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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2294/2024

ATAS/1059/2024 du 23.12.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2294/2024 ATAS/1059/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 décembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Émilie CONTI MOREL, avocate

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née B______ le ______ 1984, mariée et mère de deux enfants nés en ______ 2013 et ______ 2015, violoniste professionnelle, a obtenu un diplôme de soliste à la Haute école de musique (ci-après : HEM) en 2005. De septembre 2005 à septembre 2007, elle a vécu au Royaume-Uni où elle a obtenu un diplôme postgrade auprès de la Royal Academy de Londres. Après quoi, elle a repris ses études à la HEM de Genève et obtenu un diplôme d’enseignement, en septembre 2008.

b. Dès la rentrée scolaire 2008, elle a commencé sa carrière d’enseignante au C______ (ci-après : C______) à temps partiel, tout en entamant une activité de violoniste indépendante.

B. a. Le 3 janvier 2023, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI). Selon les indications fournies, elle présentait un trouble bipolaire, un trouble de stress post-traumatique et un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité depuis l’adolescence, voire l’enfance, ce qui lui avait valu une première hospitalisation, à l’âge de 14 ans. Plus récemment, elle avait été hospitalisée d’avril à juillet 2020 (« 3 mois ») et de janvier à février 2021 (« 1 mois »). Du 20 avril 2020 au 31 mai 2021, son incapacité de travail avait été totale et du 1er juin 2021 au 31 décembre 2022, elle avait été de 75%. Depuis le
1er septembre 2021, son taux d’activité au C______ était de 20%, pour un revenu mensuel de CHF 1'500.-. Son activité de violoniste indépendante (concertiste) était de 5%. Les revenus qui en étaient issus étaient très fluctuants.

b. Dans une note du 9 février 2023, relatant un entretien téléphonique entre l’OAI et une collaboratrice des ressources humaines du C______, cette dernière a déclaré que l’assurée n’avait jamais été en arrêt de travail. Elle était professeure de violon depuis 2008 dans leur établissement. En septembre 2020, elle avait demandé à lever le pied, en raison de son état de santé. Elle n’avait toutefois pas souhaité produire de certificat médical car elle souhaitait donner des concerts en parallèle. Elle avait demandé au C______ d’avoir seulement un élève pour l’année 2020-2021. Elle avait pris six élèves entre 2021-2022. Actuellement, elle en suivait sept pour l’année 2022-2023.

c. Dans un rapport du 10 mars 2023, le C______ a précisé que 32 heures par semaine correspondaient à une activité à plein temps. Ainsi, l’accompagnement de sept élèves (soit 7 heures de cours) équivalait à un taux d’activité de 21.8%.

d. Dans un rapport du 17 avril 2023 à l’OAI, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé les diagnostics suivants :

-          autres troubles affectifs bipolaires (F31.8) ;

-          syndrome de retard de phase du rythme circadien lié probablement à la maladie bipolaire (647.2) ;

-          état de stress post-traumatique (trauma complexe) (F43.10) ;

-          perturbation de l’activité et de l’attention (F90.00).

Interrogé sur la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle, le
Dr D______ a répondu que depuis l’année 2020, suite à son hospitalisation, sa capacité de travail était de 40% mais que ce taux était difficile à quantifier en raison de l’alternance de périodes de production importante et d’incapacité totale (pathologie de trouble bipolaire II). Un accroissement de cette capacité n’était pas à prévoir avant plusieurs années. Les limitations fonctionnelles découlant des diagnostics précités se manifestaient par :

-          une difficulté à gérer la charge d’une activité professionnelle soutenue ;

-          une fatigabilité consécutive à la difficulté à réguler le sommeil ;

-          une difficulté à gérer l’organisation des activités dans le temps.

Dans une activité adaptée à ces limitations, la capacité de travail était également de 40%. Le Dr D______ imaginait difficilement que l’assurée puisse travailler plus de 3 à 4 heures par jour, de façon soutenue et productive, et cela depuis son hospitalisation en 2020.

e. Dans un rapport du 14 août 2023, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l'OAI a estimé, à la lumière du rapport du 17 avril 2023 du
Dr D______, que le trouble bipolaire (F31.9) constituait l’atteinte principale à la santé. L’état de stress post-traumatique ainsi que le trouble de l’attention représentaient des pathologies associées, également du ressort de l’AI. Le début de l’incapacité de travail durable remontait au 20 avril 2020. À cette époque, la capacité de travail était nulle dans toute activité. Depuis le 1er janvier 2021, cette capacité était de 3 à 4 heures par jour dans l’activité habituelle, comme dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’intéressée (fatigue, fatigabilité, fragilité, troubles de l’attention et de la concentration après 3 à 4 heures de travail).

f. Le 15 mars 2024, une enquêtrice du service des évaluations AI a rendu un rapport « pour activité professionnelle indépendante » sur la base d’un entretien du 9 janvier 2024 avec l’assurée et des pièces versées au dossier. En se basant sur les avis de taxation 2021 et 2022 de l’administration fiscale cantonale et la déclaration fiscale 2023, les revenus de l’assurée – composés du bénéfice net de son activité indépendante et des revenus bruts de son activité salariée – avaient évolué en oscillant entre CHF 55'219.- en 2017, CHF 56'370.- en 2018, CHF 55'497.- en 2019, CHF 42'522.- en 2020, CHF 28'071.- en 2021, CHF 36'298.- en 2022 et CHF 37'866.- en 2023. Les montants précités des trois dernières années se répartissaient de la manière suivante :

 

Année

Avis de taxation/

Déclaration fiscale

C______

 

Autres activités

salariées

Bénéfice net de l’activité
indépendante

2021

28’078

11’240

3’584

13’255

2022

36’298

23’037

300

12’961

2023

37’866

24’920

4’306

8’640

Concernant le revenu sans invalidité, l’enquêtrice a estimé qu’au vu des différents canaux par lesquels l’assurée était rémunérée, en fonction des concerts donnés, les revenus résultant de l’avis de taxation étaient plus appropriés à l’évaluation de ce revenu. De plus, les chiffres ressortant des avis de taxation étaient très proches de ceux ressortant des cotisations individuelles. En outre, au vu de la pathologie évoluant de manière fluctuante depuis 2020 et des différentes explications fournies par l’assurée, il y avait lieu de prendre en considération la meilleure année d’un point de vue professionnel, soit 2018. Dès lors, le revenu sans invalidité déterminant à retenir s’élevait à CHF 56'370.-. En comparant ce dernier montant aux revenus avec invalidité, réalisés dans les mêmes activités (salariée et indépendante) en 2021 (CHF 28'078.-), 2022 (CHF 36'298.-) et 2023 (CHF 37’866.-), la perte de gain s’établissait respectivement à CHF 28'292.-,
CHF 20'072.- et CHF 18'504.-, ce qui correspondait à un degré d’invalidité de 50.19% en 2021, 35.61% en 2022 et 32.83% en 2023.

Dans l’appréciation du cas, l’enquêtrice a relevé que l’assurée avait présenté une incapacité de travail totale à compter du 20 avril 2020 et que sa capacité de travail était de 3 à 4 heures par jour depuis le 1er janvier 2021. Cependant, comme elle avait déposé sa demande tardivement, soit le 3 janvier 2023, aucun droit aux prestations ne pouvait intervenir avant juillet 2023.

Pour le surplus, le rapport du 15 mars 2024 montrait l’évolution suivante des gains annuels, (selon les avis de taxation) et du chiffre d’affaires provenant de la partie indépendante de son activité :

Année

Avis de taxation (en CHF)

Chiffre d’affaires (en CHF)

Commentaires du rapport

2010

 

15’506

 

2011

 

18’636

 

2012

 

6’521

« on peut donc remarquer une nette diminution de l’activité entre 2012 et 2015, ce qui s’explique par les grossesses de notre assurée et corrobore ses dires durant l’entretien ».

2013

 

8’985

2014

 

9’991

2015

 

5’810

2016

 

12’210

« Cependant, on remarque également qu’en 2021 et 2022, les chiffres [d’affaires] s’approchent des années avant 2012. Mme explique avoir diminué la partie des concerts, mais les chiffres sont en légère augmentation en comparaison aux années précédentes (2016 à 2019). Cela peut s’expliquer par le fait que notre assurée ne se rende plus à l’étranger et qu’elle fasse uniquement des concerts en Suisse, bien mieux payés selon ses dires ».

2017

55’219

13’819

2018

56’370

10’162

2019

55’497

14’440

2020

42’522

11’351

2021

28’078

16’411

2022

36’298

16’632

2023

37’866

14’319

g. Dans une note du 19 mars 2024, relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité, l’OAI a retenu que l’assurée avait un statut d’actif. Même si dans sa demande de prestations, elle avait indiqué que son taux d’activité se répartissait à raison de 20% entre le C______ et 5% au titre de l’activité indépendante, le rapport d’enquête du 15 mars 2024 faisait état de deux autres activités : jury pour le C______ et professeur donnant des cours de violon privés à domicile. La diversité des activités menées dans sa branche (violoniste) démontrait une volonté d’avoir un taux d’activité élevé. Il y avait donc lieu de considérer que, si sa santé ne l’en avait pas empêchée, l’assurée aurait exercé son activité à 100%.

h. Par projet de décision du 19 mars 2024, l’OAI a envisagé de ne pas accorder
de prestations à l’assurée. À l’issue de l’instruction médicale, il y avait lieu de lui reconnaître une incapacité de travail totale, dans toute activité professionnelle, dès le 20 avril 2020 (début du délai d’attente d’un an) et une capacité de travail de 50% dans toute activité professionnelle dès janvier 2021. Au moment de l’ouverture du droit à une éventuelle rente d’invalidité (juillet 2023), la perte de gain s’élevait à 33%. Un taux d’invalidité inférieur à 40% ne permettait pas de prétendre à l’octroi d’une rente d’invalidité. En outre, des mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans sa situation.

i. Le 10 avril 2024, l’assurée a contesté ce projet et invité l’OAI à reconsidérer sa position, en prenant en compte un degré d’invalidité au moins proportionnel à son incapacité de travail. À l’appui de sa position, elle a fait valoir notamment que son activité de concertiste l’avait amenée, en 2018 et 2019, à donner des dizaines de concerts en tant que soliste au sein de l’Orchestre E______. Or, si les revenus découlant de cette activité avaient été réalisés non pas en Espagne mais en Suisse, leur montant aurait vraisemblablement doublé. L’assurée a également produit deux contrats passés avec l’Orchestre F______, portant sur des concerts prévus les 17 avril et 4 mai 2024 et incluant les répétitions fixées en amont.

j. Invité à prendre position sur le courrier du 10 avril 2024 de l’assurée, le service des évaluations AI s’est déterminé comme suit le 3 juin 2024 : dans son rapport d’enquête, il avait précisément relevé qu’en dépit d’une diminution du nombre de concerts donnés en 2021 et 2022, le chiffre d’affaires en résultant avait tout de même légèrement augmenté par rapport aux années précédentes (2016 à 2019), ce qui pouvait s’expliquer par le fait que l’assurée ne s’était pas rendue à l’étranger et avait donné des concerts uniquement en Suisse – bien mieux payés selon ses dires. Se référant toujours au rapport du 15 mars 2024, plus précisément à la diminution du taux d’activité au C______ de 42.70% (années 2018-2019 et 2019-2020) à 5.20% dès la rentrée 2020, suivie de taux d’activité de 20.83% (année 2021-2022) et de 21.88% (année 2022-2023), le service des évaluations AI a estimé que la diminution de l’activité au C______ laissait également le temps nécessaire à la préparation des concerts. En effet, selon les contrats produits le 10 avril 2024, les répétitions avaient lieu durant la journée. En conséquence, « s’il y [avait] une augmentation des concerts, il y [avait] également une diminution de l’enseignement qui était remarquée sur ces années ». Étant donné les nombreux paramètres entrant en ligne de compte dans cette situation, l’enquêtrice avait pris en considération la meilleure année d’un point de vue professionnel, soit l’année 2018, pour retenir un revenu sans invalidité de CHF 56'370.-. Un gain supérieur à celui-ci ne pouvait pas être retenu et une évaluation différente de la situation ne pouvait pas avoir lieu en l’état. Dans ces conditions, il convenait de maintenir la proposition faite dans le rapport d’enquête du 15 mars 2024, à savoir la prise en considération d’un préjudice économique de 32.83% en 2023.

k. Par décision du 5 juin 2024, l’OAI a refusé d’octroyer une rente et des mesures professionnelles à l’assurée. Les éléments invoqués le 10 avril 2024 n’étaient pas de nature à justifier la prise en considération d’un revenu sans invalidité supérieur à CHF 56'370.-. En outre, des mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires.

C. a. Le 5 août 2024, l’assurée, représentée par une avocate, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité de 60% dès le 1er juillet 2023, avec intérêts moratoires à 5% l’an sur les arriérés, dès le 24e mois suivant l’exigibilité.

À l’appui de sa position, elle a expliqué ne contester ni son statut d’active à 100%, ni son incapacité de travail totale, dès le 20 avril 2020. Contrairement à l’OAI, elle estimait toutefois que sa capacité de travail n’était pas de 50% dans toute activité à partir de janvier 2021 mais de 40%, comme retenu par le
Dr D______. D’ailleurs, depuis août 2023, elle se trouvait en incapacité de travail à 60% de son taux de 21.88% au C______, de sorte qu’elle ne prenait en charge plus que trois élèves par semaine. En attestaient, d’une part, des certificats d’arrêt de travail à 60% du Dr D______, couvrant la période du 21 août 2023 au 28 juin 2024 et d’autre part, le rapport d’enquête du 15 mars 2024, mentionnant trois élèves depuis la rentrée d’août 2023. À partir de ce moment-là, le C______ avait annoncé un cas de maladie à son assureur perte de gain (ci-après : APG), à savoir, dans un premier temps, la ZURICH Assurances (ci-après : ZURICH), puis HELSANA ASSURANCES COMPLÉMENTAIRES SA (ci-après : HELSANA), qui avait succédé à la ZURICH en janvier 2024. Compte tenu des changements intervenus le 21 août 2023, le revenu avec invalidité retenu dans la décision litigieuse (CHF 37'866.-) était surévalué, cette somme incluant du salaire versé à 100% par le C______ (durant le délai de carence de l’assureur-maladie perte de gain), malgré une incapacité de travail de 60% perdurant depuis août 2023. En tenant compte de cette spécificité, le revenu avec invalidité s’élevait à CHF 31'635.- pour l’année 2023. Or, la simple réduction de ce revenu aurait dû conduire à l’octroi d’une rente, même en s’en tenant à la méthode de comparaison des revenus retenue par l’intimé. En tout état, il paraissait « absurde » de reconnaître une invalidité de 50% en 2021 mais de seulement 32.83% en 2023 en fonction des fluctuations du revenu avec invalidité, sachant qu’en parallèle, l’état de santé n’avait pas changé selon les constatations de l’intimé. En définitive, en application de la méthode de la comparaison en pour-cent, il convenait de retenir que la capacité de travail résiduelle de la recourante était de 40%, comme attesté par le Dr D______. Le taux d’invalidité, qui se confondait avec le taux d’incapacité de travail, était donc de 60%, et ce depuis septembre 2021. Un résultat comparable aurait d’ailleurs été obtenu en comparant le salaire avec invalidité, non pas aux CHF 56'370.- mentionnés dans l’avis de taxation 2018, mais aux salaires statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci‑après : ESS). Il ressortait, en effet, du tableau TA1 de l’ESS 2022 que les femmes réalisaient, en moyenne, un revenu de CHF 7'024.- brut par mois (soit CHF 84'288.- par an), dans une activité de niveau 4 relevant du domaine des arts, spectacles et activités récréatives, ce qui était assez proche du revenu annuel moyen d’environ CHF 90'000.- réalisé par le mari de la recourante, entre 2017 et 2023, ce dernier étant, lui aussi, enseignant au C______ (à 40%) et violoniste professionnel (dans un orchestre et un quatuor) le reste du temps.

b. Par réponse du 5 août 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter de la comparaison des revenus effectuée dans le cas concret, celle-ci ayant été effectuée le plus précisément possible. Les raisons pour lesquelles il aurait été nécessaire de s’écarter des revenus effectifs (telles que des fluctuations importantes de ceux-ci liées à des facteurs externes à l’invalidité, une impossibilité d’établir avec certitude les revenus en l’absence de documentation probante, etc.) n’étaient pas réalisées en l’espèce. En effet, la situation de la recourante ne présentait pas de telles particularités. Même s’ils étaient variables, les revenus de la recourante n’avaient pas subi de variations très importantes au fil des années. Pour le revenu sans invalidité, l’intimé s’était d’ailleurs basé sur le revenu le plus élevé jamais réalisé (en 2018). En outre, dans la mesure où une tendance à la baisse des revenus s’était manifestée dès la survenance de l’atteinte à la santé, rien ne justifiait que l’on fixât la perte de gain directement sur la base de l’incapacité de travail, en faisant une comparaison en pour-cent. Quant aux développements consacrés à la carrière que la recourante aurait connue sans atteinte à la santé – selon lesquels son revenu aurait presque doublé au moment de la décision litigieuse – ils n’étaient corroborés que par une comparaison abstraite avec le gain réalisé par son mari. Or, une telle évolution salariale hypothétique, qui était calquée sur la progression salariale du conjoint, n’apparaissait pas vraisemblable dans le cas concret.

En ce qui concernait le revenu avec invalidité, l’intimé n’avait pas connaissance des versements effectués par l’APG au moment de la décision attaquée. En outre, il ne disposait pas des documents attestant des versements effectués en faveur de la recourante en 2023. Aussi l’intimé a-t-il invité la recourante à produire un décompte des versements, voire ses fiches de salaire pour les mois concernés, afin qu’un éventuel ajustement soit réalisé.

c. Le 19 septembre 2024, la recourante a répliqué et produit, entre autres :

-          les décomptes des indemnités journalières APG, attestant d’un délai de carence de 60 jours à compter de l’événement assuré du 21 août 2023 (incapacité de travail de 60%), et du versement de ces indemnités au C______ du 20 octobre au 31 décembre 2023 par la ZURICH et du 1er janvier au 31 août 2024 par HELSANA ;

-          les fiches de salaires de la recourante, éditées par le C______ pour l’année 2023, faisant état d’un revenu mensuel brut de CHF 1'902.80 de janvier à août (CHF 2'854.20 en juin en raison d’un demi-treizième salaire) pour sept élèves par semaine, majoré à CHF 1'945.20 de septembre à novembre (à la faveur d’une annuité supplémentaire) et de CHF 2'910.75 en décembre, en raison du versement de la deuxième partie du treizième salaire.

Tirant argument des pièces produites, la recourante a fait valoir qu’au vu de l’incapacité de travail de 60%, dès la rentrée 2023, le salaire déterminant réalisé auprès du C______ devait être réduit dans les mêmes proportions, du 21 août au 31 décembre (CHF 5'652.85 selon ses calculs), ce qui diminuait d’autant le revenu avec invalidité. Même si cela lui ouvrait déjà le droit à une rente d’invalidité de 32.5% (en comparant le revenu avec invalidité ainsi diminué au revenu sans invalidité retenu par l’intimé), elle n’en considérait pas moins qu’il y avait lieu de déterminer son degré d’invalidité sur la base de son taux d’incapacité de travail (60%).

d. Par duplique du 29 octobre 2024, l’intimé a estimé, au vu des pièces produites, que le revenu réalisé auprès du C______ en 2023 devait être réduit à hauteur de
CHF 5'494.75, soit de CHF 24’920.15 à CHF 19'425.40 et le revenu avec invalidité de CHF 37'866.- à CHF 32'371.25. Ainsi, le degré d’invalidité de la recourante était de 42.57% ([56'370 – 32'371.25] x 100 / 56'370), ce qui lui donnait droit à une rente d’invalidité de 32.5%. En conséquence, l’intimé a conclu à la réformation de la décision litigieuse, en ce sens qu’il convenait d’allouer à la recourante une rente d’invalidité correspondant à ce taux.

e. Par pli du 7 novembre 2024, la recourante a indiqué, en substance, que même si la reconnaissance d’un degré d’invalidité de 42.57% par l’intimé constituait un pas dans la bonne direction, elle n’en persistait pas moins à soutenir que son taux d’invalidité se confondait avec son taux d’incapacité de travail (60%).

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.


 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé (art. 53 al. 3 LPGA).

En l’occurrence, c’est par observations du 29 octobre 2024 que l’intimé a revu sa position concernant l’octroi d’une rente d’invalidité à la recourante. En conséquence, il n'a pas rendu formellement de nouvelle décision.

Dans la mesure où le refus de toute mesure professionnelle n’est pas contesté par la recourante, l’objet du litige concerne donc uniquement la question de savoir si la décision attaquée lui refuse, à tort, l’octroi d’une rente d’invalidité et, si tel est le cas, la quotité de cette rente.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) et celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit – s’il était reconnu – naîtrait après le 31 décembre 2021. En conséquence, les dispositions légales applicables seront citées, ci-après, dans leur nouvelle teneur.

3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

3.3 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

3.4 Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références)

5.              

5.1 En vertu de l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (cf. al. 4).

La quotité de la rente est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI). Le droit à la rente naît, au plus tôt, à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à
l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 1 LAI).

5.2 Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir, s'il n'était pas invalide, est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité, ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de
l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a).

5.3 L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son
al. 1, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable
sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).

5.4 La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants des revenus sans et avec invalidité et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 ; 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans le cas où l'on peut exclure au degré de vraisemblance prépondérante que les résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs – étrangers à l'invalidité – et celle qui revient à la propre prestation de travail de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 3.3 et les arrêts cités).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et les références ; 129 V 222 ; 128 V 174).

6.              

6.1 Selon l’art. 26 RAI, le revenu sans invalidité (art. 16 LPGA) est déterminé en fonction du dernier revenu de l’activité lucrative, effectivement réalisé avant la survenance de l’invalidité. Si le revenu réalisé au cours des dernières années précédant la survenance de l’invalidité a subi de fortes variations, il convient de se baser sur un revenu moyen équitable (al. 1).

6.2 Si le revenu effectivement réalisé ne peut pas être déterminé ou ne peut pas l’être avec suffisamment de précision, le revenu sans invalidité est déterminé sur la base des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI pour une personne ayant la même formation et une situation professionnelle correspondante (art. 26 al. 4 RAI).

6.3 Ce qui est déterminant pour l’estimation du revenu sans invalidité, c'est ce que la personne assurée gagnerait effectivement, en bonne santé, au moment déterminant, sur la base de ses capacités professionnelles et de ses circonstances personnelles, au degré de la vraisemblance prépondérante. La détermination du revenu doit être aussi concrète que possible. Étant donné qu’il est possible de partir du principe empirique que l'activité exercée jusqu'alors aurait généralement été poursuivie sans atteinte à la santé, le revenu sans invalidité se détermine, en principe, selon le dernier gain réalisé avant la survenance de l'atteinte à la santé, adapté si nécessaire au renchérissement et à l'évolution réelle du revenu
(ATF 134 V 322 consid. 4.1 ; 129 V 222 consid. 4.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2017 du 19 septembre 2017 consid. 3.2.1). Le revenu sans invalidité des indépendants peut, en principe, être déterminé sur la base des inscriptions au compte individuel (CI). Si le revenu réalisé jusqu'à la survenance de l'invalidité présente des fluctuations importantes et relativement brèves, il convient de se baser sur le gain moyen réalisé sur une période plus longue (arrêt 8C_567/2013 du 30 décembre 2013 consid. 2.2.2 et les références). La jurisprudence du Tribunal fédéral n'exclut toutefois pas que, dans certaines circonstances, on ne se base pas sur le dernier revenu réalisé, même pour les personnes exerçant une activité lucrative. C'est notamment le cas pour les indépendants lorsque les circonstances permettent de supposer avec une vraisemblance prépondérante que la personne assurée aurait, en l’absence d’atteinte à la santé, abandonné son activité indépendante peu rémunératrice et accepté une autre activité mieux rémunérée. Il faut admettre la même chose pour le cas où l'activité indépendante exercée avant l'atteinte à la santé ne constitue pas, en raison de sa courte durée, une base suffisante pour la détermination du revenu de valide, d'autant plus que dans les premières années suivant le début de l'activité indépendante, les bénéfices d'exploitation sont habituellement faibles pour diverses raisons (taux d'amortissement élevé sur les nouveaux investissements, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_651/2019 du 18 février 2020 consid. 6.2 et les références).

7.              

7.1 Si l’assuré réalise un revenu après la survenance de l’invalidité, le revenu avec invalidité (art. 16 LPGA) correspond à ce revenu, à condition que l’assuré exploite autant que possible sa capacité fonctionnelle résiduelle en exerçant une activité qui peut raisonnablement être exigée de lui (art. 26bis al. 1 RAI).

Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2).

Lorsqu’il s’agit de déterminer le revenu d’invalide sur la base d’un revenu effectif fluctuant, il y a lieu d’appliquer par analogie la jurisprudence relative à la détermination du revenu sans invalidité, selon laquelle il est possible de s'écarter du salaire réalisé en dernier lieu notamment lorsqu'il est soumis à des fluctuations importantes ; il faut alors procéder à une moyenne des gains réalisés sur une période relativement longue (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_2/2023 du 7 septembre 2023 consid. 3.2 et les références).

7.2 Si l’assuré ne réalise pas de revenu déterminant, le revenu avec invalidité est déterminé en fonction des valeurs statistiques visées à l’art. 25 al. 3 RAI (art. 26bis al. 2 RAI).

8.              

8.1 Selon la jurisprudence, il est possible de fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité (comparaison en pour-cent ; ATF 119 V 475 consid. 2b ; 114 V 313 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.1). L'application de cette méthode se justifie lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_225/2016 du 14 juillet 2016 consid. 6.2.2), ou lorsque dans les circonstances particulières, la différence entre les deux revenus est nettement inférieure ou supérieure aux seuils déterminants pour l’étendue du droit à la rente (de 70, 60, 50 et 40% ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_333/2013 du 11 décembre 2013 consid. 5.3), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).

Une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (cf. ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6 et les références).

8.2 Dans un arrêt du 10 avril 2017, concernant un avocat indépendant s’étant annoncé à l’office AI en novembre 2013, et ayant continué à exercer son métier malgré des crises d’épilepsie et des troubles cognitifs incapacitants (à hauteur de 30% dès novembre 2009, 50% depuis janvier 2013 et 55% depuis novembre 2014), le Tribunal fédéral a constaté qu’il n’était pas possible de déterminer le degré d’invalidité en comparant les résultats d’exploitation réalisés avant et après la survenance de l’invalidité, la fluctuation de ceux-ci de 2009 à 2014 étant en grande partie indépendante de l’incapacité de travail. Cela était souligné par le fait que les résultats d’exploitation n’étaient pas corrélés – ni en temps réel, ni de manière différée – avec l’incapacité de travail attestée. Aussi le Tribunal fédéral
a-t-il considéré, sur la base d’une comparaison en pour-cent, qu’une capacité de travail réduite de 55% entrainait une perte de gain et un degré d’invalidité à ce même taux (arrêt du Tribunal fédéral 9C_804/2016 du 10 avril 2017).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427
consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.          

10.1 En l’espèce, il n’est pas contesté, sur le plan médical, que la recourante présentait une capacité de travail entière jusqu’au 19 avril 2020, mais qu’en raison d’une atteinte à sa santé psychique, sa capacité de travail était nulle dans toute activité du 20 avril au 31 décembre 2020 et que, depuis le 1er janvier 2021, elle bénéficiait d’une capacité de travail de 3 à 4 heures par jour, dans toute activité adaptée, y compris son activité habituelle. Cette dernière englobe des activités relevant de la pratique et de l’enseignement du violon, exercées pour partie à titre d’activité salariée (cours au C______, certains concerts, jury au G______ jusqu’en 2022) et pour partie à titre d’activité indépendante (cours de violon privés, certains concerts). Il n’est pas non plus contesté que depuis la survenance de l’atteinte à la santé, la recourante exerce toujours son activité habituelle, en tant que son état de santé le lui permet. En outre, dans la mesure où l’intimé n’a jamais soutenu – sans que cela soit contesté ou apparaisse contestable – qu’il pourrait être attendu de la recourante qu’elle exerçât une activité autre que celle de violoniste, il convient de considérer que depuis avril 2020, le revenu avec invalidité qui peut être raisonnablement exigé d’elle correspond au gain qu’elle est encore en mesure de réaliser dans son activité habituelle, cette dernière lui permettant d’exploiter au mieux sa capacité de travail résiduelle (cf. art. 16 LPGA).

Enfin, il est constant qu’au vu du dépôt de la demande de prestations le 3 janvier 2023, le droit à une rente éventuelle ne pourrait pas naître avant le 1er juillet 2023, la recourante ayant fait valoir son droit aux prestations tardivement (cf. art. 29
al. 1 LAI).

10.2 Est en revanche contesté le point de savoir s’il y a lieu de déterminer le degré d’invalidité de la recourante sur la base d’une comparaison des revenus, avec et sans invalidité, tels qu’ils ressortent, respectivement, de la déclaration d’impôts 2023 et de l’avis de taxation 2018.

10.2.1 S’agissant du revenu sans invalidité, le rapport d’enquête économique du 15 mars 2024 mentionne que ce revenu a connu des fluctuations, notamment de 2017 à 2019 et que selon les déclarations de la recourante, les concerts donnés à l’étranger avant l’atteinte à la santé, en particulier à Barcelone (cf. pièces 7 et 8 recourante) en 2018, 2019 et début 2020, étaient bien moins rémunérés que s’ils avaient été donnés en Suisse (cf. dossier AI, doc. 35, p. 195). Sur question de l’enquêtrice (« qu’aurait-elle fait en bonne santé ? »), la recourante a répondu « qu’elle aurait certainement arrêté de toute façon les concerts à l’étranger, car ils étaient moins bien rémunérés et lui demandaient trop de déplacements. Elle aurait dès lors accepté plus de mandat[s] par le biais de la Fondation de l’Orchestre F______, étant donné que les déplacements sont moins importants et que la prestation est bien mieux rémunérée » (cf. dossier AI, doc. 36, p. 232). Les termes « bien mieux rémunérée » signifient, aux dires de l’intéressée, une rémunération correspondant au double de celle réalisée à l’étranger (cf. courrier du 10 avril 2024 à l’OAI). Elle a également précisé dans son recours que les concerts donnés à Barcelone jusqu’en mars 2020 étaient payés « cash » et que le montant suffisait parfois tout juste à rembourser les frais de voyage et de logement. Si elle avait accepté ces conditions, c’était en raison de la plus-value que cette expérience allait lui apporter pour la suite de sa carrière (acquisition d’une précieuse expertise dans la musique baroque, sur instruments anciens, venant combler le fait de n’avoir pas obtenu de master en musique ancienne, contrairement à d’autres violonistes actifs dans milieu).

La chambre de céans constate, pour sa part, que malgré son atteinte à la santé, la recourante a effectivement mis en pratique les déclarations d’intention concernant le déplacement de son activité indépendante de concertiste vers la Suisse, tout en maintenant une partie de ses concerts en France (cf. dossier AI, doc. 35, p. 195).
Il ressort d’ailleurs de la partie du rapport d’enquête économique consacrée à l’évolution du chiffre d’affaires de l’activité indépendante, qu’en 2021 et 2022,
les chiffres sont proches des années antérieures à 2012 et que la recourante « explique avoir diminué la partie des concerts, mais les chiffres sont en légère augmentation en comparaison aux années précédentes (2016 à 2019). Cela peut s’expliquer par le fait que [la recourante] ne se rende plus à l’étranger et qu’elle fasse uniquement des concerts en Suisse, bien mieux payés selon ses dires » (cf. dossier AI, doc. 36, p. 235).

Dans la mesure où les déclarations de la recourante sur la faiblesse des cachets espagnols en comparaison avec les cachets suisses apparaissent plausibles, il sied de constater, à ce stade de l’analyse, que les circonstances permettent de supposer avec une vraisemblance prépondérante qu’en l’absence d’atteinte à la santé, la recourante ne se serait pas contentée de manière durable de la faible rémunération perçue pour ses concerts à Barcelone entre 2018 et début 2020, et qu’elle aurait donné des concerts en Suisse, mieux rémunérés, en lieu et place, ce qui lui aurait été facilité grâce à l’expérience et la renommée acquises à Barcelone.

En se fondant sur les données du rapport d’enquête du 15 mars 2024, il s’ensuit que, sur un revenu moyen de CHF 55'695.33 (toutes activités confondues) entre 2017 et 2019, dont la partie due à l’activité indépendante représentait CHF 12'807.- en moyenne, un éventuel doublement de ce montant (CHF 25'614.-, soit 12'807 x 2) permettrait déjà d’aboutir, au moment de la naissance du droit à la rente, à un revenu sans invalidité de CHF 68'502.33, bien supérieur au gain de CHF 56'370.- réalisé en 2018 et retenu par l’intimé. Ce montant de CHF 68'502.33 ne saurait toutefois être repris tel quel, non seulement parce qu’il se baserait sur les seules déclarations de la recourante (sur le doublement de la rémunération des concerts lorsqu’ils sont donnés en Suisse), mais aussi parce que l’on ignore quels concerts supplémentaires l’intéressée aurait effectivement donnés en Suisse, voire en France – et pour quel cachet – si sa capacité de travail était restée entière.

Cela étant, le rapport d’enquête n’en objective pas moins un chiffre d’affaires 2023 pratiquement au niveau de celui de l’année 2019 et, pour les années 2021 et 2022, d’un montant supérieur aux années 2012 à 2019, malgré une capacité de travail de 0% du 20 avril au 31 décembre 2020 et de 40% depuis le 1er janvier 2021, ce qui va clairement dans le sens d’une meilleure rétribution de l’activité indépendante, depuis que les concerts ne sont plus donnés à l’étranger mais en Suisse. Aussi l’intimé n’était-il pas fondé à se baser sur le revenu de
CHF 56'370.- réalisé en 2018 à titre de revenu sans invalidité, ce dernier étant sous-évalué, sans que l’on puisse toutefois le chiffrer précisément pour les raisons évoquées supra. À cela s’ajoute que ce revenu de CHF 56'370.- ne prend pas non plus en compte la progression salariale que l’activité de professeur de violon au C______ a enregistrée jusqu’en 2023, à la faveur de l’ancienneté (octroi des annuités).

10.2.2 S’agissant du revenu avec invalidité, le rapport d’enquête du 15 mars 2024, sur lequel se fonde la décision litigieuse, considère que celui-ci a fluctué entre
CHF 28'078.-, CHF 36'298.- en 2022 et CHF 37'866.- en 2023, de sorte que la comparaison avec le revenu sans invalidité de CHF 56'370.- permettrait d’aboutir à un degré d’invalidité de CHF 50.19% en 2021, 35.61% en 2022 et 32.83% (42.57% selon la proposition du 29 octobre 2024) au moment de l’ouverture du droit à une éventuelle rente en 2023. L’enquêtrice parvient également à la conclusion que, depuis son atteinte à la santé, la recourante « a diminué son
taux auprès du [C______] mais maintenu et légèrement augmenté son activité indépendante qu’elle souhaitait développer » (cf. dossier AI, doc. 36, p. 236).

Dans sa prise de position du 3 juin 2024, l’enquêtrice précise que dans la mesure où, parallèlement à la diminution des concerts alléguée, la recourante a également réduit son activité de professeur de violon, cela lui « laisse également le temps nécessaire à la préparation des concerts, car ces derniers se font en journée […] S’il y a une augmentation des concerts, il y a également une diminution de l’enseignement qui est remarquée sur ces années » (cf. dossier AI, doc. 42, p. 261). En tant que ceci entre en contradiction avec les déclarations de la recourante, selon lesquelles celle-ci a diminué ses concerts depuis son atteinte à la santé, il est nécessaire d’examiner si les conclusions du rapport d’enquête résistent à l’examen, plus particulièrement si les variations du revenu d’invalide en 2021, 2022 et 2023 sont corrélées à l’état de santé.

Il est constant que le taux d’activité de la recourante en tant que professeur de violon au C______ était de 42.7% en 2018-2019 comme en 2019-2020, de 5.2% durant l’année 2020-2021 (demande de congé sabbatique), de 20.83% durant l’année 2021-2022 et de 21.88% durant l’année 2022-2023 (cf. dossier AI, doc. 31, p. 179 ; doc. 36, p. 232). En ce qui concerne l’activité indépendante, les seules indications relatives au nombre d’heures se rapportent aux années 2022 (340 heures) et 2023 (290 heures) (cf. dossier AI, doc. 31, p. 155 ; doc. 36, p. 235). Rapportées à une année (soit 52 semaines) dont quatre semaines seraient consacrées aux vacances (laissant ainsi 48 semaines de travail de 40 heures, soit 1920 heures au total), les heures d’activité indépendante annoncées par la recourante représentaient ainsi un taux d’activité de 17.7% en 2022, respectivement 15.1% en 2022. En y ajoutant le taux d’activité auprès du C______ en 2022 (20.83%) et 2023 (21.88%), on obtient ainsi un taux d’activité de 38.53% en 2022 et 36.98% en 2023, lequel avoisine selon toute vraisemblance les 40% de capacité de travail, eu égard au temps consacré en outre à la réalisation d’autres activités salariées en 2022 (CHF 300.-) comme en 2023 (CHF 4'306.-). On peut donc retenir que le temps libéré par la réduction du taux d’activité au C______, dès la rentrée 2020, permet à la recourante de se consacrer à son activité indépendante, dans les limites de sa capacité de travail de 40% résiduelle. Ceci étant précisé, il ressort du rapport d’enquête qu’en dépit d’une activité lucrative exercée dans les limites médicalement exigibles, la perte de gain – que l’intimé a chiffrée en comparaison avec le revenu sans invalidité de CHF 56'370.- réalisé en 2018 – s’établit à 50.19% en 2021, 35.61% en 2022 et 32.83% en 2023 (42.57% en 2023 après correction proposée le 29 octobre 2024). Comme on le verra dans le tableau ci‑après, ces variations s’expliquent en premier lieu par la clé de répartition entre activité salariée et indépendante, telle qu’elle ressort des avis de taxation 2021 et 2022 et de la déclaration fiscale 2023, la tendance révélée étant que la perte de gain s’accroit à mesure que la proportion de l’activité indépendante augmente dans le revenu déclaré :

2021

2022

 

2023

2023 (après correction

du 29.10.24)

Avis de taxation/

Déclaration fiscale

28’078

 

 

dont :

36’298

 

 

dont :

37’866

 

 

dont :

32'371

 

 

dont :

C______

11’240

(= 40%)

23’037

(= 63.50%)

24’920

(= 65.8%)

19'425

(= 60%)

Autres activités salariées

3’584

(= 12.8%)

300

(= 0.8%)

4’306

(= 11.4%)

4’306

(= 13.3%)

Bénéfice net de l’activité

indépendante

13’255

(= 47.2%)

12’961

(= 35.7%)

8’640

(= 22.8%)

8’640

(= 26.7%)

 

Perte de gain par rapport à 56'370

28’292

(= 50.19%

20’072

(= 35.61%)

18’504

(= 32.83%)

23’999

(= 42.57%)

10.3 Il résulte, en résumé, de ce qui précède que le revenu sans invalidité a été sous-évalué par l’intimé (ci-dessus : consid. 10.2.1) mais qu’il n’est pas possible pour autant de le déterminer avec suffisamment de précision. Quant au revenu avec invalidité, il correspond à ce que la recourante est encore en mesure de réaliser dans le cadre de son activité habituelle dans les limites de sa capacité de travail résiduelle. Cette activité habituelle étant toutefois, pour partie salariée et pour partie indépendante, avec des proportions variables d’une année à l’autre, il sied de relever ce qui suit : dans la mesure où pour l’activité de professeur au C______, le revenu est fonction du taux d’activité et, pour l’année 2023 (après correction), du taux de capacité résiduel de 40% dans le cadre du taux d’activité de 21.88%, la baisse des revenus réalisés au C______ depuis l’atteinte à la santé est effectivement corrélée à l’invalidité. On constate, néanmoins, que la recourante n’épuise pas sa capacité de travail résiduelle en tant que professeur de violon au C______ mais qu’elle le fait seulement en cumulant des activités parallèles, soit principalement une activité indépendante (cours privés de violon et concerts). Ceci ne lui est toutefois pas reproché et ne souffre d’ailleurs aucun reproche (cf. ci-dessus : consid. 10.1), l’intimé ayant même noté que « [la recourante] exprime le fait que les concerts lui font le plus grand bien et qu’il est important qu’elle puisse continuer » (cf. dossier AI, doc. 36, p. 233). Aussi convient-il de considérer que cette diversification des activités lucratives autour du même thème central (le violon) offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle.

Ceci étant précisé, la part du revenu déclaré qui est attribuable à l’activité indépendante subit des variations qui ne s’expliquent pas seulement par le taux d’activité disponible après déduction des activités salariées, mais aussi par les recettes, variables par nature, de l’activité indépendante (montant des cachets obtenus, etc.). Force est, par conséquent, de constater que ces variations ne sont pas corrélées avec l’incapacité de travail attestée (cf. ci-dessus : consid. 10.2). La situation s’apparente en définitive à celle d’une salariée dont la rémunération se compose d’une part fixe et d’une part variable et qui poursuit son activité au taux d’activité qui est exigible d’un point de vue médical (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 3.2). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a estimé que la présence d’une part fixe à 50% et d’une part variable à 50% faisait qu’il était difficile de chiffrer les revenus de l’assurée avec et sans invalidité, si bien que la perte de gain ne pouvait correspondre qu’à la réduction de sa capacité de travail.

Compte tenu de ce qui précède, c’est en application de la méthode de la comparaison en pour-cent que l’intimé aurait dû fixer le degré d’invalidité de la recourante à 60%, ce qui donne droit à une rente d’invalidité dont la quotité correspond à ce taux (art. 28b al. 2 LAI).

11.         En conséquence, le recours sera admis et la décision litigieuse réformée en ce sens que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 60% dès le 1er juillet 2023.

12.         La recourante conclut au paiement d’intérêts moratoires à 5% l’an sur les arriérés dès le 24e mois suivant leur exigibilité.

Selon l'art. 26 al. 2 LPGA, des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d'assurances sociales à l'échéance d'un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt 12 mois à partir du moment où l'assuré fait valoir ce droit, pour autant qu'il se soit entièrement conformé à l'obligation de collaborer qui lui incombe.

De par la loi, le versement d'intérêts moratoires pour les créances de prestations d'assurances sociales est subordonné au respect des trois conditions cumulatives suivantes : le délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, le délai de 12 mois à partir du moment où l'assuré fait valoir son droit, le devoir incombant à l'assuré de collaborer (Sylvie PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurance sociales, 2018, n. 31 ad art. 26 LPGA).

L'obligation de payer des intérêts moratoires commence 24 mois après la naissance du droit en tant que tel pour l'ensemble des prestations courues jusque-là, et non pas seulement deux ans après l'exigibilité de chaque prestation (ATF 133 V 9 consid. 3.6 ; ATAS/559/2019 du 24 juin 2019 consid. 11a).

Selon l'art. 7 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), le taux de l’intérêt moratoire est de 5% par an (al. 1). L’intérêt moratoire est calculé par mois sur les prestations dont le droit est échu jusqu’à la fin du mois précédent. Il est dû dès le premier jour du mois durant lequel le droit à l’intérêt moratoire a pris naissance et jusqu’à la fin du mois durant lequel l’ordre de paiement est donné (al. 2).

En l'occurrence, le droit à la rente entière d’invalidité a pris naissance le 1er juillet 2023, soit à l’issue du délai de six mois, prévu par l’art. 29 al. 1 LAI, après le dépôt de la demande de prestations invalidité intervenu le 3 janvier 2023.

Courant depuis le 1er juillet 2023, le délai de 24 mois n’a pas expiré à ce jour. Il s’ensuit que des intérêts moratoires ne sont pas dus.

13.          

13.1 Obtenant partiellement gain de cause et étant assistée par une avocate, la recourante a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 3'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

13.2 La procédure n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI) et vu l’issue du litige, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.-.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Réforme la décision du 5 juin 2024 en ce sens que la recourante a droit à une rente d’invalidité de 60% dès le 1er juillet 2023.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 3'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le