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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2075/2023

ATAS/965/2024 du 03.12.2024 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2075/2023 ATAS/965/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 décembre 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______
représentée par l’Association pour la permanence de défense des patients et des assurés (APAS), mandataire

 

 

recourante

 

contre

CAISSE-MALADIE KPT

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1945, est couverte pour l'assurance-maladie obligatoire des soins (AOS) auprès de la CAISSE-MALADIE KPT (ci-après : KPT).

b. Elle bénéficie également auprès de cet assureur d'une assurance complémentaire des soins dentaires.

B. a. Le 15 avril 2019, le docteur B______, dentiste traitant, a établi un devis d'un montant de CHF 871.10 pour un traitement des dents 12, 16, 21, 31, 32, 35 et 42. Il a posé le diagnostic d'asialie / hyposialie médicamenteuse.

Il a joint un rapport du docteur C______, médecin généraliste, du 18 octobre 2018, qui indiquait que l'assurée souffrait de nombreuses pathologies organiques et psychologiques, et qu'elle prenait depuis de nombreuses années un traitement psychotrope sous forme d'un antidépresseur tricyclique (Amytriptyline), un antiépileptique (Topamax) et un antidépresseur (Déanxit), à l'origine d'un effet anticholinergique marqué et d'une sécheresse buccale. Cette dernière avait eu pour conséquence le développement de caries dentaires et des parodontites malgré une hygiène de vie irréprochable (absence de tabac, de café, d'alcool et suivi régulier chez le dentiste).

b. Par courrier du 3 juin 2019, KPT a demandé au Dr B______ les radiographies actuelles et datées de toutes les dents, la mesure du taux de salivation actuelle et la date de l'examen.

c. Le 16 mars 2020, KPT a reçu :

-          deux radiographies du 10 avril 2019 ;

-          un rapport des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 29 novembre 2019 relatif à une consultation de chirurgie cervico-faciale du même jour, qui mentionnait que la sialométrie pratiquée avait mis en évidence une production de 0.1 g de salive en six minutes. Sous « impression », il était indiqué : « xérostomie objectivable avec sialométrie fortement pathologique ». Il était recommandé à l'assurée un traitement de substitution par Glandosane ;

-          la lettre d'accompagnement du Dr B______ du 11 mars 2020, dans lequel il considérait que le rapport des HUG précité attestait de l'atteinte pouvant affecter irréversiblement la denture.

d. Par pli du 22 avril 2020, l'assurée a invité KPT à réexaminer le remboursement en sa faveur de deux notes d'honoraires du Dr B______.

Elle a annexé :

-          une note d'honoraires relative à un traitement du 20 décembre 2019 d'un montant de CHF 225.- ;

-          un décompte de prestations du 16 janvier 2020, par lequel KPT prenait en charge le traitement précité à hauteur de CHF 112.50 au titre de l'assurance complémentaire des soins dentaires ;

-          une note d'honoraires relative à un traitement effectué du 20 janvier au 10 février 2020 d'un montant de CHF 1'632.- ;

-          un décompte de prestations du 5 mars 2020, par lequel KPT prenait en charge le traitement précité à hauteur de CHF 300.- par le biais de l'assurance complémentaire des soins dentaires.

e. Un échange de courriels a eu lieu entre l'assurée et KPT entre le 25 janvier 2021 et le 26 août 2021 au sujet de la prise en charge des traitements dentaires. L'assurée l'informait notamment qu'elle avait consulté le docteur D______, médecin-dentiste, le 4 mars 2021, et qu'un bridge commençait à se desceller, car les dents qui le supportaient étaient cariées par manque de salive, nécessitant l'installation de deux implants pour fixer un nouveau bridge.

f. Le 4 juin 2021, le Dr B______ a complété un formulaire dans lequel il posait le diagnostic de xérostomie et proposait le traitement des caries cervicales incisives supérieures et inférieures, l'avulsion des dents 13, 16 et 23, la pose de deux implants en région 13 et 23, et la confection d'une prothèse partielle sur deux bases implantaires.

Il a joint une estimation d'honoraires de CHF 7'887.95, tout en précisant que ce document ne comportait pas le devis pour la partie chirurgicale (avulsion et pose d'implants).

g. Par courrier du 11 juin 2021, KPT a sollicité du Dr B______ toutes les radiographies datées de toutes les dents, ainsi que tout renseignement sur l'intervalle de rappels de l'hygiène dentaire depuis 2016.

h. Le même jour, KPT a invité l'assurée à remplir un questionnaire sur l'hygiène bucco-dentaire.

i. Le 23 juin 2021, le Dr B______ a adressé à KPT les radiographies des 21 septembre 2016, 11 septembre 2018, 10 avril 2019 et 23 mars 2021. Il a indiqué que l'assurée était prise en charge du point de vue de l'hygiène et des soins de parodontie par le Dr D______.

j. Le 24 juin 2021, l'assurée a complété le questionnaire précité, en indiquant, après chaque repas, se brosser les dents avec une brosse électrique au moyen du dentifrice Duraphat conseillé par son hygiéniste et son orthodontiste, utiliser de petites brossettes entre les dents, ainsi que le fil dentaire, et effectuer un bain de bouche avec Elmex protection carie. Deux fois par semaine, elle passait le fil dentaire au-dessus du bridge. Elle n'avait pas une gouttière de fluoration, aucun dentiste ne lui en avait suggéré. Par contre, elle faisait un bain de bouche trois fois par jour avec Emofluor, dosage conseillé par le Dr D______, et trois fois par semaine le soir, elle appliquait Elmex gelée fluor. Elle a produit une annexe listant ses consultations auprès de l'hygiéniste, l'orthodontiste et le dentiste depuis le 16 mars 2016.

k. Par lettre du 9 juillet 2021, KPT a reconnu à l'assurée la prise en charge par l'AOS de deux séances par an pour l'hygiène dentaire - en complément des deux premières séances à la charge de l'assurée - et les coûts pour la fabrication et le port d'une attelle fluorée, à partir du 29 novembre 2019, date de la confirmation de la xérostomie. En revanche, elle a refusé la prise en charge par l'AOS de l'assainissement dentaire devisé à CHF 7'887.95, au motif que les radiographies de 2015 et 2018 démontraient que les dents 16 et 23 présentaient déjà des lésions parodontales et carieuses, que celles de 2021 révélaient un état antérieur insuffisant dans la zone des incisives tant dans le maxillaire supérieur qu'inférieur, et que les mesures d'hygiène buccale appliquées par l'assurée par le passé étaient insuffisantes. Pour les mêmes raisons, le remboursement des factures de CHF 225.- et de CHF 1'632.- par l'AOS n'était pas possible et la participation auxdits coûts à charge de l'assurance complémentaire des soins avait été correcte.

l. Par courriel du 24 août 2021, l'assurée a invité KPT à reconsidérer sa position.

Elle a joint :

-          un rapport du Dr D______ du 11 août 2021, par lequel il confirmait que sa patiente souffrait d'une sécheresse buccale extrême (xérostomie presque totale), qui se manifestait par une phonétique difficile, car la langue, les joues, les lèvres, etc. se collaient les unes aux autres en raison du manque de salive. Toutes les dents, au moins celles de la mâchoire supérieure, étaient touchées par des caries qui progressaient rapidement, car l'effet nettoyant et protecteur de la salive faisait défaut. Cela ne pouvait pas être compensé, ou seulement partiellement, même avec une hygiène buccale optimale, comme c'était le cas de la patiente. Cette dernière avait effectué à plusieurs reprises des traitements intensifs au Duraphat (fluorure de sodium à haute dose). L'état dentaire de l'assurée était presque exclusivement dû à la xérostomie, à son tour induite par les traitements médicamenteux. Malgré des années de tentatives d'entretien avec des traitements conservateurs (détartrage, fluorations, etc.), les dents supérieures étaient de plus en plus touchées par la destruction carieuse. Au stade actuel, l'extraction des dents et leur remplacement par une prothèse amovible implanto-portée était nécessaire ;

-          un devis de CHF 10'105.95.

m. Dans un rapport du 26 janvier 2022, le Dr B______ a relevé que l'assurée visitait très régulièrement et plusieurs fois l'an une hygiéniste dentaire, que la maladie (xérostomie) n'évoluerait pas tant que la cause n'était pas supprimée (médicaments), que les radiographies montraient une progression de la maladie carieuse et que celles de 2021 démontraient effectivement des « états insuffisants » provoqués précisément par la maladie.

n. Dans une prise de position du 28 février 2022 (traduite en français), le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale et médecin-conseil de KPT, a indiqué que sur les neuf médicaments prescrits à l'assurée, quatre étaient connus pour favoriser une sécheresse buccale, soit Topamax, Antramups, Amitriptyline, Wanax (en réserve). Les documents qui lui avaient été remis n'indiquaient pas depuis quand ces médicaments étaient prescrits ni depuis quand une xérostomie était présente. Depuis 2016, les radiographies montraient des caries secondaires (16, 25, 36) et une parodontopathie généralisée avec des effondrements verticaux (25, 34) ainsi qu'un début de furcation (36, 46). « Sans traitement, l'évolution et la destruction pouvaient être suivies radiologiquement jusqu'en 2021 », status après extractions de plusieurs molaires et prémolaires. Il n'existait pas de document antérieur à 2021 « fixant une proposition thérapeutique », alors que les documents radiologiques montraient des lésions carieuses depuis 2016. Une auto-évaluation témoignait d'une hygiène personnelle correcte qui n'était confirmée par aucun document médical. Le spécialiste en a tiré la conclusion que, dans la mesure où les lésions carieuses étaient documentées plusieurs années avant le diagnostic de xérostomie et qu'elles n'avaient pas été traitées, le traitement prothétique partiel proposé ne devait pas être pris en charge par KPT.

o. Par pli du 15 mars 2022, KPT a maintenu sa position déjà exprimée le 9 juillet 2021, et refusé la prise en charge des devis dentaires.

p. Le 4 avril 2022, l'assurée a sollicité une décision formelle, demande qu'elle a réitérée le 24 novembre 2022, sous la plume de l'Association pour la permanence de défense des patients et des assurés (APAS).

q. Le 21 novembre 2022, KPT a transmis à l'APAS le dossier de l'assurée.

r. Par décision du 13 janvier 2023, KPT a refusé le remboursement par l'AOS du traitement dentaire préconisé par les Drs B______ et D______.

s. Par courrier du 16 février 2023, l'assurée, par l'intermédiaire de l'APAS, s'est opposée à cette décision.

Elle a produit :

-          un récapitulatif de ses consultations chez l'hygiéniste, le parodontologue et le dentiste depuis le 16 mars 2016 ;

-          un récapitulatif des factures y relatives adressées à KPT ;

-          un questionnaire (établi par l'APAS) complété le 9 février 2023 par le Dr D______, dans lequel ce dernier indiquait suivre l'assurée depuis le 30 mars 2017, date à laquelle il avait constaté, cliniquement, une xérostomie importante (les lèvres collaient sur les dents > trouble d'articulation), presque sans salive. Le problème parodontal était connu également depuis au moins 2017. L'hygiène buccale était adéquate / normale au vu de la situation globale, l'assurée utilisait des brossettes interdentaires. La sécheresse buccale étant toujours présente, au vu de la médication (Amytriptyline, Topamax, Déanxit, Antramups), une corrélation lui semblait plus qu'évidente (sans garantie de sa part en tant que médecin-dentiste). À peu près, lors de chaque visite, des nouvelles ou récidives d'anciennes caries avaient été constatées. À partir de 2021 (post Covid), la détérioration avait accéléré au point que des extractions devenaient inévitables, surtout au niveau du maxillaire. À la suite de la perte des dents postérieures et l'état des dents antérieures (multiples restaurations avec caries récidivantes), l'extraction devenait la seule solution. En 2017 déjà, il retrouvait des restaurations / obturations dentaires dues aux caries. La localisation des caries (radiculaire, palatin, vestibulaire) ne correspondait pas aux endroits de prédilection classiques.

À la question de savoir si les lésions carieuses (et la parodontopathie généralisée) pouvaient être attribuées de manière vraisemblable et prépondérante à l'évolution de la xérostomie, le dentiste a répondu qu'en règle générale, personne n'était immune contre des caries dentaires, ni de la parodontite. Au vu de l'hygiène buccale et de l'hygiène de vie en général de l'assurée (pas de tabac, pas d'alcool, suivi régulier) et de la médication, une corrélation semblait très probable.

À la question de savoir quelles étaient les mesures d'hygiènes buccales à suivre en cas de sécheresse buccale au regard des connaissances odontologiques récentes (depuis 2016), le dentiste a répondu « hygiène dentaire irréprochable (brossage min 2 × / j + moyens interdentaires) + peu de carbohydrates fermentables + fluoration constante ». Lors de chaque consultation dentiste / hygiéniste, le « sujet de risque de carie augmenté » avait été abordé avec l'assurée, et les conseils adaptés lui avaient été fournis (fluoration Emofluor, Elmex bain de bouche, Elmex gelée, cure de dentifrice Duraphat). Il n'y avait pas de raison de penser que leurs conseils n'avaient pas été suivis. L'hygiène dentaire variait entre « normale » et excellente.

À la question (11) de savoir si les lésions ayant justifié les traitements auraient été évitables par l'application d'une meilleure hygiène buccale ou seraient vraisemblablement de toute façon survenues malgré l'application d'une meilleure hygiène buccale, le Dr D______ a répondu que selon la littérature scientifique (et l'expérience clinique quotidienne), l'hygiène dentaire était indispensable pour maintenir une santé buccale adéquate. Elle ne permettait pas, par contre, d'éviter tous les problèmes et maladies bucco-dentaires. La susceptibilité individuelle et les conditions systémiques étaient des facteurs non négligeables. Même si on ne pouvait pas l'exclure avec certitude, il semblait hautement improbable que la détérioration rapide des dents de la patiente se serait produite à la même vitesse avec une hygiène et des soins identiques.

À la question de savoir s'il était d'accord avec le rapport du Dr E______ du 28 février 2022, le Dr D______ a répondu que l'aspect médicamenteux et l'effet sur la sécheresse buccale avaient déjà été mentionnés et expliqués. Un traitement régulier avait été effectué, au moins depuis 2017. Malgré ceci, la détérioration dentaire était survenue. L'effort de la patiente au niveau de l'hygiène semblait largement suffisant pour permettre de conserver les dents naturelles, « si ce n'était l'extrême sécheresse buccale » ;

-          un échange de courriels entre l'APAS et le Dr D______ les 13 et 15 février 2023, dans lesquels la première reformulait la question 11 précitée comme suit : « Est-ce que si [l'assurée] avait adopté une meilleure hygiène dentaire encore, l'apparition des lésions qui avaient justifié vos traitements aurait pu être évitée avec un haut degré de vraisemblance ? Ou est-ce que ces lésions seraient très vraisemblablement survenues quoiqu'ils arrivent, même si [l'assurée] avait pris des mesures d'hygiène dentaire encore plus strictes ? ».

Le Dr D______ y a répondu comme suit : « [L'assurée] a mis en place un régime d'hygiène buccale selon les indications des professionnels de la santé bucco-dentaire (dentistes, hygiénistes dentaires dans deux cabinets différents). Elle a brossé ses dents selon les indications données, et appliquait du fluorure à haute dose (cures de Duraphat). Une hygiène pareille n'est pas la règle pour un patient " normal ". Même cet effort n'a pas pu éviter la dégradation des dents supérieures jusqu'à leur extraction. Je ne vois pas d'autres facteurs (à part la sécheresse buccale extrême) qui pourraient expliquer l'évolution des caries à une telle vitesse. Il me semble donc très improbable qu'avec une hygiène dentaire encore meilleure, l'apparition de ladite lésion aurait pu être évitée ».

t. Par décision du 19 mai 2023, KPT a rejeté l'opposition.

C. a. Par acte du 21 juin 2023, l'assurée, représentée par l'APAS, a interjeté recours contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de dépens, préalablement, à son audition, ainsi qu'à celle des Drs B______ et D______, et à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire auprès d'un parondontiste, et principalement, à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'intimée à prendre en charge les frais dentaires effectués depuis 2019 découlant du diagnostic de xérostomie.

Elle a fait valoir que les factures qui figuraient dans le dossier de l'intimée établissaient qu'elle avait un suivi dentaire régulier à raison de plus de quatre consultations en moyenne par année. L'exigence posée par l'intimée d'au moins quatre séances d'hygiène dentaire par an ne reposait ni sur la jurisprudence ni sur aucun fondement médical. Ces pièces ne disaient rien de l'évitabilité des lésions et des traitements ultérieurs ou d'un état antérieur déterminant permettant d'affirmer que les traitements envisagés et effectués depuis 2019 n'étaient pas en lien de causalité avec le diagnostic de xérostomie.

Elle a allégué avoir appliqué les mesures d'hygiène buccale suffisantes, telles que décrites dans le questionnaire du 24 juin 2021. Les Drs B______ et D______ avaient du reste confirmé qu'elle avait suivi une hygiène dentaire accrue et irréprochable.

Elle a soutenu que les lésions dentaires nécessitant les traitements dont elle sollicitait la prise en charge n'auraient quoi qu'il en soit pas pu être évitées par une hygiène buccale plus importante, en raison de la gravité de sa pathologie.

La recourante a produit en particulier des notes d'honoraires pour des soins dentaires établies entre le 21 mars 2016 et le 15 août 2022.

b. Par réponse du 5 septembre 2023, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle ne contestait pas qu'un diagnostic de xérostomie avait été posé le 29 novembre 2019 engendrant une sécheresse buccale. Toutefois, la documentation et les factures au dossier montraient de nombreuses dents manquantes qui n'avaient pas été remplacées. Certaines dents avaient été touchées par des lésions parodontales dont certaines avaient été réparées et d'autres remplacées soit par un pont, soit par des couronnes. L'intimée en a conclu que la situation dentaire était déjà plus que précaire avant que la xérostomie soit diagnostiquée. Les traitements litigieux étaient la conséquence de l'état de la dentition préexistant. Malgré les efforts accomplis par l'assurée avec un suivi dentaire régulier, elle n'avait jamais adopté des moyens efficaces pour prévenir les caries, comme l'utilisation quotidienne d'un produit de remplacement artificiel de la salive, à l'instar du Glandosane, conjointement avec le port d'une gouttière de fluoration. Ses visites chez l'hygiéniste dentaire étaient limitées à une ou deux par année alors que la Société suisse des médecins-dentistes (SSO) en préconisait au moins le double. Les radiographies à partir de 2016 attestaient déjà de la présence de lésions parondatales et carieuses sur plusieurs dents. Le docteur F______, spécialiste en parodontologie, qui suivait l'assurée pour sa parodontite en 2009, avait réalisé plusieurs radiographies en 2009, 2010 et 2012. Un rapport médical de mai 2011 attestait de l'état parodontal de l'assurée. Le cabinet dudit médecin ayant fermé depuis lors, ces documents se trouveraient entre les mains des dentistes qui avaient pris la relève. Le Dr E______ avait par ailleurs considéré que les caries et la parodontose n'étaient pas dues à la xérostomie, car elles étaient présentes des années avant le diagnostic. L'intimée en a tiré la conclusion que l'assurée était responsable de ces dommages et était tenue de les atténuer. Elle aurait dû prendre toutes les mesures raisonnables pour réduire autant que possible les conséquences de son altération de santé, mais elle n'avait pas respecté cette obligation et s'était limitée à une bonne hygiène, insuffisante pour sa dentition déjà prouvée, et certifiée seulement par un nombre réduit de séances annuelles chez l'hygiéniste dentaire, alors que l'auto-évaluation de son hygiène dentaire ne pouvait être objectivable. L'absence d'une gouttière de fluoration et d'un substitut salivaire, même après la pose du diagnostic de xérostomie, n'avaient fait qu'accélérer la dégradation de l'état de la dentition et du parodonte de l'assurée.

Par ailleurs, le rapport du Dr E______ du 28 février 2022 portant sur l'état de la dentition de l'assurée à partir de 2016 permettait d'établir que la xérostomie dont elle souffrait n'était pas responsable de ses lésions carieuses et de sa parodontite. À cela s'ajoutait que les factures des traitements dentaires à partir de 2009 témoignaient d'une détérioration bien avancée de la dentition de l'assurée. Les observations dudit médecin étaient claires, complètes et suffisamment détaillées. Elles n'étaient pas remises en cause par les avis contraires du Dr C______ du 18 octobre 2018, du Dr D______ du 11 août 2021 et du Dr B______ du 26 janvier 2022. Ces derniers se concentraient exclusivement sur le suivi des dernières années, vantant les traitements conservateurs, le détartrage et les quelques fluorations auxquels s'était soumise l'assurée une ou deux années avant que le diagnostic de xérostomie soit posé. Ces médecins omettaient de décrire l'état de la dentition extrêmement dégradé que présentait l'assurée avant la pose de ce diagnostic. Dans ces circonstances, une expertise ne se justifiait pas.

La seule absorption des médicaments comme l'Amytriptyline, le Topamax et le Déanxit, qui auraient pu entraîner la sécheresse buccale diagnostiquée en 2019, n'était pas de nature à avoir provoqué les lésions carieuses et la parodontopathie généralisée de l'assurée. Affirmer le contraire signifierait que chaque patient qui prenait ces médicaments se trouverait avec une sécheresse de la cavité orale ainsi que des lésions carieuses et du parodonte. Or, cela n'était pas le cas. Malgré son syndrome et les conséquences qu'il pouvait entraîner, il était incontestable que l'assurée avait omis de se soumettre à une hygiène bucco-dentaire professionnelle au moins quatre fois par année. De plus, elle n'avait pas utilisé quotidiennement un substitut salivaire ni appliqué du fluor. Par son comportement, l'assurée avait contribué de manière prépondérante à la dégradation incessante de sa dentition, déjà extrêmement précaire en 2009. Par ailleurs, même après la pose du diagnostic de xérostomie, l'assurée n'avait pas respecté son devoir de réduire le dommage. Les médecins des HUG lui avaient proposé un traitement de substitution de la salive par Glandosane. L'analyse des factures de pharmacie remboursées, ainsi que le questionnaire sur l'hygiène orale du 24 juin 2021 permettaient d'exclure que ce conseil avait été suivi, car l'assurée avait confirmé ne jamais avoir utilisé une gouttière de fluoration.

L'intimée a indiqué s'être appuyée sur l'Atlas des maladies affectant le système de mastication, publié par la SSO, pour fixer à quatre le nombre de séances annuelles d'hygiéniste dentaire. Selon cet Atlas, lorsqu'un diagnostic de xérostomie était établi, les mesures thérapeutiques bucco-dentaires suivantes pouvaient être nécessaires : une hygiène bucco-dentaire professionnelle trois à quatre fois par an comprenant l'application de fluor, si nécessaire à des intervalles de plus en plus courts ; des conseils nutritionnels ; des gouttières de fluoration en cas de gingivite / parodontite et de caries sur le collet de la dent ; un substitut de salive sous forme de spray humidificateur oral avec du sérum physiologique ; une hydratation quotidienne suffisante et régulière tout au long de la journée. Il était également possible de stimuler physiologiquement la production de salive à l'aide de pastilles ou de bonbons sans sucre, ou à l'aide de médicaments, par exemple, le Glandosane. Or, l'hygiène professionnelle à laquelle s'était soumise l'assurée n'avait pas été conforme à ces prescriptions au cours des dernières années. Les quatre consultations annuelles chez le dentiste concernaient en particulier des examens et des rapports sur l'état parodontal, des ablations de dents ou de couronnes, des obturations ou des reconstitutions de dents. Ce n'était qu'en 2018 qu'elle avait bénéficié de trois séances par an chez l'hygiéniste, alors qu'en 2019, il n'y en avait qu'une seule et la moyenne des autres années avait été seulement de deux séances par an. La xérostomie, qui s'ajoutait à la situation dentaire délicate de l'assurée, déjà minée depuis des années par des caries récurrentes et des parodontites diffuses, nécessitaient des soins dentaires majeurs afin d'éviter l'apparition de problèmes dentaires plus importants que chez d'autres patients. Si elle ne pouvait pas savoir quelles mesures prendre, il appartenait à ses médecins de la renseigner.

Le dossier de l'intimée comprenait notamment les honoraires pour soins dentaires établies entre le 25 mars 2009 et le 23 juillet 2018.

c. Par réplique du 14 novembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a rappelé les mesures d'hygiène dentaire qu'elle appliquait, en alléguant qu'elles étaient équivalentes aux traitements que préconisait l'intimée, et en rappelant que ses médecins décrivaient une hygiène irréprochable et une compliance totale aux recommandations et traitements.

Elle a déclaré avoir utilisé le Glandosane pendant plusieurs semaines, mais sans effet, de sorte qu'elle l'avait interrompu. L'échec de ce traitement démontrait que quels que soient les traitements supplémentaires qu'elle aurait pu suivre, ils n'auraient vraisemblablement pas permis d'éviter la survenance des lésions, objet des traitements dont la prise en charge était requise.

Comme elle prenait des médicaments à propriété anticholinergique et à l'origine d'une xérostomie résistante à tout traitement depuis plus de 20 ans, il était hautement vraisemblable que l'état de sa dentition en 2009 et notamment les lésions carieuses aient déjà été induits par la sécheresse buccale dont elle souffrait, quand bien même la xérostomie n'avait pas encore été diagnostiquée formellement. La xérostomie n'était pas apparue du jour au lendemain. Ses effets n'évoluaient pas au fil du temps, mais restaient stables. Ils ne diminueraient qu'après suppression du traitement qui la provoquait. Le Dr B______ avait relevé que les radiographies montraient une progression de la maladie carieuse provoquée par la xérostomie.

La recourante a ajouté que ses médecins avaient tâché d'endiguer la dégradation de sa dentition par des traitements conservateurs adaptés avant 2016. À l'heure actuelle, la dégradation inévitable de sa dentition était telle que des traitements de plus grande envergure s'imposaient.

L'avis du Dr E______ ne pouvait pas être assimilé à une expertise médicale. On ne pouvait pas suivre son raisonnement simpliste, puisque les médicaments à l'origine de la xérostomie étaient pris depuis le début des années 2000, que les symptômes en découlant avaient été identifiés de longue date et que les recommandations adéquates avaient été adoptées. Or, le Dr E______ ignorait la date à partir de laquelle la recourante avait commencé de prendre les médicaments litigieux. Il était évident que les effets secondaires indésirables de certains médicaments ne se manifestaient pas de la même manière chez tout le monde.

La recourante ignorait si les pièces au dossier de 2009 à 2018 étaient exhaustives. Elle ne disposait plus des factures y afférentes. Aucune ne permettait d'affirmer que d'autres traitements auraient pu éviter la dégradation de sa dentition.

Elle a versé au dossier :

-          un rapport du Dr C______ du 6 juin 2023 mentionnant que la recourante prenait depuis environ 20 ans des médicaments à propriété anticholinergique et à l'origine d'une xérostomie profonde et résistante à tout traitement local (type Glandosane) et per os (Sulfarlem) et qu'elle faisait tout son possible pour assumer la meilleure hygiène bucco-dentaire (utilisation trois fois par jour du dentifrice Colgate Duraphat fluorid 5 mg / g recommandé par son hygiéniste et son parodontologue, ainsi que application d'Elmex gelée Fluoridim 12.5 mg / g trois fois par jour) ;

-          un rapport du Dr D______ du 12 juillet 2023 expliquant en particulier que le Glandosane était un médicament pour soulager les symptômes de la sécheresse buccale, qu'il s'agissait d'un spray buccal contenant du chlorhydrate de pilocarpine, censé stimuler les glandes salivaires pour augmenter la production de salive, que cette dernière jouait un rôle essentiel dans la protection contre les caries dentaires, aidait à neutraliser les acides dans la bouche, à éliminer les débris alimentaires et à reminéraliser l'émail dentaire, et que ce médicament n'était pas spécifiquement conçu pour prévenir les caries ou avoir un effet anti-carie ;

-          un extrait du compendium relatif au Duraphat fluorid dentifrice 5 mg / g, à l'Elmex gelée, et au Glandosane spray neutre.

d. Par duplique du 5 février 2024, l'intimée a maintenu sa position.

Elle a exposé que la recourante, bien informée depuis des années quant aux risques que sa xérostomie pouvait comporter pour sa dentition, ne pouvait, de loin, pas invoquer une compliance totale aux recommandations de ses différents dentistes. Dans son évaluation, le Dr E______ mettait également l'accent sur la maladie parodontale dont souffrait l'assurée depuis au moins une vingtaine d'années et qui n'était nullement induite par la xérostomie médicamenteuse. Ce médecin s'était appuyé sur les radiographies récentes.

La fiche médicale établie par le Dr D______ révélait que l'hygiène orale de la recourante laissait fortement à désirer. Lors des visites en 2017, le Dr D______ faisait état de la présence de plaques et de beaucoup de dépôt sur les dents, et signalait que le brossage n'était pas suffisant. C'était certainement pour ce motif que régulièrement le dentiste devait procéder à des rappels quant à l'instruction sur l'hygiène dentaire et sur le brossage des implants. En 2018, la recourante avait reçu une gouttière de fluoration pour la maison. L'intimée doutait que si celle-ci l'ait régulièrement utilisée. Non seulement la recourante avouait qu'aucun dentiste lui aurait suggéré d'en porter une, mais elle avait volontairement arrêté d'utiliser le dentifrice Elmex anti-carie. Elle avait opté pour un dentifrice sans fluor et cessé le bain de bouche Elmex. Le résultat était que « les caries part[aient] partout ». Par ailleurs, depuis 2018, la recourante disposait d'une ordonnance pour un lubrifiant buccal censé atténuer les effets de la xérostomie, qu'elle n'avait certainement jamais utilisé.

L'intimée a produit :

-          la fiche médicale établie par le Dr D______ portant sur la période entre le 30 mars 2017 et le 12 juillet 2023 ;

-          des radiographies des 30 mars 2017, 4 juillet 2019, 4 et 23 mars 2021, 21 juin 2021, 27 janvier, 21 avril, 8 juin et 28 juillet 2022 ;

-          la traduction en français de la prise de position du Dr E______ du 5 janvier 2024 indiquant en particulier que la recourante souffrait d'une parodontopathie chronique et suivait un traitement dentaire spécialisé depuis des décennies, que de multiples dents avaient été traitées par des traitements radiculaires et des implants intraradicaux, que la patiente suivait un traitement médicamenteux psychiatrique avant 2019, qu'il ressortait du dossier du Dr D______ que la patiente n'avait pas utilisé le dentifrice fluoré fortement recommandé et l'avait remplacé par une pâte homéopathique non fluorée (consultations des 6 décembre 2018, 4 juillet 2019 et 4 mars 20021) et que son hygiène devait être améliorée - plaque dentaire en bas des incisives (consultation du 6 juillet 2017) ; le E______ en concluait que la xérostomie existait très probablement avant 2019, que la carie qui en résultait avait détruit des parties de la dentition, que la parodontopahtie déjà présente et les dents fortement traitées et donc affaiblies n'étaient pas dues à la xérostomie et étaient en partie responsables de la perte des dents, et que la patiente n'avait pas collaboré de manière optimale.

e. Par écriture du 8 mai 2024, la recourante a encore une fois persisté dans ses conclusions.

D'après elle, les questions qui avaient été soumises au Dr E______ comportaient une ponctuation suggestive, étaient particulièrement orientées et n'interrogeaient pas uniquement le médecin-conseil sur des considérations médicales, mais les mettaient explicitement en lien avec les enjeux financiers. Les questions étaient plus longues que les réponses. Le médecin ne répondait d'ailleurs pas à la plupart des questions posées ou pas avec suffisamment de précision. Il ne se prononçait notamment pas sur la question centrale de savoir si, même avec la prophylaxie proposée par l'intimée, le résultat aurait été différent. À l'inverse, le Dr D______ y avait répondu, en affirmant qu'il lui semblait très improbable qu'avec une hygiène dentaire encore meilleure, l'apparition de ladite lésion aurait pu être évitée.

Par ailleurs, l'intimée faisait une lecture particulièrement choisie et orientée des notes de suivi du Dr D______. Selon la recourante, une lecture globale et attentive de ces notes permettait de confirmer qu'elle se conformait aux conseils et rappels réguliers des prescriptions d'hygiène dentaire à tout le moins depuis 2017. Une seule mention, lors de la consultation de juillet 2017, selon laquelle « l'hygiène devrait être améliorée » ne suffisait pas à démontrer une prophylaxie insuffisante de sa part, dont la situation devait être appréciée dans sa globalité et sur la durée. Le fait qu'un jour, en 2017, le Dr D______ ait pu identifier une plaque de tartre ne voulait pas non plus encore dire que les prescriptions d'hygiène n'étaient pas assidument respectées. Il n'était de toute manière pas démontré que ces observations isolées avaient été de nature à provoquer ou aggraver au degré de la vraisemblance les lésions dont la recourante sollicitait la prise en charge des traitements.

La recourante a allégué n'avoir jamais interrompu l'usage complet du fluor, par des bains de bouche. L'interruption du traitement par dentifrice fluoré ne concernait qu'une courte parenthèse d'un seul tube de Weleda qu'elle avait arrêté après discussion avec le médecin. Durant l'usage de ce dentifrice, elle avait toujours continué les bains de bouche au fluor après chaque brossage, ce qui ressortait de la note de consultation du 4 juillet 2019.

Par ailleurs, elle n'avait jamais arrêté l'application de l'Elmex gelée, hautement dosé en fluor, comme en témoignait la note de consultation du 4 mars 2021. Elle utilisait cette gelée trois fois par jour depuis de très nombreuses années.

Le 19 juillet 2018, elle s'était vu prescrire par ordonnance du Duraphat (en cure) et du Elgydium (dentifrice), hautement dosés en fluor. Elle avait utilisé ces produits en alternance, en plus des bains de bouche fluoré et de l'Elmex gelée après chaque repas, depuis de nombreuses années.

Quant à l'usage d'une gouttière, elle avait utilisé un « petit appareil mou et bleu » un certain temps, puis avait opté pour le gel au fluor trois fois par jour qui remplissait strictement la même fonction.

Elle confirmait avoir eu besoin qu'on lui explique « une fois » comment nettoyer correctement ses implants.

Son hygiène dentaire était contraignant, impactait directement sa vie personnelle et sociale depuis de très nombreuses années, ce dont pourrait témoigner son époux.

Après un seul détartrage chez le Dr F______, elle n'avait eu besoin que de contrôles annuels, ce qui démontrait qu'elle ne souffrait pas de parodontite chronique. Si la mention de xérostomie figurait dans les notes de suivi du Dr D______, ce n'était qu'en 2019 que les risques lui avaient été indiqués. Avant cela, elle suivait déjà une prophylaxie accrue d'hygiène dentaire. Son traitement médicamenteux n'était pas lié à des troubles psychiatriques, mais aux migraines.

La recourante a joint :

-          la notice d'emballage de l'Elmex gelée ;

-          un rapport du Dr C______ du 28 février 2024 indiquant que la patiente prenait quotidiennement un traitement au long cours comprenant du Topamax, prescrit pour des migraines chroniques et algies vasculaires de la face ;

-          un rapport du docteur G______, médecin-dentiste, du 28 novembre 2023, auquel étaient annexées des radiographies du 2 mai 2011 au 31 mars 2014, mentionnant que la recourante avait été suivie auprès du cabinet pour les soins du 23 mars 1998 au 14 juillet 2015 et pour les soins de prophylaxie auprès de l'hygiéniste du 20 novembre 2012 au 12 mai 2015, date du dernier détartrage, qu'elle avait bénéficié de conseils prophylactiques à sa situation lors des consultations de contrôle avec le dentiste et l'hygiéniste, et qu'il avait retrouvé la notion de fortes migraines fréquemment présentes chez la patiente sans aucune information sur une éventuelle xérostomie, en précisant qu'il était fréquent d'observer ce type d'effets secondaires chez les patients traités avec des psychotropes pouvant engendrer une plus grande sensibilité à la carie, l'effet tampon protecteur lié aux électrolytes présents dans la salive venant à manquer.

f. Par écriture du 6 juin 2024, l'intimée a encore une fois maintenu sa position.

Elle a répété que les lésions carieuses profondes et les dégâts parodontaux étaient antérieurs au diagnostic de xérostomie et qu'aucun lien ne pouvait raisonnablement être retenu entre la situation préexistante, l'absorption des médicaments et l'apparition d'une xérostomie. La recourante portait une lourde responsabilité s'agissant de son hygiène orale, loin d'être irréprochable.

Dans ses rapports, le Dr E______ relevait que la recourante souffrait d'une parodontopathie chronique et suivait un traitement dentaire spécialisé avant que le diagnostic de xérostomie fût posé. La parodontopathie chronique était une maladie qui durait des dizaines d'années et qui pouvait conduire à une résorption osseuse et à une perte de dents même en cas de traitement adéquat. C'était le cas de la recourante, surtout pour les molaires (16, 25, 36, 46). Selon la littérature, la xérostomie n'était pas causalement responsable d'une parodontopathie, laquelle pouvait être accélérée en cas de manque d'hygiène. De l'avis du Dr E______, la parodontopathie, déjà présente et attestée depuis 2009, et les dents fortement traitées et affaiblies, n'étaient pas dues à la xérostomie. La participation non optimale de la recourante dans le suivi des mesures de prophylaxie était responsable des lourds traitements dentaires dont la prise en charge par l'AOS était litigieuse.

L'intimée a ajouté que la recourante, au lieu de critiquer la pertinence des questions qui avaient été soumises au dentiste-conseil, aurait pu questionner le Dr G______, auprès duquel elle était suivie de 1998 à 2015, afin de connaître l'origine, les causes et l'historique de la parodontopathie et des lésions carieuses multiples.

L'intimée en a tiré la conclusion qu'une expertise judiciaire n'arriverait pas à un résultat plus favorable à la recourante.

D'après l'intimée, « la situation [devait] être appréciée dans sa globalité et sur la durée ». Elle avait ainsi procédé à une lecture détaillée et approfondie, et non pas choisie et orientée, des notes du Dr D______ pour les années 2017 à 2023. Si ce dentiste avait dû régulièrement rappeler à la recourante les prescriptions d'hygiène dentaire, cela signifiait que celle-ci ne les respectait pas. Les observations du dentiste les 6 juillet et 10 août 2017 ainsi que mi-2018 devraient légitimement conduire à s'interroger sur l'hygiène dentaire adoptée par la recourante dans le courant des années précédant le diagnostic de xérostomie.

Du fait que la parodontopathie ainsi que les dents fortement traitées et donc affaiblies étaient déjà documentées selon les radiographies à partir de 2011 produites par le Dr G______, l'intimée en a conclu que la xérostomie n'avait joué aucun rôle dans l'apparition ou l'aggravation des lésions dentaires et du parodonte. Même ce dentiste admettait que dans le dossier de la recourante, malgré un état de la dentition et du parodonte déjà fortement compromis en 2015, ne figurait « aucune information sur une éventuelle xérostomie ».

Pour ce qui avait trait à l'interruption du traitement par dentifrice fluoré, le 6 décembre 2018, la recourante ne voulait pas utiliser le produit Elmex et, bien que fortement déconseillé par le dentiste, elle avait opté pour le dentifrice Weleda, qui ne contenait pas de fluor. Cette mise en garde avait été réitérée par le dentiste lors de la visite du 4 juillet 2019. Le 4 mars 2021, le Dr D______ avait indiqué que la recourante avait arrêté les bains de bouche, avec le résultat que les caries « part[aient] partout ». Sur ce, le dentiste lui avait fortement conseillé de reprendre les bains de bouche fluorés. La « courte parenthèse » à laquelle se référait la recourante avait duré au moins huit mois, durant lesquels celle-ci n'avait utilisé qu'un seul tube de dentifrice. Dans sa note de consultation du 4 mars 2021, le Dr D______ n'avait pas mentionné que la recourante n'avait jamais interrompu l'application de l'Elmex gelée. Il avait en revanche indiqué que la recourante avait arrêté les bains de bouche Elmex. À la suite de nombreux dépôts de plaque, observés lors des visites des 6 juillet et 10 août 2018, le dentiste lui avait conseillé d'utiliser l'Elmex gelée, deux fois par semaine, en complément d'un dentifrice fluoré. D'après le compendium d'Elmex gelée, approuvé par Swissmedic, que l'intimée a produit, en principe ce produit devait être utilisé une fois par semaine. Cependant, les patients étaient invités à se conformer au dosage prescrit par le dentiste, en l'espèce deux fois par semaine. En cas d'utilisation plus fréquente, Elmex gelée avait des effets secondaires, notamment l'apparition de la sécheresse buccale, de gingivites, et enfin, ce dentifrice accélérait la détérioration des dents sous forme d'érosions, ouvrant la porte à l'apparition des caries. Lors de la visite du 19 juillet 2018, la recourante s'était vu conseiller du Elmex anti-carie professional, censé reminéraliser et aider à protéger les dents contre les caries. Quelques mois après, lors de la visite du 6 décembre 2018, elle affirmait ne vouloir plus utiliser le produit Elmex et avoir opté pour le dentifrice Weleda. Ainsi, l'allégation selon laquelle elle aurait « utilisé ces produits en alternance, en plus des bains de bouche fluoré et de l'Elmex gelée après chaque repas, et ce depuis de nombreuses années » laissait planer le doute. Le produit Elgidium Clinic n'était quant à lui pas un dentifrice, mais un lubrifiant buccal destiné au soulagement de la sécheresse buccale chez des sujets âgés.

Aux dires de la recourante, elle aurait utilisé une gouttière de fluoration un certain temps. Certainement pas longtemps et / ou pas régulièrement, car elle indiquait dans le questionnaire du 26 juin 2021 qu'elle n'avait pas de gouttière de fluoration. L'intimée ne s'était jamais trouvée confrontée à une demande de remboursement d'une gouttière de fluoration.

Les radiographies couvrant la période de 2011 à 2014 montraient que la parodontite était présente en 2011, confirmant en cela l'avis du Dr E______ du 5 janvier 2024 et de février 2022. La parodontite était une maladie infectieuse conduisant à la destruction des tissus qui entouraient et soutenaient les dents. La recourante souffrait d'une parodontopathie chronique depuis des années. Pour ce motif, elle avait suivi un traitement dentaire spécialisé auprès du Dr F______, spécialiste en parodontologie. Avant la cessation de son activité, ce médecin avait procédé annuellement (2009, 2010, 2011) à un examen de l'état parodontal de la recourante et rédigé un rapport le 30 mai 2011. À la suite de la fermeture de son cabinet, l'intimée n'avait pas pu se procurer ce rapport - qui apparaissait sous « description » dans la note d'honoraires du 30 mai 2011 au dossier. L'intimée retenait que la parodontopathie était déjà présente au moins dix ans avant que le diagnostic de xérostomie ait été posé au mois de novembre 2019. Elle en a tiré la conclusion que la recourante se trompait lorsqu'elle affirmait « qu'après un seul détartrage, elle n'[avait] plus eu besoin que de consultations pour des contrôles annuels, ce qui [suffisait] selon elle à démontrer qu'elle ne [souffrait] pas de parodontite chronique ». En effet, la parodontopathie chronique était une maladie qui durait des dizaines d'années et qui pouvait conduire à une résorption osseuse et à une perte de dents, même en cas de traitement adéquat. C'était le cas chez la recourante.

Dans son rapport du 28 février 2024, le Dr C______ déclarait que la recourante prenait quotidiennement un traitement de longue durée comprenant du Topamax. D'après le compendium de Topamax, approuvé par Swissmedic, que l'intimée a produit, ce médicament pouvait provoquer une hypersalivation.

g. Par écriture du 26 juin 2024, la recourante a répété que la prise des médicaments, dont le lien causal avec sa xérostomie n'était pas contesté, et leurs effets délétères remontaient à plus de 20 ans. L'intimée ne pouvait pas alléguer que la recourante n'aurait pas suivi les prescriptions d'hygiène suffisante et lui reprocher, dans le même temps, d'avoir suivi des prescriptions susceptibles d'aggraver son état, qui avaient été faites pour des motifs médicaux vraisemblablement fondés. Elle a réitéré que toutes les précautions qu'elle aurait prises n'auraient quoi qu'il en soit pas permis d'éviter la dégradation de l'état de sa dentition.

h. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimée pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAMal) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le point de savoir si la recourante peut prétendre à la prise en charge par l'AOS des frais de traitement dentaire tels que devisés par les Drs B______ et D______.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires : s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de la mastication (let. a), ou s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses séquelles (let. b), ou s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles (let. c).

3.1.1 Conformément à l'art. 33 al. 2 et 5 LAMal, en corrélation avec l'art. 33 let. d de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), le Département fédéral de l'Intérieur a édicté les art. 17 à 19a de l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS - RS 832.112.31), qui se rapportent à chacune des éventualités prévues à l'art. 31 al. 1 LAMal.

Ainsi, l'art. 17 OPAS (édicté en exécution de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal) renferme une liste des maladies graves et non évitables du système de la mastication. L'art. 18 OPAS (édicté en application de l'art. 31 al. 1 let. b LAMal) énumère les autres maladies graves susceptibles d'occasionner des soins dentaires ; il s'agit de maladies qui ne sont pas, comme telles, des maladies du système de la mastication, mais qui ont des effets nuisibles sur ce dernier. Quant à l'art. 19 OPAS (édicté en exécution de l'art. 31 al. 1 let. c LAMal), il prévoit que l'assurance prend en charge les soins dentaires nécessaires aux traitements de certains foyers infectieux bien définis. Enfin, l'art. 19a OPAS concerne les traitements dentaires occasionnés par les infirmités congénitales (ATF 124 V 346 consid. 2).

La liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l'assurance est réglée de manière exhaustive aux art. 17 à 19a OPAS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2010 du 29 octobre 2010 consid. 2.2).

3.1.2 Au nombre des maladies graves et non évitables du système de la mastication susceptibles d'entraîner la prise en charge des coûts de traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins figurent notamment les maladies de l’appareil de soutien de la dent (parodontopathies ; art. 17 let. b OPAS), soit la parodontite pré pubertaire (ch. 1), la parodontite juvénile progressive (ch. 2), et celles engendrées par les effets secondaires irréversibles de médicaments (ch. 3).

Selon la jurisprudence, est « évitable » toute maladie du système de la mastication qui peut être évitée par une bonne hygiène buccale et dentaire. Dans ce sens, sont visées la carie et la parodontite (ATF 129 V 279 consid. 3.3). Le caractère non évitable suppose une hygiène buccale suffisante au regard des connaissances odontologiques actuelles. Cela nécessite des efforts quotidiens, à savoir le nettoyage et l'autosurveillance des dents, dans la mesure du possible pour le profane, des visites chez le dentiste lorsque des anomalies du système masticatoire deviennent apparentes, ainsi que des contrôles et des traitements périodiques par le dentiste (y compris l'hygiène dentaire professionnelle périodique). En ce qui concerne le caractère évitable, il s'agit de tout ce qui pourrait être évité par une hygiène bucco-dentaire suffisante. En principe, l'évitabilité objective de la maladie du système masticatoire doit être prise en compte. Le facteur décisif est donc de savoir si les caries ou les parodontites, par exemple, auraient pu être évitées si l'hygiène buccale et dentaire avait été suffisante, indépendamment du fait que l'absence de prophylaxie doive être considérée comme subjectivement excusable dans le cas particulier. Cela inclut une hygiène buccale et dentaire généralement suffisante. Cela ne signifie pas pour autant qu'un assuré qui présente une sensibilité accrue aux maladies dentaires en raison de sa constitution, de maladies qu'il a connues ou de traitements dentaires qu'il a subis peut s'en tenir à l'hygiène buccale généralement habituelle. Toutefois, l'hygiène bucco-dentaire doit en tout état de cause rester dans un cadre raisonnable et acceptable, tant en ce qui concerne sa mise en œuvre quotidienne qu'en ce qui concerne les visites périodiques chez le dentiste et l'hygiène dentaire (ATF 128 V 59 consid. 6d ; 128 V 70 consid. 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_606/2007 du 31 janvier 2008 consid. 4 et 9C_223/2014 du 4 juin 2014 consid. 3.2).

La prise en charge des frais de traitement d'une parodontopathie selon l'art. 17 let. b ch. 3 OPAS - qui constitue l'effet secondaire irréversible de médicaments - implique notamment l'existence d'un lien de causalité (cf. ATF 127 V 339 consid. 7 et 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2010 du 29 octobre 2010 consid. 2.2 et 3.3).

3.1.3 L'art. 18 al. 1 OPAS dispose que l'assurance prend en charge les soins dentaires occasionnés par les autres maladies graves ou leurs séquelles et nécessaires à leur traitement, dont l'énumération comprend notamment : les maladies des glandes salivaires (let. d).

Le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt portant sur des frais de traitement découlant d’une maladie des glandes salivaires, que l’art. 31 al. 1 let. b LAMal en corrélation avec l’art. 18 OPAS - par analogie avec l’art. 31 al. 1 let. a LAMal en corrélation avec l’art. 17 OPAS - ne justifie une prise en charge de prestations par l’assurance obligatoire des soins qu’en cas de maladie non évitable du système de la mastication (ATF 128 V 59 Regeste).

3.1.4 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents qu'un médecin, éventuellement d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l'espèce, les dentistes-traitants de la recourante n'ont pas fait état d'une parodontite pré pubertaire ni d'une parodontite juvénile progressive (art. 17 let. b ch. 1 et ch. 2). Par contre, ils ont évoqué une asialie / hyposialie, ainsi qu'une xérostomie en lien avec la prise de médicaments ayant occasionné le développement de caries et de parodontites. L'intimée conteste que la parodontopathie dont souffre la recourante soit due à la xérostomie (et donc aux médicaux en cause). Quoi qu'il en soit, même à admettre que celle-ci souffre d'une parodontopathie engendrée par les effets secondaires irréversibles de médicaments, prévue par l'art. 18 let. b ch. 3 OPAS, et/ ou d'une maladie des glandes salivaires, visée plutôt par l'art. 18 al. 1 let. d OPAS, cela n'a aucune incidence, dès lors que la jurisprudence concernant l'hygiène buccale suffisante en cas de maladie grave est applicable dans les deux cas.

C'est le lieu de rappeler que le traitement de caries et de lésions de type parodontite sont à la charge de l'AOS qu'à la condition que ces dernières aient été inévitables, malgré une hygiène dentaire suffisante.

Aussi, afin de déterminer si, objectivement, il eût été possible d'éviter ces lésions dentaires, convient-il d'examiner si la recourante a déployé une hygiène buccale suffisante, étant souligné que, au vu de ses antécédents et des traitements dentaires déjà subis, la mesure d'exigibilité à l'encontre de la recourante est plus élevée.

Le Dr D______, dentiste-traitant spécialiste en parodontologie, n'excluait pas la possibilité d'éviter, par des mesures d'hygiène dentaire, les caries et la dégradation de l'état parodontal (qui avait été soigné jadis par de nombreuses interventions, avant les traitements dont la prise en charge est présentement litigieuse). En effet, dans un rapport du 9 février 2023, ce dentiste a relevé qu'une hygiène dentaire était indispensable pour maintenir une santé buccale adéquate, et que les conseils qui avaient été prodigués à la recourante au vu de l'état de sa dentition comprenaient le brossage des dents au minimum deux fois par jour complété par des moyens interdentaires, sans carbohydrates fermentables, ainsi qu'une fluoration constante (Emofluor, Elmex bain de bouche, Elmex gelée, cure de dentifrice Duraphat).

Or, il ressort de la fiche médicale établie par le Dr D______ que les recommandations au sujet de la santé bucco-dentaire de la recourante lui ont été données, non pas dès 2019 contrairement à ce qu'elle prétend, mais déjà en mars 2017 (« disc avec pat. fluor vs. carie, cons. Emofluor 2×/semaine »), date à compter de laquelle elle a consulté ce praticien. Par ailleurs, la recourante a arrêté l'utilisation du produit Elmex et préféré, en lieu et place le dentifrice Weleda, ce qui lui a été déconseillé, car ce produit ne contenait pas de fluor (consultations du 6 décembre 2018 et du 4 juillet 2019). Elle a également cessé Elmex bain de douche (consultation du 4 mars 2021). Son allégation, au stade de la procédure judicaire, selon laquelle elle utilisait tant l'Egydium clinic, lubrifiant buccal conseillé lors de la consultation du 19 juillet 2018, que le Duraphat ne convainc pas, dès lors que, invitée à indiquer le matériel qu'elle employait pour son hygiène bucco-dentaire, dans le questionnaire du 24 juin 2021, elle a uniquement mentionné le dentifrice Duraphat. Dans ce questionnaire, elle a également signalé qu'aucun dentiste ne lui aurait suggéré de porter une gouttière au fluor. Or, il s'avère que lors de la consultation du 19 février 2018, cette gouttière lui avait été remise « pour la maison ». Elle a de plus déclaré appliquer le gel au fluor trois fois par jour, et en cela, elle ne s'est pas conformée à la prescription de son dentiste qui limitait son utilisation à deux fois par semaine (consultation du 10 août 2017).

À cela s'ajoute que la recourante n'a pas eu un suivi prophylactique par un hygiéniste à raison de trois fois par année au minimum (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_956/2011 du 27 août 2012 consid. 4.2). Il ressort en effet des pièces au dossier qu'elle a consulté une hygiéniste une seule fois en 2016 et 2019, deux fois en 2017 et 2020, et trois fois seulement en 2018. Si la recourante ne pouvait pas d'elle-même être au fait de cette mesure, il appartenait à ses médecins de l'y rendre attentive (cf. arrêt du Tribunal fédéral précité ibidem).

Dans ces circonstances, on ne peut pas souscrire à l'avis de la recourante et de son dentiste-traitant, en tant qu'ils affirment que l'hygiène dentaire était suffisante. Au contraire, la recourante n'a pas, de façon continue, octroyé à ses dents des soins particulièrement adaptés à son état bucco-dentaire sensible, alors que les mesures préventives étaient raisonnablement exigibles.

Certes, le Dr E______, médecin-conseil de l'intimée, n'a pas examiné la recourante. Cela n'est pas de nature à discréditer ses conclusions, convaincantes, selon lesquelles l'hygiène dentaire de la recourante n'était pas optimale, puisque son avis du 5 janvier 2024 repose sur les radiographies au dossier, ainsi que la fiche médicale du Dr D______, qui, elle, se fonde sur l'examen personnel de la recourante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1). On ne peut pas non plus admettre, contrairement à ce que fait valoir la recourante, que le procédé consistant à poser des questions sur l'économie du traitement envisagé était inadmissible, puisque l'art. 32 LAMal autorise, voire oblige, l'assureur à examiner l’efficacité, l’adéquation et le caractère économique du traitement en cause. Peu importe également que le médecin-conseil ne se soit pas déterminé sur le point de savoir si d'autres traitements dentaires n'auraient de toute manière pas empêché l'apparition des mêmes lésions dentaires ou, à l'inverse, auraient permis de les éviter ou de les atténuer. Car cette question n'est pertinente que si, du moins, les conseils du dentiste-traitant en matière d'hygiène bucco-dentaire avaient été suivis adéquatement, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Enfin, la recourante n'a pas du tout allégué qu'en raison d'éventuels troubles psychiques et/ou somatiques, elle aurait été incapable de pourvoir aux soins dentaires.

4.2 Au vu de ce qui précède, les exigences strictes posées par le Tribunal fédéral en matière d'hygiène dentaire n'ayant pas été remplies, les traitements litigieux ne peuvent pas être pris en charge par l'AOS.

Par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), est-il superflu d'instruire davantage ce dossier.

5.             En conséquence, le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le