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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1797/2023

ATAS/104/2025 du 23.01.2025 ( AVS ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1797/2023 ATAS/104/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 janvier 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Jacques ROULET, avocat

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. La société B______ (ci-après : la société), inscrite au Registre du commerce (ci-après : RC) le 23 octobre 2017, avait pour but social : « tous travaux de ravalement et rénovation de façades de bâtiments sur tous types de support et avec tous types de revêtements, ainsi que les travaux d’isolation périphérique des bâtiments la vente de tous matériaux d’isolation et de revêtement de bâtiments ». Le capital social était de CHF 20'000.-.

b. Monsieur C______, originaire de Tunisie, domicilié en France, détenteur de 160 parts à CHF 100.-, en a été associé gérant président avec signature individuelle. Monsieur D______, domicilié en France également, détenteur de 40 parts à CHF 100.-, en a été associé gérant avec signature collective à deux jusqu’au 29 octobre 2018, date à laquelle il est devenu simple associé gérant. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé) a quant à lui été directeur avec signature individuelle jusqu’au 9 juillet 2019 (cf. inscription au RC).

c. Le 31 mai 2019, la caisse a adressé à l’office des poursuites (ci-après : OP) une réquisition de poursuite contre la société pour la somme de CHF 10'058.35 correspondant aux cotisations salariales 2018, plus 5% d’intérêts moratoires à compter du 24 janvier 2019.

d. Le 27 mai 2020, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société, puis, le 15 octobre 2020, la suspension de la faillite faute d’actifs.

e. Par décision du 15 mars 2023, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a réclamé à A______ le paiement de CHF 11'199.30, correspondant au dommage occasionné à la caisse par le non-paiement des cotisations paritaires AVS-AC-AMat et contributions d’allocations familiales impayées pour l’année 2018 sur les salaires (CHF 97'810.65). Ce montant incluait également les frais d’administration, de sommations et de poursuites, ainsi que les intérêts moratoires selon le décompte suivant :

Cotisations AVS

CHF

10'025.60

Cotisations AC

CHF

2'151.85

Contributions AF

CHF

2'396.35

Cotisations Amat

CHF

90.--

Frais administratifs

CHF

262.65

Frais de sommation

CHF

50.--

Intérêts moratoires

CHF

670.55

Frais de poursuites

CHF

503.30

Total

CHF

16'150.40

Sous déduction de :

 

 

Versements

CHF

4'918.20

Redistribution taxe CO2

CHF

32.90

f. Le même jour, la somme de CHF 12'502.05 a été réclamée en réparation du dommage par la caisse à C______ et D______, considérés comme solidairement responsables.

g. Le 30 mars 2023, A______ s’est opposé à la décision le concernant en alléguant son mandat pour la société consistait à en être le directeur administratif et que « la partie financière ne faisait pas partie de ses attributions ». Il alléguait avoir été lui-même victime des frères C______ et D______, lesquels avaient occasionné de grosses pertes à sa fiduciaire (E______). Il ajoutait que c’était d’ailleurs sa fiduciaire qui avait provoqué la faillite de la société afin de protéger d’autres personnes des agissements des frères C______ et D______. Il ne voyait dès lors pas pour quelles raisons sa responsabilité serait engagée.

h. Par décision du 13 avril 2023, la caisse a rejeté l’opposition formée par A______.

Elle a rappelé que, selon la jurisprudence, un directeur de société muni de la signature individuelle doit se voir reconnaître la qualité d’organe en raison de l’étendue des compétences que cette fonction suppose (ATF 104 II 197). La caisse a considéré qu’en sa qualité d’organe de la société il incombait à l’intéressé, durant la période pendant laquelle il avait été administrateur, soit du 23 octobre 2017 au 9 juillet 2019, de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées, et de mettre en œuvre toute mesure ou vérification utile afin que la société soit à même de remplir ses obligations d’employeur. La caisse a rappelé que l’intéressé avait rempli l’attestation de salaire 2018 et qu’il avait donc des fonctions de gestion élargies. Or, il ne s’était ni acquitté des charges sociales ni assuré que celles-ci soient effectivement payées par les autres responsables de la société. Dès lors, l’intéressé avait violé les obligations de diligence et de surveillance imposées par le rôle d’administrateur

i. Par décision du 16 octobre 2023, la caisse a également rejeté l’opposition formée le 17 avril 2023 par D______, qui alléguait avoir été licencié fin 2018 et n’avoir assumé aucune responsabilité au sein de l’entreprise.

B. a. Par écriture du 22 mai 2023, A______ a interjeté recours contre la décision sur opposition du 13 avril 2023 en concluant à son annulation, avec suite de frais et dépens.

En substance, l’intéressé explique qu’il est associé gérant avec signature individuelle de la FIDUCIAIRE E______, qui a pour but social, notamment, une activité de services et de conseils en matière fiduciaire, comptable et fiscale.

Les frères C______ et D______ étant tous deux domiciliés en France, ils ont sollicité l’aide de la fiduciaire pour inscrire la société au RC. Il a été convenu que le recourant fournirait un service fiduciaire à la société et serait inscrit en qualité de directeur de la société, dont le siège serait à la fiduciaire.

Le recourant souligne n’avoir jamais détenu de parts sociales et n’avoir jamais été associé. Il affirme n’avoir pour le surplus jamais bénéficié des accès bancaires. Seul C______ était en mesure d’effectuer les paiements au nom et pour le compte de la société. La fiduciaire recevait le courrier destiné à celle-ci et le transmettait aux associés.

Le recourant indique que la société n’avait qu’un employé début 2018, puis deux, de mars à juillet 2018 ; un employé supplémentaire était arrivé août 2018, deux de plus en septembre 2018.

Il note qu’en date du 31 décembre 2018, il restait CHF 47'294.- sur le compte de la société.

Il allègue que, par courrier du 25 janvier 2019, la fiduciaire a transmis à la société le décompte final rectificatif de la caisse portant sur la période du 1er février au 31 décembre 2018, dont il ressortait qu’un montant de CHF 4'918.20 avait déjà été versé et qu’il restait une somme de CHF 10'058.35 à régler. Le recourant dit ne pas s’en être étonné, dès lors que la société avait été fondée fin 2017 et que des employés avaient été engagés au fil de l’année 2018. La société n’était pas sans activité. Elle encaissait des acomptes et il était prévu qu’elle fasse des bénéfices. Ainsi, le 11 janvier 2019, elle a encaissé un acompte de CHF 19'621.86. Rien ne laissait donc penser que les associés ne régleraient pas le solde de la facture dans le délai accordé par la caisse au 22 février 2019, qu’elle a accepté de prolonger. La société a par ailleurs continué à encaisser d’importants acomptes au cours du mois de février 2019 (CHF 24'870.07 + CHF 6'989.20).

En avril 2019, un nouvel employé a rejoint la société.

Le recourant dit avoir immédiatement transmis à la société le rappel de la caisse du 1er mai 2019, en rappelant aux associés qu’ils devaient s’exécuter rapidement puisqu’il ne pouvait s’en charger lui-même. En effet, seul C______ avait accès aux comptes.

Le 17 juin 2019, la caisse a notifié une poursuite à la société, que le recourant a transmise à cette dernière lui demandant de régler le montant dû dans les plus brefs délais. Là encore, C______ n’a pas donné suite.

Le recourant a alors démissionné de son poste de directeur et révoqué le domicile en la fiduciaire, ceci avec effet au 9 juillet 2019.

Il est sans nouvelles des frères C______ et D______ depuis lors ; ils ne lui ont pas non plus réglé ses honoraires.

Ce n’est que par la suite que le recourant a appris que, d’une part, la société avait encaissé des acomptes pour des travaux qu’elle n’avait ensuite jamais effectués et, d’autre part, que les frères C______ et D______ étaient connus en France pour des faits similaires.

Le recourant fait remarquer que les faits reprochés concernent une période relativement courte, située dans la première moitié de l’année 2019. En effet, la société s’est acquittée de toutes les factures trimestrielles que la caisse lui avait précédemment adressées pour l’année 2018. Avant le non-paiement du solde dû pour l’année 2018, il n’avait aucune raison de se méfier. L’engagement de personnel au cours de l’année s’insérait dans le démarrage d’une jeune société, fondée fin 2017. Les employés complémentaires avaient d’ailleurs été dûment annoncés à la caisse.

Le recourant souligne avoir démissionné deux mois seulement après que l’associé n’a pas réglé la facture finale de la caisse. Dans cet intervalle, il a exigé de lui à plusieurs reprises qu’il s’exécutât ; la société a continué à déployer une activité et à encaisser des acomptes. L’absence de versement en faveur de la caisse n’était donc pas dû à une situation déficitaire de longue date, mais bien aux seuls actes des associés. Le recourant assure qu’il ne pouvait deviner que ceux-ci avaient décidé d’engranger un maximum d’acomptes sans fournir les prestations convenues avant de disparaître.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 20 juin 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimée maintient qu’il incombait au recourant, en sa qualité de directeur de la société, de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées. Elle lui reproche de ne pas s’être assuré que les charges sociales étaient effectivement payées.

L’intimée relève que le recourant n’est jamais intervenu personnellement pour le transfert des courriers et informations de la caisse à la société. La personne qui s’en est chargée était Madame F______ secrétaire de la fiduciaire. Le recourant ne s’est soucié, ni de l’aspect administratif, ni de celui lié à son rôle d’administrateur de la société. Il n’a exercé aucune fonction de directeur au sein de celle-ci, puisqu’aucun contrat de travail entre la société et lui ne peut attester d’une activité de directeur. En définitive, il n’a fait que mettre à disposition son nom et son domicile en Suisse contre rémunération afin de permettre la création de la société, sans jamais se soucier de la gestion de cette dernière. En ne faisant aucunement usage de ses droits de contrôle sur la gestion de la société, il a agi en tant qu’homme de paille, ce qui relève d’une violation manifeste des obligations de diligence et de surveillance imposées par le rôle d’administrateur et engage sa responsabilité.

c. Dans sa réplique du 24 juillet 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique du 23 août 2023, la caisse a fait de même.

En substance, elle maintient que le recourant était un simple homme de paille.

Elle rappelle que la décision finale de cotisations a été adressée à la société le 31 janvier 2019, soit bien avant la sortie formelle du recourant du conseil d’administration.

e. Des audiences d’enquêtes se sont tenues en date du 7 mars 2024.

f. Monsieur G______, fils du recourant, a expliqué travailler en étroite collaboration avec son père et avoir parfois reçu M. C______ à sa place ou avec lui.

La situation de la société paraissait au début fort prometteuse. Elle était en effet très active, participait à de nombreux salons pour se faire connaitre et quatre personnes avaient été engagées pour la partie commerciale et les chantiers. Il y avait des encaissements réguliers d’acomptes.

Une demande de report de délai de paiement a été formulée fin janvier 2019, à la demande de la société. Il ne se souvenait pas de ce qui l'a motivée, étant précisé que, fin décembre 2018, les fonds étaient suffisants pour régler la note. Il a supposé que c'était pour acquérir du matériel afin d'avancer les chantiers.

Le fait que la facture n'avait pas été payée fin avril ne l’avait pas particulièrement alarmé, car « il peut arriver qu'on oublie de payer une facture ». Qui plus est, il était alors question d’engager un employé supplémentaire en avril 2019.

Il ne s’était pas non plus alarmé que les échanges avec les associés s’espacent ensuite. Ce n’était qu’en juin 2019, à réception du commandement de payer, devant le silence de M. C______, inatteignable sur son numéro personnel et après trois semaines, que décision a été prise de démissionner.

Ce n'est que bien plus tard, en 2020-2021, qu'une personne qui avait versé des acomptes pour travaux à M. C______ les a contactés et leur a appris que ce dernier était connu en France comme un escroc notoire et qu'il avait même fait de la prison. Ils ont également été contactés par un avocat représentant les personnes s'étant fait escroquer par M. C______.

S’ils n’ont pas eux-mêmes intenté d'action pénale, c’est parce que cela leur semblait peine perdue.

Lui et son père ont été surpris par l'issue, car rien ne prédisposait la société à la faillite. Celle-ci résulte d’un acte délibéré de M. C______, qui a encaissé l'argent avant de s'évanouir dans la nature.

Les acomptes ont toujours été payés dans les temps. C'est seulement la facture finale qui a posé problème.

Il n’y avait pas non plus de retard dans le paiement de la TVA, qui devait être acquittée avant fin mai 2019.

Le fils du recourant a argué qu’il arrivait qu’une facture ne soit pas payée dans les temps, mais qu’elle finissait par l’être ensuite. On ne saurait démissionner dès qu’une facture est en retard. C’est la raison pour laquelle quelques semaines se sont écoulées avant que la décision de démissionner ne soit prise.

g. F______, entendue à son tour, a expliqué avoir travaillé à la fiduciaire, où elle s’occupait, en sa qualité d’aide-comptable, de la comptabilité, des déclarations de salaires et des fiches de salaires de la société.

Elle a confirmé qu’entre 2018 et 2019, M. C______ était effectivement venu à la fiduciaire à plusieurs reprises et qu’à la manière dont il a présenté les choses, il n'y avait pas d'inquiétudes à avoir concernant la société.

Elle a également confirmé que c’est M. C______ qui avait seul accès aux comptes bancaires, mais qu’il en envoyait régulièrement les relevés à la fiduciaire et, au début, tout était en ordre. Les paiements se faisaient régulièrement.

À un moment – que le témoin n’a pu situer précisément dans le temps – pourtant, M. C______ n'a plus répondu aux sollicitations, notamment s'agissant des salaires. Il n’a plus fourni les documents pour la comptabilité et n'a plus répondu aux courriels. C’est à la même période que les paiements n'ont plus été effectués.

Le témoin et A______ se sont alors inquiétés et ont multiplié les tentatives pour joindre M. C______, sans succès.

Il s’est ensuite présenté une dernière fois à la fiduciaire – à une date dont le témoin ne se souvient pas – avec quelques factures et des documents manquants et s'est montré très rassurant. Il n'avait pas l'air particulièrement inquiet.

La faillite de la société a été une surprise. C'est en effet allé très vite. Selon le témoin, la fiduciaire n'a pas compris ce qui s'était passé et a mésestimé l'ampleur des dégâts causés par M. C______.

Le témoin a confirmé que les factures de la caisse transitaient par la fiduciaire, tout en rappelant que celle-ci n’avait aucun accès aux comptes. La facture était donc transmise directement à M. C______.

Le travail du témoin consistait à remplir les attestations pour l'impôt à la source ainsi que les déclarations de salaires sur la base des éléments communiqués par M. C______.

h. Le recourant, pour sa part, a répété que rien ne lui avait « mis la puce à l'oreille » jusqu’à mai 2019. La société était présente et active dans les salons. Il connaissait à titre personnel une voisine cliente de la société, qui était très contente des travaux effectués par celle-ci. C'est au moment du transfert de la lettre du 1er mai que M. C______ n’a plus donné signe de vie.

La demande de report de paiement au 30 avril ne l’a pas spécialement inquiété : il est courant qu'une société demande un report pour pouvoir investir dans du matériel.

Le recourant a souligné avoir réagi rapidement et avoir dû prendre la décision de démissionner en l’espace d’un mois et demi seulement. C'est la première fois que cela lui arrivait dans sa carrière.

Il n’avait pas de part sociale et n'était donc pas associé, préférant assumer la seule fonction de directeur. La fiduciaire se contentait de s’occuper de la comptabilité et des salaires.

i. Le 18 mars 2024, le recourant a produit le courrier qu’il avait adressé en date du 28 juin 2019 à C______, aux termes duquel il déclarait démissionner avec effet immédiat du poste de directeur, suite aux graves manquements constatés dans la gestion de la société. Le recourant a également produit un texto du 24 mai 2019, dans lequel il signalait à M. C______ que des factures étaient en souffrance et lui réclamait des explications.

j. Le 25 avril 2024, la caisse a persisté dans ses conclusions.

Elle allègue que la fiduciaire du recourant étant la destinataire formelle de tout le courrier adressé à la société, le recourant devait se rendre compte que le paiement des cotisations paritaires n’était pas assuré, les premières sommations datant de janvier 2019. Or, il n’y a pas trace, avant fin mai 2019, d’une éventuelle intervention du recourant.

Il ressort des documents et des enquêtes que c’était la secrétaire qui accomplissait le travail.

Selon la caisse, le texto et la lettre de démission sont intervenus bien trop tardivement pour prétendre que la responsabilité du recourant ne serait pas engagée. Selon elle, le recourant n’a jamais rien entrepris en temps utile pour s’assurer que le paiement des cotisations paritaires soit effectif. Dès lors, il a renoncé à faire usage de ses droits de contrôle sur la gestion de la société et a agi en tant que simple homme de paille, violant ainsi de façon manifeste ses obligations de diligence et de surveillance.

k. Par écriture du 17 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. En substance, il a répété qu’on ne pouvait légitimement attendre de sa part qu’il devine que les cotisations ne seraient pas réglées dans le délai accordé par la caisse.

l. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie « en droit » du présent arrêt.


 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage et ce, quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève jusqu'au moment de la faillite, la Cour de céans est également compétente ratione loci

1.3 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé à l’intimée par le défaut de paiement des cotisations sociales (AVS-AI-APG-AC-AMat et AF) en 2018, période durant laquelle il a été inscrit au RC en tant que directeur de la société.

3.              

3.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément

3.2 La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) ont été abrogés.

Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11 consid. 3.5 et 3.6).

3.3 Quant aux dispositions de la novelle du 17 mars 2011 modifiant la LAVS et entrées en vigueur le 1er janvier 2012, elles n'ont pas amené de changements en matière de responsabilité subsidiaire des organes fondée sur l'art. 52 LAVS.

En effet, outre quelques retouches de forme, le nouvel art. 52 al. 2 LAVS concrétise les principes établis par la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (cf. Message relatif à la modification de la LAVS du 3 décembre 2010, FF 2011 519, p. 536 à 538). Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

En l’espèce, le dommage dont la réparation est réclamée concerne l’année 2018, de sorte que l’art. 52 al. 1 LAVS est applicable dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_80/2017 du 31 mai 2017 consid. 3.2).

4.              

4.1 L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 137 V 51 consid. 3.2 et les références).

4.2 Selon l’art. 52 LAVS (dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019), l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

4.3 Selon l’art. 52 al. 3 aLAVS, le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3).

Le 1er janvier 2020 est toutefois entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS (RO 2018 5343 ; FF 2014 221). Cet alinéa prévoit désormais que l’action en réparation du dommage se prescrit conformément aux dispositions du CO sur les actes illicites.

Selon l’art. 60 CO, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2020, l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé (al. 1). Si le fait dommageable résulte d’un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l’échéance du délai de prescription de l’action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l’action pénale ne court plus parce qu’un jugement de première instance a été rendu, l’action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement (al. 2).

5.             À titre liminaire, il convient d’examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

5.1 Comme indiqué supra, jusqu’au 31 décembre 2019, l’art. 52 al. 3 aLAVS prévoyait que le droit à la réparation se prescrivait deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. En renvoyant désormais aux dispositions du Code des obligations sur la prescription des actions introduites en cas d’acte illicite, le délai de prescription relatif se trouve augmenté de deux à trois ans et le délai de prescription absolu de cinq à dix ans. De plus, la prescription plus longue de l’action pénale visée à l’art. 60 al. 2 CO est applicable. Le délai de prescription ne commence plus à courir à la survenance du dommage, mais le jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. Les autres aspects de la prescription, notamment les motifs d’empêchement ou de suspension et les actes interruptifs, sont régis par les art. 130ss CO (Message du Conseil fédéral relatif à la modification du code des obligations [droit de la prescription] du 29 novembre 2013, FF 2014 221, p. 260).

L’art. 49 Titre final du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) règle de manière générale les questions de droit transitoire en matière de prescription et a été réécrit lors de la révision du droit de la prescription (Message précité, FF 2014 221, pp. 230 et 231). Depuis le 1er janvier 2020, cet article dispose notamment que lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas échue en vertu de l’ancien droit (al. 1). L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effet sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement (al. 3). Au surplus, la prescription est régie par le nouveau droit dès son entrée en vigueur (al. 4).

Le nouveau droit s’applique dès lors qu’il prévoit un délai plus long que l’ancien droit, mais uniquement à la condition que la prescription ne soit pas déjà acquise. En d’autres termes, les délais de prescription en cours sont allongés par le nouveau droit. A contrario, une créance déjà prescrite demeure prescrite (Message précité, FF 2014 221, p. 231).

Par ailleurs, même si la prétention bénéficie d’un nouveau délai plus long de prescription, cela n’influence pas le point de départ de la prescription, c’est-à-dire que le délai ne recommence pas à courir au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit.

Pour les questions de droit de la prescription autres que celles du début et de la longueur du délai, par exemple les (nouveaux) motifs de suspension et d’interruption, la renonciation à la prescription ou le droit transitoire, seul le nouveau droit est applicable dès son entrée en vigueur pour la période suivant celle-ci et non rétroactivement. Ainsi, les déclarations de renonciation à la prescription valablement faites sous l’ancien droit restent valables sous l’empire du nouveau droit (Message précité, FF 2014 221, p. 254).

5.2 Il résulte de la jurisprudence rendue à propos de l’art. 52 al. 3 aLAVS, les éléments qui suivent.

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 126 V 443 consid. 3a).

Ainsi, un dommage se produit en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite ; le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai absolu (ATF 129 V 193 consid. 2.2 et la référence).

5.3 Il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

5.4 En l’occurrence, la faillite de la société a été prononcée le 27 mai 2020. Dès lors qu’au 1er janvier 2020, la créance de la caisse n’était pas prescrite, c’est le délai de prescription de trois ans qui s’applique.

Le délai pour émettre une décision en réparation du dommage courait donc jusqu’au 27 mai 2023. La décision en réparation du dommage du 15 mars 2023 est donc intervenue en temps utile.

6.              

6.1 Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (OFAS, Directives sur la perception des cotisations - DP, état au 1er janvier 2022, no 8017 ; ATF 121 III 382 consid. 3/bb). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

6.2 S'agissant des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), par arrêt du 30 janvier 2020, la Cour de céans a jugé qu’il n’existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations précitées (ATAS/79/2020).

Cela étant, l’art. 11A LAMat, entré en vigueur le 1er février 2023, prévoit désormais que l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage au fonds cantonal de compensation de l’assurance-maternité ou à la caisse de compensation AVS est tenu de le réparer. L’art. 52 LAVS s’applique par analogie.

En cas de changement de règles de droit, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence), étant précisé que le juge n'a pas à prendre en considération les modifications de droit postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 et la référence). 

6.3 En l’espèce, la décision litigieuse a été rendue après le 1er février 2023, date à laquelle a été introduite la base légale permettant de rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations AMat. Celles-ci font donc partie intégrante du dommage.

Pour le surplus, le montant du dommage n’est pas contesté.

7.             L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 LAVS sont réalisées.

À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

7.1 S’agissant de la notion d’« employeur », la jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

7.2 La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO.

En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

D'autres personnes possèdent toutefois la qualité d'organe de fait de la société. Il s'agit de celles qui participent de façon durable, concrète et décisive à la formation de la volonté sociale dans un vaste domaine dépassant les affaires courantes (ATF 128 III 29 consid. 3a et les références ; ATF 122 III 225 consid. 4b et les références). Dans cette éventualité, il faut cependant que la personne en question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, c'est-à-dire qu'elle ait effectivement exercé une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 132 III 523 consid. 4.5 et les références ; cf. aussi ATF 146 III 37 consid. 5 et 6 et les références). C'est en principe le cas d'un directeur qui a généralement la qualité d'organe de fait en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose. Il ne doit toutefois répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activité, ce qui dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent des rapports internes, sinon il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance faute de disposer des pouvoirs nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_68/2020 du 29 décembre 2020 consid. 5.2.1 et la référence).

La qualité d'organe est donc réservée aux personnes exécutant leurs obligations au sein de la société ou à l'égard des tiers en vertu de leur propre pouvoir de décision. Le fait qu'une personne est inscrite au RC avec droit de signature n'est, à lui seul, pas déterminant. La préparation de décisions par un collaborateur technique, commercial ou juridique ne suffit pas à conférer la qualité d'organe au sens matériel. En d'autres termes, la responsabilité liée à la qualité d'organe présuppose que l'intéressé ait eu des compétences allant nettement au-delà d'un travail préparatoire et de création des bases de décisions, pour se concentrer sur la participation, comme telle, à la formation de la volonté de la société. La responsabilité pour la gestion ne vise ainsi que la direction supérieure de la société, au plus haut niveau de sa hiérarchie (ATF 117 II 572 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

Un organe de fait n'est appelé à assumer une responsabilité que pour les domaines dans lesquels il a effectivement déployé une activité. Contrairement à un organe au sens formel, il n'a donc pas un devoir de surveillance (cura in custodiendo) à l'endroit de l'activité des autres organes, de fait ou de droit, de la société (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 128/04 du 14 février 2006 consid. 3).

7.3 Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une Sàrl ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1 et les références, in SVR 2005 AHV n° 7 p. 23 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.1).

7.4 S’agissant plus particulièrement du cas d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires ; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

7.5 En l’espèce, il n’est pas contestable ni d’ailleurs contesté que le recourant a été directeur avec signature individuelle de la société de sa fondation au 9 juillet 2019 (cf. inscription au RC). Se pose la question de savoir s’il peut se voir reconnaître la qualité d’organe de fait, étant rappelé que le fait qu'une personne est inscrite au RC avec droit de signature n'est, à lui seul, pas déterminant. Il convient bien plutôt de déterminer si le recourant a eu des compétences allant nettement
au-delà d'un travail préparatoire et de création des bases de décisions, pour se concentrer sur la participation, comme telle, à la formation de la volonté de la société.

Tel n’est pas le cas du recourant, de l’avis de la Cour de céans.

En effet, les enquêtes ont confirmé que le recourant, par le biais de sa fiduciaire, n’avait pour seule vocation que de s’occuper de tenir la comptabilité de la société. Il n’a jamais participé à la formation de la volonté- de celle-ci. Il est établi qu’il n’avait pas même accès aux comptes de la société et n’avait donc aucun pouvoir sur les paiements effectués. Le recourant n’avait donc pas, concrètement, la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, puisqu’il n’avait aucune influence sur la marche des affaires de la société, malgré son titre formel de directeur. En réalité, il n’avait pas l'étendue des compétences que cette fonction suppose et ne pouvait empêcher la survenance du dommage, faute de disposer des pouvoirs nécessaires (cf. par exemple ATF 9C_68/2020 du 29 décembre 2020). 

Il ressort des propos du recourant, corroborés par son fils mais également par l’aide-comptable de la fiduciaire, que son rôle se limitait à la transmission du courrier adressé à la société et à la tenue de la comptabilité (y compris les déclarations de salaires). En réalité, ce sont les seuls associés qui avaient la main sur la marche des affaires et la gestion de la société. C’est C______ et lui seul qui avait accès aux comptes bancaires et qui pouvait ainsi décider de la priorité à donner aux paiements.

En réalité, le recourant a surtout servi de prête-nom et d’homme de paille. Certes, il était avisé du retard pris dans le paiement du solde de cotisations dû pour l’année 2018, mais, dans la mesure où un report de délai avait été demandé et accordé par la caisse, il n’avait pas à s’en inquiéter outre mesure, sachant que la société disposait encore, fin 2018, de liquidités suffisantes pour s’acquitter dudit montant.

Dans ces circonstances, il serait arbitraire de retenir que le recourant était un organe de fait de la société, en déduisant avant tout de son inscription au registre du commerce une participation déterminante à la formation de la volonté sociale. Sa responsabilité dans le dommage causé par le non-paiement des cotisations sociales pour l’année 2018 n'est donc pas engagée.

Dans la mesure où le recourant ne peut se voir reconnaître la qualité d’organe de fait de la société, il ne peut être tenu pour responsable du dommage occasionné à la caisse. Peu importe qu’il se soit rendu coupable d’une négligence.

S’il est vrai qu’une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195 consid. 3b) et qu’un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2), telle n’est pas la situation dans laquelle se trouve le recourant, à qui la qualité d’organe de fait ne peut être reconnue, comme indiqué supra.

Par surabondance et quoi qu’il en soit, en admettant même que cette qualité puisse lui être reconnue, on ne saurait voir de lien de causalité suffisant entre sa passivité et le dommage subi par la caisse de compensation, dès lors qu’effectivement, le recourant ne pouvait se douter, au vu des liquidités de la société fin 2018 et des sommes encore encaissées courant 2019, que les gérants avaient pour objectif d’empocher l’argent avant de disparaître.

On rappellera que s’il ressortait effectivement du décompte final rectificatif de la caisse portant sur la période du 1er février au 31 décembre 2018, émis en janvier 2019, qu’une somme de CHF 10'058.35 était à régler, la caisse a accepté de prolonger le délai de paiement. Un rappel a été émis le 1er mai 2019, une poursuite engagée le 17 juin 2019 et le recourant a démissionné le 9 juillet 2019, soit quelques semaines plus tard à peine. Ce sont donc bien les malversations des frères C______ et D______ qui sont à l’origine du dommage, bien plus que la passivité relative et très limitée dans le temps du recourant.

8.             Eu égard à ce qui précède, le recours est admis. La décision litigieuse est annulée.

Le recourant obtenant gain de cause, l’intimée lui versera un montant de CHF 2'800.- à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA, art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 


8.1  

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 13 avril 2023.

4.         Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 2'800.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le