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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1954/2024

ATAS/762/2024 du 04.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1954/2024 ATAS/762/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 octobre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. La société A______ (ci-après : la société A______), avec siège social à Genève, a notamment pour but l’exploitation d’une ou de plusieurs rôtisseries.

Monsieur B______ en est l’administrateur avec signature individuelle.

b. La société C______, avec siège social à Genève, a notamment pour but l’exploitation d’une centrale d’achat dans le domaine de la restauration.

Monsieur D______ en est l’associé gérant avec signature individuelle et Monsieur E______ en est gérant président, avec signature individuelle.

B. a. Le 9 mai 2022, la société A______ a formé une demande d’allocation pour retour en emploi (ci-après : ARE) pour l’engagement de Monsieur F______ (ci-après : l’employé ou l’assuré), en qualité de cuisinier à 100% dès le 17 mai 2022, pour un salaire mensuel brut de CHF 6'283.-, selon un contrat de travail à durée indéterminée du 16 mai 2022.

b. Par décision du 2 juin 2022, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a accepté la demande d’ARE pour la période du 24 mai 2022 au 23 novembre 2023. La décision mentionnait notamment que pour percevoir la participation financière de l’État, l’employeur devait adresser mensuellement, mais au plus tard dans les trois mois suivant la fin du mois concerné la facture (sans TVA), la fiche de salaire correspondante, le justificatif attestant du versement effectif du salaire net et les copies des décomptes d’assurance perte de gain. Le droit s’éteignait s’il n’était pas exercé dans ce délai.

c. Par courriel du 12 mars 2024, la société A______ a transmis à l’OCE les factures ARE, fiches de salaire et justificatifs de paiement concernant l’ARE de F______ pour les mois d’octobre et novembre 2023.

d. Par décision du 13 mars 2024, l’OCE a informé la société que son droit pour le mois d’octobre 2023 s’était éteint le 1er février 2024 et celui du mois de novembre 2023 s’était éteint le 1er mars 2024.

e. Le 10 avril 2024, la société A______, par l’intermédiaire de la société C______, a invité l’OCE à revenir sur sa décision. D______, associé gérant de C______ et comptable de la société A______, avait été en arrêt maladie depuis la fin du mois de mai 2023. À la fin de l’année 2023, son taux d’activité variait entre 10 et 20%. Les quelques heures de travail ne lui avaient pas permis de faire parvenir les éléments nécessaires à l’indemnisation dans les délais. Il avait une activité fiduciaire et, à ce titre, travaillait seul, si bien qu’il n’avait pas pu se faire remplacer pour ce travail. Bien que le délai de trois mois ait été dépassé, il s’était employé à « tout faire » pour que les éléments soient envoyés selon ses possibilités physiques et psychiques. L’employé était encore en place. Or, le non-paiement de ses indemnités revenait à considérer que l’effort fourni par l’employeur pour sa réinsertion n’était pas reconnu à sa juste valeur, et cela pour des raisons de santé.

Était joint un décompte de prestations en faveur de D______ établi par son assurance en raison d’une incapacité de travail pour cause de maladie de 90% pour la période du 1er au 31 octobre 2023, 80% du 1er novembre 2023 au 13 février 2024 et de 70% du 14 au 29 février 2024.

f. Par décision sur opposition du 10 mai 2024, l’OCE a maintenu sa décision.

L’employeur n’avait apporté aucun élément permettant de revoir la décision litigieuse, étant précisé que le délai de trois mois était clairement indiqué sur la décision du 2 juin 2022, ainsi que les conséquences en cas de dépassement du délai, soit l’extinction du droit. Les explications de D______ ne sauraient être retenues pour justifier son retard. Le fait qu’il ait été en arrêt maladie depuis la fin du mois de mai 2023 ne l’avait pas empêché (ou n’avait pas empêché son employeur) de faire parvenir les documents utiles entre le 25 mai 2023 et le 26 octobre 2023 pour les mois d’avril 2023 à septembre 2023. Il lui appartenait, le cas échéant, de charger un tiers de le faire à sa place, soit en la personne de l’autre gérant de la société C______, soit en la personne de B______, administrateur unique de la société A______, qui avait toujours été la personne de contact mentionnée, notamment sur la demande d’ARE.

C. a. Par acte du 7 juin 2024, la société A______ a recouru devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) contre cette décision, concluant à son annulation et au versement des indemnités litigieuses.

Elle n’avait pas été en mesure de fournir les documents requis en raison de l’état de santé de son comptable. Le délai de trois mois ne devait pas être « traité strico sensu ». Elle sortait d’une période de trois ans très difficile et la décision mettait son fonctionnement en péril. Elle avait confié le mandat de gestion de son restaurant à la société C______, respectivement à D______. Cette collaboration durait, à satisfaction de chaque partie, depuis 2013. Or, depuis fin mai 2023, son comptable était en arrêt maladie. Les certificats produits attestaient du fait qu’il s’agissait d’une maladie psychique, impliquant des difficultés de concentration et de mémoire. B______ avait lui aussi oublié les délais imposés par la décision du 2 juin 2022.

b. Par réponse du 5 juillet 2024, l’OCE a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 7 août 2024, la société A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a produit un certificat médical concernant D______, faisant état d’un état dépressif ayant d’importantes répercussions sur sa capacité de travail et qui n’avait pu que très lentement s’améliorer. Cet état dépressif s’était accompagné d’importantes difficultés attentionnelles qui persistaient malgré l’amélioration de sa dépression. Sa neuropsychologue avait conclu à un déficit de l’attention avec hyperactivité au sens neuro-développemental du terme.

d. La chambre de céans a transmis cette écriture à l’intimé.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 49 al. 3 LMC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimé était fondé à retenir que le droit de la recourante de réclamer l’ARE pour les mois d’octobre et novembre 2023 était éteint.

2.1 La décision querellée a trait aux prestations cantonales complémentaires de chômage prévues par la LMC. Cette dernière ne contenant aucune norme de renvoi, la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) n’est pas applicable (cf. art. 1 et 2 LPGA et art. 2 LMC a contrario).

2.2 La LMC vise à favoriser le placement rapide et durable des chômeurs dans le marché de l'emploi, et à renforcer leurs compétences par l'octroi de mesures d'emploi, de formation et de soutien à la réinsertion. Elle institue pour les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale.

Aux termes de l'art. 30 LMC, les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales peuvent bénéficier d'une ARE s'ils retrouvent un travail salarié auprès d'une entreprise active en Suisse.

L’autorité compétente verse l’allocation de retour en emploi sous forme d’une participation au salaire (art. 36 al. 1 LMC).

2.3 L’octroi de l’allocation de retour en emploi au chômeur donne le droit à son employeur de percevoir la participation au salaire (art. 36A al. 1 LMC). L’allocation de retour en emploi est versée à l’employeur quand celui-ci remet la fiche de salaire, ainsi que la preuve du paiement de celui-ci, à l’autorité compétente au plus tard dans les trois mois suivant la fin du mois concerné. Le droit s’éteint s’il n’est pas exercé dans ce délai (al. 2). Si l’employeur a exercé son droit conformément à l’al. 2, les allocations non versées sont périmées trois ans après la fin du mois pour lequel elles ont été demandées (al. 3).

2.4 Lorsqu'un droit s'éteint par suite de l'expiration du délai dans lequel le titulaire doit l'exercer ou accomplir un acte nécessaire à son exercice, on se trouve en présence d'un délai de péremption ("Verwirkung"; cf. ATF 139 V 244 consid. 3.1; 119 V 298 consid. 4a; arrêt 2C_923/2014 du 22 avril 2016 consid. 6.1). La péremption entraîne la perte d’un droit subjectif par suite de l’expiration dudit délai, à la différence de la prescription qui ne fait que paralyser le droit d’action lié à une créance. C’est la solution qui prévaut généralement dans le domaine des assurances sociales (ATF 139 V 244)

Selon la jurisprudence, la restitution d'un délai échu pour faire valoir un droit à des prestations de l'assurance-chômage peut être accordée s'il existe une excuse valable pour justifier le retard (ATF 117 V 244 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_218/2024 du 13 juin 2024 consid. 4.1 ; 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 2.1 et l'arrêt cité). La restitution peut également s'imposer eu égard au principe de la protection de la bonne foi, en particulier lorsque l'assuré n'a pas agi parce qu'il a été induit en erreur par de faux renseignements donnés par l'autorité. Un assuré ne saurait toutefois se prévaloir de sa méconnaissance du droit (ATF 126 V 308 consid. 2b ; DTA 2000 n° 6 p. 31 consid. 2a). 

Selon la jurisprudence rendue en matière de restitution de délai selon l’art. 41 al. 1 LPGA, disposition non applicable en l’occurrence (cf. supra consid. 2.1) mais dont on peut s’inspirer, par empêchement non fautif, il faut entendre aussi bien l'impossibilité objective ou la force majeure, que l'impossibilité due à des circonstances personnelles ou une erreur excusable. Ces circonstances doivent être appréciées objectivement : est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur – respectivement un mandataire – consciencieux d’agir dans le délai fixé. Un accident ou une maladie peut constituer, selon les circonstances, une cause légitime de restitution du délai au sens des dispositions précitées (ATF 108 V 109 consid. 2c). En revanche, l’ignorance du droit n’est en principe pas une excuse valable pour se voir accorder une restitution de délai (RCC 1968 586 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 63/01 du 15 juin 2001 consid. 2).

3.             En l’espèce, il n’est pas contesté que l’autorité intimée a rempli son obligation d’informer la recourante des conséquences de la non-remise des documents requis dans le délai de trois mois. Cet élément ressort clairement de la décision d’ARE du 2 juin 2022. N’est pas non plus remis en cause le fait que la recourante n’a pas remis à l’autorité compétente la fiche de salaire, ainsi que la preuve du paiement de celui-ci, dans le délai de trois mois prévu à l’art. 36A al. 2 LMC. Il s’agit donc de déterminer si la recourante peut se prévaloir d’une excuse valable justifiant la transmission de ces documents après l’expiration du délai de trois mois, de sorte qu’une restitution du délai pourrait lui être accordée.

La recourante se prévaut de l’état de santé du comptable qu’elle a mandaté pour gérer ses affaires administratives, faisant valoir qu’elle était dans l’impossibilité de transmettre les documents sollicités dans le délai prévu par la loi. Elle produit à cet égard les décomptes de prestations de son assurance pour la période du 1er octobre 2023 au 29 février 2024 ainsi qu’un certificat médical daté du 6 août 2024.

Force est toutefois de constater que, s’il n’est pas remis en question que ses problèmes de santé aient pu avoir une influence sur sa capacité à gérer les affaires administratives de la recourante, le comptable n’a jamais été en incapacité totale de travailler. Ainsi l’affirmation selon laquelle la société recourante était dans l’impossibilité de transmettre les documents sollicités – démarches au demeurant peu contraignantes – doit être appréciée avec circonspection, ce d’autant plus que, selon l’extrait du RC, le comptable n’était pas le seul organe de sa société. Quoi qu’il en soit, il ressort de la décision d’ARE du 2 juin 2022 que la personne de contact était l’administrateur de la recourante, soit B______. Dans cette mesure, on pouvait raisonnablement attendre de celui-ci qu’il soit attentif à l’échéance clairement mise en évidence dans ladite décision. Pour ce motif déjà, la recourante ne saurait se retrancher derrière la maladie du comptable qu’elle a mandaté pour excuser sa passivité entre les mois d’octobre et novembre 2023 et la demande déposée – tardivement – le 12 mars 2024. S’ajoute à cela que les délais pour transmettre les documents relatifs aux mois d’octobre et novembre 2023 sont arrivés à échéance respectivement les 1er février et 1er mars 2024. À cette période, soit plus de neuf mois après le début de la maladie de son comptable (qui aurait commencé en mai 2023), la recourante a eu suffisamment de temps pour demander l’aide d’un tiers, voire de lui confier la gestion de ses affaires. De telles circonstances devaient en effet inciter la recourante à entreprendre les actions nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts, étant rappelé que, de jurisprudence constante, la faute du mandataire ou d'un auxiliaire est imputable à la partie elle-même (arrêt du Tribunal fédéral 1C_110/2008 du 19 mai 2008 consid. 3.1 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_743/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.3 et les références citées). Enfin, le fait que l’administrateur de la recourante ait oublié de transmettre les documents requis ne saurait constituer une excuse valable au sens de la jurisprudence précitée. Ainsi, en l’absence d’excuse valable, le droit de réclamer l’ARE pour les mois d’octobre et novembre 2023 s’est éteint, ce que l’intimé a retenu à juste titre.

Au vu ce qui précède, la décision querellée doit être confirmée.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le