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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4621/2011

ATA/364/2014 du 20.05.2014 sur JTAPI/1317/2012 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4621/2011-ICC ATA/364/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 mai 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 octobre 2012 (JTAPI/1317/2012)


EN FAIT

1) Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les époux B______) sont contribuables dans le canton de Genève.

2) Les époux B______ n’ayant pas remis leur déclaration fiscale 2010 dans le délai, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) leur a adressé le 23 juin 2011, une sommation par pli recommandé. Ils étaient invités à remédier à cette omission dans un délai de dix jours. Ils pouvaient solliciter, s’ils le désiraient, une demande de prolongation soit par téléphone soit sur le site internet de l’AFC. Leur attention était attirée sur les dispositions des art. 37 et 68 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

3) Les époux B______ n’ayant pas retourné leur déclaration fiscale, l’AFC leur a notifié, le 20 septembre 2011, un bordereau de taxation d’office. Une amende de CHF 500.- leur a été infligée.

4) Le 23 septembre 2011, l’AFC a reçu la déclaration fiscale 2010 des époux B______. Selon les mentions figurant en bas de page de cette dernière, elle avait été imprimée le 22 septembre 2011.

5) Le 5 décembre 2011, l’AFC a notifié aux époux B______ un bordereau rectificatif concernant l’imposition de l’année fiscale 2010. L’amende de CHF 500.- était maintenue.

6) Le 14 décembre 2011, les époux B______ ont saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision précitée.

Ils ne contestaient pas ne pas avoir renvoyé leur déclaration dans les délais pour des raisons indépendantes de leur volonté. Cependant, ils n’avaient jamais reçu une quelconque sommation et n’avaient pas enfreint par négligence ni intentionnellement une quelconque obligation.

7) Le 18 avril 2012, l’AFC a conclu au rejet du recours. La taxation d’office avait été précédée d’une sommation, adressée en courrier recommandé, qui n’avait pas été retournée par l’entreprise La Poste à l’AFC.

8) Le 21 mai 2012, les époux B______ ont maintenu leur position. Ils ne comprenaient pas l’obligation précise qu’ils auraient enfreinte. Ils n’avaient pas trouvé trace du rappel recommandé qui leur aurait été adressé le 23 juin 2011.

M. B______ s’était vu diagnostiquer dans le courant du mois de mai 2011 un trouble du déficit de l’attention, qui le handicapait grandement dans l’accomplissement de ses obligations tant familiales que professionnelles. Cette pathologie se traduisait notamment par une incapacité à mémoriser ou à rester concentré sur une page quelconque. L’intéressé avait commencé à suivre un traitement médicamenteux au début du mois de mai 2011, mais n’avait pas recouvré totalement les capacités lui permettant de remplir pleinement son rôle social. Il n’avait plus de revenus depuis la fin de l’année 2010.

9) Le 8 juin 2012, l’AFC a persisté dans les termes de sa décision. Ce n’était qu’au stade de la réplique que les époux B______ invoquaient des problèmes de santé de l’un d’entre eux, sans toutefois les établir. En tout état, des démarches liées à la déclaration d’impôt 2010 pouvaient parfaitement être effectuées par Mme B______.

10) Le 13 juin 2012, l’AFC a transmis au TAPI une attestation de La Poste dont il ressortait que la sommation recommandée, déposée le 23 juin 2011, avait été remise à ses destinataires le lendemain.

11) Par jugement du 29 octobre 2012, le TAPI a rejeté le recours et confirmé le bordereau d’amende litigieux. Les époux B______ n’avaient pas remis leur déclaration fiscale dans le délai de dix jours fixé par le courrier de sommation qui leur avait été transmis par recommandé. Les problèmes de santé n’étaient aucunement établis ; rien n’empêchait l’épouse d'effectuer les démarches nécessaires.

12) Le 7 décembre 2012, les époux B______ ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité. Ils n’avaient pu prendre connaissance de l’attestation de La Poste concernant le retrait de la sommation. Même s’ils avaient pu recevoir ce document, il n’aurait pas été possible pour eux de respecter le délai de dix jours, lequel était trop court pour permettre de remettre une déclaration conforme à la vérité et complète. M. B______ travaillait à l’élaboration de ce document depuis plusieurs mois, et n’avait pas réussi à le finaliser du fait de sa maladie, élément qu’il mettait en avant et constituait un motif sérieux d’empêchement.

Les difficultés auxquelles l’époux avait été confronté à l’époque n’avaient pas permis à son épouse de réaliser que les choses étaient hors de contrôle.

Ils sollicitaient un délai pour transmettre le certificat médical.

13) Le 7 janvier 2013, les époux B______ ont transmis un certificat médical du Docteur Miguel MARSET, psychothérapeute FMH, lequel certifait que l’époux était suivi dans son cabinet depuis le 11 mai 2011 pour un syndrôme de déficit de l’attention avec hyperactivité, apparu dès son enfance. Ce syndrôme se caractérisait par des difficultés à garder son attention et sa concentration, une hyperactivité physique et psychique et une disrégulation émotionnelle. Parmi les dysfonctionnements plus fréquemment observés dans sa problématique psychique, il y avait des oublis et des retards dans ses obligations et dans la gestion de ses affaires administratives.

14) Le 23 janvier 2013, l’AFC a conclu au rejet du recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

Les problèmes médicaux rencontrés par l’époux ne pouvaient être considérés comme un cas de force majeure. Ce dernier exerçait des fonctions exigeantes élevées puisqu’il était associé-gérant avec signature individuelle de deux sociétés à responsabilité limitée, directeur d’une troisième société du même genre et exploitant une entreprise individuelle.

Les époux B______ avaient la possibilité de requérir une prolongation de délai pour le retour de leur déclaration et il appartenait à l’épouse, contribuable au même titre que son époux, de retourner la formule de réclamation complétée dans le délai. De plus, le certificat médical produit n’attestait pas que l’époux était en incapacité totale de gérer ses affaires entre les mois de mars et d’août 2011.

15) Le 1er mars 2013, les époux B______ ont exercé leur droit à la réplique. Le fait que l’époux soit inscrit au registre du commerce dans des fonctions dirigeantes élevées ne démontraient en aucune manière une capacité d’exercer de manière effective ses responsabilités entre les mois de mars et d’août 2011. L’époux avait consulté un médecin en mai 2011 précisément parce qu’il n’était plus capable de gérer ses affaires ni même de donner à un tiers des instructions nécessaires pour les faire. L’acharnement de l’AFC était disproportionné. Au surplus, ils avaient remis leur nouvelle déclaration d’impôt à l’AFC le 15 mai 2012, et celle-ci n’y avait pas encore donné suite, alors même qu’une somme de CHF 9'000.- devrait selon leur calcul leur être restituée.

16) Le 4 mars 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 26 al 3 LPFisc, le contribuable qui omet de déposer la formule de déclaration d’impôt ou qui dépose une formule incomplète est invité à remédier à l’omission dans un délai raisonnable.

L'alinéa 4 de cette disposition précise que le contribuable qui dépasse le délai imparti pour remettre sa déclaration est excusé s’il établit que, par suite de service militaire, de service civil, d’absence du pays, de maladie ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de remplir cette obligation en temps utile et qu’il s’en est acquitté dans les trente jours après la fin de l’empêchement.

b. Selon la jurisprudence, la maladie peut être considérée comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, si elle met l'administré ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (Arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2012 du 26 juin 2012 ; Hugo CASANOVA/Martin ZWEIFEL, Steuerverfahrensrecht Direkte Steuern, 2008, p. 65). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée). Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre (ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; ATA/744/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/38/2011 du 25 janvier 2011 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2007, ad art. 133, n. 14 et 15, p. 1283).

c. Le contribuable qui, malgré une sommation, ne dépose pas une déclaration d’impôt ou les annexes qui doivent l’accompagner est punissable par une amende de CHF 1000.- au plus, ce montant étant de CHF 10'000.- dans les cas graves ou en cas de récidive (art. 68 al. 1 let. a et al. 2 LPFisc).

d. L'art. 16 al. 1 LPFisc indique que chacun des époux vivant en ménage commun est un contribuable, ces derniers exerçant néanmoins les droits et s’acquittant des obligations qu’ils ont en vertu de la législation fiscale de manière conjointe.

3) En l'espèce, les recourants admettent ne pas avoir déposé leur déclaration fiscale 2010 dans le délai que l'AFC leur avait imparti. Cette administration a démontré par pièce avoir adressé aux époux B______ une sommation, sans que ces derniers ne réagissent ou ne sollicitent un nouveau délai.

La maladie dont souffre M. B______, établie par un certificat médical, ne présente pas une gravité et une imprévisibilité suffisante pour que l'on puisse admettre qu'elle permette la restitution du délai. En tout état, Mme B______, qui n'était pas atteinte dans sa santé, pouvait, soit d'elle-même soit à la demande de son époux, effectuer les démarches nécessaires.

Dans ces circonstances, c'est à juste titre que l'AFC a considéré que le retard dans le dépôt de la déclaration d'impôt n'était pas excusable.

4) Lorsqu'elle inflige une sanction, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer son montant (André GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 646-648 ; ATA/693/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/632/2001 du 9 octobre 2001). La chambre de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/410/2007 du 28 août 2007 consid. 20 ; ATA/317/2007 du 12 juin 2007 consid. 7). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/518/2004 du 8 juin 2004).

En l'espèce, la quotité de l'amende, fixée à CHF 500.-, est proportionnée par rapport à la peine menace de l’art. 68 al. 1 LPFisc et au retard reproché au recourants.

L’AFC n'a ainsi pas outrepassé son pouvoir d'appréciation et la quotité de cette sanction sera confirmée.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 500.- sera, conjointement et solidairement, mis à la charge de Mme et M. B______. (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 décembre 2012 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 octobre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge, conjointe et solidaire, de Madame A______ et Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ et à Monsieur B______, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :