Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/808/2024 du 18.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/181/2024 ATAS/808/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 18 octobre 2024 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
| intimée |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1985, est ressortissante du Maroc. De son mariage avec Monsieur B______ le 17 août 2004, est issue une fille, née en 2006. Le divorce des époux a été prononcé le 23 octobre 2009. Le 1er mars 2011, l’intéressée s’est remariée avec Monsieur C______. De leur union, sont issus deux enfants nés en 2010 et 2012.
b. Selon l’extrait du registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), elle est séparée de C______ depuis le 1er avril 2024.
c. Du 21 août 2021 au 31 janvier 2022, elle a travaillé en qualité d’esthéticienne à 30% pour la société D______.
B. a. Le 25 août 2023, elle a présenté une demande d’indemnités de chômage auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) à compter du mois d’août 2023.
b. Par décision du 25 septembre 2023, la caisse a refusé de donner suite à la demande d’indemnités de l’assurée, au motif que, durant son délai-cadre, elle n’avait totalisé que cinq mois et onze jours de période de cotisation et n’avait invoqué aucun motif de libération.
c. Le 16 octobre 2023, elle a formé opposition à cette décision, faisant valoir qu’elle était « en pleine procédure de divorce ».
d. Par décision sur opposition du 27 novembre 2023, la caisse a maintenu sa position.
L’assurée vivait toujours à la même adresse que son mari, soit rue E______, à Genève, ce qui ne lui permettait pas de bénéficier de l’indemnité de chômage sous l’angle de la séparation ou du divorce.
C. a. Par acte du 5 janvier 2024, l’assurée a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à la « réévaluation de sa demande ». Son mari avait quitté le domicile conjugal le 1er septembre 2023 pour s’installer à la rue F______, à Genève.
b. Par réponse du 20 février 2024, la caisse a relevé qu’il ne ressortait pas du registre de l’OCPM que son époux aurait quitté le domicile conjugal à cette date. Pour pouvoir considérer que les conditions de l’art. 14 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) étaient réalisées, il faudrait d’abord qu’il existe un lien de causalité entre leur séparation et la demande d’indemnités de chômage. Il était opportun de connaître la date à partir de laquelle l’intéressée était soutenue financièrement par l’Hospice général. Il appartenait à l’assurée d’apporter la preuve de l’existence du domicile séparé de son époux et d’un arrangement financier conclu avec ce dernier. Enfin, dans l’hypothèse où un droit à des indemnités de chômage devrait finalement être reconnu à l’intéressée, le droit à l’indemnité des périodes de contrôle des mois de septembre et octobre 2023 serait périmé. L’assurée était invitée à transmettre à la caisse les formulaires d’indications pour la personne assurée (ci-après : IPA) manquants.
c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.
d. Lors de l’audience de comparution personnelle du 4 octobre 2024, l’assurée a indiqué qu’elle était sans emploi et bénéficiait de prestations de l’Hospice général depuis le mois de septembre 2023. Elle avait dû quitter son emploi car elle était en procédure de divorce. En raison de son état de santé, elle avait quitté la Suisse et était retournée vivre au Maroc avec ses trois enfants. Ses problèmes de couple avaient commencé mi-2021 et la séparation avait eu lieu à son retour du Maroc en août 2023. Quand elle était partie au Maroc, elle pensait encore que leurs problèmes étaient « passagers ». Son mari avait toutefois pris la décision de divorcer pendant son séjour au Maroc, ce qu’elle avait appris en septembre 2023. À son retour du Maroc, elle avait réintégré le domicile familial et son mari l’avait quitté le 1er septembre 2023. Elle ne percevait aucune contribution d’entretien de sa part. Lors de leur vie conjugale, ils partageaient les frais. Elle payait les frais d’alimentation alors que son mari se chargeait du paiement du loyer et de l’assurance-maladie. Elle percevait une contribution d’entretien de CHF 1'000.- par mois pour sa fille aînée, née d’un précédent mariage.
Elle n’avait envoyé le formulaire IPA que pour le mois d’août 2023.
e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Est litigieux le droit à l'indemnité de la recourante à partir du mois d’août 2023. Les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 LACI) ne sont pas réalisées, ce qui n'est pas contesté. Il s'agit d'examiner si la recourante peut se prévaloir des règles sur la libération des conditions relatives à la période de cotisation (art. 14 LACI).
2.1 Aux termes de l'art. 14 al. 1 LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation pour l'un des motifs suivants : formation scolaire, reconversion ou perfectionnement professionnel, à la condition qu'elles aient été domiciliées en Suisse pendant dix ans au moins (let. a) ; maladie (art. 3 LPGA), accident (art. 4 LPGA) ou maternité (art. 5 LPGA), à condition qu'elles aient été domiciliées en Suisse pendant la période correspondante (let. b) ; séjour dans un établissement suisse de détention ou d'éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature (let. c).
2.2 Selon l'art. 14 al. 2 LACI, sont également libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d'invalidité (art. 8 LPGA) ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d'invalidité, sont contraintes d'exercer une activité salariée ou de l'étendre ; cette disposition n'est applicable que si l'événement en question ne remonte pas à plus d'une année et si la personne concernée était domiciliée en Suisse au moment où il s'est produit.
L'art. 14 al. 2 LACI vise des personnes qui, en raison de certains événements, se trouvent soudainement confrontées à une situation qui est de nature à mettre en péril leurs moyens d'existence garantis auparavant. Cette disposition s’applique également en cas de séparation de fait (arrêt du Tribunal fédéral C 105/00 du 23 octobre 2000 consid. 3a). La preuve de domiciles séparés et de l’existence d’un arrangement financier conclu entre conjoints devra alors être rapportée (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 39 ad art. 14 LACI). Le moment déterminant de la survenance d’un motif de libération lié au divorce est celui de la perte de soutien effective (arrêt du Tribunal fédéral C 369/01 du 4 août 2004 consid. 3.3).
Comme cela ressort du texte de l'art. 14 al. 2 LACI, il doit exister un lien de causalité entre le motif de libération invoqué et la nécessité de prendre ou d'augmenter une activité lucrative (ATF 131 V 279 consid. 2.4 ; 125 V 123 consid. 2 ; Boris Rubin, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2e éd., Zurich 2006, p. 193). Ce qui est déterminant, c'est la soudaineté de la nécessité de reprendre une activité lucrative et le fait que l'entrée dans la vie active ou la réintégration de celle-ci n'avait pas été prévue. La preuve stricte de la causalité, dans une acception scientifique, n'est toutefois pas exigée ; l'existence d'un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu'il apparaît crédible et compréhensible que l'événement en question est à l'origine de la décision de l’assuré d'exercer une activité salariée ou de l'étendre (ATF 125 V 123 consid. 2a ; 121 V 336 consid. 5c/bb ; 119 V 51 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2012 du 1er mars 2013 consid. 3.2).
2.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).
3. Dans la décision entreprise, l’intimée a nié le droit aux indemnités de chômage de la recourante, au motif qu’elle ne pouvait se prévaloir d’aucun motif de libération, puisqu’elle vivait toujours à la même adresse que son mari. La recourante conteste ce raisonnement, faisant valoir que son mari a quitté le logement familial depuis le 1er septembre 2023.
Il ressort toutefois de l’extrait de registre de l’OCPM que C______ a quitté le domicile familial, sis rue E______, le 1er avril 2024, soit plus de huit mois après l’inscription au chômage. Or, en pareille hypothèse, le lien de causalité entre l’événement libératoire et la nécessité de prendre un emploi fait défaut. Comme il sera exposé ci-après, la recourante n’a pas réussi à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, applicable en assurances sociales, que la date du registre officiel ne correspondait pas à la séparation effective du couple.
Lors de l’audience de comparution personnelle, la recourante a expliqué qu’elle avait quitté son dernier emploi en janvier 2022 en raison des difficultés rencontrées dans son couple. Elle était partie vivre au Maroc avec ses enfants pendant un an et demi. Ces éléments ne sont toutefois aucunement établis, étant précisé que, selon le registre de l’OCPM, la recourante était domiciliée à son logement familial, sis à la rue E______, pendant toute cette période. Quoi qu’il en soit, même à suivre la recourante, la séparation ne pourrait constituer un motif de libération au sens de l’art. 14 al. 2 LACI. En effet, selon ses dires, la séparation de fait remonterait à janvier 2022, soit à plus d’une année avant la demande d’indemnités. Or, au vu du texte clair de cette disposition, celle-ci ne s’applique pas dans ce cas.
La recourante ne démontre, au demeurant, pas qu’elle se soit soudainement retrouvée dans une situation de contrainte économique. C’est le lieu de préciser que, selon les déclarations en audience de la recourante, sa situation financière n’apparaît pas avoir connu d’évolution entre janvier 2022, lorsqu’elle serait partie vivre au Maroc avec ses trois enfants, et son inscription au chômage en août 2023. On ne se trouve ainsi pas dans un cas où l’inscription au chômage est en lien de causalité avec une perte de soutien effective dans l’année précédant l’inscription au chômage.
C’est partant à juste titre que l’intimée a retenu que la recourante ne pouvait se prévaloir d’un motif de libération. Dans la mesure où la condition relative à la période de cotisation, à savoir l'exercice d'une activité soumise à cotisation durant douze mois au moins durant le délai-cadre applicable (art. 13 al. 1 LACI), n’est pas réalisée, la recourante n'a pas droit aux indemnités de l'assurance-chômage (art. 8 al. 1 let. e LACI).
La chambre de céans relèvera, par surabondance, que dans la mesure où, à compter du mois de septembre 2023, la recourante n’a pas transmis les formulaires IPA dans le délai de trois mois fixé par l’art. 20 al. 3 LACI, elle serait a fortiori déchue de son droit aux indemnités.
4. Vu ce qui précède, la décision sur opposition attaquée n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le