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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1516/2024

ATAS/754/2024 du 03.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1516/2024 ATAS/754/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 octobre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Maître Shayan FARHAD, avocat

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née en ______ 1968, s’est inscrite auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) qui lui a délivré une confirmation d’inscription en date du 10 janvier 2023. Selon ledit formulaire, l’intéressée s’était inscrite en date du 22 novembre 2022 se déclarant apte à travailler à 100 % dès le 1er janvier 2023.

b. Dans sa demande d’indemnité de chômage elle a déclaré que son dernier employeur était la société B______ (ci-après : B______), chez qui elle avait travaillé du 5 mai au 31 décembre 2022 et qui avait résilié le contrat de travail en date du 15 novembre 2022, pour le 31 décembre 2022, étant précisé que le dernier jour de travail effectué correspondait avec le jour de la notification du licenciement, soit le 15 novembre 2022.

c. Sous la rubrique « Justification d’emploi durant les deux ans précédant la demande » l’intéressée a déclaré la société C______, du 1er octobre 2020 au 31 janvier 2022, puis la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC), du 1er février au 2 mai 2022, puis la société B______, du 5 mai au 31 décembre 2022. À la question « Pensez-vous, le cas échéant, introduire une procédure auprès d’un tribunal des prud’hommes ou autres », l’intéressée a répondu par la négative.

d. Par courrier du 17 janvier 2024, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), a informé l’intéressée que ses indemnités fédérales de chômage allaient arriver à leur terme, au vu du délai cadre allant du 1er février 2022 au 31 janvier 2024.

B. a. Par décision du 12 février 2024, la CCGC a refusé de donner suite à la demande d’indemnité présentée par l’intéressée le 1er février 2024 au motif que le délai cadre de cotisation s’étendait du 1er février 2022 au 31 janvier 2024, période pendant laquelle l’intéressée justifiait avoir travaillé auprès de B______ du 1er juin 2022 au 31 mars 2023 soit une période de cotisation de dix mois en lieu et place de douze mois et n’invoquait aucun motif de libération. Par conséquent, les conditions fixées par la loi n’étaient pas respectées et aucune indemnisation ne pouvait lui être allouée.

b. Par courrier de son conseil, daté du 7 mars 2024, l’intéressée s’est opposée à la décision du 12 février 2024, concluant à son annulation et à ce que sa demande d’indemnité soit acceptée. Elle faisait valoir qu’elle avait été employée à plein temps auprès d’C______ du 1er octobre 2020 au 31 janvier 2022 et que les circonstances entourant la fin des rapports de travail avaient donné lieu à un litige qui s’était achevé sur un accord transactionnel, dans le courant de l’année 2023. Elle mentionnait avoir perçu des prestations de l’assurance-chômage pour les mois de février à mai 2022 puis avoir commencé un nouveau travail à plein temps, dès le 3 mai 2022, auprès de la société D______ (ci-après : D______), le contrat de travail de durée indéterminée avait été conclu en date du 14 mars 2022 avec effet au 3 mai 2022. Peu de temps après le commencement des rapports de travail, D______ avait mandaté une société tierce, soit B______, pour assurer les aspects administratifs, juridiques et les ressources humaines en Suisse, raison pour laquelle un nouveau contrat de travail avait été conclu en date du 13 juin 2022 entre B______ et l’intéressée, avec effet au 1er juin 2022, reprenant essentiellement les mêmes conditions de travail que celles prévues dans le premier contrat. De ce fait, l’intéressée avait été employée auprès de D______, « sous la gestion de B______ », du 3 mai 2022 au 31 mars 2023. Le 23 juin 2023, elle avait reçu un montant de CHF 51'000.- versé par C______ et « correspondant à trois mois et demi de son salaire brut de base », ce qui avait mis fin au litige. Par conséquent, l’intéressée considérait avoir cotisé pendant 13 mois et 29 jours durant la période allant du 1er février 2022 au 31 janvier 2024, raison pour laquelle sa demande d’indemnité pour le mois de février 2024 devait être admise.

c. Par décision sur opposition du 28 mars 2024, la CCGC a confirmé sa décision du 12 février 2024. Elle a systématiquement répondu aux arguments de l’intéressée et a refusé de prendre en compte la période supplémentaire de trois mois qui, selon l’intéressée, découlait du montant de CHF 51'000.- qui lui avait été versé par l’employeur C______, au motif que la durée d’activité soumise à cotisations sociales s’examinait au regard de la durée formelle du rapport de travail considéré.

C. a. Par acte de son mandataire, posté en date du 6 mai 2024, l’intéressée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 28 mars 2024. Elle a conclu à l’annulation de ladite décision et à l’octroi de l’indemnité, avec effet rétroactif au 1er février 2024, reprenant dans les grandes lignes les calculs et les arguments qu’elle avait déjà fait valoir au niveau de l’opposition. Elle a, notamment, contesté le fait qu’on ne lui reconnaissait pas l’intégralité de la période de travail qu’elle invoquait, alors même qu’elle avait contribué au financement de l’assurance, même si elle n’était pas employée de facto. Selon elle, cela posait la question de l’enrichissement de l’État à hauteur de CHF 7’605.- au titre des charges sociales auxquelles l’accord transactionnel avec C______ était soumis.

b. Par réponse du 4 juin 2024, la CCGC a confirmé sa précédente décision et a conclu au rejet du recours, en raison du fait que la recourante n’apportait aucun élément nouveau qui lui permettrait de revoir sa position. Les rapports de travail avec C______ s’étaient terminés au 31 janvier 2022, soit antérieurement au délai cadre de cotisation et bien qu’un paiement transactionnel soit intervenu en juin 2023, sous déduction des charges sociales, il n’en restait pas moins que la recourante n’avait exercé aucune activité destinée à l’obtention de revenus soumis à cotisations pendant la durée d’un rapport de travail avec C______, postérieurement à l’ouverture du délai cadre de cotisation.

c. Par réplique du 28 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions, relevant que, si la chambre de céans ne la suivait pas dans ces dernières, alors et par impossible, elle concluait à titre très subsidiaire, que le montant des cotisations sociales prélevées sur le versement de CHF 51'000.- lui soit restitué.

d. Par duplique du 30 juillet 2024, la CCGC a persisté dans ses conclusions au rejet du recours, insistant sur le fait que le contrat de travail qui liait la recourante et C______ avait pris fin le 31 janvier 2022 et qu’elle n’avait donc pas exercé d’activité soumise à cotisations d’assurance-chômage auprès d’C______ durant le délai cadre allant du 1er février 2022 au 31 janvier 2024. Il était reconnu que sur le montant brut de CHF 51'000.- qui avait été versé à la recourante au mois de juin 2023, un montant de CHF 2’979.95 avaient été déduit pour les charges sociales. Le montant correspondant aux cotisations d’assurance-chômage s’élevait à CHF 255.-. Il ne pouvait pas être remboursé à la recourante dès lors que la loi ne prévoyait aucun remboursement de cotisation, dans le cas où le travailleur ne bénéficierait pas de prestations d’assurance-chômage, comme cela ressortait de la jurisprudence de la chambre de céans.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées

f. Les autres faits seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

2. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus par l’intimée du droit aux indemnités chômage de la recourante pour le mois de février 2024, au motif que la condition de la durée des cotisations n’est pas remplie.

3.              

3.1 Aux termes de l’art 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage, entre autres conditions, s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré.

Selon l’art. 9 LACI, des délais-cadres de deux ans s’appliquent aux périodes d’indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la loi (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).

L'art. 13 al. 1 LACI dispose que celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l'al. 2 de cette disposition, compte notamment également comme période de cotisation le temps durant lequel l'assuré est partie à un rapport de travail, mais ne touche pas de salaire parce qu'il est malade (art. 3 LPGA) ou victime d'un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations (let. c).

Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l'assuré destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisation pendant la durée d'un rapport de travail (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 35/04 du 15 février 2006 consid. 2.2 ; ATF 133 V 515 consid. 2.4 et la référence citée). L’art. 13 al. 2 let. a, c et d LACI prévoit que sont assimilées à des périodes de cotisation certaines périodes où aucune cotisation n’est versée malgré l’existence d’un contrat de travail (activité exercée avant l’âge où débute l’obligation de cotiser à l’AVS ; maladie et accident en cours de contrat de travail, lorsque le droit au salaire a pris fin ; maternité ; Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, p. 32). En ce qui concerne plus particulièrement l’art. 13 al. 2 let. c LACI, il s’applique aux cas de maladie et d’accident dans le cadre d’un rapport de travail, lorsque le droit au salaire a pris fin ou lorsque la perte de gain est prise en charge et compensée par le biais d’indemnités journalières versées par une assurance. Est donc déterminant le point de savoir si l’incapacité de travail a eu lieu durant le rapport de travail ou hors de celui-ci, en particulier après une résiliation valable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_645/2014 du 3 juillet 2015). En revanche, lorsque les cas de maladie et d’accident interviennent hors d’un rapport de travail, c’est l’art. 14 al. 1 let. b LACI qui, à certaines conditions, peut trouver application (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage 2014, n. 30 ad art. 13 LACI).

Selon l’art. 11 al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (Ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), chaque mois civil entier durant lequel l’assuré est soumis à cotisations compte comme mois de cotisations. Les périodes de cotisations qui n’atteignent pas un mois civil entier sont additionnées ; trente jours sont alors réputés constituer un mois de cotisations (al. 2). Les périodes assimilées à des périodes de cotisations au sens de l’art. 13 al. 2 LACI et celles pour lesquelles l’assuré a touché une indemnité de vacances comptent de même (al. 3).

3.2 Selon l’art. 14 al. 1 LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3) et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, pour l’un des motifs suivants : formation scolaire, reconversion ou perfectionnement professionnel, à la condition qu’elles aient été domiciliées en Suisse pendant dix ans au moins (let. a) ; maladie (art. 3 LPGA), accident (art. 4 LPGA) ou maternité (art. 5 LPGA), à la condition qu’elles aient été domiciliées en Suisse pendant la période correspondante (let. b) ; séjour dans un établissement suisse de détention ou d’éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature (let. c).

Le motif empêchant l'assuré de remplir les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l'art. 14 al. 1 LACI doit avoir duré douze mois au moins (« 12 mois au total »). Car si la durée de l'empêchement est inférieure à douze mois, l'assuré dispose d'assez de temps pendant le délai-cadre de cotisation pour exercer une activité suffisante soumise à cotisation (ATF 121 V 336 consid. 5b).

4.              

4.1 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.2 La procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense toutefois pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (art. 61 let. c LPGA ; ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; 128 III 411 consid. 3.2). En matière de libération des conditions relatives à la période de cotisation de chômage, les motifs doivent être contrôlables et prouvés. La caisse exigera, en vertu de son devoir d'établir les faits, les éléments de preuve pertinents (Bulletin LACI IC, ch. B185; ATAS/482/2021 du 14 mai 2021 consid. 5.c). Il appartient aux personnes qui invoquent de telles circonstances d’en rendre l’existence hautement vraisemblable. Elles supportent donc le fardeau de la preuve à cet égard (RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, n. 12 ad art. 14 LACI et la référence citée). S'agissant de l’empêchement de travailler, il doit être attesté par un médecin (Bulletin LACI IC, ch. B188).

 

 

5.              

5.1 En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat de travail de la recourante avec la société C______ s’est terminé en date du 31 janvier 2022, ce qui ressort expressément du « Settlement agreement » du 19 juin 2023.

Il n’est pas non plus contesté qu’au 31 janvier 2022, la condition d’une durée de cotisation d’au moins douze mois n’était pas remplie, la recourante concluant en page onze de son recours qu’elle a cotisé pendant une période de dix mois et 29 jours.

De son côté la CCGC considère qu’il y a eu cotisation pendant dix mois et 26.6 jours ; il n’y a pas lieu de se pencher sur la différence de 2.4 jours dans la mesure où, la période de cotisation pendant le délai-cadre de cotisation est ainsi inférieure à douze mois et donc insuffisante au regard de l’art. 13 al. 1 LACI, dont les conditions ne sont, dès lors, pas réunies.

Les parties divergent sur la prise en compte du paiement de CHF 51'000.-, versé postérieurement (en juin 2023) à la fin des rapports de travail (le 31 janvier 2022), dans le calcul de la durée des cotisations.

La recourante allègue que le montant de CHF 51'000.- correspond à plus de trois mois de salaire et en tire la conséquence qu’il faut ajouter trois mois de cotisations aux dix mois et 26.6 jours admis par la CCGC, aboutissant ainsi à une durée de dix mois + 26.6 jours + trois mois, soit une durée plus longue que les douze mois de cotisation ouvrant le droit à l’indemnité.

L’art. 13 al. 2 LACI permet de prendre en compte, comme périodes de cotisation, le temps durant lequel l’assuré a exercé certaines activités, or aucune des conditions limitativement énumérées sous lettres a à d, n’est remplie soit l’exercice d’une activité en qualité de travailleur sans avoir atteint l’âge où l’on est tenu de payer des cotisations AVS (let. a), ou le fait d’avoir servi dans l’armée ou un service civil ou dans la protection civile ou accomplie un cours obligatoire d’économie familiale (let. b), ou, bien que partie à un rapport de travail ne pas avoir perçu de salaire en raison d’une maladie ou d’un accident (let. c), ou avoir interrompu son travail pour cause de maternité (let. d).

Partant, le montant de CHF 51'000.- dont il est question ne correspond à aucune activité assimilée à une période de cotisation et ne peut donc pas être pris en compte de ce chef.

L’art. 11a LACI permet également de prendre en compte les prestations volontaires de l’employeur en cas de résiliation des rapports de travail. Dans un tel cas, la perte de travail n’est pas prise en considération, tant que la prestation volontaire versée par l’employeur couvre la perte de revenus résultant de la résiliation des rapports de travail (al. 1).

À cet égard Boris RUBIN précise dans son Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, Genève-Zurich-Bâle, 2014, ad. art. 11a LACI, N. 5, que par prestations volontaires il faut comprendre, dans un sens large, des indemnités de départ qui excèdent ce à quoi la loi donne droit à la fin du contrat de travail. Il peut s’agir notamment de prestations reposant sur un contrat mais seulement pour la part qui excède ce que la loi prévoit. Ce qui est décisif, c’est le caractère volontaire de la prestation versée par l’employeur à la fin du rapport de travail.

Il résulte de ce qui précède que le montant de CHF 51'000.- peut être considéré comme une prestation volontaire au sens de l’art. 11a LACI. La prise en compte de ces prestations est réglée par l’article 10f de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02) qui précise que les périodes pendant lesquelles la perte de travail n’est pas prise en considération en raison du versement, par l’employeur, de prestations volontaires sont assimilées à des périodes de cotisation. Ainsi, une période de cotisation résultant de prestations volontaires peut être prise en compte pour déterminer le délai de carence.

La prise en compte de ces prestations volontaires est toutefois limitée (al. 2) à la part qui dépasse le montant maximum visé à l’art. 3 al. 2 LACI, soit 2.2 % jusqu’au montant maximal du gain mensuel assuré dans l’assurance accidents obligatoire. À teneur de l’art. 22 al. 1 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), le montant maximum du gain assuré s’élève à CHF 148'200.- par année et à CHF 406.- par jour.

Or, le montant des prestations volontaires, par CHF 51'000.-, est inférieur au montant maximum du gain assuré, par CHF 148'200.- ; partant, il ne permet pas d’instaurer un délai de carence qui serait assimilé à une période de cotisation.

Pour en revenir au raisonnement de la recourante selon lequel il y aurait lieu de diviser l’indemnité de CHF 51'000.- par le montant du salaire mensuel, soit CHF 15'000.-, pour en tirer la conséquence, qu’il correspondrait à plus de trois mois de salaire, ce raisonnement ne repose sur aucune disposition légale ou réglementaire.

S’ajoute à cela que l’on peut difficilement assimiler le montant de CHF 51'000.- À du salaire, dès lors que, comme on le verra plus en détail infra, il s’agit d’un règlement pour solde de tout compte, qui n’a pas pour seule origine des prétentions salariales de la recourante, mais des prétentions en indemnité morale pour licenciement abusif, des prétentions en paiement des vacances qui n’avaient pas été prises, des prétentions en contre-valeur d’actions de la société, des prétentions en paiement d’un bonus et enfin des prétentions en remboursement des frais d’avocat. Partant, il est spécieux d’alléguer que le montant de CHF 51'000.- correspondrait, purement et simplement, au paiement de plus de trois mois de salaire.

5.2 Dans un second grief, la recourante soulève la question de l’enrichissement de l’État, en se référant à l’arrêt du Tribunal fédéral rendu en date du 31 octobre 2022, dans la cause 2C_546/2021, qui rappelle que les versements à titre de réparation du tort moral visés par l'art. 24 let. g LIFD ont pour objectif de réparer le tort moral subi en raison d'atteinte aux droits de la personnalité et qu’il serait choquant qu’ils soient soumis à l’impôt « car l'Etat s'enrichirait alors du malheur de ses citoyens » (consid. 5.2).

Dans un arrêt du 17 avril 1997 (ATF 123 V 5) le Tribunal fédéral, avait déjà considéré que, contrairement au salaire de remplacement au sens de l'art. 337c al. 1 CO, les « indemnités » prévues aux art. 336a et 337c al. 3 CO ne faisaient pas partie du salaire. La Cour de céans a appliqué le même principe et l’a étendu aux cotisations sociales, en exonérant entièrement les indemnités « pour tort moral et/ou congé abusif/injustifié » (arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 27 mai 2014, ATA/364/2014, consid. 11 et 13). 

L’état de fait de l’arrêt du 31 octobre 2022, mentionné par la recourante se rapporte au cas d’un employé qui avait fait l’objet d’un licenciement abusif et dont l’indemnité qui lui avait été versée par son employeur au titre de réparation du dommage causé par le licenciement abusif avait fait l’objet d’une taxation par l’autorité fiscale cantonale. Le Tribunal fédéral a commencé par examiner quelle qualification devait être donnée à l’indemnité qui avait été versée à l’employé. Comme dans la présente espèce, il n’y avait pas eu de jugement rendu par une autorité prud’homale mais l’introduction d’une cause devant cette autorité, qui s’était terminé par une transaction. Dès lors qu’aucun tribunal ne s’était prononcé sur la qualification de cette indemnité, le Tribunal fédéral s’est livré à l’interprétation de la transaction judiciaire, rappelant qu’il s’agit d’un contrat, pour lequel il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties (art. 18 CO; cf. ATF 143 III 564 consid. 4.4.1), ce qui relève du fait (cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2.2). Si le juge ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle, il doit rechercher, dans un second temps, le sens objectif que le destinataire pouvait et devait raisonnablement donner de bonne foi aux déclarations de volonté de l'auteur selon le principe de la confiance (cf. ATF 144 III 93 consid. 5.2.3).

Il a observé qu’il s’agissait d’une procédure pour licenciement abusif, aux termes de laquelle l'ancien employeur avait accepté de verser une indemnité, équivalente à plus de 80% du montant réclamé, sans formuler la moindre réserve de responsabilité ; partant il ne lui apparaissait pas insoutenable de retenir, à l'instar du Tribunal cantonal, que la transaction comportait une reconnaissance du caractère abusif du licenciement.

En l’occurrence, et en se référant au « Settlement agreement » (ci-après : la convention) conclue par l’intéressée et C______, en date du 19 juin 2023, il sied d’interpréter ladite convention, rédigée en langue anglaise, afin de déterminer la nature de la somme versée par CHF 51'000.-.

Le préambule de la convention stipule (traduction libre) que le contrat de travail a débuté le 1er octobre 2020 et qu’en date du 27 octobre 2021, C______ a résilié ledit contrat avec effet au 31 décembre 2021. En raison d’une incapacité de travail intervenue pendant le délai de résiliation, le contrat de travail s’est terminé en date du 31 janvier 2022.

Le contrat de travail (pièce 7, chargé intimée) prévoit un délai de congé d’un mois pendant la première année de service puis de deux mois à partir de la deuxième année (art. 6). Il stipule qu’en plus de son salaire, l’employée est éligible à participer au plan d’acquisition d’actions d’C______ (art. 3) et qu’un bonus discrétionnaire peut lui être octroyé sans que ce dernier ne soit garanti, ni dans son montant, ni dans son principe (art. 4).

Selon les termes de la convention, le délai de résiliation de deux mois a été respecté, il n’y a pas eu de résiliation pour justes motifs, ce qui est confirmé par le texte de la lettre de licenciement datée du 27 octobre 2021, rédigée en anglais, qui ne mentionne pas le motif du licenciement et renvoie à une réunion qui a eu lieu le même jour. L’intéressée a été libérée de son obligation de travailler et invitée à prendre son solde de vacances pendant cette période. La lettre de licenciement se termine par la mention que la société remercie particulièrement l’intéressée pour tout ce qu’elle a fait pour la société durant ces treize mois et lui adresse ses meilleurs vœux pour la suite.

À la lecture de la lettre de licenciement et du contrat de travail, les dispositions légales ont été respectées et aucun indice ne permet de considérer que le licenciement serait abusif.

À teneur de la convention du 19 juin 2023, l’intéressée aurait introduit une demande en paiement devant le tribunal des prud’hommes, en date du 7 novembre 2022 (soit plus de neuf mois après la fin des rapports de travail), réclamant à C______ les montants suivants :

-        CHF 90'000.- en raison d’un licenciement prétendument abusif ;

-        CHF 12'008,70 en paiement de vacances qui n’avaient prétendument pas été prises ;

-        CHF 150'000.- en tant que contre-valeur prétendue de 50 actions C______ ;

-        CHF 36'000.- en raison d’un prétendu bonus ;

-        CHF 20’473.70, en remboursement des frais d’avocat.

Il est mentionné qu’C______ conteste les griefs de l’intéressée et que les parties désirent mettre amicalement fin à leur litige par une convention.

Sous ch. 1 de la convention, C______ accepte de payer le montant brut de CHF 51'000.- sans aucune reconnaissance de responsabilité ou d’une quelconque obligation et à titre de transaction finale.

Sous ch. 2 de la convention, l’intéressée, à réception du paiement du montant de CHF 51'000.- retirera sa demande en paiement déposé devant le tribunal des prud’hommes avec désistement d’action et d’instance.

Contrairement au cas visé par l’arrêt du Tribunal fédéral du 31 octobre 2022 (cf. supra), les prétentions de l’intéressée ne portent pas exclusivement sur une indemnité pour tort moral en raison d’un licenciement abusif, mais également sur le paiement des vacances, sur le rachat d’actions de la société, sur le paiement d’un bonus et enfin sur le remboursement des frais d’avocat.

Les termes de la convention sont clairs, en ce sens que l’employeur n’a reconnu aucune responsabilité du fait du licenciement.

Le total des prétentions de l’intéressée devant le tribunal des prud’hommes s’élevait à CHF 310'280,40 et le montant final versé par C______, en application de la convention, est de CHF 51'000.- soit environ 16 % du montant réclamé.

Dès lors, vu l’exclusion de responsabilité de l’employeur, la divergence importante entre le montant réclamé et le montant finalement versé, la diversité des prétentions de l’intéressée - dont quatre griefs sur cinq ne concernent pas un licenciement abusif - on ne saurait considérer que le montant de CHF 51'000.- ne concerne que l’indemnité pour un prétendu licenciement abusif et devrait être, à ce titre, exonéré du prélèvement des cotisations sociales.

Partant, le grief d’enrichissement de l’État sur le « malheur de ses citoyens » doit être écarté.

5.3 Enfin, la recourante conclut, à titre très subsidiaire, au remboursement des cotisations sociales liées à l’indemnité chômage, prélevées sur le montant de CHF 51'000.-

Comme l’a relevé l’intimée, l’art. 2 al. 1 let. a LACI prévoit que le travailleur qui s’est assuré en vertu de la LAVS et qui doit payer des cotisations sur le revenu d’une activité salariée en vertu de cette loi est tenu de payer des cotisations de l’assurance-chômage. La LACI ne prévoit en particulier aucun remboursement de cotisations dans le cas où le travailleur ne bénéficierait pas de prestations de l’assurance-chômage (cf. ATAS/323/2015, consid. 5b et ATAS/32/2021, consid. 8). Ce grief doit donc également être écarté.

A l’aune de ce qui précède, la décision de l’intimée ne peut qu’être confirmée.

6.

6.1 Le recours sera donc rejeté.

6.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le