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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3713/2023

ATAS/1067/2024 du 19.12.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3713/2023 ATAS/1067/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 décembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Inclusion Handicap, soit pour elle M. Karim HICHRI, mandataire

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. En mars 2018, Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1970, de nationalité serbe, mariée et mère de deux enfants, a déposé auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) une première demande de prestations dans laquelle elle indiquait être femme au foyer et souffrir d’une spondylarthrose étagée avec discopathies L2-L3, L4-L5 et L5-S1.

b. Par décision du 2 avril 2019, l’OAI a nié à l’assurée – considérée comme personne non active consacrant tout son temps à ses travaux habituels – le droit à toute prestation.

L’OAI a reconnu l’existence d’une atteinte à la santé invalidante dès 2012, mais, se basant sur les conclusions d’une enquête ménagère effectuée au domicile de l’assurée, a constaté que les empêchements à effectuer les travaux habituels n’atteignaient que 17%, soit un taux insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          Dans un rapport rédigé le 5 avril 2018, la docteure B______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant, a fait état de lombosciatalgies chroniques sur troubles dégénératifs étagés de L2 à S1, sans déficit moteur ou sensitif, de douleurs aux épaules, surtout à droite, avec une atteinte de la coiffe des rotateurs et des troubles dégénératifs, de migraines, de plusieurs interventions pour un abcès para-anal en 2010, 2011 et 2016, ainsi que de l’ablation d’une fistule anale en 2016 et 2017 avec sphincteroplastie lors de la dernière opération, n’ayant plus donné lieu à des plaintes depuis lors. La capacité de travail était de 0% dans toute activité depuis 2010.

-          Un rapport rédigé le 20 mars 2018 par le docteur C______, rhumatologue, décrivant une tendinopathie des épaules, surtout à droite, et concluant à une totale incapacité de travail.

-          Le docteur D______, spécialiste en chirurgie de l’épaule, dans un rapport du 30 mai 2012, a conclu à un syndrome douloureux disproportionné par rapport à l’atteinte de l’épaule droite.

-          Le 13 novembre 2018, le service médical régional (ci-après : SMR) a retenu l’existence de lombosciatalgies chroniques sur troubles dégénératifs étagés et de scapulalgies bilatérales prédominantes à droite sur troubles dégénératifs et atteinte de la coiffe des rotateurs. Le problème proctologique avait entraîné des incapacités de travail limitées dans le temps (quelques semaines après chaque intervention chirurgicale). Les migraines n’étaient pas incapacitantes sur le long terme. Une incapacité de travail a été admise à compter de 2012 pour le problème lombaire et à partir de 2016 pour l’atteinte aux épaules. En revanche, le SMR a considéré que, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles d’épargne du rachis lombaire et des épaules, l’assurée avait conservé une pleine capacité de travail.

-          Une enquête ménagère a été réalisée le 14 février 2019, qui a conclu à un empêchement à hauteur de 46,6%, pondéré à 17% en tenant compte de l’aide exigible des membres de la famille, à savoir l’époux et les deux enfants de l’assurée (30%).

B. a. Le 16 décembre 2021, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations en invoquant une « atteinte musculo-articulaire ».

b. Ont été recueillis au cours de l’instruction, notamment, les éléments suivants :

-          Dans un rapport du 2 mars 2022, la Dre B______ a fait état de migraines, de cervico-dorso-lombalgies sur arthrose et de lésions de la coiffe des rotateurs à droite. La patiente a été décrite comme très algique, ne pouvant se pencher en avant, marchant difficilement et ne pouvant rien porter. Le médecin-traitant a évoqué une possible fibromyalgie.

-          Le 7 avril 2022, le SMR a retenu les diagnostics de cervicarthroses prédominant aux niveaux C5-C6 et C6-C7 et d’aponévrosite plantaire proximale modérée. Il en a tiré la conclusion que l’assurée avait rendu plausible une modification durable de son état de santé.

-          Le 7 juin 2022, après investigations complémentaires, le SMR a noté que, selon la Dre B______, l’assurée n’avait pas d’autre suivi que celui de son médecin-traitant.

-          Une expertise a été demandée au centre E______, plus particulièrement aux docteurs F______, spécialiste FMH en neurologie, et G______, spécialiste FMH en rhumatologie, qui ont rendu leur rapport en date du 16 janvier 2023. En substance, l’examen a confirmé le diagnostic de fibromyalgie. La capacité de travail dans une activité habituelle de ménage a été évaluée à 0% depuis 2010 et à 100% dans toute activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles, à savoir : permettre d’alterner les positions et éviter de surcharger le rachis dans sa totalité, de porter des charges de plus de 10 kg de façon répétée, de travailler bras au-dessus de l’horizontale, de marcher sur terrain accidenté et de monter ou descendre des échafaudages ou des échelles.

-          Le 23 janvier 2023, le SMR s’est rallié aux conclusions de l’expertise. Il a retenu l’absence d’indices en faveur d’une exagération des symptômes, une description clinique cohérente, une prise en charge médicale adéquate dans l’ensemble, une bonne observance thérapeutique, une cohérence entre les limitations fonctionnelles retenues et les limitations fonctionnelles rencontrées dans les activités comparables de la vie, des ressources mobilisables tant sur le plan social que personnel, une capacité de travail dans le ménage de 0% dès 2010, mais une capacité de travail de 90% dans une activité adaptée.

-          Le 23 février 2023, il a été procédé à une enquête ménagère au domicile de l’assurée. Ont été pris en compte les diagnostics retenus par les experts, ainsi que les limitations fonctionnelles énumérées par ceux-ci. Il a été également précisé que l’aide exigible de l’époux de l’assurée était réduite, car il souffrait d’un cancer des poumons et qu’il était dyspnéique et vite fatigué. Il a été néanmoins considéré qu’il pouvait fractionner son aide. La cellule familiale était désormais constituée de l’assurée et de son époux. Pour chacune des activités répertoriées dans le catalogue des travaux ménagers, il a été pris note des explications de l’assurée. En définitive, le degré des empêchements a été évalué à 43,2%, pondérés à 14,1% après prise en compte de l’aide exigible de l’époux (de 29,1%). Il a été précisé que la situation n’était pas comparable à la précédente, puisque les enfants avaient quitté le domicile. Il y avait donc moins d’heures consacrées au ménage et le couple avait déménagé dans un nouveau logement. Il a été également souligné que l’assurée devait mettre en œuvre des mesures d’adaptation raisonnablement exigibles pour améliorer sa capacité. Pour cette constitution familiale, le nombre d’heures retenu par semaine pour la tenue du ménage a été fixé à 21.24.

c. Par décision du 9 octobre 2023, l’OAI a nié à l’assurée le droit à une rente.

L’OAI a admis l’existence d’une atteinte à la santé invalidante depuis 2010.

Se basant sur l’enquête ménagère, il a retenu un empêchement de 14% dans l’accomplissement des travaux habituels.

Il a fait remarquer que l’exercice d’une activité de femme de ménage sur le marché du travail, c’est-à-dire dans un contexte professionnel ne pouvait être comparé aux travaux effectués dans le ménage au sein du domicile, c’est-à-dire dans un contexte privé.

L’enquête ménagère tenait compte des déclarations de l’assurée, des limitations fonctionnelles retenues par le SMR, des adaptations possibles et de l’obligation de réduire le dommage.

C. a. Par écriture du 9 novembre 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité.

La recourante ne critique pas la méthode de calcul adoptée par l’OAI, dès lors qu’elle n’a pour ainsi dire jamais exercé d’activité professionnelle, que ce soit en Serbie ou en Suisse.

En revanche, elle conteste le degré d’invalidité. Invoquant le rapport d’expertise du 16 janvier 2023, qui lui reconnaît une totale incapacité de travail en tant que femme de ménage, elle s’étonne que l’enquête ménagère n’admette qu’un empêchement de 43,2% avant prise en compte de l’obligation de réduire le dommage. Elle qualifie cette différence de discordance importante et rappelle que les experts n’ont pas relevé de majoration des symptômes. Elle en tire la conclusion que l’enquêtrice n’a pas réellement tenu compte de ses limitations. Par ailleurs, elle argue qu’il ne saurait être tenu compte de l’aide que lui apporte la compagne de l’un de ses fils, pour l’activité consistant à s’occuper du linge, puisque la cellule familiale se résume à elle et son mari. Elle rappelle que ses enfants ont quitté le domicile familial. Cela a induit une diminution de la charge ménagère, mais également une diminution du nombre de personnes pouvant l’aider. Selon elle, il n’est pas raisonnable de quantifier l’aide exigible de son époux à 30%. À cet égard, elle fait remarquer qu’en 2019, une aide de 30% avait déjà été reconnue comme exigible, alors qu’il y avait trois personnes susceptibles de l’aider.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 7 décembre 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimé fait remarquer que la tenue d’un ménage privé permet des adaptations de l’activité aux problèmes physiques qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les exigences de rendement propres à une activité professionnelle.

Pour le surplus, l’OAI rappelle que, dans le cadre de l’évaluation des empêchements à effectuer les travaux habituels, l’aide des membres de la famille va au-delà de ce que l’on peut attendre d’eux lorsque la personne assurée n’est pas atteinte dans sa santé.

c. Par écriture du 29 janvier 2024, la recourante a maintenu que le statut de femme de ménage et celui de ménagère étant très similaires, les conclusions de l’enquêtrice seraient incohérentes au vu de celles des experts.

À ce stade, la recourante avance un nouvel argument, consistant à soutenir que le rapport d’expertise ne saurait être considéré comme probant. Elle reproche aux experts d’être sortis de leur domaine de compétence en concluant à l’inexistence d’une atteinte psychiatrique. Elle rappelle qu’elle souffre de fibromyalgie, qu’en conséquence, les indicateurs retenus par le Tribunal fédéral doivent être examinés. À cet égard, elle relève qu’elle est compliante, qu’elle prend des antidouleurs, que les experts ne se sont pas prononcés sur le fait de savoir si toutes les possibilités de traitement étaient épuisées et tire la conclusion, du fait qu’elle doit prendre des doses excessives d’antidouleurs, qu’elle souffre bel et bien d’une atteinte invalidante. D’ailleurs, les experts ont noté qu’elle n’avait aucun loisir, qu’elle était partiellement isolée socialement, puisque ses contacts se limitent essentiellement à son époux, et qu’il n’y a donc aucune incohérence entre les limitations vécues dans la sphère professionnelle et la sphère privée. Dans la mesure où il n’y a aucun signe d’exagération, elle estime qu’il est indispensable qu’un expert psychiatre se prononce sur son incapacité et qu’il devra également se déterminer sur le rapport d’enquête ménagère. Selon elle, le rapport d’expertise ne peut se voir reconnaître de valeur probante sans l’aval d’un psychiatre, puisqu’elle souffre d’une atteinte similaire à un trouble somatoforme douloureux. Elle modifie dès lors ses conclusions et demande que la cause soit renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire.

d. Dans sa duplique du 19 février 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

Il souligne une fois de plus qu’un parallèle ne saurait être effectué entre une activité professionnelle de femme de ménage et la tenue de son propre ménage.

Pour le surplus, il relève qu’aucun des médecins n’a évoqué une quelconque atteinte au niveau psychiatrique, que la recourante n’est d’ailleurs pas suivie sur ce plan et qu’elle ne prend pas non plus de traitement psychotrope. Le descriptif de sa vie quotidienne montre qu’elle dispose de ressources personnelles et familiales. Le tableau clinique est dominé par une problématique de nature essentiellement physique. Aucun élément au dossier ne fait état de l’existence de troubles psychiques de nature à influencer la capacité de travail. C’est dès lors à juste titre qu’il n’y a pas eu de volet psychiatrique à l’expertise. La situation médicale de la recourante a été investiguée de manière exhaustive, de sorte que des investigations complémentaires s’avèrent superflues.

e. Par écriture du 29 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle soutient que la reconnaissance d’une fibromyalgie suppose un diagnostic émanant d’un expert psychiatre.

f. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             L’objet du litige porte le droit de la recourante à une rente d’invalidité. Son statut de personne non active n’est pas contesté.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) et celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ;
RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit – s’il était reconnu – naîtrait avant le 31 décembre 2021. En conséquence, les dispositions légales applicables seront citées, ci-après, dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; ATF 130 V 343 consid. 3.4).

Pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps, l’invalidité est calculée en fonction de l’incapacité de l’assuré à accomplir ses travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI).

4.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du
19 janvier 2006 consid. 3.1).

4.3.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statiscal Manual ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.3.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité
de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'il se justifiait sous l'angle juridique, en l'état des connaissances médicales, d'appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l'appréciation du caractère invalidant d'une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4 p. 70 ss). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, dès lors que les facteurs psychosomatiques avaient une influence décisive sur le développement d'une telle maladie, le concours d'un médecin spécialisé en psychiatrie était donc nécessaire pour en poser le diagnostic (ATF 132 V 65 consid. 4.3 p. 72 ; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l'assuré présentait un état douloureux d'une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3 ; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé, la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, d’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, d’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, de plaintes très démonstratives laissant insensible l’expert, ainsi qu’en cas d’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ;
132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

4.3.3 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.2 et la référence).

4.3.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.           Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)

B.           Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.           Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

4.3.5 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

5.              

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.              

6.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

7.             En l’espèce, et pour la première fois au cours de la procédure, la recourante avance l’argument que le rapport d’expertise ne saurait être considéré comme probant. Elle argue que, puisqu’elle est atteinte de fibromyalgie, il eût fallu que cette expertise comportât un volet psychologique et qu’elle soit menée en examinant les indicateurs posés par la jurisprudence, et demande en conséquence le renvoi à l’intimé pour instruction complémentaire en ce sens.

En tant qu’elle reproche aux experts d’être sortis de leur domaine de compétence en concluant à l’inexistence d’une atteinte psychiatrique, la recourante ne peut être suivie. En effet, on rappellera que jamais le moindre diagnostic psychiatrique n’a été retenu par aucun des médecins qui suit la recourante. S’il est vrai que le Tribunal fédéral assimile la fibromyalgie au trouble somatoforme douloureux, ce qui a pour conséquence que les indicateurs doivent être examinés et que le concours d'un médecin spécialisé en psychiatrie est donc en principe nécessaire, il n’en demeure pas moins que – comme le reconnaît d’ailleurs le Tribunal fédéral – le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue.

Dans la mesure où une fibromyalgie a été reconnue dans le cas de la recourante, il est vrai qu’il aurait fallu, en principe, faire appel à un psychiatre et procéder à une évaluation selon la grille ordonnée par la jurisprudence. Cela étant, cette dernière admet que l’on y renonce pour des motifs de proportionnalité, si une telle appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée.

La Cour de céans est d’avis que tel est le cas en l’occurrence.

En effet, la recourante est une personne qui se consacre totalement à ses travaux habituels. Dans une telle configuration, l’application d’une grille normative ayant pour objectif de déterminer si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne peut plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part n’apparaît pas fondamentalement indispensable. D’autant moins qu’il n’est pas allégué que l’assurée serait empêchée d’accomplir ses travaux habituels pour des raisons psychiques. Ce sont bien avant tout – et uniquement – ses limitations physiques qui sont mises en avant pour expliquer les empêchements qu’elle rencontre à assumer son ménage.

Dans ces conditions, renvoyer la cause à l’intimé pour mettre en place une nouvelle expertise comportant un volet psychiatrique et examinant de manière plus détaillée les différents indicateurs jurisprudentiels apparaît disproportionné. D’autant que ces indicateurs ont été malgré tout évoqués par les experts, qui ont indiqué, au fil de leur analyse, qu’elle disposait de ressources et que ses plaintes étaient tout à fait cohérentes et plausibles dans le contexte arthrosique dégénératif cervico-lombaire de la tendinopathie de l’épaule droite et du syndrome douloureux chronique de type fibromyalgie confirmé.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu de nier la valeur probante du rapport d’expertise, dont la recourante ne conteste d’ailleurs aucunement les conclusions, tant en ce qui concerne les diagnostics retenus (concordant avec ceux des médecins-traitants), que des limitations fonctionnelles énoncées.

8.              

8.1 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

8.2 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et I 733/06 du 16 juillet 2007).

8.3 Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers - par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) - sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références, in SVR 2023 IV n. 46 p. 156).

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).

8.4 Le facteur déterminant pour évaluer l'invalidité des assurés n'exerçant pas d'activité lucrative consiste dans l'empêchement d'accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C'est pourquoi il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005).

9.             En l’espèce, la recourante conteste le degré d’empêchement ressortant de l’enquête ménagère.

En premier lieu, elle argue qu’il serait totalement incohérent de lui reconnaître une capacité réduite seulement de 43% à assumer son ménage, alors même que les experts ont reconnu sa totale incapacité à exercer une activité de femme de ménage professionnelle, qu’elle considère comme « similaire ». Elle en tire la conclusion que l’enquêtrice n’aurait pas réellement tenu compte de ses limitations.

À l’instar de l’intimé, on rappellera à la recourante que l’expertise concluait à sa totale incapacité à exercer une activité de femme de ménage sur le marché du travail, c’est-à-dire dans un contexte professionnel. Une telle activité, professionnelle, accomplie à raison de plusieurs heures par jour, pouvant impliquer de multiplier les tâches lourdes durant une même journée et soumise à des exigences de rendement, ne saurait être comparée aux travaux effectués dans le ménage privé, où les tâches légères cohabitent avec les tâches plus lourdes, où l’assurée n’est soumise à aucun impératif de temps ou de rendement, où elle peut faire appel à l’aide de ses proches et où il lui est loisible de fractionner et répartir les tâches comme bon lui semble, en fonction de son état. Il est également exigible de sa part, compte tenu de son obligation de réduire le dommage, qu’elle s’équipe d’appareils et de moyens auxiliaires pour l’aider (corbeille à linge à roulettes, lave-vaisselle, robot aspirateur, etc.) et adopte des méthodes de travail appropriées à ses limitations. Il est dès lors justifié de faire une différence selon que l’on examine les atteintes à la santé dans le contexte d’une activité professionnelle ou dans celui des tâches ménagères exercées dans son propre foyer. La recourante ne saurait dès lors tirer argument du rapport d’expertise pour s’écarter des conclusions de l’enquête ménagère. D’autant qu’elle a spontanément admis, lors de l’expertise, qu’elle parvenait à effectuer certaines tâches à son rythme, parfois avec l’aide de son mari.

Qui plus est, et contrairement à ce qu’allègue la recourante, l’enquête tient compte des limitations fonctionnelles telles que retenues par le SMR (éviter de surcharger le rachis, de porter des charges de plus de 5 à 10 kg de façon répétée, de travailler bras au-dessus de l’horizontale, de monter ou descendre des escaliers, de marcher sur terrain accidenté et nécessité de pouvoir alterner les positions) et les mentionne d’ailleurs expressément.

Enfin, on remarquera que la recourante n’allègue pas en quoi les indications de l’enquêtrice concernant chaque tâche seraient erronées ni en quoi elles seraient contraires aux indications qu’elle a données lorsqu’elle a été auditionnée.

En second lieu, la recourante argue qu’il ne serait pas raisonnable d’exiger de son mari une aide de 29.1%. À cet égard, elle fait remarquer qu’en 2019, une aide de 30% avait déjà été reconnue comme exigible, alors qu’il y avait trois personnes susceptibles de l’aider.

On ne saurait cependant comparer tout simplement les pourcentages, comme le fait la recourante. C’est faire fi du fait qu’entre 2019 et 2023, la situation a beaucoup évolué : la cellule familiale et le cercle des personnes pouvant l’aider a certes diminué, mais l’ampleur de la tâche également, d’autant que, dans l’intervalle, le coupe a déménagé dans un logis plus petit. Les 30% d’aide retenus en 2019 s’appliquaient à trois personnes, mais aussi à un ménage requérant environ 36 heures de travail par semaine. Le taux de 30% retenu en 2023 ne concerne plus que l’époux de la recourante, mais la tenue de leur ménage ne requiert plus que 21 heures par semaine environ. L’aide exigible de l’époux de la recourante correspond donc à environ 6.13 heures par semaine, soit moins d’une heure par jour, ce qui n’apparaît pas excessif, même en tenant compte de l’atteinte à sa propre santé, dûment rappelée par l’enquêtrice. D’ailleurs, lors de l’enquête, la recourante a elle-même convenu que son époux l’aidait à préparer les repas, à passer l’aspirateur, à changer les draps, à faire les courses, à faire la lessive et à plier les grandes pièces de linge.

Le taux de 29.1% retenu à titre d’aide exigible de l’époux de l’assurée n’apparaît ainsi pas critiquable.

Pour le surplus, l’enquête ménagère tient compte des déclarations de l’assurée, des limitations fonctionnelles retenues par le SMR, des adaptations possibles et de l’obligation de réduire le dommage. La recourante ne démontre pas en quoi les conclusions du rapport ne seraient pas plausibles, insuffisamment motivées, ni quels éléments n’auraient pas été pris en considération s’agissant de ses diverses limitations.

Le seul élément qu’elle soulève à ce titre – le fait que l’on ne saurait tenir compte de l’aide apportée par sa belle-fille pour l’activité repasser/plier le linge, puisqu’elle ne partage pas son logement –, ne suffit pas à nier la valeur probante de l’expertise. D’autant que l’enquêtrice n’a fait là que retranscrire les indications de l’intéressée, sans pour autant, forcément, en tenir compte dans la pondération.

10.         Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à juste titre que l’intimé a nié à la recourante le droit à une rente, faute de degré d’invalidité suffisant. Le recours est rejeté.

11.         Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d’assurance-invalidité (cf. art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu en l’espèce de renoncer à la perception d’un émolument, la recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA – E 5 10.03).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à la perception d’un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le