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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/804/2024

ATAS/738/2024 du 27.09.2024 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/804/2024 ATAS/738/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1956, divorcé depuis le 11 janvier 2023, a trois enfants nés en 1991, 1992 et 2000. Il perçoit un montant de CHF 2'002.- à titre de rente AVS et de CHF 804.- à titre de rente d’enfant.

b. De 1997 à 2012, il était l’administrateur de la société B______. Celle-ci est tombée en faillite par jugement du 18 août 2011. Ont également été administrateurs de cette société : Madame C______, de 1996 à 2012 et Monsieur D______, de 1997 à 2012.

B. a. La procédure en faillite de cette société a laissé à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) un découvert d’un montant de CHF 48'762.60 de cotisations sociales d’employeurs impayées.

b. Par décision du 22 janvier 2013, la caisse a demandé la réparation du dommage subi par le non-paiement des cotisations paritaires auprès de l’assuré à concurrence de CHF 38'367.-.

c. Par décision sur opposition du 6 août 2013, la caisse a ramené le dommage à CHF 36'498.45.

Le recours contre cette décision a été rejeté par la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) par arrêt du 29 avril 2014 (ATAS/540/2014).

C. a. Le 17 août 2023, la caisse a invité l’assuré à lui fournir les informations et documents permettant de déterminer sa situation financière et familiale.

b. Ses demandes sont restées sans réponse.

c. Le 8 novembre 2023, la caisse a informé l’assuré qu’elle compenserait le montant encore dû de CHF 22'998.40 par des retenues de rente mensuelles de CHF 250.- dès décembre 2023.

d. Le 24 novembre 2023, l’assuré a fait opposition à cette décision.

e. Par décision sur opposition du 8 février 2024, la caisse a maintenu sa décision. Elle ne pouvait que constater un manque de collaboration évident de la part de l’assuré qui ne lui avait fait parvenir aucun élément relatif à sa situation financière, ce qui l’empêchait d’appliquer les normes légales en vigueur relatives à sa situation financière. Un couple marié devait disposer d’un montant de CHF 1'700.- par mois pour couvrir les frais alimentaires, les vêtements et leur entretien, les soins corporels et de santé, l’entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels ainsi que les dépenses pour l’éclairage, le courant électrique ou le gaz pour la cuisine. Enfin, elle a précisé qu’un accord pour solde de tout compte pour le paiement d’un montant de CHF 10'000.- avait été accepté par l’assuré mais que celui-ci n’avait pas respecté son engagement, si bien que l’accord était « devenu définitivement caduc ».

D. a. Par acte du 6 mars 2024, l’assuré a recouru devant la CJCAS contre cette décision. Il n’avait jamais pu obtenir un décompte de la créance réclamée aux trois administrateurs ainsi que des montants versés à ce jour par les autres parties solidairement responsables depuis le début du litige en 2010. Les différents montants qui lui avaient été réclamés étaient les suivants :

-          CHF 38'367.40 le 22 janvier 2013 ;

-          CHF 36'498.45 le 26 février 2015

-          CHF 32'508.40 le 20 avril 2023 ;

-          CHF 10'000.- le 4 mai 2023 ;

-          CHF 22'998.40 le 8 novembre 2023.

D______ devait à la caisse plus de CHF 100'000.- au moment de la faillite. Il était « normal et juste » que la caisse retienne un montant sur sa rente plutôt que sur la sienne.

b. Par réponse du 3 avril 2024, la caisse a conclu au rejet du recours. Elle ne pouvait que constater un manque de collaboration évident de la part du recourant qui ne lui avait fait parvenir aucun élément relatif à sa situation financière, ce qui empêchait l’application précise des normes légales en vigueur relatives à l’établissement de sa situation financière et donc du minimum vital. Elle persistait ainsi dans les conclusions de sa décision de retenue sur rente et cela jusqu’à ce que l’assuré lui fasse parvenir l’ensemble des éléments requis par la loi pour la détermination précise de son minimum vital. Le montant de retenue de CHF 250.- était objectivement loin d’être prohibitif, ce qui justifiait amplement sa mise en place immédiate. Le recourant ne faisait valoir aucun argument concernant l’atteinte à son minimum vital. Il ressortait des derniers éléments du dossier que son épouse travaillait et donc que le montant global des revenus du couple devait être largement supérieur.

Elle a produit un extrait de compte de cotisations paritaires pour la période de janvier 2011 à mars 2024, faisant état d’un solde à hauteur de CHF 21'998.40, ainsi qu’un relevé des paiements effectués par les administrateurs, d’où il ressort qu’au mois de mars 2023, C______ a remboursé un montant de CHF 25'764.- et l’assuré un montant de CHF 1'000.-, soit CHF 250.- durant quatre mois.

c. Par arrêt incident du 5 avril 2024, la CJCAS a refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

d. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans et la recevabilité du recours ont été examinées dans l'arrêt incident du 9 octobre 2023. Il suffit d'y renvoyer.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA - RS 830.1) s'appliquent à l'AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS n'y déroge expressément.

3.             Le litige a pour objet la compensation opérée par l’intimée sur la rente de vieillesse du recourant dès décembre 2023.

4.              

4.1 En principe, le droit aux rentes est soustrait à toute exécution forcée (art. 20 al. 1 LAVS).

Toutefois, aux termes de l'art. 20 al. 2 let. a LAVS, les créances découlant de la LAVS peuvent être compensées avec des prestations échues. Contrairement à la teneur littérale de cette disposition, la caisse de compensation a non seulement le droit mais aussi l'obligation, dans le cadre des prescriptions légales, de compenser des cotisations dues, frais de poursuites et autres frais administratifs avec des prestations échues (ATF 115 V 341 consid. 2a et les références citées). La compensation opérée avec une rente mensuelle n'est toutefois possible que dans la mesure où le montant retenu sur la rente mensuelle ne touche pas le minimum vital de la personne tenue à restitution (ATF 128 V 50 consid. 4a).

4.2 En raison de la nature des créances qui sont en jeu et compte tenu de
l'art. 125 ch. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse, du 30 mars 1911 (CO ‑ RS 220), la créance d'une institution de sécurité sociale ne peut être compensée avec une prestation due à un assuré, si de ce fait les ressources de celui-ci descendent au-dessous du minimum vital au sens de l'art. 93 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1 ; ATF 138 V 235 consid. 7.2 ; 136 V 286 consid. 6.1 ; 130 V 505 consid. 2.4 ; 128 V 50 consid. 4a ; 115 V 341 consid. 2c ; 113 V 280 consid. 5b ; 111 V 99 consid. 3b ; 107 V 72 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2013 du 14 novembre 2013 consid. 2.1 et les références).

Pour le calcul du minimum vital de l'assuré, il convient d'appliquer les règles du droit des poursuites (ATF 131 V 252 consid. 1.2 ; 115 V 343 consid. 2c).

L'art. 93 al. 1 LP prévoit que les biens relativement saisissables, tels que les pensions et prestations de toutes sortes destinées notamment à couvrir une perte de gain, ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie ; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, ne les menace dans leur vie ou leur santé ou ne leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne,
c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2, JT 2008 II 328 ; 108 III 60 consid. 3, JT 1984 II 95 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B.77/2002 du 21 juin 2002 consid. 2.1 ; Michel Ochsner, Le minimum vital [art. 93 al. 1 LP] in SJ 2012 II 119, spéc. p. 126). La détermination du minimum indispensable est une question d'appréciation (ATF 134 III 323 consid. 2).

Même s'il existe un pouvoir d'appréciation étendu pour tenir compte des spécificités du cas d'espèce, l'application des normes d'insaisissabilité édictées par les autorités cantonales de surveillance, complétées par la jurisprudence, permet d'assurer dans une large mesure le respect du principe d'égalité entre débiteurs réduits au minimum vital en fonction de leur situation particulière (OCHSNER, Commentaire romand de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 75-79 ad art. 93 LP)..

D'un point de vue temporel, l'examen du minimum vital nécessite que l'on se place au moment où le recourant doit s'acquitter de sa dette, soit au plus tard au moment de la décision de compensation litigieuse (ATF 113 V 254 consid. 4b ; 104 V 61). Le juge des assurances sociales peut cependant exceptionnellement tenir compte de faits nouveaux, postérieurs au prononcé de la décision de la caisse (ATF 104 V 61).

Les caisses doivent élucider avec précision la situation personnelle de l'intéressé (la fortune et les revenus effectifs, coûts de soutien et de formation). L’élément déterminant est l’ensemble de la situation économique de l'intéressé, y compris le revenu et la fortune du conjoint, respectivement du partenaire enregistré, et des personnes [enfants] qui font ménage commun avec lui (DIN 3043 et not. RCC 1981 p. 516 et ATF 120 V 271 consid. 5cc).

Les normes d'insaisissabilité pour l'année 2023 (NI-2023) prévoient que, dans le canton de Genève, le montant de base mensuel pour un adulte vivant seul s'élève à CHF 1'200.-, pour un débiteur monoparental CHF 1'350.-, pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec des enfants à CHF 1'700.-, et pour les enfants, par enfant, à CHF 400.- jusqu'à l'âge de 10 ans et à CHF 600.- au-delà de cet âge (E 3 60.04).

Lors du calcul du minimum vital, la dette de cotisations n'est pas prise en compte; les intérêts passifs ne sont pas déductibles, sauf s'il s'agit d'intérêts hypothécaires en relation avec le logement du débiteur ou d'autres besoins vitaux de celui-ci; les revenus et la fortune du conjoint sont pris en compte (ATF 120 V 274 consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral H 66/03 du 28 avril 2003).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'intéressé (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge, respectivement l'administration. Ce principe n'est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (ATF 122 V 157 consid. 1a), lequel comprend en particulier l'obligation pour les parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références citées).

5.             En l'espèce, dans la décision entreprise, l’intimée s’est fondée sur les éléments connus au moment où elle a statué, à savoir que le recourant percevait un montant de CHF 2'002.- par mois à titre de rente AVS et de CHF 804.- à titre de rente d’enfant. Tenant compte du fait qu’un couple devait disposer d’un montant minimum de CHF 1’700.- par mois, elle a retenu qu’une retenue de CHF 250.- ne devait pas toucher son minimum vital.

L’intimée a expliqué, sans avoir été contestée sur ce point, qu’elle a requis à plusieurs reprises du recourant qu’il lui fasse parvenir les éléments nécessaires relatifs à sa situation familiale et financière. Il n’y a toutefois jamais donné aucune suite. Il n’est ainsi pas possible de déterminer si le recourant se trouve dans la situation d’un débiteur seul, d’un débiteur monoparental ou d’un couple avec des enfants, étant précisé que selon l’extrait du registre de l’OCPM, l’intéressé est divorcé depuis janvier 2023. Toutefois, dans la mesure où l’intimée s’est fondée sur le montant de base mensuel maximum, soit CHF 1'700.- pour un couple marié, cet élément n’apparaît pas décisif pour l’issue du litige.

Ainsi, compte tenu des pièces au dossier, on ne saurait reprocher à l’intimée d’avoir retenu un montant de CHF 250.- sur la rente AVS du recourant. C’est le lieu de préciser que, dans sa réponse devant la chambre de céans, l’intimée a relevé que, selon les « derniers éléments connus », « la femme du recourant » travaillait, si bien que le montant global du couple devait être largement supérieur. Le recourant – qui n’a pas répliqué – n’a pas contesté cet élément. Or, l'existence d'autres ressources que la rente AVS du recourant pourrait avoir une incidence sur le calcul du minimum vital selon l'art. 93 al. 1 LP dans la mesure où l'existence d'autres ressources pourrait permettre d'augmenter la part saisissable du revenu du débiteur. Dans ces circonstances, quand bien même la situation financière du recourant n'a pas pu être établie avec certitude, faute de sa collaboration, il doit être retenu qu'il est établi, avec le degré de vraisemblance prépondérant requis par la jurisprudence, que la décision de compenser sa rente AVS n'atteint pas son minimum vital.

La décision entreprise doit partant être confirmée.

En tant que le recourant se plaint de ce qu’il n’aurait jamais reçu un « décompte de la créance réclamée » faisant notamment état des montants versés par les autres administrateurs, force est de retenir que sa conclusion a perdu son objet, l’intimée ayant produit l’extrait de compte de cotisations paritaires du 2 avril 2024. Il en ressort en particulier que C______ a procédé à un remboursement d’un montant de CHF 25'764.-, qui est venu en déduction de la dette des administrateurs.

Quant à l’allégation selon laquelle la caisse aurait adopté une attitude peu compréhensible en sollicitant des montants variés à des périodes différentes, l’intimée a dûment expliqué que le montant de CHF 10'000.- requis le 4 mai 2023 avait été proposé à titre d’accord pour solde de tout compte. Le recourant n’avait toutefois pas respecté son engagement si bien que cette proposition était devenue caduque. Pour le reste, les montants requis trouvent leur fondement dans l’extrait de compte du 2 avril 2024.

Enfin, la chambre de céans donne acte à la caisse de ce qu’elle invite l’assuré à collaborer à l’instruction et à lui faire parvenir l’ensemble des éléments requis par la loi pour la détermination précise de son minimum vital. 

Le recours est partant rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le