le degré d'invalidité serait de 21.06%.

Il a annexé son calcul de la détermination du degré d’invalidité.

r. Copie de ces écritures ont été communiquées aux parties le 29 avril 2025.

s. Le 12 mai 2025, la recourante a relevé que le calcul de l’intimé était peu compréhensible, car les chiffres ressortant du tableau de comparaison des revenus annexé ne coïncidaient pas avec le texte du courrier, tant du point de vue du revenu annuel brut avec invalidité que du degré d’invalidité présenté.

t. Ce document a été adressé à l’intimé.

u. Sur ce la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont déjà été examinées dans l'ordonnance d'expertise. Il suffit d'y renvoyer.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, étant rappelé que par décision du 6 février 2009, l’intimé lui a accordé une demi-rente pour une période limitée du 1er mars 2003 au 30 mai 2004, et que l’intéressée a déposé une nouvelle demande le 8 octobre 2018.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17
al. 1 LPGA, à savoir, selon cette disposition en vigueur depuis le 1er janvier 2022, tant qu'il ne subit pas une modification d'au moins 5 points de pourcentage (let. a).

Selon la circulaire sur l'invalidité et les rentes dans l'assurance-invalidité
(ci‑après : CIRAI) éditée par l'Office fédéral des assurances sociales, si la modification déterminante s’est produite avant le 1er janvier 2022, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 s'appliquent. Si la modification déterminante s’est produite après le
31 décembre 2021, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version entrant en vigueur le 1er janvier 2022 s'appliquent.

3.2 En l’occurrence, la décision querellée a été rendue postérieurement au
1er janvier 2022. Toutefois, la nouvelle demande de prestations ayant été déposée en 2018 et le délai d’attente d’une année venant à échéance en avril 2019, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que le droit applicable est celui en vigueur avant les modifications législatives adoptées dans le cadre du développement continu de l'AI.

En outre, dans la mesure où la recourante avait, au 1er janvier 2022, 30 ans révolus mais moins de 55 ans, ce n'est que si une modification déterminante de son taux d'invalidité d'au moins 5 points de pourcentage dès le 1er janvier 2022 devait être admise que le nouveau droit devrait être appliqué.

4.             Selon l’art. 8 LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. L’art. 4 al. 1 LAI précise que l’invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.

En vertu de l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si
celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.1 Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré.

En vertu de l’art. 28 LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (al. 1 let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (al. 1 let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (al. 1 let. c). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (al. 2, abrogé le 1er janvier 2022).

L’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 détaille les taux de rente correspondant aux degrés d’invalidité entre 40% et 50%.

4.2 En application de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.

Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 64 consid. 5.2.3 ; 125 V 412 consid. 2b ; 117 V 198 consid. 4b ainsi que les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2018 du 3 septembre 2018
consid. 2.2).

Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation, l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d’un cas de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA
(ATF 133 V 108 consid. 5 ; 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 130 V 71 consid. 3.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

4.3 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Depuis le 1er janvier 2022, cette disposition prévoit que la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b).

Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas
(ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).

Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l’invalidité (ATF 141 V 9).

4.4 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).

4.4.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis, mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante. À ce stade, ladite autorité doit encore s'assurer que l'atteinte à la santé résiste aux motifs d'exclusion, tels que l'exagération des symptômes ou d'autres manifestations analogues, qui conduiraient d'emblée à nier le droit à la rente
(ATF 141 V 281 consid. 2.1.1, 2.1.2, 2.2 et 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).  

Selon la jurisprudence, l'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2). Il y a ainsi lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2). À lui seul, un simple comportement ostensible ne permet pas de conclure à une exagération
(ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et la référence).

Une fois le diagnostic posé par un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2), la capacité de travail réellement exigible doit être examinée, sans résultat prédéfini, au moyen d’un catalogue d’indicateurs, appliqué en fonction des circonstances du cas particulier
(ATF 141 V 281 consid. 4.1.1). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

4.4.2 Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations sur les manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquées aident à séparer les limitations fonctionnelles qui sont dues à une atteinte à la santé des conséquences (directes) de facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogénèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 6.3 et la référence).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité
(ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

Le fait d'avoir été en mesure d'exercer une activité lucrative pendant de nombreuses années sans problème majeur est un élément important à prendre en considération dans l'évolution de la situation médicale de la personne assurée. Cet élément ne suffit toutefois pas pour en déduire une absence de gravité des atteintes à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

On ne saurait inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et la référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in RSAS 2011 IV
n. 17 p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in RSAS 2012 IV n. 1 p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité
(ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du
30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

4.5 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

4.5.1 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ;
125 V 351 consid. 3b/bb).

Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du
4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170
consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

4.5.2 La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Il appartient aux médecins d'évaluer l'état de santé d'une personne assurée
(c'est-à-dire, de procéder aux constatations nécessaires en effectuant des examens médicaux appropriés, de tenir compte des plaintes de l'intéressé et de poser les diagnostics). En particulier, poser un diagnostic relève de la tâche exclusive des médecins. Il leur appartient aussi de décrire l'incidence de ou des atteintes à la santé constatées sur la capacité de travail. Leur compétence ne va cependant pas jusqu'à trancher définitivement cette question mais consiste à motiver aussi substantiellement que possible leur point de vue, qui constitue un élément important de l'appréciation juridique visant à évaluer quels travaux sont encore exigibles de l'assuré. Il revient en effet aux organes chargés de l'application du droit (soit à l'administration ou au tribunal en cas de litige) de procéder à l'appréciation définitive de la capacité de travail de l'intéressé. On ajoutera que l'évaluation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de
l’ATF 141 V 281. Si l’expert s'acquitte de sa tâche de manière convaincante et sur la base d'une expertise qui a été établie conformément au schéma d'évaluation de l’ATF 141 V 281, il n'y a pas lieu de s'écarter de ses conclusions. Dans le cas contraire, l'organe chargé de l'application du droit devra nier la portée juridique de l'évaluation médicale (ATF 148 V 49 consid. 6.2.1 ; 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_177/2023 du 26 mars 2024 consid. 5.2 ; 9C_99/2022 du
6 février 2023 consid. 4.2 et les références).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

En présence d'atteintes à la santé physique et psychique, le taux de l'incapacité de travail ne résulte pas de la simple addition de deux taux d'incapacité de travail (d'origine somatique et psychique) mais procède bien plutôt d'une évaluation globale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2024 du 27 août 2024 consid. 5.3 et la référence).

4.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.             En l’espèce, il est rappelé que, par décision du 6 février 2009, l’intimé avait accordé à la recourante une demi-rente d’invalidité pour une période limitée du
1er mars 2003 au 30 (recte : 31) mai 2004. Il avait retenu des capacités de travail de 50% dans l’activité habituelle depuis le mois de mars 2002 et de 80% dans une activité adaptée depuis le mois de mars 2004, et fixé le degré d’invalidité à 20% dès cette date, de sorte que la demi-rente était supprimée dès le 1er juin 2024.

L’intimé est entré en matière sur la nouvelle demande de la recourante, déposée le 8 octobre 2018, et a procédé à l’instruction du dossier. Dans sa décision litigieuse du 10 janvier 2023, il a nié le droit de la recourante à une rente d’invalidité, au motif que son degré d’invalidité, fixé à 30%, était inférieur au seuil de 40%. Il a retenu, conformément à l’avis du SMR du 9 janvier 2023, que la recourante était dans l’incapacité d’exercer sa fonction habituelle depuis le 6 mars 2018, mais qu’elle disposait d’une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée dès le
1er décembre 2018. Cette appréciation reposait sur les conclusions du rapport d’expertise du G______ du 20 décembre 2022, aux termes desquelles l’incapacité de travail était liée aux problèmes somatiques et motivée principalement par les troubles lombaires, aucun diagnostic incapacitant n’étant retenu au niveau psychiatrique.

5.1 Dans son ordonnance d’expertise du 3 juillet 2024, la chambre de céans a relevé de nombreuses lacunes dans le rapport du G______. Au niveau somatique, les diagnostics retenus semblaient pour le moins sommaires, voire incomplets, les limitations fonctionnelles énumérées étaient vagues et l’évaluation de la capacité de travail était insuffisamment motivée et en totale contradiction avec celle des autres médecins consultés par la recourante. Sur le plan psychiatrique, elle a également constaté des incohérences et noté que les atteintes retenues par l’experte, ainsi que leurs répercussions sur la capacité de travail, avaient été formellement contestées par le psychiatre traitant de la recourante, qui avait dûment motivé sa position. Elle a également relevé que les experts ne s’étaient pas livrés à une réelle évaluation consensuelle du cas et n’avaient pas discuté de l’interaction des différents troubles, que les ressources de la recourante semblaient avoir été surévaluées et que l’aspect neuropsychologique n’avait fait l’objet d’aucune investigation, malgré le mandat clair du SMR à cet égard.

Elle a ainsi conclu que l’expertise du G______ ne revêtait pas une valeur probante et ne permettait pas de déterminer les diagnostics rhumatologiques et psychiatriques, le caractère incapacitant des atteintes retenues, les limitations fonctionnelles et l’étendue d’une éventuelle capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée. En outre, les rapports des médecins traitants ne suffisaient pas non plus à trancher le litige, eu égard à leur faible densité de motivation et compte tenu du fait qu’il manquait les éléments permettant de juger des interactions entre les différentes atteintes retenues. Elle a ainsi ordonné une expertise rhumatologique et psychiatrique, confiée à la Dre O______ et au Dr P______.

Il convient donc d’examiner la valeur probante de cette expertise judiciaire.

5.2 Au niveau psychiatrique, la chambre de céans rappelle tout d’abord que la
Dre O______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, membre de la FMH, dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation. Elle constate ensuite que son rapport a été rendu après plusieurs entretiens avec l’intéressée et des discussions téléphoniques avec la Dre K______, les Drs J______ et T______ des HUG, ainsi que des entretiens de consilium avec l’expert rhumatologique (rapport p. 1). Son rapport contient des éléments biographiques du point de vue psychopathologique, des anamnèses familiale, professionnelle, socio-affective et médicale (rapport
p. 4-9), les plaintes de l’expertisée, le descriptif d’une journée-type (rapport
p. 10), avec une comparaison « avant-après » (rapport p. 11), une anamnèse psychiatrique (rapport p. 13-16) et un exposé de l’examen clinique (rapport
p. 16-18). L’experte a discuté les diagnostics retenus, leurs dates d’apparition, leur degré de gravité, ainsi que les diagnostics écartés et ceux qu’elle n’était pas en mesure de confirmer (rapport p. 19-22). Elle a ensuite répondu aux questions de l’ordonnance d’expertise (rapport p. 23-35), se prononçant ainsi, entre autres, sur l’évolution des troubles depuis 2018 (rapport p. 25), les limitations fonctionnelles (rapport p. 27), la cohérence et les ressources (rapport p. 28-29), la capacité de travail (rapport p. 30-31), le traitement (rapport p. 31-32) et les avis des autres psychiatres (rapport p. 33-34).

5.2.1 L’intimé conteste l’évaluation de la capacité de travail résiduelle, arrêtée par l’experte psychiatre à 50% depuis janvier 2020. Il a soutenu que l'examen des indicateurs permettait de conclure à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, étant relevé que la recourante ne présentait pas de comorbidité psychiatrique ayant une influence sur la capacité de travail, ni de trouble de la personnalité, ni de trouble psychotique, et que l'épisode dépressif était qualifié de moyen. S'agissant du traitement, la recourante avait un suivi bimensuel, environ une fois par mois sans interprète, n'avait jamais été hospitalisée en milieu psychiatrique, n'avait subi aucune modification de son traitement psychotrope depuis 2020. Ces éléments plaidaient indirectement contre un trouble incapacitant, contre une décompensation du trouble de la personnalité et contre des limitations fonctionnelles significatives. La description de la vie quotidienne n’avait du reste pas été prise en considération pour expliquer l'impact des atteintes sur la capacité de travail, sous l'angle de la cohérence. Dans ces circonstances, l'expertise judiciaire ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante et devait être écartée.

5.2.2 La chambre de céans observe cependant que l’estimation de la capacité de travail par la Dre O______ se fonde bien sur une analyse des indicateurs développés par la jurisprudence.

Concernant le caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic, il est relevé que l’experte a notamment indiqué que les spécialistes ayant examiné l’intéressée avaient admis qu’il y avait eu plusieurs épisodes dépressifs au cours des dernières années, de sorte que ceux-ci étaient qualifiés de récurrents. Ils tendaient à se chroniciser et leur survenue semblait reliée aux épisodes de douleurs relatés depuis presque deux décennies. Le trouble de l’humeur secondaire, avec symptômes dépressifs (CIM-11 ; 6E62.0) et le degré de sévérité de la symptomatologie dépressive était actuellement modérée (rapport
p. 22). Elle a ajouté que ce trouble, certes de gravité moyenne, était présent « en permanence » depuis le mois de janvier 2020 (rapport p. 24). Elle a en outre constaté un ralentissement psychomoteur, l’utilisation d’un vocabulaire simple selon l’interprète et en français parfois, un débit de parole ralenti, une altération de l’attention et de la concentration de façon variable au cours des entretiens, de grandes difficultés à répondre aux questions, même si l’intéressée semblait les avoir bien comprises. Lorsqu’elle ne parvenait pas à répondre, l’expertisée s’enfermait dans le silence et son regard partait alors dans le vague, ce qui engendrait la nécessité de faire des pauses, d’un temps variable entre 15 et
45 minutes à chaque entretien. Elle a souligné une fragilité psychique manifeste dès le début de l’entretien, malgré une attitude très collaborante. La tristesse était congruente aux sujets abordés. Beaucoup d’informations concernant la chronologie des évènements et les dates étaient imprécises, ce qui donnait une impression générale de confusion (rapport p. 17).

La Dre O______ a rappelé les traitements psychotropes prescrits au fil des ans et relevé que le Dr J______ avait évoqué, dans son rapport du 27 février 2023, la prise de Rivotril 2 mg par jour, en sus du Cymbalta prescrit depuis 2020 (rapport p. 15), que le Dr F______ avait mentionné le 3 avril 2020 la prise de Cymbalta 20 mg par jour avec la possibilité de l’augmenter à 60 mg par jour (rapport p. 14), ce qui contredit l’affirmation de l’intimé, selon laquelle le traitement serait « inchangé » depuis 2020. L’experte a rappelé que la recourante s’était vu prescrire, entre 2004 et 2007, du Deanxit, du Seropram, du Xanax, du Seresta, du Temesta, du Citalopram (rapport p. 15). Elle a noté que le traitement antidépresseur avait été modifié à de nombreuses reprises afin de trouver une molécule adaptée, car la réponse était incomplète (rapport p. 31). L’intéressée s’engageait dans ses traitements et demandait des soins. Ses médecins avaient confirmé sa bonne implication, et le dosage sanguin la compliance médicamenteuse (rapport p. 32). S’agissant de l’intervalle entre les rendez-vous spécialisés, elle a expliqué que des entretiens plus fréquents n’apporteraient pas forcément une réponse meilleure, au vu du manque d’introspection (rapport
p. 31). Elle a signalé que l’évolution défavorable faisait partie du petit pourcentage d’individus pour lesquels les traitements intégrés ne donnaient pas de résultats suffisants (rapport p. 28). Ces éléments attestent que la recourante coopère de façon optimale et que le traitement est bien conduit, sans que cela n’ait permis une amélioration des troubles.

S’agissant des comorbidités, il est rappelé que l’experte a retenu deux autres diagnostics, soit une exposition à une catastrophe, à la guerre ou à d’autres hostilités (CIM-11 QE81), apparue lors de la guerre de Bosnie en 1992-1995, lorsque l’intéressée avait été enfermée dans une grange pendant plusieurs jours avec un bébé de quelques mois, en compagnie d’autres femmes, qu’elle avait entendu des cris et vu des tâches de sang sur le mur, ce qui pouvait être considéré comme un événement particulièrement traumatisant (rapport p. 24-25), ainsi que des troubles dissociatifs, dont elle ne pouvait pas dater l’apparition faute de traces dans le dossier, qui étaient de gravité faible (rapport p. 24-25). Elle a expliqué que cette capacité à « décrocher » pouvait être fortement accentuée après une expérience de choc ou de traumatisme intenses, car cette dissociation physiologique était alors un mécanisme de protection psychique permettant d’échapper à la situation en séparant le sujet de la situation dangereuse. Les épisodes de dissociation objectivés en entretiens excédaient la norme, donnant lieu au diagnostic de troubles dissociatifs sans précision (CIM-11 6B6Z ; rapport p. 19). Si les troubles dissociatifs pris isolément n’entrainaient pas de limitations fonctionnelles (rapport p. 27), l’experte a relevé que son examen avait mis en évidence des moments de dissociation, qui duraient de quelques secondes à plusieurs minutes, au cours desquels l’intéressée semblait ailleurs (rapport p. 18). Ainsi, même si ces diagnostics, pris isolément, n’ont pas d’influence sur la capacité de travail, il convient d’en tenir compte dans l’appréciation globale de ladite capacité.

S’agissant des ressources sur le plan somatique, l’experte a estimé que le nombre de critères selon la CIM-11 était suffisant pour démontrer la présence d’un syndrome somatique de la dépression. Sur le plan psychique, elle a relevé l’absence d’introspection, le peu d’élaboration, un niveau intellectuel limité, et le soutien de ses proches (rapport p. 29). Elle a fait état d’une baisse drastique de l’estime de soi (rapport p. 26-27), qui provenait du sentiment d’inutilité (rapport p. 31). L’expertisée se décrivait spontanément comme « inutile », incapable de gagner son argent (rapport p. 10), « nulle », incapable d’aller travailler, elle s’en voulait et était en colère contre elle-même tous les matins lorsqu’elle voyait les autres membres de la famille partir au travail ou aux études, ce qui accentuait son sentiment d’être « bonne à rien » (rapport p. 20). Elle n’avait pas de projets d’avenir (rapport p. 15). Ces considérations permettent de conclure à l’absence de ressources personnelles et adaptatives suffisantes.

Concernant le contexte social, la Dre O______ a noté que l’intéressée pouvait compter sur le soutien de sa famille et qu’elle entretenait des rapports harmonieux avec son époux et ses enfants (rapport p. 6). Mais elle a également relevé que l’expertisée ne sortait plus et se sentait très isolée, qu’elle avait perdu la plupart de ses amis, sauf deux amies qui venaient encore lui rendre visite (rapport p. 8, 12), qu’elle voyait de moins en moins d’amis, que son univers social s’était considérablement restreint, que les tâches ménagères étaient pour la plupart confiées aux membres de la famille (rapport p. 28). Il appert donc que les seules ressources préservées sont les relations maintenues avec l’époux et les enfants, soit les membres de la famille dont l’intéressée dépend. On ne saurait donc en conclure que le contexte de vie de la recourante est propre à lui procurer des ressources mobilisables pour surmonter ses troubles et leurs répercussions sur sa capacité de travail.

Quant à la cohérence, l’experte psychiatre a expliqué que son examen avait mis en évidence des moments de dissociation, qui duraient de quelques secondes à plusieurs minutes, au cours desquels l’intéressée semblait ailleurs. De plus, des troubles de la concentration et de la mémoire ajoutaient de la confusion à ce tableau, ce qui pouvait donner un sentiment d’irritation à l’interlocuteur (rapport p. 18). Elle a précisé ne pas suspecter de simulation (rapport p. 18). Interrogée sur les limitations fonctionnelles, elle a noté avoir observé un ralentissement psychomoteur, une tristesse, des troubles de la concentration et une baisse drastique de l’estime de soi, sans discordances, s’agissant du diagnostic de trouble de l’humeur secondaire avec symptômes dépressifs (rapport p. 26-27). Le tableau clinique était cohérent (rapport p. 27), il n’y avait pas de démonstrativité, d’exagération des symptômes, et la symptomatologie dépressive avait été objectivée lors des entretiens, ce qui concordait avec certains éléments de l’anamnèse (rapport p. 28). L’intéressée s’était montrée authentique (rapport
p. 29). La médecin a comparé les activités sociales avant et après l’atteinte à la santé, et rapporté que l’expertisée adorait voir des gens, lorsqu’elle allait bien, discuter avec des amies, qu’elle était très méticuleuse et aimait tenir sa maison bien propre. Désormais, elle ne faisait plus le ménage, ne sortait plus et se sentait très isolée. Elle avait perdu la plupart de ses amis (rapport p. 12). Ces indications plaident en faveur d’une limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines, alors que la recourante est très demandeuse de soins et s’engage dans ses traitements (rapport p. 32).

La Dr O______ a considéré que le trouble de l’humeur secondaire avec symptômes dépressifs impactait tous les domaines de la vie, et toute activité professionnelle Au vu des limitations fonctionnelles, la capacité de travail s’élevait à 50% du point de vue psychiatrique, ce qui permettait de prévoir des temps de repos et de récupération, depuis le mois de janvier 2020 (rapport p. 30).

Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans considère que l’experte psychiatre a dûment motivé les raisons l’ayant conduite à retenir une diminution considérable de la capacité de travail. Il sera rappelé principalement la présence d’un trouble psychiatrique de gravité modérée, mais permanent depuis plusieurs années sans aucune amélioration, en dépit d’une coopération optimale et d’un traitement prescrit selon les règles de l’art.

5.2.3 L'intimé s’est aussi référé à l’avis du 28 mars 2025 de la Dre S______ pour remettre en cause l’évaluation de l’experte psychiatre.

La médecin du SMR a contesté l’appréciation de la Dre O______ quant aux conclusions de l'expertise effectuée en 2022 par la Dre N______, soutenant que l’examen clinique de cette dernière n’avait pas mis en évidence d'éléments objectifs pour retenir le diagnostic de trouble dépressif. En effet, initialement triste, l’intéressée avait par la suite souri en évoquant son petit-fils. Il n’y avait pas de sentiment de culpabilité, d'idéation thanatique, de sentiment de ruine, de perte de confiance en soi, d'isolement social ou d'aboulie, de ruminations permanentes ou de manifestations neurovégétatives laissant suggérer la présence de phénomènes anxieux marqués, un ralentissement psychomoteur constaté ni de troubles cognitifs. La Dre N______ avait relaté des baisses de thymie occasionnelles, en lien avec les douleurs et la météo, des variations thymiques, d'ordre physiologique et adaptatif, qui n'étaient pas suffisamment prononcées pour retenir un diagnostic séparé ou de trouble anxio-dépressif ou de dysthymie. Les quelques troubles cognitifs retenus en cas de douleurs plus intenses ou troubles du sommeil, avec une concentration diminuée ou des difficultés d'apprentissage et de mémorisation, étaient des données subjectives de l’intéressée, de même que les difficultés dans l'apprentissage de la langue française, lors de l'analyse des indicateurs standards. L’experte avait effectué une comparaison avant/après, mais il manquait la description de la journée-type décrite lors de l'expertise de 2022. En outre, le SMR s'étonnait de la non validité des tests de validation des symptômes lors du bilan neuropsychologique, que l’experte avait mis sur le compte du trouble dissociatif ou d'un problème de compréhension de consignes, ce qui était peu cohérent en présence d'un interprète. Les ressources internes avaient été évaluées comme limitées en raison d'un niveau intellectuel limité et du manque d'introspection. Toutefois, la recourante avait pu émigrer en Suisse avec sa famille et travailler en tant que femme de ménage pendant plusieurs années, et l’incapacité de travail avait été principalement motivée par les lombalgies. Lors de l'expertise de 2022, elle avait déclaré souhaiter retrouver une activité professionnelle et être indépendante financièrement. Cependant elle n'arrivait pas à maitriser le français malgré la participation à des cours, encore en 2022. Ses ressources externes étaient assurées par la famille, les soignants, et en 2022, elle déclarait voire encore quelques amies, moins actuellement. Elle était suivie par un psychiatre, ne parlant pas sa langue maternelle, une fois par mois, en présence de sa fille. L'experte avait proposé de poursuivre le même traitement, alors qu'il était inchangé depuis plusieurs années. L'analyse des activités quotidiennes relevait des différences entre 2022 et actuellement, que l'experte n'avait pas relevées. En 2022, l’intéressée déclarait faire quelques courses légères, mettre et débarrasser la table de temps à autre, se promener deux fois par jour une demi-heure, mettre en marche les lessives, confectionner du pain à la main, tricoter, sans autres loisirs (qu'elle n'avait jamais eus), rencontrer au moins des amies régulièrement chez elle et au café, partir en vacances une fois par an en Bosnie, en avion ou en voiture. Actuellement, elle déclarait ne plus tricoter, ne participait à aucune tâche ménagère, les vacances n'étaient pas modifiées, mais elle ne sortait plus, et avait juste deux amies qui venaient la voir à domicile. Au vu de ces éléments, le SMR estimait qu'il ne pouvait suivre les conclusions de l’expertise psychiatrique, de sorte qu’il maintenait sa précédente appréciation.

5.2.4 La chambre de céans constate d’emblée que le SMR n’a pas fait état de contradictions dans l’expertise judiciaire, ni relevé d’erreurs ou d’éléments importants qui auraient été omis. Son rapport se limite à relever des différences d’évaluation entre les deux expertes mandatées, la première par l’intimé et la seconde dans le cadre de l’expertise judiciaire.

En ce qui concerne l’appréciation de la Dre N______, la chambre de céans rappelle avoir déjà relevé, dans son ordonnance d’expertise, plusieurs raisons pour lesquelles cette seconde expertise du G______ ne pouvait pas se voir reconnaître une valeur probante. Contrairement à ce que soutient le SMR, la Dre N______ avait fait état de constats objectifs permettant de douter de la rémission du trouble dépressif récurrent. Elle avait notamment observé que l’expertisée était par moment distraite et faisait des efforts pour se focaliser (rapport p. 30), que l’humeur restait fluctuante avec une tristesse initiale (rapport p. 31), que l’intéressée avait tendance à répondre « à côté », ce qui nécessitait des clarifications. Elle avait remarqué une fatigue et un « moment de détachement émotionnel » (rapport p. 31). On ne saurait donc considérer que les « quelques troubles cognitifs » ne survenaient qu’en cas de douleurs plus intenses ou de troubles du sommeil, ni que les difficultés de concentration et d'apprentissage étaient uniquement subjectives. En outre, que la recourante ait souri à l’évocation de son petit-fils, qu’elle n’ait pas présenté de ruminations « permanentes » ni de signes en faveur de phénomènes anxieux « marqués », ne permettait pas de conclure à la rémission du trouble attesté par d’autres psychiatres. Il sera encore rappelé que la recourante avait décrit, à l’experte N______, des baisses de thymie occasionnelles, en lien avec les douleurs et la météo, et des idées suicidaires fugaces, sans projet (rapport p. 32). Au vu des douleurs persistantes touchant la colonne lombaire, les deux épaules, les deux genoux et les talons (rapport p. 13 de l’expertise du Dr M______), il est surprenant que la Dre N______ ait pu conclure que la recourante ne présentait que des baisses « occasionnelles » de la thymie, qui témoignait d’une rémission d’un trouble pourtant admis comme étant récurrent.

Le fait que la Dre O______ n’ait pas mentionné la description de la
journée-type décrite lors de l'expertise de 2022, dans sa comparaison avant/après, n’est pas déterminant. L’experte judiciaire a suffisamment développé les motifs la conduisant à ne pas valider la rémission du trouble dépressif retenu par la
Dre N______, rappelant notamment les appréciations au dossier depuis 2018. Elle a constaté, à l’étude de celui-ci, qu’elle n’avait pas d’éléments pour nourrir la thèse d’une rémission des symptômes dépressifs depuis janvier 2020 (rapport
p. 26) et que le profil de la symptomatologie dépressive faisait plutôt évoquer un trouble dont l’intensité fluctuait, certes, mais qui ne s’était jamais complètement améliorée, depuis janvier 2020 (rapport p. 33).

Concernant le bilan neuropsychologique du 15 octobre 2024, qualifié de non interprétable par les rédacteurs du rapport en raison de l’investissement de l’expertisée, des incohérences retrouvées cliniquement et des facteurs intégrés significatifs, il sied de rappeler que la Dre O______ a dûment argumenté sa position. Elle a exposé que les moments de dissociation et les troubles de la concentration et de la mémoire engendraient une confusion et pouvaient donner un sentiment d’irritation à l’interlocuteur (rapport p. 18). Malgré la présence d’une interprète de la langue maternelle de la recourante, l’experte judiciaire a constaté à réitérées reprises les difficultés pour répondre aux questions de l’intéressée, qui se murait alors dans le silence et semblait absente. Son interprétation des résultats du bilan repose donc sur son examen clinique et sa propre évaluation de l’état de santé psychique de l’expertisée.

Que la recourante ait été en mesure d’émigrer en Suisse et d’y travailler pendant plusieurs années ne permet pas de tirer des conclusions sur l’étendue de ses ressources internes au moment de l’expertise. De surcroît, la Dre O______ a clairement expliqué que la recourante était limitée par son niveau intellectuel et son manque d'introspection. Elle a également justifié les raisons pour lesquelles elle a considéré que la capacité de travail était de 50% depuis janvier 2020, même si l’expertisée avait alors déclaré souhaiter retrouver une activité professionnelle et être indépendante financièrement. C’est le lieu de relever que l’intéressée ne s’était aucunement déclarée apte à travailler à plein temps.

Concernant la poursuite du même traitement depuis plusieurs années, elle s’explique par les nombreux changements qui ont été nécessaires avant de pouvoir identifier une molécule adaptée. Quant au fait que le psychiatre traitant ne parle pas la langue maternelle de la patiente, la Dre O______ s’en est étonnée, mais elle a également expliqué, de façon pragmatique, qu’il était difficile de trouver un expert de la langue maternelle du patient et que l’alliance avec le psychiatre traitant était très bonne, ce qui était très important (rapport p. 32). Elle a
elle-même constaté que la timidité initiale de l’expertisée s’était diluée au cours des entretiens, et que l’intéressée semblait plus à l’aise au fur et à mesure, qu’elle parlait plus volontiers, y compris en français peu élaboré (rapport p. 16).

Enfin, la Dre O______ a pris en considération le fait qu’il y avait eu un long laps de temps sans plaintes ni suivi médical psychothérapeutique, au cours duquel l’intéressée avait pu être enceinte, accoucher et travailler, de 2009 à 2018 (rapport p. 22). Elle a également tenu compte du fait que l’arrêt de travail de 2018 avait été donné pour des douleurs, que les rapports médicaux ne faisaient alors pas état d’une symptomatologie dépressive, et que le suivi psychiatrique avait débuté en
janvier 2020, avec un traitement psychotrope (rapport p. 22). C’est précisément la raison pour laquelle elle n’a pas attesté d’une incapacité de travail sur le plan psychique pour les années antérieures à 2020.

Enfin, l’experte psychiatre a relaté que l’intéressée avait souligné que les interprètes étaient albanais lors des précédentes expertises, ce qui l’avait considérablement gênée, car ce n’était pas la même langue (rapport p. 3). À ce propos, la chambre de céans notera que cette précision permet d’expliquer les quelques divergences dans les anamnèses personnelles telles que retracées par les différents psychiatres ayant examiné la recourante.

Partant, la chambre de céans ne peut que constater que le SMR et l’intimé n’ont soulevé aucun élément justifiant de douter du bien-fondé des conclusions de la Dre O______, étant rappelé que le juge ne s’écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, dès lors que la tâche de l'expert est précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

5.2.5 La recourante pour sa part indique se rallier aux conclusions de l’expertise pour la période postérieure au 1er janvier 2020. Elle conclut en revanche à l’octroi d’une rente d’invalidité entière pour la période du 1er avril au 31 décembre 2019, de sorte qu’elle remet en cause les conclusions des experts s’agissant de sa capacité de travail pour la période antérieure à 2020.

5.2.6 La chambre de céans rappelle à cet égard que la Dr O______ a indiqué ne pas être en mesure de confirmer l’existence d’une incapacité de travail sur le plan psychique avant 2020. Elle a expliqué qu’il était possible, pour le versant dépressif, que les troubles de l’humeur se soient déclarés avant janvier 2020, mais qu’elle n’en avait pas de preuves médicales, de sorte qu’elle s’en tenait à cette date pour dater le début de la symptomatologie dépressive (rapport p. 22). Pour le versant anxieux, il était tout à fait possible qu’une composante anxieuse ait été présente par le passé, mais elle n’avait pas retrouvé des troubles anxieux à l’examen clinique (rapport p. 22).

Cette appréciation emporte la conviction de la chambre de céans, puisqu’aucun diagnostic psychiatrique n’a été retenu lors de l’examen du SMR de 2007 et que ce n’est qu’à partir du début de l’année 2020 que la recourante a repris un suivi psychiatrique et que des troubles ont été attestés, avec l’introduction d’un traitement médicamenteux. Il est en outre rappelé que les arrêts de travail attestés dès le 6 mars 2018 ont été motivés par des troubles physiques uniquement, sans mentionner d’éventuels troubles psychiques (cf. rapports du Dr C______ des 5 et 13 novembre 2018, 23 avril, 21 juin, 25 septembre, 2 octobre 2019, 15 janvier 2020 ; rapports du Dr B______ des 5 mars, 27 avril, 6 juin, 19 juillet, 8 novembre 2018, 15 janvier 2019). Le syndrome anxio-dépressif a été signalé pour a première fois par la Dre D______ et le Dr F______ dans leur rapport du 4 mars 2020.

5.2.7 En définitive, aucun indice concret ne permet de s’écarter des conclusions du rapport d’expertise psychiatrique, dûment motivées et convaincantes, rendues après une analyse fouillée du dossier de la recourante et un examen psychiatrique complet. Les points litigieux ont fait l’objet d’investigations approfondies et l’experte a dûment motivé ses conclusions, en tenant compte des indicateurs développés par la jurisprudence.

Le rapport de la Dre O______ remplit tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine force probante.

5.3 Au niveau somatique, le Dr P______, spécialiste en rhumatologie et membre de la FMH, est également manifestement compétent pour répondre à la mission confiée. Son rapport contient un résumé détaillé du dossier médical, ainsi que des rapports remis par la recourante, soit un rapport d’IRM de la colonne lombaire du 6 janvier 2022, un rapport d’EOS de la colonne totale du 8 mars 2023 et un rapport de la Dre D______ du 17 février 2024, et ceux obtenus auprès de la Dre D______, dont des rapports du Dr F______ des 29 avril, 10 juillet et
24 décembre 2020, 5 juillet et 6 septembre 2021, 27 février 2023, des rapports d’ultrason de la hanche droite du 26 janvier 2022 et des genoux du 10 août 2022, d’ENMG du 2 septembre 2024, d’IRM lombaire effectuée aux HUG le
3 octobre 2024, et un courriel de la Dre D______ du 11 septembre 2024 (rapport p 8-71). L’expert a consigné les plaintes de l’expertisée (rapport p. 72) et présenté des anamnèses systémique, familiale, professionnelle et sociale, ainsi que le déroulement d’une journée-type et les habitudes de l’intéressée (rapport p. 77). Il a livré le résultat de ses constatations objectives suite à son examen clinique (rapport p. 77-81), lequel a compris des échographies des deux épaules, avant de se déterminer sur les diagnostics (rapport p. 81-88), les limitations fonctionnelles (rapport p. 89), la capacité de travail (rapport p. 90-92), le traitement (rapport
p. 92-93). Il a également apprécié les autres avis médicaux au dossier (rapport
p. 93-101) et consigné son évaluation consensuelle avec l’experte psychiatre (rapport p. 103-104), qui a été reprise dans un document séparé, reçu par la chambre de céans le 4 février 2025.

5.3.1 L’intimé estime que la situation somatique est comparable à celle évaluée par le Dr M______ en 2022, bien que l’expert judiciaire ait conclu à une capacité de travail résiduelle un peu plus importante, et ne conteste pas les conclusions de l’expertise rhumatologique.

La recourante en revanche soutient que ses troubles somatiques entrainent plus de répercussions que celles admises par l’expert rhumatologique.

5.3.2 L’expert a diagnostiqué un status post-spondylodèse L5-Sl avec vis transpédiculaires et tiges postérieurs, ALIF L5 par deux vis, sans signes de complication et persistance d'un antélisthésis de L5 de grade I-II, de lombalgies chroniques d'origine mixte, de chondromalacie fémoropatellaire stade IV du genou gauche, de tendinopathie du tendon sus-épineux bilatérale aux épaules prédominant à droite, d'arthrose des auriculaires, et d'obésité modérée. Il a considéré que la capacité de travail de la recourante était nulle dans sa fonction habituelle de nettoyeuse depuis 2004, qu’elle était également restée stable depuis lors dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, en dehors de la période de convalescence et de rééducation après les opérations du rachis lombaire entre avril et novembre 2018. Un travail adapté à un taux horaire de 100% était envisageable, mais les lombalgies chroniques provoqueraient, en cas d’un tel exercice, une baisse de rendement d'environ 10% en raison de la fatigabilité induite par les douleurs. À titre de restrictions, l’expert a retenu que la mobilité lombaire était limitée en flexion, extension et rotation du tronc, que la durée de la position assise était restreinte à une heure de suite, que la position statique debout devait être évitée, que le port de charge était limité à 5 kg, que les activités les coudes au-dessus de l'horizontale et les gestes répétitifs étaient contre-indiqués, et que la marche était possible jusqu'à 30 minutes sur terrain plat.

La recourante ne conteste pas ces diagnostics, ni ces restrictions. Si elle considère que sa capacité de travail résiduelle est moindre que celle admise par l’expert, force est de constater qu’elle ne fait valoir aucune contradiction ni le moindre indice tangible susceptible de remettre en cause le rapport de ce spécialiste.

La chambre de céans rappellera que ce document se fonde sur l’intégralité du dossier médical de la recourante, des examens radiologiques exhaustifs et les constatations objectives de l’expert. Ce dernier a dûment pris en considération les plaintes de l’intéressée et a soigneusement justifié son appréciation. Aucun élément ne justifie de s’écarter de ses conclusions, claires et bien motivées, qui reposent sur une analyse approfondie et complète de la situation médicale.

Elle considère donc que le rapport d’expertise judiciaire du Dr P______ répond aux exigences jurisprudentielle en matière de valeur probante. Cela étant, il appert que les atteintes somatiques dont souffre la recourante n'ont pas modifié sa capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée, qui est restée stable depuis 2004 selon l’expert judiciaire. Ce dernier a toutefois apprécié différemment le taux de ladite capacité, la fixant à 90% en raison d’une diminution de rendement de 10%, contre un taux de 80% précédemment admis par les examinateurs du SMR en 2007 et par l’intimé dans sa décision du 6 février 2009, entrée en force.

Il s’agit ainsi d’une simple appréciation différente d'une même situation médicale, ce qui ne constitue pas un motif de révision.

5.4 Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans tiendra pour établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante a continué à disposer d’une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée à ses troubles physiques jusqu’au 31 décembre 2019 et que ladite capacité a diminué à 50% à partir du 1er janvier 2020, compte tenu des atteintes à la santé psychique et physique qui s’influencent, conformément aux conclusions de l’expertise judiciaire.

6.             Reste à se déterminer sur le degré d’invalidité, étant rappelé que l’intimé a retenu que le statut de la recourante était celui d’une personne se consacrant à temps complet à son activité habituelle, ce qui n’est pas litigieux.

7.             Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et
16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

7.1 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références).

7.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS
(ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans le tableau TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (arrêts du Tribunal fédéral 9C_291/2023 du 30 janvier 2024 consid. 6.3.1 ; 9C_325/2022 du 25 mai 2023 consid. 6.2 et les références). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 ; 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3). La mise en œuvre d'une expertise judiciaire, avec pour conséquence l'annulation de la décision de refus de rente et l'octroi à titre rétroactif d'une rente échelonnée dans le temps, entraîne l'application par analogie des règles sur la révision. Si, dans un tel contexte, le tribunal statue sur le droit à la rente pour une période allant au-delà de la date de la décision dans le cadre d'une extension temporelle de l'objet de la contestation, alors c'est la table de l'ESS publiée la plus récente au moment du jugement du tribunal qui est déterminante en ce qui concerne l'échelonnement de la rente
(ATF 150 V 67 consid. 5.2).

Les tableaux TA1 de l’ESS 2022 ont été publiés le 29 mai 2024, ceux de l'ESS 2020 le 23 août 2022 et ceux de l’ESS 2018 le 21 avril 2020.

Le salaire fondé sur les ESS doit être adapté à l’horaire de travail usuel de la branche, et indexé à l’année déterminante en tenant compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408).

Le cas échéant, il y a lieu d'adapter le salaire statistique à l'évolution des salaires nominaux en appliquant soit le chiffre définitif de l'indice suisse des salaires nominaux publié au moment déterminant de la décision litigieuse, soit la plus récente estimation trimestrielle (ATF 143 V 295 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2).

Selon la jurisprudence, le résultat exact du calcul du degré d’invalidité doit être arrondi au chiffre en pour cent supérieur ou inférieur selon les règles applicables en mathématiques. En cas de résultat jusqu'à x.49%, il faut arrondir à x% et pour des valeurs à partir de x.50%, il faut arrondir à x+1 % (ATF 130 V 121
consid. 3.2).

7.2.1 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret. D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et ss et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393
consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement mieux rémunéré que le travail à temps partiel ; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_49/2018 du 8 novembre 2018 consid. 6.2.2.2). Cela étant, si selon les statistiques, les femmes exerçant une activité à temps partiel ne perçoivent souvent pas un revenu moins élevé proportionnellement à celles qui sont occupées à plein temps (par ex., arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2), la situation se présente différemment pour les hommes ; le travail à temps partiel peut en effet être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs à temps partiel de sexe masculin (arrêt du Tribunal fédéral 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.2).

Une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_280/2022 du 1er mars 2023 consid. 7.2.3 et les références).

Les limitations fonctionnelles justifiant une diminution de rendement déjà prises en compte dans l'évaluation de la capacité de travail n'ont pas à être retenues une seconde fois lors de la détermination de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/2020 du 27 août 2021 consid. 6 et la référence).

La prise en compte d'un abattement en raison des années de service ne se justifie guère dans le cadre du choix du niveau de compétences 1, l'influence de la durée de service sur le salaire étant peu importante dans cette catégorie d'emplois qui ne nécessitent ni formation ni expérience professionnelle spécifique ni par ailleurs une bonne maitrise d'une langue nationale (arrêt du Tribunal fédéral C_280/2022 du 1er mars 2023 consid. 7.2.4 et les références).

7.2.2 Selon l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis RAI, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique.

Le Tribunal fédéral a considéré que le régime de déduction sur les salaires statistiques des ESS, tel que prévu de manière exhaustive à l’art. 26bis al. 3 RAI (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023), n’est pas compatible avec le droit fédéral. Il a notamment relevé qu’il ressortait des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LAI (Développement continu de l’AI), que la jurisprudence actuelle en matière d’abattement devait être, pour l’essentiel, reprise et que la méthode d’évaluation du taux d’invalidité devait, en principe, rester inchangée. Or, en limitant la déduction à 10% dans le cas où les capacités fonctionnelles de la personne assurée ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins (cf. art. 26bis al. 3 RAI), le Conseil fédéral avait choisi une autre voie. Par conséquent, si en raison des circonstances du cas d’espèce, le salaire statistique des ESS doit être adapté au-delà de ce que prévoit l’art. 26bis al. 3 RAI, il y a lieu de recourir, en complément, à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Tribunal fédéral (ATF 150 V 410 consid. 10.6).

7.2.3 Le 1er janvier 2024, la modification de l’art. 26bis RAI du 18 octobre 2023 (RO 2023 635) est entrée en vigueur.

Dans sa nouvelle teneur, l’art. 26bis RAI prévoit que si l’assuré ne réalise pas de revenu déterminant, le revenu avec invalidité est déterminé en fonction des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3. Pour les assurés visés à l’art. 26 al. 6 des valeurs indépendantes du sexe sont utilisées, en dérogation à l’art. 25 al. 3
(al. 2). Une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49 al. 1bis de 50% ou moins, une déduction de 20% est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.

Selon l’al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du
18 octobre 2023, pour les rentes en cours à l’entrée en vigueur de cette modification qui correspondent à un taux d’invalidité inférieur à 70% et pour lesquelles le revenu avec invalidité a été déterminé sur la base de valeurs statistiques et n’a pas déjà fait l’objet d’une déduction de 20%, une révision est engagée dans les trois ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente modification. Si la révision devait conduire à une diminution ou à une suppression de la rente, il y sera renoncé. Si elle devait conduire à une augmentation de la rente, celle-ci prendra effet à l’entrée en vigueur de la présente modification.

Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, mais antérieure au 1er janvier 2024, la situation est régie par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références ; OFAS, CIRAI, état au 1er janvier 2024, ch. 9201).

7.3 Aux termes de l’art. 88a al. 2 RAI, si l’incapacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels ou l’impotence ou le besoin de soins découlant de l’invalidité d’un assuré s’aggrave, il y a lieu de considérer que ce changement accroît, le cas échéant son droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. L’art. 29bis est toutefois applicable.

Conformément à l’art. 88bis al. 1 RAI, l’augmentation de la rente, de l’allocation pour impotent ou de la contribution d’assistance prend effet, au plus tôt : si la révision est demandée par l’assuré, dès le mois où cette demande est présentée (let. a) ; si la révision a lieu d’office, dès le mois pour lequel on l’avait prévue (let. b) ; s’il est constaté que la décision de l’office AI désavantageant l’assuré était manifestement erronée, dès le mois où ce vice a été découvert (let. c).

Lorsque la personne assurée subit plusieurs atteintes à la santé, le délai d'attente d'une année sans interruption notable ne doit pas être pris en compte séparément pour chaque affection (arrêt du Tribunal fédéral 9C_408/2023 du 23 avril 2024 consid. 6 et les références).

Dans une telle constellation, le délai d'attente de trois mois de l'art. 88a al. 2 RAI n'est pas non plus applicable, dès lors que cette disposition, qui est étroitement liée à un cas de révision, suppose l’existence d’une invalidité donnant déjà droit à une rente (arrêt du Tribunal fédéral 9C 408/2023 du 23 avril 2024 consid. 6 et les références).

8.             En l’espèce, le droit éventuel à une rente a pris naissance le 1er avril 2019, ce qui est admis par les parties.

8.1 Cependant, comme relevé précédemment, la nouvelle appréciation du
Dr P______ s’agissant du taux de la capacité de travail dans une activité adaptée ne constitue pas un motif de révision.

Il n’y a donc pas lieu de procéder à un nouveau calcul pour évaluer le degré d'invalidité de la recourante entre les 1er avril et 31 décembre 2019, lequel n’atteint pas le seuil requis pour donner droit à une rente, selon la décision du
6 février 2009 entrée en force.

8.2 Compte tenu de l’aggravation de l’état de santé de la recourante à compter du
1er janvier 2020 et de la diminution de sa capacité résiduelle de travail, fixée à 50% dès cette date, il convient de procéder à un nouveau calcul, les conditions de l’art. 17 al. 1 LPGA étant réalisées.

Le revenu sans invalidité retenu par l’intimé pour 2019, soit CHF 50'395.-, est admis et repris par la recourante. Rien ne justifie de s’en écarter. Ce montant doit être adapté à l'évolution des salaires nominaux en 2020 (indice de 2759 en 2019 et de 2784 en 2020, pour une femme, tableau T39 « Évolution des salaires nominaux, des prix à la consommation et des salaires réels »). Il s’élève ainsi à CHF 50'852.-.

Concernant le revenu avec invalidité, il convient de se référer à l'ESS 2020, et non pas à l’ESS 2018, puisque les données statistiques de 2020, publiées le
23 août 2022, étaient disponibles lors du prononcé de la décision du
10 janvier 2023. Conformément à la jurisprudence, le tableau de référence est le TA1_tirage_skill_level. Il en ressort un montant de CHF 4'276.- (ligne total, pour une femme, niveau de compétences 1), soit CHF 51'312.- par année. Ce salaire hypothétique se base toutefois sur une durée hebdomadaire de travail de
40 heures, inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises. Il convient ainsi de l'ajuster à la durée hebdomadaire normale de travail en 2020, laquelle est de 41.7 heures (tableau « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique »), ce qui porte le salaire annuel à CHF 53'493.- en 2020, année de la naissance du droit à la rente, pour un plein temps. Compte tenu du taux d’activité de 50%, ce montant est ramené à CHF 26'747.-. Enfin, si l’intimé avait appliqué un abattement de 20% afin de tenir compte des années de service dans la même profession, du taux d’occupation et du fait que seule une activité légère était possible (cf. dossier page 490) et que cette réduction a été reprise par les deux parties dans leurs dernières écritures, la chambre de céans rappellera que l’intimé avait admis cette réduction pour une capacité de travail exigible de 80%. Or, le gain d’invalide retenu désormais sur la base d’un taux de 50% tient déjà compte des limitations fonctionnelles, en particulier de la fatigabilité induite par les douleurs et de la nécessité de se reposer. Les autres restrictions n’entrent pas en considération, car il existe un éventail suffisamment large d'activités accessibles à la recourante sur un marché du travail équilibré. En outre, la prise en compte d'un abattement en raison des années de service ne se justifie pas dans le cas présent, compte tenu du niveau de compétences 1 retenu. Enfin, l’âge de la recourante ne justifie pas non plus un abattement sur les valeurs statistiques. Le revenu avec invalidité est donc fixé à CHF 26'747.- pour 2020.

La perte de gain s’élève ainsi à CHF 24'105.-, correspondant à un degré d’invalidité de 47.40% arrondi à 47% ([CHF 50'852.- - CHF 26'747.-] x 100 : CHF 50'852.-, ce qui ouvre le droit à un quart de rente, depuis le 1er janvier 2020.

8.3 Pour la période subséquente, il est relevé que le changement de réglementation ne relève pas d’une modification de la situation personnelle d’un assuré, seule susceptible de conduire à une révision selon les principes développés par la doctrine et la jurisprudence. Or, depuis le 1er janvier 2020, l’état de santé de la recourante est stable. Les diagnostics, les limitations fonctionnelles et leurs répercussions sur la capacité de travail et de gain de l’intéressée sont demeurés inchangés. Dès lors que le droit à la rente de la recourante est né avant le
1er janvier 2022 et qu’aucun motif de révision n’est donné, une application de l’art. 26bis al. 3 RAI dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2022 au
31 décembre 2023 n’entre pas en ligne de compte.

Dès 2024, une réduction automatique de 20% doit être appliquée. En effet, la recourante était au bénéfice d’un quart de rente lors de l’entrée en vigueur de la modification du 18 octobre 2023, correspondant à un taux d’invalidité inférieur à 70% et pour laquelle le revenu avec invalidité a été déterminé sur la base de valeurs statistiques et n’a pas déjà fait l’objet d’une déduction de 20%.

Le revenu sans invalidité de CHF 50'395.- pour 2019 correspond, compte tenu de l'évolution des salaires nominaux en 2024 (indice de 2759 en 2019 et indice de 2946 pour 2024, pour une femme, selon le tableau T39), à un montant de
CHF 53'811.-.

Le salaire avec invalidité doit être déterminé en se basant sur les salaires statistiques de l'ESS de l'année 2022 (TA1_tirage_skill_level, ligne total, femme, niveau de compétence 1), soit un montant mensuel de CHF 4'367.-, annualisé à
CHF 52'404.-. Ce salaire doit être adapté à l'horaire de travail moyen
(41.7 heures par semaine en 2024), à l'évolution des salaires nominaux pour les femmes en 2024 (indice de 2946 pour 2024 et de 2822 pour 2022, pour une femme, selon le tableau T39) et au taux d'activité raisonnablement exigible de la recourante (50%). Il s’élève ainsi à CHF 28'516.-. De ce montant, il convient encore d'appliquer la déduction forfaitaire de 20%. Le revenu d'invalide s'élève ainsi à CHF 22'813.- par année.

La comparaison des revenus avec et sans invalidité abouti à un degré d'invalidité de 57.6%, arrondi à 58% ([CHF 53'811.- - CHF 22'813.-] x 100 : CHF 53'811.-).

Le taux d’invalidité de la recourante subit donc une modification d’au moins
5 points de pourcentage, de sorte que la recourante a droit à une rente de 58% dès le 1er janvier 2024.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du
10 janvier 2023 annulée, en ce sens que la recourante a droit à un quart de rente depuis le 1er janvier 2020 et à un 58% d’une rente entière d’invalidité dès le
1er janvier 2024.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de
CHF 3'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens
(art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 10 janvier 2023.

4.        Dit que la recourante a droit à un quart de rente depuis le 1er janvier 2020 et à un 58% d’une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2024.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 3'500 - à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le