Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/802/2024 du 15.10.2024 ( LAA ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1910/2024 ATAS/802/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 15 octobre 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
SWICA ASSURANCES SA
| intimée |
A. a. Le 5 janvier 2024, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré, l'intéressé ou le recourant), née en 1997, célibataire, de profession barman au taux d’occupation de 100%, a fait l'objet d'une « déclaration d’accident LAA » de la part de son employeur B______ (ci-après : l’employeur) sis dans le canton de Genève.
La date du sinistre indiquée était le 28 décembre 2023 à 22h00, et, l’accident, qui s’était déroulé en Italie, était décrit ainsi : « En jouant au foot ». Le travail avait été interrompu à la suite de cet accident. La blessure consistait en une déchirure au pied gauche (« sans les doigts »).
Était joint un certificat du service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), signé par le docteur C______, médecin interne, attestant une incapacité totale de travail pour cause d’accident du 2 au 12 janvier 2024, « à réévaluer par orthopédiste/médecin traitant ».
b. Dans le cadre de l'assurance-accidents obligatoire, l'assureur-accidents compétent, à savoir SWICA ASSURANCES SA (ci-après : SWICA, l'assureur‑accidents ou l’intimée), à laquelle les HUG avaient au surplus adressé le 9 janvier 2024 une « demande de garantie d’hospitalisation », a instruit le cas dès le 11 janvier 2024.
Dans un « questionnaire LAA » complété le 13 janvier 2024, l’assuré a fourni sa « description détaillée de l’événement ».
Il ressort des rapports établis le 3, respectivement le 4 janvier 2024 par le service de radiologie des HUG à la suite d’une radiographie de la cheville du 2 janvier 2024 et d’une IRM du tendon d’Achille du 4 janvier suivant, qu’il y avait eu le 28 décembre 2023 une rupture du tendon d’Achille.
Une « lettre de sortie des soins aigus » et un « compte-rendu opératoire » rédigées le 7 février 2024, à la suite d’un séjour hospitalier du 10 au 12 janvier 2024, par le service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des HUG (ci-après : le service des HUG), sous la signature notamment du docteur D______, médecin chef de clinique, ont posé le diagnostic « principal » – et seul – de rupture du tendon d’Achille gauche et ont décrit l’intervention chirurgicale du 10 janvier 2024. Un arrêt de travail pour accident était attesté du 12 janvier au 12 février 2024 à 100%.
Le 1er février 2024, le service des HUG, par le Dr D______, a attesté une incapacité totale de travail pour cause d’accident du 13 au 29 février 2024.
c. Dans un rapport du 3 mars 2024, la docteure E______, spécialiste en médecine interne générale et médecine intensive, experte certifiée SIM et médecin-conseil de SWICA, a diagnostiqué une rupture du tendon d’Achille gauche, a énoncé des « explications physio-pathologiques » théoriques concernant les lésions tendineuses, a noté quatre points concernant la situation de l’intéressé et a répondu à l’assureur-accidents que le trouble actuel était « probablement » en lien de causalité pour le moins probable avec l’événement du 28 décembre 2023 et qu’il s’agissait ici d’une lésion corporelle au sens de la loi fédérale sur l’assurances-accidents, plus précisément une déchirure de tendon, mais que cette lésion était, « à la lumière des connaissances médicales et de la littérature scientifique actuelle », « causée de façon prépondérante par une maladie ou un état dégénératif au minimum de plus que 50% » et que cette atteinte, principalement dégénérative, ne concernait pas l’assureur-accidents.
d. Par décision du 8 mars 2024, SWICA a considéré qu’il n’existait pas d’événement accidentel au sens juridique du terme ni de lésion corporelle donnant droit à des prestations de l'assurance-accidents et a dès lors refusé d’allouer celles‑ci.
e. Le 14 mars 2024, l’assuré a formé opposition contre cette décision.
f. Dans un courrier du 24 avril 2024 à l’attention de l’assureur-accidents, le service des HUG, par le Dr D______, a considéré qu’il y avait eu le 28 décembre 2023 une rupture aiguë post-traumatique, sans argument pour suspecter une lésion sous-jacente ou chronique présente avant le traumatisme.
Le 26 avril 2024, la Dre E______, après lecture dudit courrier du Dr D______, a maintenu sa position.
g. Par décision sur opposition rendue le 3 mai 2024, SWICA a rejeté l’opposition formée par l’intéressé contre sa décision – initiale – du 8 mars 2024.
B. a. Par acte daté du 30 mai 2024 et posté le 3 juin 2024, l’assuré a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation et, cela fait, à la reconnaissance que l’événement du 28 décembre 2023 était un accident non professionnel au sens de la loi fédérale sur l’assurances-accidents et à ce qu’ordre soit donné à l’intimée de lui allouer les prestations de l'assurance-accidents dues pour la rupture de son tendon d’Achille gauche.
Étaient produites des réponses du médecin-conseil de l’assureur-maladie obligatoire du recourant, ASSURA, du 18 mars 2024.
b. Par réponse du 19 juin 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.
c. Le 21 juin 2024, le recourant a remis à la chambre de céans, en clé USB, les pièces qu’il avait déjà produites avec son acte de recours.
d. Par pli du 25 juin 2024, ladite chambre a informé les parties que la cause était gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20‑mars‑1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 al. 4 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
2. Le litige porte sur la question de savoir si l’intimée doit prendre en charge, comme étant les suites d’un accident ou une lésion corporelle assimilée à un accident, l’atteinte – la rupture du tendon d’Achille gauche – ayant suivi l’événement survenu lors de la partie de football du 28 décembre 2023.
3.
3.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, si la présente loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.
3.2 Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).
3.2.1 La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 142 V 219 consid. 4.31 ; 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 du 9 novembre 2023 consid. 3.1).
3.2.2 La condition que l’atteinte à la santé doit trouver son origine dans un facteur extérieur signifie qu’elle doit résulter d’une cause exogène au corps humain. Cet élément, qui s’oppose à la cause interne qui caractérise la maladie (art. 3 al. 1 LPGA), permet de distinguer ces deux éventualités. La cause extérieure peut être d’origine mécanique (un choc, une chute, etc.), électrique (une électrocution, p. ex.), chimique (l’émanation de vapeurs toxiques, p. ex.), thermique (une explosion, une brûlure provoquée par de l’eau bouillante ou des jets de vapeur, etc.) ou encore ionisante (des radiations, p. ex. ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_418/2018 du 12 juillet 2019 consid. 6.2 ; Stéphanie PERRENOUD, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 19 s. ad art. 4 LPGA). En revanche, un événement qui se produit à l'intérieur du corps (processus biologique, physiologique ou psychique), tel qu'une hémorragie cérébrale, un infarctus du myocarde ou encore la rupture d'une prothèse défectueuse de la hanche qui survient en l'absence de tout événement extérieur anormal ne saurait être considéré comme un accident, faute de cause extérieure (ATF 142 V 219 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_418/2018 précité consid. 6.2 ; Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n. 22 ad art. 4 LPGA). Un état maladif (cause interne) peut être à l'origine d'un événement accidentel (assuré) ou en favoriser la survenance. Cela suppose toutefois que l'accident comme tel apparaisse comme la cause naturelle et adéquate de l'atteinte à la santé ou du décès (ATF 142 V 435 consid. 2 ; 102 V 131). En effet, l’existence d’un accident doit être admise « lorsque ce dernier a été provoqué par une maladie qui n’est elle-même pas la cause physiologique de l’atteinte » ; à cet égard, est déterminante « la cause immédiate » de l’atteinte à la santé, et non pas les circonstances dans lesquelles celle-ci est survenue. Ainsi, la fracture d’une jambe à l’occasion d’une chute causée par la diminution intermittente de la pression sanguine constitue, par exemple, un accident ; l’atteinte à la santé (en l’espèce, la fracture de la jambe) trouve en effet sa cause directe et adéquate dans la chute et non pas dans l’état maladif préexistant (in casu, des problèmes de pression). En revanche, l’assuré qui, à la suite d’un malaise, chute au cours d’une randonnée en montagne et atterrit 60 mètres en contrebas, dans un champ d’éboulis, n’est pas victime d’un accident si la cause la plus probable des lésions ou du décès provient d’un état maladif ; dans le cas d’espèce, les blessures occasionnées par la chute ne présentaient pas une gravité suffisante pour entraîner la mort, de sorte que le décès de l’assuré devait être imputé à la défaillance cardio-vasculaire (ATF 142 V 435 ; 102 V 131 ; 99 V 136 ; Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n. 23 et 50 ad art. 4 LPGA).
3.2.3 Par ailleurs, suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Pour admettre la présence d'un accident, il ne suffit pas que l'atteinte à la santé trouve sa cause dans un facteur extérieur. Encore faut-il que ce facteur puisse être qualifié d'extraordinaire. Cette condition est réalisée lorsque le facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).
Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un « mouvement non coordonné ». Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2023 précité consid. 3.2 et les références). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 ; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, nié le facteur extraordinaire chez un assuré qui avait monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main (arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 du 20 septembre 2022, in SVR 2023 UV n° 13 p. 40).
Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêts du Tribunal fédéral 8C_159/2023 précité consid. 3.3 ; 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2). à titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un « saut de carpe » (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 43/92 du 14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n° U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67).
3.2.4 La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).
Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).
3.3 En vertu de l'art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l'assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).
3.3.1 On précisera que l'art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d'étendre la prise en charge par l'assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L'ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA ‑ RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu'elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l'art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l'art. 9 al. 2 aOLAA.
À l’époque où l’art. 9 al. 2 aOLAA était encore en vigueur, en ce qui concerne le football en particulier, le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises qu'il s'agissait-là d'un sport dont la pratique constitue un risque accru. En effet, cette activité implique bon nombre de mouvements qui ne sont pas courants, tels que le fait d'accélérer ou de s'arrêter brusquement, de courir de côté ou en arrière, de pivoter, de s'étirer, de tirer la balle, de sauter lors de têtes, etc. Ces mouvements sollicitent le corps entier d'une manière variée. Même pour un joueur entraîné, de tels mouvements ne constituent pas des gestes quotidiens comme le serait le fait de se déplacer dans une pièce (arrêt du Tribunal fédéral U 469/06 du 26 juillet 2007 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral U 71/07 du 15 juin 2007 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 611/06 du 12 mars 2007 consid. 5.1).
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 9 al. 2 aOLAA, pour que des lésions corporelles puissent être qualifiées de semblables aux conséquences d'un accident, seul le caractère extraordinaire de l'accident pouvait faire défaut, mais l'existence d'une cause extérieure était en revanche indispensable (cf. ATF 139 V 327 consid. 3.1). Dans son Message à l'appui de la révision de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a relevé que cette jurisprudence avait été source de difficultés pour les assureurs-accidents et d'insécurité pour les assurés. C'est pourquoi une nouvelle réglementation faisant abstraction de l'existence d'une cause extérieure a été proposée, conformément à la volonté du législateur à l'époque du message de 1976 à l'appui de la LAA. En cas de lésion corporelle figurant dans la liste, il y a désormais présomption que l'on est en présence d'une lésion semblable aux conséquences d'un accident, qui doit être prise en charge par l'assureur-accidents. Ce dernier pourra toutefois se libérer de son obligation s'il apporte la preuve que la lésion est manifestement due à l'usure ou à une maladie (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 30 mai 2008, FF 2008 4893 ; aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2021 du 6 septembre 2021 consid. 2.2).
3.3.2 Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019, le Tribunal fédéral a précisé que selon l'interprétation de l'art. 6 al. 2 LAA, l'application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'art. 9 al. 2 aOLAA. Cependant, la possibilité pour l'assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l'art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d'une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l'assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance ; compétence de l'assureur-accidents ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles ; ATF 146 V 51).
En particulier, à teneur du même arrêt, si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l'assureur-accident. En effet, l'ensemble des causes des atteintes corporelles en question doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des médecins spécialistes. Outre l'état antérieur, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées plus en détails (par exemple, un bilan traumatologique du genou est une aide utile pour l'évaluation médicale des blessures au genou, publié in BMS 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent en faveur ou en défaveur de l'usure ou de la maladie doivent être pondérés d'un point de vue médical. L'assureur-accidents doit prouver, sur la base d'évaluations médicales probantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire à plus de 50% de l'ensemble des facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d'éléments indiquant une usure ou une maladie, il s'ensuit inévitablement que l'assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu'il n'est pas nécessaire d'apporter des clarifications supplémentaires (ATF 146 V 51 consid. 8.2.2.1 et 8.6 ; aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2021 précité consid. 2.2).
3.4 Dans le cadre de son devoir d'instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur‑accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l'annonce d'une lésion selon la liste. Si celle-ci est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est‑à‑dire que l'atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu'accidentelles. Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu'il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (ATF 146 V 51 consid. 5.1, 8.5 et 9.1).
La systématique de la loi (art. 6 al. 1 et 2 LAA) suggère que l'al. 1 (accident) et l'al. 2 (lésion assimilée selon la liste) sont indépendants l'un de l'autre et que l'état de fait doit en principe être examiné séparément pour chacun de ces alinéas (ATF 146 V 51 consid. 8.5).
3.5 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
3.5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
3.5.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes mêmes faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.6).
Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n'est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L'importance de l'examen personnel de l'assuré par l'expert n'est reléguée au second plan que lorsqu'il s'agit, pour l'essentiel, de porter un jugement sur des éléments d'ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s'avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d'un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
4.
4.1 En l’espèce, dans le « questionnaire LAA » complété le 13 janvier 2024, l’assuré fournit la « description détaillée de l’événement » suivante : « Lors d’une partie de football avec mes amis j’ai couru pour aller prendre le ballon, en prenant appui sur mon pied gauche ça a fait un bruit puis j’ai subitement perdu l’équilibre. C’est ce qui a provoqué ma chute (déchirure complète du tendon d’Achille) ». Il n’avait jamais ressenti de tels troubles auparavant.
Au plan médical, dans une « lettre de sortie des soins aigus » et un « compte‑rendu opératoire » rédigé le 7 février 2024 à la suite d’un séjour hospitalier du 10 au 12 janvier 2024, le service des HUG, sous la signature notamment du Dr D______, médecin chef de clinique, pose le diagnostic « principal » – et seul – de rupture du tendon d’Achille gauche. Outre des séances de physiothérapie, une radiographie de la cheville a été réalisée le 10 janvier 2024, et l’intervention chirurgicale du 10 janvier 2024 a consisté en une « suture du tendon d’Achille gauche avec méthode Achillon ». Des médicaments ont été prescrits, ainsi qu’un « suivi à la sortie » avec entre autres de la « physiothérapie selon protocole Achille avec retour à la marche en décharge 4 semaines », de même qu’un arrêt de travail pour accident du 12 janvier au 12 février 2024 à 100%. Dans l’anamnèse de la lettre de sortie, l’événement en cause et ses suites directes sont décrits ainsi : « Patient de 26 ans qui a présenté un traumatisme en jouant au foot en Italie le 29.12.2023 (recte : 28 décembre 2023) avec sensation de lâchage et claquement au niveau du tendon d’Achille gauche avec impotence fonctionnelle et douleur depuis ».
4.2 Dans son rapport du 3 mars 2024, la Dre E______, spécialiste en médecine interne générale et médecine intensive, experte certifiée SIM et médecin-conseil de SWICA, confirme le diagnostic de rupture du tendon d’Achille gauche. Le « mécanisme de chute » est décrit ainsi : « Lors d’une partie de football, en courant et en prenant appui sur la jambe gauche, l’assuré a entendu un bruit puis il a subitement perdu l’équilibre ». Suivent des « explications physio‑pathologiques » théoriques concernant les lésions tendineuses, ladite médecin-conseil citant deux articles de littérature médicale, puis l’énoncé de quatre éléments concernant l’intéressé. Enfin, la médecin-conseil répond aux questions de l’assureur-accidents : 1. Le trouble actuel est « probablement » en lien de causalité pour le moins probable avec l’événement du 28 décembre 2023 2. Il s’agit ici d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA, plus précisément une déchirure de tendon selon la let. f. 3. Cette lésion a, « à la lumière des connaissances médicales et de la littérature scientifique actuelle » (cf. « explications physio-pathologiques » précitées), été « causée de façon prépondérante par une maladie ou un état dégénératif au minimum de plus que 50% ». 4. Cette atteinte, principalement dégénérative, ne concerne pas l’assureur‑accidents. 5. Il n’y a pas de « proposition/remarques/second avis ? ».
4.3 Cela étant, ce rapport de la Dre E______, quand bien même celle-ci n’a pas examiné cliniquement l’intéressé, est bien motivé et repose sur une analyse approfondie, et aucun élément ne permet de mettre en doute sa pleine valeur probante, pour les motifs qui suivent.
4.3.1 C’est tout d’abord à juste titre que la Dre E______ et l’intimée nient l’existence d’un accident au sens des art. 6 al. 1 LAA et art. 4 LPGA. En effet, la rupture du tendon d’Achille gauche s’est produite le 28 décembre 2023 sans que soit survenu un incident particulier dans l’exercice sportif, pas même un faux mouvement ; simplement, « lors d’une partie de football, en courant et en prenant appui sur la jambe gauche, l’assuré a entendu un bruit puis il a subitement perdu l’équilibre ». Ceci exclut l’éventuelle réalisation de la condition de l’existence d’un facteur extérieur telle que définie plus haut par la jurisprudence et, a fortiori, de la condition du caractère extraordinaire du facteur extérieur (ou de la cause externe).
4.3.2 Ainsi, comme retenu par la médecin-conseil, c’est d’une déchirure du tendon gauche au sens de l’art. 6 al. 2 let. f LAA qu’il s’est agi le 28 décembre 2023, qui ne présupposait aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru.
Selon un auteur de littérature médicale cité par la Dre E______, le tendon est principalement constitué d’eau (70%). La matrice extracellulaire est composée d’une part de fibres de collagène dont la très grande majorité est de type I (95%) reliées entre elles par des molécules de pontage (crosslinks) et d’autre part de protéoglycanes. […] Les lésions tendineuses peuvent être classées en – principalement – trois groupes : - les tendinites vraies rencontrées lors de maladies rhumatismales inflammatoires comme par exemple les spondylarthropathies, la polyarthrite rhumatoïde, les arthropathies microcristallines ou les arthrites réactives ; - les ruptures tendineuses ; - les tendinopathies. […] Les tendinopathies peuvent être réparties en deux grands groupes étiologiques : les atteintes intrinsèques (âge, troubles statiques, dysbalances musculaires, surcharge pondérale, troubles de perfusion, etc.) ou extrinsèques (charges répétitives, progression trop rapide des charges d’entraînement, matériel, surface de jeux, geste technique incorrect, etc.). Certaines atteintes extrinsèques peuvent être favorisées par des conflits (sous-acromial, TFL, Haglund). La prévention des lésions extrinsèques implique la connaissance du sport incriminé, ce qui rend indispensable un dialogue permanent entre le médecin, le sportif mais également son entourage : entraîneur, préparateur physique. Les vraies ruptures d’un tendon sain sont rares. Elles supposent le plus souvent un choc direct. Les forces nécessaires in vivo à léser un tendon sain sont importantes, bien supérieures à celles que l’on peut rencontrer en pratique sportive habituelle confirmant indirectement cette hypothèse. Plusieurs études ont démontré la présence de lésions dégénératives étendues sur les tendons d’Achille opérés de ruptures dites traumatiques. Par rapport à un groupe contrôle indemne de lésion du tendon d’Achille, les biopsies effectuées chez des patients souffrant de tendinopathie sont similaires à celles de patients victimes de rupture. Les fibres collagènes prennent un aspect ondulé, elles ne sont plus en continu. Elles sont réparties au hasard. En outre, la proportion de collagène de type III est augmentée. Les noyaux cellulaires sont arrondis, plus proches de chondrocytes que de fibroblastes. Il existe une néovascularisation et des dépôts de glycosaminoglycanes et de crosslinks. Lors de microruptures, des cellules inflammatoires peuvent être présentes, ce qui n’est pas le cas lors de tendinopathies. Il est donc très vraisemblable que comme certains l’ont avancé, les ruptures se fassent sur le lit d’une tendinopathie préexistante (Pierre-Étienne FOURNIER/Georges RAPPOPORT, Tendinopathies : physiopathologie et options thérapeutiques conservatrices, in REVMED 2005, accessible sur internet sous https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2005/revue-medicale-suisse-28/tendinopathies-physiopathologie-et-options-therapeutiques-conservatrices, principale source citée par la Dre E______).
Selon l’article de littérature médicale écrit en anglais à la suite d’une recherche comparative – et cité vers la fin du paragraphe précédent ainsi que par la Dre E______ –, les tendons rompus (« ruptured ») et tendinopathiques présentent histologiquement significativement plus de dégénérescence que les tendons « témoins » (« control tendons »). Le schéma – ou évolution ou tendance – général (« the general pattern ») de dégénérescence était commun aux tendons rompus et tendinopathiques, mais il y avait un degré de dégénérescence statistiquement significativement plus élevé dans les tendons rompus. Il est donc possible qu'un mécanisme pathologique commun, non encore identifié, ait agi sur ces deux types de tendons (C. TALLON/N. MAFFULLI/S. W. EWEN, Ruptured Achilles tendons are significantly more degenerated than tendinopathic tendons, Med Sci Sports Exerc. 2001 Dec;33(12):1983-90, accessible sur internet sous https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11740288/, traduction libre).
En outre, comme relevé – avec en partie d’autres termes – par la Dre E______ au début ses « explication physio-pathologiques », la majorité des tendinopathies se développent à la suite d’un excès de charges induites par une activité physique répétitive. Ces microtraumatismes apparaissent lors des mouvements en traction et/ou de cisaillement ; les forces appliquées peuvent être importantes. Elles vont alors dépasser la capacité de résistance du tendon et provoquer des lésions du tendon (cf. Gérald GREMION/Pascal ZUFFEREY, Tendinopathies du sportif : étiologie, diagnostic et traitement, REVMED 2015, accessible sur internet sous https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2015/revue-medicale-suisse-465/tendinopathies-du-sportif-etiologie-diagnostic-et-traitement).
Sur ces fondements théoriques, la médecin-conseil E______ note les quatre éléments suivants concernant l’intéressé : 1. Dans le « questionnaire LAA », celui-ci décrit très bien le mécanisme lésionnel, à savoir une prise d’appui sur le membre inférieur gauche afin d’intercepter un ballon avec perception d’un bruit puis une perte d’équilibre. 2. Il n’y a donc eu aucun choc direct sur le tendon d’Achille gauche, seul mécanisme traumatique reconnu comme pouvant induire une rupture aiguë du tendon d’Achille, le tendon le plus puissant du corps. 3. Le fait que l’assuré ne présentait aucune plainte avant l’événement ne signe qu’un lien de temporalité, qui n’exclut aucunement une atteinte dégénérative sous‑jacente asymptomatique. 4. Il faut tout de même admettre que l’assuré est jeune (26 ans et 8 mois au moment du traumatisme) ; cela dit, s’il pratique le football ou une autre activité physique de manière intensive depuis 10 ans, il se peut tout à fait qu’il présente déjà une atteinte tendineuse dégénérative, même asymptomatique.
Ces considérations sont convaincantes.
4.4 Certes, dans son opposition du 14 mars 2024 et son recours, l’assuré conteste jouer intensivement au football depuis 10 ans, et il fait notamment valoir : « Bien que la littérature puisse indiquer que les coureurs ont un risque accru de rupture du tendon d’Achille, cela ne signifie pas que chaque cas de rupture du tendon d’Achille est dû à la course ou à la pratique du football. Chaque cas doit être évalué individuellement ».
En outre, dans son courrier du 24 avril 2024 à l’attention de l’assureur-accidents, le service des HUG, par le Dr D______, relève que la patient, en bonne santé habituelle, ne présentait aucune limitation fonctionnelle de sa cheville gauche avant la partie de football en cause, lors de laquelle il a présenté « une lésion accidentelle de son tendon d’Achille gauche lors d’un démarrage rapide lors de la pratique du foot avec sensation de lâchage », et il considère que l’anamnèse, l’examen clinique ainsi que le bilan radiologique parlent en faveur d’une rupture aiguë post-traumatique, sans argument pour suspecter une lésion sous-jacente ou chronique présente avant le traumatisme.
Le Dr D______, suivi sur ce point par le recourant lui-même, fonde ainsi principalement son argumentation contre l’appréciation de la médecin-conseil susmentionnée sur l’absence de plaintes et symptômes problématiques au niveau de la cheville gauche avant la partie de football du 28 décembre 2023.
Or, conformément à la jurisprudence, le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 142 V 325 consid. 2.3.2.2 ; 119 V 335 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.2 ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2018 précité consid. 3.2).
De surcroît, c’est de manière convaincante que, dans un courriel du 26 avril 2024, la médecin-conseil E______, après lecture du courrier du Dr D______ du 24 avril précédent, maintient sa position, avec en particulier les considérations suivantes : « 2. La littérature à disposition est claire, le tendon d’Achille est le tendon le plus robuste du corps, s’il se rupture c’est qu’il présente une atteinte dégénérative sous-jacente, qui est la plupart du temps asymptomatique (= silencieuse). Cette dégénérescence peut être de 2 types : sur sur-utilisation, comme c’est le cas chez notre assuré ou sur sous-utilisation (personne sédentaire qui effectue une partie de squash/tennis le plus souvent). 3. Le Dr D______ ne complète son argumentaire avec aucune explication physio-pathologique et/ou histologique, il se contente de décrire le mouvement incriminé (un sprint) ainsi que l’absence de plaintes préalables. 4. De manière tout à fait factuelle et pragmatique, comment une course rapide pourrait engendrer la rupture d’une structure saine ? Il n’y a physio-pathologiquement qu’une explication, soit la présence d’un tendon affaibli avec le temps sur des mouvements répétés d’accélération/freinage, comme c’est le cas en football et même si celui-ci n’a que 26 ans. S’il joue depuis ses 10 ans, cela fait déjà 16 ans de pratique. 5. À noter encore que selon la littérature, les coureurs (dont les footballeurs font partie) ont un risque augmenté de 15 fois de développer une rupture du tendon d’Achille et de 30 fois de développer une tendinopathie avec le temps ».
Ainsi, quand bien même une pratique intensive, sur une longue période, de la course ou du football augmente fortement le risque d’un affaiblissement du tendon d’Achille, le fait qu’une personne pratique peu de sport est compatible avec une dégénérescence progressive dudit tendon dans le temps suivie, à un moment donné, d’une rupture. Partant, le fait que le recourant, selon ses allégations, jouait peu au football avant le 28 décembre 2023 ne remet pas en cause les considérations de la Dre E______. Ce d’autant moins que le fait que la rupture du tendon d’Achille soit survenue dans le cadre d’une simple prise d’appui sur son pied gauche n’est pas en faveur d’une absence de maladie ou usure préexistante.
À cet égard, concernant ce point, d’après des auteurs de littérature médicale non cités par la Dre E______, le patient typique ayant subi une rupture récente du tendon d’Achille est un homme de 35 à 45 ans, avec peu d’activités sportives régulières, qui prend part à une partie de squash ou de tennis. Lors d’une accélération soudaine, il ressent un craquement comme un « choc électrique » ou comme s’il avait reçu un « coup de pied » dans son bas mollet. Le plus souvent, il s’agit donc d’un traumatisme indirect (Felix NEUMAYER/ Xavier CREVOISIER/Mathieu ASSAL, Diagnostic et traitement de la rupture du tendon d’Achille, in REVMED 2012, accessible sur internet sous https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-349/diagnostic-et-traitement-de-la-rupture-du-tendon-d-achille#tab=tab-references). Ces termes « traumatisme indirect » semblent exclure un accident et ne signifient pas qu’il s’agirait dans chaque cas d’une déchirure du tendon au sens de l’art. 6 al. 2 let. f LAA.
4.5 Le rapport établi le 3 janvier 2024 par le service de radiologie des HUG à la suite de la radiographie de la cheville du 2 janvier 2024 décrit : « - Absence de lésion ostéo-articulaire post-traumatique aiguë visible. – Rapports anatomiques préservés. – Infiltration de la graisse de Kajer ». Le rapport du 4 janvier 2024 faisant suite à l’IRM du tendon d’Achille du même jour, sous « description », constate quant à lui : « - Aspect convexe du tendon d’Achille avec une solution de continuité en plein corps tendineux mesurant 2 cm, s’étendant jusqu’à la jonction myotendineuse et située environ 5,5 cm de son enthèse calacanéenne, avec un moignon proximal de constituait (sic) 8 cm de l’enthèse calacanéenne. – Importante infiltration des parties molles au pourtour ainsi que de la graisse de Kager ». Puis : « - Intégrité des tendons extenseurs et fléchisseurs. – Intégrité des tendons fibulaires. – Pas de fractures. – Pas de lésion focale osseuse suspecte. – Les rapports articulaires sont préservés. – Pas d’épanchement de l’articulation tibio-talienne significative ». Enfin : « Le reste de l’examen est sans particularité ». La conclusion est : « - Rupture du tendon d’Achille en plein corps tendineux mesurant 2 cm, s’étendant jusqu’à la jonction myotendineuse et située environ 5,5 cm de son enthèse calacanéenne. – Absence d’autre lésion tendineuse mise en évidence ».
Ces constatations et conclusions au plan radiologique n’excluent pas celles de la médecin-conseil E______.
4.6 Enfin, dans un avis du 18 mars 2023 – produit par le recourant –, le médecin‑conseil d’ASSURA, l’assurance-maladie obligatoire de celui-ci, considère qu’il n’y a pas eu d’accident le 28 décembre 2023 mais une déchirure de tendon au sens de l’art. 6 al. 2 let. f LAA, et que ladite lésion est due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, « le fait que cette lésion ait eu lieu en plein corps tendineux et non à son insertion calcanéenne en [attestant] ».
4.7 Vu ce qui précède, l’intimée prouve, sur la base d'évaluations médicales probantes et au degré de la vraisemblance prépondérante, que la rupture du tendon d’Achille gauche en question est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, c'est-à-dire à plus de 50% de l'ensemble des facteurs en cause.
5. La décision sur opposition querellée est conforme au droit, et le recours sera donc rejeté.
Pour l’information du recourant, les séances de physiothérapie peuvent être prises en charge non seulement par l’assurance-accidents (LAA) mais aussi par l’assurance-maladie obligatoire (LAMal).
6. La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le